Séance en hémicycle du 5 décembre 2017 à 14h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • d’asile
  • gendarme
  • gendarmerie
  • l’immigration
  • policier
  • préfecture

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures, sous la présidence de M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue James Marson, qui fut sénateur de la Seine-Saint-Denis de 1975 à 1986.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances, adopté par l’Assemblée nationale, pour 2018 (projet n° 107, rapport général n° 108, avis n° °109 à 114).

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurités » (et articles 62 ter et 62 quater) et du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » (et article 67).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, avant d’aborder l’examen de cette mission, je souhaite saluer l’efficacité et le courage de nos forces de l’ordre, dont la mobilisation est particulièrement forte. Leur activité opérationnelle s’effectue dans un contexte de grande tension, comme en témoignent, par exemple, les plus de 900 perquisitions administratives menées en 2016 au titre de l’état d’urgence ou les millions de contrôles aux frontières réalisés au titre du rétablissement temporaire de ces dernières. Je veux également rappeler, avec gravité, les nombreux suicides qui ont eu lieu ces dernières semaines.

Pourtant, malgré le caractère prioritaire de cette mission, le présent projet de budget ne semble pas à la hauteur des enjeux.

Premièrement, les crédits sont en baisse dans le projet de loi de programmation triennale.

Si, en 2018, les moyens de la police et de la gendarmerie nationales sont en légère hausse, il est prévu que les crédits de la mission « Sécurités » augmentent de seulement 2, 1 % sur la période 2018–2020, contre une augmentation moyenne de 3 % pour les missions du budget général. En prenant en compte les prévisions d’inflation du Gouvernement, l’évolution sera négative, puisque les crédits diminueront de 0, 4 %.

Cette évolution est surprenante, alors que la sécurité nationale est toujours présentée comme une priorité.

Par ailleurs, la mise en place d’une « police de la sécurité du quotidien » ne s’accompagne d’aucun volet budgétaire et devrait donc s’appuyer sur les moyens existants. Les annonces faites ne dissipent donc pas à ce stade la crainte de voir émerger un nouveau dispositif créant une charge de travail supplémentaire pour les forces de l’ordre.

Deuxièmement, la hausse des effectifs s’effectue au détriment des moyens de fonctionnement et de l’investissement, perpétuant ainsi la principale faiblesse des budgets de la fin du quinquennat précédent.

S’il est vrai que le nombre total d’emplois créés s’est élevé à 8 837 au cours des cinq dernières années, le rythme de recrutement devrait sensiblement croître sur le quinquennat actuel, puisque le Président de la République s’est engagé à créer 10 000 emplois sur la période 2018–2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure. Dans ce cadre, la police nationale bénéficiera de 7 500 équivalents temps plein – les ETP – et la gendarmerie nationale de 2 500 ETP. Ainsi, le nombre de policiers et de gendarmes devrait augmenter, en 2018, de 1 835 ETP, dont 459 pour les gendarmes et 1 376 pour les policiers.

Mais la conséquence de cette constante augmentation des effectifs depuis 2014 est que la part des dépenses de personnel sur l’ensemble des crédits, au sein des deux programmes, atteindra 86, 78 % en 2018. Ce ratio ne permettra pas de garantir la capacité opérationnelle des policiers et gendarmes.

Depuis 2006 – en dix ans, donc –, les dépenses de personnel ont augmenté de plus de 31 %, tandis que les autres dépenses ont connu une baisse de 4, 98 %.

Je rappelle, par ailleurs, que les comparaisons internationales ne témoignent pas d’une sous-dotation des forces de sécurité intérieure de notre pays, bien au contraire. Parmi nos principaux voisins européens, seule l’Italie a des effectifs supérieurs aux nôtres.

Troisièmement, le maintien de ce ratio à un niveau si élevé induit désormais une paupérisation de nos forces.

La faiblesse des dépenses d’investissement et de fonctionnement a des conséquences directes sur le vieillissement du parc immobilier. Je veux citer l’exemple de la dette des loyers de la gendarmerie, pour 114 millions d’euros en autorisations d’engagement et 92 millions d’euros en crédits de paiement, et le plan nécessaire, sur cinq ans, pour résorber cette dette.

