Intervention de Jean-Marc Gabouty

Réunion du 5 décembre 2017 à 14h00
Loi de finances pour 2018 — Compte d'affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Photo de Jean-Marc GaboutyJean-Marc Gabouty, rapporteur spécial de la commission des finances, pour le programme « Sécurité et éducation routières » :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je vais évoquer un autre fléau, particulièrement meurtrier : l’accidentalité routière.

Certes, l’augmentation du nombre de morts tend à décélérer en 2016 et 2017, mais la courbe de la mortalité routière n’est toujours pas inversée, et la France vient de connaître trois années consécutives de légère augmentation du nombre de victimes de la route. L’objectif que s’était assigné le gouvernement de Manuel Valls – descendre sous le seuil des 2 000 morts en 2020 – paraît de plus en plus hors de portée.

En effet, sur les dix premiers mois de l’année 2017, on dénombre encore 2 878 personnes tuées en France métropolitaine, soit plus de 9 par jour, tandis que le nombre d’accidents – 160 chaque jour – et de blessés – plus de 200 quotidiennement – continue d’augmenter.

Ce bilan doit cependant être resitué dans l’espace et dans le temps. Évidemment, la mortalité routière est bien moins élevée que dans les années soixante-dix, où le nombre de morts dépassait les 18 000. Réduire encore la mortalité est donc de plus en plus ardu. Néanmoins, sur le plan européen, la France ne se situe qu’au quatorzième rang dans cette lutte. De plus, lorsque l’on tient compte de la distance parcourue sur les réseaux routiers, laquelle se mesure en milliards de kilomètres parcourus, plusieurs de nos voisins, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suisse, font mieux que nous. Une marge de progression existe donc encore.

La politique de sécurité routière, telle qu’elle a été infléchie en 2015, n’a pas encore produit de résultats sensibles et ne saurait être centrée sur les seuls radars. Elle doit s’accompagner d’une lutte intensive contre les autres causes d’accidentalité, telles que l’alcool, les stupéfiants ou l’inattention, et d’une politique de prévention renforcée, dont l’efficacité doit être encore mieux évaluée.

J’en arrive maintenant au programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et au compte d’affectation spéciale.

Sur le programme « Sécurité et éducation routières », je note que les dépenses inscrites augmentent légèrement, de près de 3 %, passant de 38, 8 millions d’euros en 2017 à 39, 9 millions d’euros en 2018. Je salue également l’effort de sincérité des dépenses de communication : régulièrement sous-budgétées ces dernières années, elles ont été nettement relevées pour 2018.

J’observe également que le ralentissement de l’opération « permis à un euro par jour » semble se confirmer, malgré la création d’un prêt complémentaire de 300 euros. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre d’État, si vous envisagez de relancer ce dispositif ?

Sur le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « CAS Radars », mes observations sont les suivantes.

Le produit total des amendes de la circulation et du stationnement devrait atteindre, en 2018, 1, 83 milliard d’euros, sachant que 73 % de cette somme sont inscrits en dépenses sur le compte d’affectation spéciale « Radars », ce qui représente 1, 34 milliard d’euros, soit un montant en légère baisse – de 3, 6 % – par rapport à 2017.

La politique du nouveau gouvernement s’inscrit pour le moment dans celle qu’a arrêtée le comité interministériel de la sécurité routière du 2 octobre 2015.

Cette stratégie, qui s’appuie sur le déploiement de nouveaux radars moins prévisibles et dotés de nouvelles fonctionnalités et sur le remplacement du point de contrôle par le « parcours sécurisé », devrait commencer à porter ses fruits.

Toutefois, l’implantation et le parcours de ces équipements – je pense notamment aux voitures radars – doivent être mieux liés à la carte de l’accidentalité. L’objectif demeure, bien entendu, la diminution du nombre d’accidents et de morts, et non l’augmentation du produit des amendes.

Les départements d’outre-mer et les réseaux routiers secondaires, où l’accidentalité est particulièrement élevée, doivent être privilégiés. Sur ce sujet, je vous renvoie au rapport d’information de notre collègue Vincent Delahaye, réalisé dans le cadre de sa mission de contrôle budgétaire.

Le développement des radars « tronçons » ou « vitesse moyenne », mieux acceptés des usagers, doit être encouragé, tandis que l’alternance des limitations de vitesse doit être rationalisée et encore mieux signalée. Trop de conducteurs dépassent la vitesse maximale autorisée parce qu’ils n’ont pas perçu un changement de limitation. Cependant, la réglementation sur les limitations de vitesse doit être définie en considération de l’état d’une route, de sa dangerosité et de l’accidentalité, et non en fonction de son statut, comme on en entend parler en ce moment pour les routes nationales.

Afin d’améliorer les résultats de la sécurité routière, ses acteurs – notamment les collectivités territoriales, les usagers, les employeurs, sans oublier les concessionnaires d’autoroutes – doivent être encore mieux associés à la définition de cette politique.

À cet égard, je propose deux amendements qui visent à réduire l’ampleur de la baisse des versements servant aux collectivités locales pour améliorer leurs infrastructures routières. En effet, à ce stade, l’impact de la décentralisation du stationnement payant est encore difficile à apprécier, y compris au niveau de ses conséquences financières à court terme. Il semblerait imprudent de trop anticiper sur les effets de cette réforme.

Par ailleurs, la dimension interministérielle de la politique de sécurité routière doit impérativement être renforcée. Le comité interministériel de la sécurité routière ne s’est réuni que deux fois depuis 2011. Pourriez-vous nous confirmer, monsieur le ministre d’État, qu’un prochain comité va bientôt être réuni et nous annoncer quelles inflexions vont être apportées à la stratégie arrêtée en 2015, afin d’améliorer ces résultats ?

S’agissant de la gestion du permis à points, il est prévu que plus de 22 millions de lettres de notification ou de retrait de points seront adressées aux conducteurs en 2018, pour une dépense estimée à 17, 5 millions d’euros. Je note, pour la première fois, l’effort de dématérialisation d’une partie de ces courriers. Cependant, cet effort, qui ne couvre en 2018 que 10 % des crédits de ce poste, doit être poursuivi, dans la mesure où il permet d’engendrer des économies de traitement des documents.

Enfin, je constate, une fois encore, que le fonds de roulement de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, l’ANTAI, s’avérait, au 1er janvier 2017, plus de deux fois supérieur – à hauteur de 37 millions d’euros – au niveau préconisé. C'est la raison pour laquelle je défendrai un amendement visant à diminuer les crédits destinés à cette agence.

En effet, les justifications apportées par les documents budgétaires, de même que les réponses aux questionnaires, me semblent, à ce jour, peu probantes sur l’évolution de ce besoin. Mais peut-être le Gouvernement aura-t-il des explications à nous apporter sur ce point ?

En conclusion, la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission, dans sa partie sécurité routière, sans modification et ceux du compte spécial, ainsi modifiés.

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