Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 17 février 2010 à 21h30
Récidive criminelle — Article 5 bis, amendement 45

Michèle Alliot-Marie, ministre d'État :

En préambule, je voudrais préciser à M. Anziani un point qui me paraît essentiel : le répertoire des données personnelles ne vise pas toutes les infractions, mais seulement celles pour lesquelles un suivi socio-judiciaire est encouru, autrement dit les meurtres, les viols et les agressions sexuelles. Il n’est donc ni dans la logique du texte ni dans nos intentions d’inscrire dans ce répertoire les personnes ayant participé à des manifestations !

En ce qui concerne l’amendement n° 45, je précise que toutes les données relatives à des personnes ayant fait l’objet d’un classement sans suite, d’un non-lieu, d’une relaxe ou d’un acquittement seront bien entendu immédiatement effacées. Faut-il pour autant interdire l’inscription dans le répertoire des expertises et des analyses relatives à des personnes poursuivies et en attente de jugement ?

Prenons le cas d’une personne poursuivie dans différentes procédures pour faits de viols. Ne serait-il pas absurde qu’un magistrat instruisant l’une de ces affaires ne puisse avoir accès, par le biais de ce répertoire, aux expertises psychiatriques réalisées dans une autre procédure menée en parallèle ? C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.

En ce qui concerne les amendements n° 46 rectifié et 47, auxquels le Gouvernement est défavorable, les explications de M. le rapporteur étaient parfaitement claires et je les reprends à mon compte.

En ce qui concerne l’amendement de M. Türk, je voudrais rappeler, à la suite de M. le rapporteur, que la durée de conservation des données enregistrées dans un fichier ne relève normalement pas du domaine de la loi. Comme les assemblées seront amenées à débattre d’ici peu de la procédure pénale, cette question sera réexaminée en tenant compte de la réalité et des droits ou obligations qui peuvent en résulter.

Bien légiférer implique de distinguer ce qui relève du domaine législatif de ce qui relève du domaine règlementaire ; sinon, nous serons confrontés à un envahissement législatif qui rendra la loi illisible.

De la même façon, le législateur n’a pas à se substituer à la CNIL, qui doit pouvoir, en la matière, jouer son rôle. J’entendais tout à l’heure des propositions qui tendaient à substituer le Sénat et l’Assemblée nationale à cette autorité ! Cela n’est pas une bonne chose, car chacun doit faire son travail.

Sur le fond, la durée de trente ans proposée ne me semble pas acceptable, car elle n’est pas cohérente avec la durée d’inscription au casier judiciaire des faits criminels, qui est de quarante ans.

Imaginons une personne condamnée à une peine de trente ans pour des faits de nature sexuelle, qui ont forcément été particulièrement graves. Si elle commet de nouveaux faits à sa sortie de prison, devons-nous nous priver d’un accès simple et rapide aux expertises qui avaient été réalisées avant et qui peuvent donner un éclairage sur la personnalité de l’intéressé ? De nouvelles expertises seront sans doute menées, mais les anciennes peuvent être utiles pour le juge.

C’est la raison pour laquelle je demanderai à M. Türk de bien vouloir retirer son amendement, d’autant que la CNIL sera saisie des dispositions relatives au fichier. Nous devrons examiner les cas que je viens d’évoquer, mais, je le répète, l’amendement ne me semble pas s’accorder avec le texte. À défaut d’un retrait, je serais obligée d’y être défavorable.

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