Le budget présenté ne permettra pas d’assurer un abaissement de l’âge de la flotte de véhicules, lui aussi en constante augmentation, puisqu’il est passé de 4 ans et 10 mois en 2006 à 6 ans et 9 mois en 2016, alors même qu’il y a de moins en moins de véhicules. Depuis 2006, un véhicule de police est supprimé pour trois postes créés…

L’équipement des agents va également pâtir d’un important sous-financement. Plusieurs centres de tir ont dû fermer depuis le mois de septembre dernier, d’où un fort mécontentement des forces de police et de gendarmerie, qui ne peuvent s’entraîner que douze heures annuellement et ne tirer que 92 cartouches par an.

Quatrièmement, une meilleure organisation des forces aurait permis de gagner en capacité opérationnelle.

L’application à la gendarmerie, pour la première fois à partir de 2017, de la directive européenne de 2003 relative au temps de travail a engendré une baisse de la capacité opérationnelle des forces de 5 % des ETPT – équivalents temps plein travaillé – comme je l’avais prévu l’an dernier. Les recrutements prévus ne compenseront donc pas l’application de cette directive.

Pour la police nationale, l’entrée en vigueur de la vacation forte devrait entraîner, en 2018, une perte opérationnelle s’élevant à 433 ETPT. Mais il est possible que davantage d’effectifs soient, à terme, concernés par ce cycle, qui n’est pas appliqué, par exemple, à la préfecture de police de Paris. La perte opérationnelle pourrait s’accroître dans les années à venir, et cette réforme peut donc toujours être qualifiée de « bombe à retardement ».

Le principal levier permettant de « dégager des effectifs » est le recentrage des forces de l’ordre sur leur cœur de métier, par la suppression progressive des tâches indues, qui mobilisent l’équivalent d’environ 6 000 ETPT. Je pense notamment aux transfèrements judiciaires, à la gestion des procurations et aux tâches administratives, qui détournent les forces de l’ordre de leurs missions premières.

Mes chers collègues, je vous présenterai un amendement visant à substituer à des crédits du titre 2 des dépenses d’investissement et de fonctionnement, afin de donner aux hommes les moyens d’accomplir leur mission. Cet amendement doit être interprété comme la volonté d’aboutir à une vision constructive, dans le cadre de ce budget, sur un sujet si important pour notre pays.

Si le Gouvernement veut, pour ce premier budget du quinquennat, maintenir sa version initiale, si peu conforme aux exigences de la situation, votre rapporteur vous proposera le rejet des crédits de la mission « Sécurités ».

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je vais évoquer un autre fléau, particulièrement meurtrier : l’accidentalité routière.

Certes, l’augmentation du nombre de morts tend à décélérer en 2016 et 2017, mais la courbe de la mortalité routière n’est toujours pas inversée, et la France vient de connaître trois années consécutives de légère augmentation du nombre de victimes de la route. L’objectif que s’était assigné le gouvernement de Manuel Valls – descendre sous le seuil des 2 000 morts en 2020 – paraît de plus en plus hors de portée.

En effet, sur les dix premiers mois de l’année 2017, on dénombre encore 2 878 personnes tuées en France métropolitaine, soit plus de 9 par jour, tandis que le nombre d’accidents – 160 chaque jour – et de blessés – plus de 200 quotidiennement – continue d’augmenter.

Ce bilan doit cependant être resitué dans l’espace et dans le temps. Évidemment, la mortalité routière est bien moins élevée que dans les années soixante-dix, où le nombre de morts dépassait les 18 000. Réduire encore la mortalité est donc de plus en plus ardu. Néanmoins, sur le plan européen, la France ne se situe qu’au quatorzième rang dans cette lutte. De plus, lorsque l’on tient compte de la distance parcourue sur les réseaux routiers, laquelle se mesure en milliards de kilomètres parcourus, plusieurs de nos voisins, comme l’Allemagne, le Royaume-Uni ou la Suisse, font mieux que nous. Une marge de progression existe donc encore.

La politique de sécurité routière, telle qu’elle a été infléchie en 2015, n’a pas encore produit de résultats sensibles et ne saurait être centrée sur les seuls radars. Elle doit s’accompagner d’une lutte intensive contre les autres causes d’accidentalité, telles que l’alcool, les stupéfiants ou l’inattention, et d’une politique de prévention renforcée, dont l’efficacité doit être encore mieux évaluée.

J’en arrive maintenant au programme « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et au compte d’affectation spéciale.

Sur le programme « Sécurité et éducation routières », je note que les dépenses inscrites augmentent légèrement, de près de 3 %, passant de 38, 8 millions d’euros en 2017 à 39, 9 millions d’euros en 2018. Je salue également l’effort de sincérité des dépenses de communication : régulièrement sous-budgétées ces dernières années, elles ont été nettement relevées pour 2018.

J’observe également que le ralentissement de l’opération « permis à un euro par jour » semble se confirmer, malgré la création d’un prêt complémentaire de 300 euros. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre d’État, si vous envisagez de relancer ce dispositif ?

Sur le compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit « CAS Radars », mes observations sont les suivantes.

Le produit total des amendes de la circulation et du stationnement devrait atteindre, en 2018, 1, 83 milliard d’euros, sachant que 73 % de cette somme sont inscrits en dépenses sur le compte d’affectation spéciale « Radars », ce qui représente 1, 34 milliard d’euros, soit un montant en légère baisse – de 3, 6 % – par rapport à 2017.

La politique du nouveau gouvernement s’inscrit pour le moment dans celle qu’a arrêtée le comité interministériel de la sécurité routière du 2 octobre 2015.

Cette stratégie, qui s’appuie sur le déploiement de nouveaux radars moins prévisibles et dotés de nouvelles fonctionnalités et sur le remplacement du point de contrôle par le « parcours sécurisé », devrait commencer à porter ses fruits.

Toutefois, l’implantation et le parcours de ces équipements – je pense notamment aux voitures radars – doivent être mieux liés à la carte de l’accidentalité. L’objectif demeure, bien entendu, la diminution du nombre d’accidents et de morts, et non l’augmentation du produit des amendes.

Les départements d’outre-mer et les réseaux routiers secondaires, où l’accidentalité est particulièrement élevée, doivent être privilégiés. Sur ce sujet, je vous renvoie au rapport d’information de notre collègue Vincent Delahaye, réalisé dans le cadre de sa mission de contrôle budgétaire.

Le développement des radars « tronçons » ou « vitesse moyenne », mieux acceptés des usagers, doit être encouragé, tandis que l’alternance des limitations de vitesse doit être rationalisée et encore mieux signalée. Trop de conducteurs dépassent la vitesse maximale autorisée parce qu’ils n’ont pas perçu un changement de limitation. Cependant, la réglementation sur les limitations de vitesse doit être définie en considération de l’état d’une route, de sa dangerosité et de l’accidentalité, et non en fonction de son statut, comme on en entend parler en ce moment pour les routes nationales.

Afin d’améliorer les résultats de la sécurité routière, ses acteurs – notamment les collectivités territoriales, les usagers, les employeurs, sans oublier les concessionnaires d’autoroutes – doivent être encore mieux associés à la définition de cette politique.

À cet égard, je propose deux amendements qui visent à réduire l’ampleur de la baisse des versements servant aux collectivités locales pour améliorer leurs infrastructures routières. En effet, à ce stade, l’impact de la décentralisation du stationnement payant est encore difficile à apprécier, y compris au niveau de ses conséquences financières à court terme. Il semblerait imprudent de trop anticiper sur les effets de cette réforme.

Par ailleurs, la dimension interministérielle de la politique de sécurité routière doit impérativement être renforcée. Le comité interministériel de la sécurité routière ne s’est réuni que deux fois depuis 2011. Pourriez-vous nous confirmer, monsieur le ministre d’État, qu’un prochain comité va bientôt être réuni et nous annoncer quelles inflexions vont être apportées à la stratégie arrêtée en 2015, afin d’améliorer ces résultats ?

S’agissant de la gestion du permis à points, il est prévu que plus de 22 millions de lettres de notification ou de retrait de points seront adressées aux conducteurs en 2018, pour une dépense estimée à 17, 5 millions d’euros. Je note, pour la première fois, l’effort de dématérialisation d’une partie de ces courriers. Cependant, cet effort, qui ne couvre en 2018 que 10 % des crédits de ce poste, doit être poursuivi, dans la mesure où il permet d’engendrer des économies de traitement des documents.

Enfin, je constate, une fois encore, que le fonds de roulement de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, l’ANTAI, s’avérait, au 1er janvier 2017, plus de deux fois supérieur – à hauteur de 37 millions d’euros – au niveau préconisé. C'est la raison pour laquelle je défendrai un amendement visant à diminuer les crédits destinés à cette agence.

En effet, les justifications apportées par les documents budgétaires, de même que les réponses aux questionnaires, me semblent, à ce jour, peu probantes sur l’évolution de ce besoin. Mais peut-être le Gouvernement aura-t-il des explications à nous apporter sur ce point ?

En conclusion, la commission des finances propose d’adopter les crédits de la mission, dans sa partie sécurité routière, sans modification et ceux du compte spécial, ainsi modifiés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Pierre Vogel

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les crédits du programme « Sécurité civile », qui ne représentent en crédits de paiement, que 54 % des dépenses de l’État consacrées à la sécurité civile au sens large, connaissent cette année une hausse importante.

Les crédits de paiement et les autorisations d’engagement demandés sont respectivement en augmentation de 5, 36 % et de 82, 34 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2017. Cette hausse importante s’explique toutefois par les autorisations d’engagement affectées au renouvellement de la flotte d’avions Tracker, qui représente, en 2018, quelque 404, 1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 61, 4 millions d’euros en crédits de paiement.

Si l’on neutralise l’impact de l’acquisition des avions dans les budgets 2017 et 2018, le budget, hors titre 2, du programme « Sécurité civile » est stable en autorisations d’engagement – plus 0, 3 % – et en baisse en crédits de paiement – moins 5 %.

Le renouvellement de la flotte de Tracker était devenu indispensable, en raison de son vieillissement – 60 ans ! – et de l’atteinte prochaine du potentiel de vol maximal fixé à 25 000 heures de vol. À cet effet, le marché d’acquisition d’un avion « multirôles » s’inscrivant dans le contexte de retrait du service des avions Tracker avait été lancé dès 2016. Le ministre de l’intérieur a confirmé, en juillet 2017, que ces derniers seraient remplacés par six bombardiers d’eau « multirôles » de type Dash 8, sans que ce choix soit formalisé juridiquement.

Si ces avions présentent l’inconvénient d’être particulièrement coûteux, leur caractère « multirôles » plaidait en leur faveur. Les Dash 8 ont pour principal avantage de pouvoir être convertis en avions de transport, ce qui n’était pas le cas des Tracker.

On ne peut donc que se féliciter de ce renouvellement. Il ne doit toutefois pas masquer le vieillissement du reste de la flotte, qui entraîne de nombreuses indisponibilités. Nous l’avons vu cette année, les pilotes de bombardiers d’eau se sont plaints de l’indisponibilité de la flotte, qui s’est parfois élevée à 25 % en pleine saison des feux.

À cet égard, je plaide pour qu’une rénovation des Canadair soit envisagée le plus tôt possible par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, la DGSCGC, pour pallier ces indisponibilités et éviter les surcoûts liés à une prise en compte trop tardive des problèmes.

Le budget 2018 est aussi marqué par la poursuite du déploiement du système d’alerte et d’information aux populations, ou SAIP, dont les choix stratégiques, fortement contestables, ne sont toujours pas remis en cause. Je vous avais alerté, monsieur le ministre d’État, par le biais de mon rapport d’information, du fait que ce projet concentrait près de 80 % des crédits alloués au volet « sirènes », alors même que son impact apparaît beaucoup plus faible que celui de la téléphonie mobile qui ne bénéficie pourtant que de 80 % des crédits consommés ou prévus pour ce budget.

Après un an de fonctionnement, et à la suite des recommandations formulées dans mon rapport, l’application pour smartphone, dont j’avais relevé les insuffisances, fait l’objet actuellement d’une évaluation par l’Inspection générale de l’administration, laquelle doit se prononcer sur les améliorations possibles et les technologies alternatives pouvant être mises en œuvre. Si vous en avez eu connaissance, monsieur le ministre d’État, je vous serais reconnaissant de nous faire part des conclusions de l’Inspection générale.

Si cette évaluation est bienvenue, il me semble nécessaire de procéder à une réorientation stratégique plus large de ce projet avant que l’affectation des crédits de la phase 2, qui commence en 2020, ne soit effectuée.

Enfin, il me semble important d’évoquer la situation financière des SDIS, les services départementaux d’incendie et de secours, dont les budgets ont diminué de 1, 27 % en valeur brute et de 1, 47 % en volume en 2016, alors même qu’ils ont réalisé près de 4, 5 millions d’interventions, en hausse de 2 %.

Cette baisse des budgets doit être compensée par la multiplication des mesures visant à parvenir à une meilleure maîtrise des dépenses des SDIS, ce qui passe notamment par une plus grande mutualisation. À cet égard, la réduction du nombre de numéros d’appel d’urgence et la recherche d’une plus grande mutualisation avec le SAMU, ainsi qu’entre les SDIS, doivent impérativement être poursuivies.

Cependant, le point le plus alarmant me semble concerner l’évolution des dépenses d’investissements des SDIS, en baisse de 4, 58 % en 2015 et de 6, 49 % en 2016. Ces baisses ne peuvent se poursuivre sans entraîner une perte de leur capacité opérationnelle.

Le Gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure du problème, puisque la dotation aux investissements structurants des SDIS est réduite de 60 % en 2018. Cette dotation sera très majoritairement consacrée au financement du projet de système d’information unifié des SDIS et de la sécurité civile – le système de gestion des appels-système de gestion opérationnelle, ou SGA-SGO –, considéré à juste titre comme stratégique par le ministère de l’intérieur.

Toutefois, de l’avis général, son montant – 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour 2018 – est très insuffisant. Il me paraît indispensable que cette dotation soit réévaluée dans les années à venir.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Paul

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre hommage aux personnels de la gendarmerie nationale, qui ont montré la force de leur engagement tout au long de l’année 2017, particulièrement en outre-mer après le passage de l’ouragan Irma.

Si les crédits du programme 152 prévus pour 2018 me paraissent globalement satisfaisants, je souhaiterais néanmoins attirer l’attention sur le problème posé par l’obsolescence de certains matériels.

Il s’agit des « capacités pivots » décrites par le livre blanc de 2013, selon lequel la gendarmerie nationale « mettra en œuvre des capacités pivots (hélicoptères, véhicules blindés de maintien de l’ordre, réseau national durci de transmission) qui s’inscrivent en complémentarité des moyens des armées ».

La gendarmerie dispose actuellement d’une capacité d’environ 90 véhicules blindés, dont 71 véhicules blindés à roues, datant de 1974, et 20 véhicules de l’avant blindé rachetés à l’armée de terre lors de l’engagement en Afghanistan. Ces matériels sont actuellement très sollicités outre-mer et des renforts devraient être déployés en Nouvelle-Calédonie pour le référendum de 2018. Le remplacement de ces véhicules très usés par 90 nouveaux véhicules tout-terrain représenterait un coût d’environ 45 millions d’euros.

En second lieu, la gendarmerie nationale emploie 26 hélicoptères de type « Écureuil » affichant un âge moyen de 32 ans. Il serait nécessaire de remplacer les dix modèles les plus obsolètes par des EC 145. Le montant total serait d’environ 140 millions d’euros, plus 6, 5 millions d’euros par an pour le maintien en condition opérationnelle.

J’ajoute, pour être complet sur les capacités pivots, qu’il faut également renouveler le système de transmissions durcies pour un coût d’environ 10 millions d’euros.

Par ailleurs, la vétusté des sept hélicoptères du groupe interarmées d’hélicoptères, le GIH, qui constituent un outil essentiel en ce qu’ils permettent au GIGN et au RAID de se projeter pour la défense des centrales nucléaires, est également préoccupante. Il s’agit en effet de vieux Puma des armées de l’air et de terre dont il est indispensable d’envisager le remplacement par des hélicoptères de transport moyen de type Caracal, soit une dépense d’environ 125 millions d’euros dans le cadre du budget des armées, si nous voulons préserver la capacité de projection de nos corps d’élite.

Au total, pour ce qui concerne le budget de la gendarmerie, il s’agirait d’une dépense d’environ 200 millions d’euros.

Monsieur le ministre d’État, candidat à la présidence de la République, Emmanuel Macron a clairement exprimé sa volonté de mettre en place « une véritable programmation sur quatre à cinq ans pour la modernisation des moyens de la sécurité intérieure ».

Certes, le renseignement est une composante majeure de la sécurité intérieure, mais ce n’est pas la seule. Cet effort de modernisation doit aussi porter sur les équipements que je viens d’évoquer, de manière à assurer l’avenir de cette capacité essentielle d’intervention de la gendarmerie pendant plusieurs décennies, compte tenu de la durée de vie de ces matériels.

Bien entendu, il faudrait y ajouter parallèlement le remplacement des sept Puma du GIH, ce qui relève de la ministre des armées et de la loi de programmation militaire.

Sous ces réserves, notre commission a émis un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme 152.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, avec une hausse modérée des crédits et une progression d’environ 500 emplois, le budget de la gendarmerie nationale pour 2018 devrait permettre aux gendarmes de continuer d’exercer leurs missions de manière correcte.

Premier aspect positif, l’augmentation des personnels bénéficiera en priorité à la gendarmerie départementale – je pense que les élus y seront sensibles.

L’élargissement, en 2018, de l’expérimentation des brigades territoriales de contact, déchargées des tâches administratives et se consacrant au contact avec la population et les élus, me paraît également aller dans le bon sens.

Nous pouvons aussi saluer l’achèvement du déploiement des 65 000 équipements mobiles du plan Néogend, au profit des gendarmes des unités opérationnelles. Cette évolution devrait améliorer la productivité des gendarmes, valoriser leur travail quotidien et simplifier l’accomplissement de leurs tâches.

À côté de ces aspects positifs, je souhaiterais évoquer deux sujets de préoccupation.

Je veux tout d’abord évoquer l’application de la directive Temps de travail dans la gendarmerie nationale. Les règles relatives au repos quotidien de onze heures, depuis septembre 2016, ont globalement conduit à une perte d’activité équivalant à 6 000 emplois à temps plein.

Le fait que les gendarmes bénéficient d’un temps de repos convenable est incontestablement une bonne chose. Nous savons que cette nouvelle pratique est bien perçue. Il faut toutefois tenir compte de l’exigence de disponibilité propre à l’état militaire et de la nécessité de préserver le niveau d’activité de la gendarmerie face à tous les défis qui se présentent aujourd’hui.

C’est une question particulièrement délicate. Une remise en cause totale de cette réforme pourrait être difficile, alors que des aménagements peuvent être acceptés, à défaut de nouveaux recrutements pour compenser l’effet de la directive. Nous avons bien conscience que cette dernière hypothèse est peu probable en cette période de rigueur budgétaire. Nous suivrons ce sujet avec une vigilance tout à fait particulière.

Je voudrais ensuite évoquer la question de la dette de loyers de la gendarmerie, qui s’élève aujourd’hui à 110 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 89 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui grève d’emblée l’exercice 2018.

Vous avez toutefois indiqué, monsieur le ministre d’État, que l’apurement de cette dette de loyers ferait l’objet d’un plan pluriannuel financé à hauteur de 13 millions d’euros, dès l’an prochain, permettant ainsi à la gendarmerie de ne pas trop rogner sur ses dépenses d’investissement en 2018 pour rembourser la dette. Pourriez-vous nous dire si vous envisagez dès à présent un financement supplémentaire pour ce plan ou s’il s’agit seulement, à crédits constants, de lisser la dépense ?

Sous réserve de ces quelques préoccupations, et eu égard à l’augmentation prévue des crédits et des personnels, notre commission a émis un avis favorable sur les crédits dédiés à la gendarmerie nationale pour 2018.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la commission des lois partage pleinement et totalement le constat présenté par notre collègue, rapporteur spécial de la commission des finances : cette consolidation budgétaire, que nul ne peut nier, demeure très largement insuffisante au regard de la dégradation très avancée de la situation de nos forces de sécurité intérieure et du contexte sécuritaire.

Monsieur le ministre d’État, votre gouvernement a fait le choix, comme le précédent, de mettre l’accent sur l’augmentation des effectifs. On annonce 10 000 créations d’emplois de policiers et de gendarmes sur la durée du quinquennat – 7 500 pour la police et 2 500 pour la gendarmerie. En 2018, quelque 1 376 emplois seront créés dans la police et 459 dans la gendarmerie. Ne nous limitons toutefois pas aux seules annonces.

Nous connaissons l’impact dramatique sur les capacités opérationnelles de nos forces de la directive européenne du 4 novembre 2003 sur le temps de travail. Selon les informations qui m’ont été communiquées, les créations de postes annoncées permettront tout juste – j’insiste sur cette expression – de combler cette réduction des capacités opérationnelles.

Il y a là un véritable sujet de préoccupation que le Gouvernement paraît avoir écarté de ses calculs. Je souhaiterais, monsieur le ministre d’État, que vous puissiez nous apporter des réponses sur ce point.

La principale difficulté de ce budget réside toutefois dans l’insuffisance des dotations de fonctionnement et d’investissement allouées à la police comme à la gendarmerie nationale. Ce que relèvent à l’unanimité les forces de sécurité, sans distinction de corps, de grade, de niveau d’exécution ou d’affectation, ce n’est pas tant le manque d’effectifs, mais plutôt les conditions matérielles dans lesquelles elles travaillent, désormais difficilement acceptables et soutenables.

Les sujets de préoccupation sont multiples. Je ne citerai, faute de temps, que quelques cas.

Les équipements, tout d’abord. Une mise à niveau des armements et des équipements de protection a été engagée au cours des dernières années. En revanche, l’état des parcs automobiles est aujourd’hui très préoccupant : l’âge moyen des véhicules de la police est de 6 ans et 9 mois ; il dépasse 8 ans dans la gendarmerie, avec plus de 130 000 kilomètres au compteur en moyenne. L’effort budgétaire consenti en 2018 est loin d’être à la hauteur des besoins de renouvellement.

L’immobilier est également un sujet majeur de préoccupation. Les commissariats et les casernes ont atteint un état très avancé de délabrement. Face à ce constat, on ne peut que regretter que les crédits d’investissement prévus demeurent en deçà non seulement de l’ampleur des besoins de rénovation, mais aussi de leur urgence.

Prenons l’exemple de la gendarmerie : l’enveloppe de 100 millions d’euros permettra de rénover, en 2018, quelque 5 900 logements, en sus des 13 000 logements déjà rénovés. Cet investissement est toutefois bien en deçà de l’effort nécessaire pour réhabiliter les 76 300 logements de la gendarmerie. On ne peut que déplorer, à cet égard, l’impact dramatique des mesures de régulation budgétaire qui conduisent, chaque année, à reporter d’importants chantiers de rénovation.

Je terminerai en évoquant le problème de l’importante dette imposée sur les loyers accumulés par la gendarmerie au cours des derniers exercices et qui s’élève à plus de 100 millions d’euros, comme vous l’avez souligné lors de votre audition, monsieur le ministre d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Aucun crédit n’est prévu par le projet de loi de finances pour permettre de résorber cette dette, ce qui contraindra nécessairement la gendarmerie à réduire ses autres dépenses de fonctionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis. J’en ai pour deux minutes, monsieur le président…

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Leroy

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2018.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dix sapeurs-pompiers sont décédés dans l’exercice de leur mission en 2016 et 2017. Je leur rends hommage et salue, à travers eux, l’engagement, le courage et le civisme de l’ensemble des sapeurs-pompiers au service de la population.

Je suis particulièrement préoccupée par les conclusions d’un récent rapport de l’Observatoire de la délinquance et des réponses pénales qui souligne une augmentation de près de 18 % du nombre de sapeurs-pompiers agressés lors d’interventions en 2016. Je tiens donc à condamner avec la plus grande fermeté ces agressions inacceptables.

Les personnels de la sécurité civile ont connu, en 2017, une année d’épreuves et de réformes. Il était donc légitime de fonder certains espoirs dans le budget 2018 de la sécurité civile.

Si certaines attentes n’ont pas été vaines – je pense à l’augmentation globale des crédits alloués au renouvellement nécessaire d’une partie de la flotte d’aéronefs de la sécurité civile, ainsi qu’à la création de 31 postes de démineurs –, ce budget comporte néanmoins une déception si grande qu’elle a conduit la commission des lois, sur ma proposition, à émettre un avis défavorable sur ces crédits.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

C’est dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Il s’agit de la baisse de 60 % de la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS, qui passe de 25 millions d’euros en 2017 à seulement 10 millions d’euros en 2018.

Cette somme de 25 millions d’euros ne constituait pas une aide nouvelle pour les acteurs de la sécurité civile, mais un simple « réaiguillage » d’une partie des économies réalisées par l’État à l’occasion de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, la PFR, versée aux sapeurs-pompiers volontaires.

L’enveloppe versée par l’État aux départements, au titre de la PFR, est ainsi passée de 32 millions d’euros en 2015 à 3, 4 millions d’euros en 2017.

Sur les 25 millions d’euros alloués à la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS en 2017, quelque 20 millions étaient destinés à financer, d’une part, des projets locaux d’intérêt national et, d’autre part, des projets nationaux, au premier rang desquels la préfiguration du système SGA-SGO à destination des SDIS.

Dans un contexte de baisse continue des dépenses d’investissement des SDIS, les conséquences de cette perte sèche, injustifiée et préjudiciable sont particulièrement inquiétantes. La viabilité du projet SGA-SGO pourrait tout d’abord être remise en cause. Le ministère de l’intérieur m’a répondu que les crédits restants lui demeureraient principalement affectés. Mais alors, c’est l’avenir des divers projets locaux des SDIS qui sera plus directement compromis !

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits alloués au programme « Sécurité civile ».

Pour finir, je voudrais féliciter M. Bazin et apporter tout mon soutien à son amendement qui vise à restituer ces 10 millions d’euros à la sécurité civile. J’ai la faiblesse de croire que le Sénat votera massivement cet amendement. Monsieur le ministre d’État, l’Assemblée nationale saura-t-elle faire preuve de la même sagesse ?

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Frédéric Marchand.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, il est beaucoup fait référence en cette fin d’année à Georges Clemenceau, et je ne résisterai pas à commencer mon intervention en usant de cette formule, chère à celui qui aimait se présenter comme le premier « flic » de France : « Il faut d’abord savoir ce que l’on veut. Il faut ensuite avoir le courage de le dire. Il faut ensuite l’énergie de le faire ».

Voilà bien le fil conducteur que l’on retrouve dans la proposition budgétaire qui nous est soumise aujourd’hui. Les crédits de la mission « Sécurités » représentent 13, 3 milliards d’euros. Et nous avons, pour 2018, un budget qui correspond aux ambitions portées en matière de sécurité, laquelle, je le rappelle, est la première des libertés de nos concitoyens.

Ce budget reflète non seulement la conscience qu’ont le Président de la République, vous, monsieur le ministre d’État, et l’ensemble du Gouvernement de l’importance des missions exercées par le personnel du ministère de l’Intérieur, en particulier en matière de sécurité, mais aussi la volonté d’aller, dans les années qui viennent, vers une France apaisée. Ce sera là tout l’objet de la police de sécurité du quotidien, dont nous attendons beaucoup.

Les crédits de la mission « Sécurités » augmentent donc de 1, 5 % en 2018 par rapport à 2017, ce qui représente un effort considérable au regard des difficultés de cet exercice budgétaire.

Ce budget est offensif : les crédits de personnel, qui atteignent 710 millions d’euros, sont en hausse de 7, 3 % par rapport à 2015. Plus encore, le budget de fonctionnement et d’investissement des services est en hausse de près de 18 % par rapport à 2015, à 440 millions d’euros.

La volonté de rompre avec des pratiques anciennes de baisse continue des budgets de sécurité est claire : les efforts faits ces dernières années sont non seulement consolidés, mais aussi accentués.

Cette évolution à la hausse est très importante. Elle signifie que les moyens supplémentaires exceptionnels obtenus depuis 2015 pour les forces de sécurité, dans le cadre de différents plans de court terme, sont désormais devenus la norme. L’effort du Gouvernement dans le domaine de la sécurité marque donc une orientation puissante pour ce quinquennat : ce qui était hier exceptionnel est aujourd’hui pérennisé et inscrit dans la durée.

Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement procédera donc, sur l’ensemble du quinquennat, à la création de 10 000 emplois, de manière à restaurer les capacités de nos forces de sécurité. Dès 2018, seront recrutés environ 1 000 policiers, 500 gendarmes et 400 membres du personnel de la DGSI et du renseignement territorial.

Cette montée en puissance en matière de personnels sera accompagnée d’un effort important pour l’équipement : 230 millions d’euros de crédits seront consacrés aux deux forces – police et gendarmerie –, c’est-à-dire un niveau équivalent à celui qui a été atteint ces deux dernières années et qui était le fruit de plans exceptionnels.

Ce budget permettra dès lors d’investir dans de nouveaux équipements technologiques – tablettes, smartphones, caméras-piétons… – qui apparaissent essentiels pour réussir la réforme de la police de sécurité du quotidien. Ils permettront à la fois d’atteindre une efficacité technique supérieure et de procéder à des contrôles dans des conditions plus sereines.

Enfin, le Gouvernement a décidé de réaliser un effort exceptionnel en matière d’immobilier. Pour que nos forces de sécurité soient pleinement opérationnelles, il faut en effet que leur quotidien s’améliore. Nous en sommes tous conscients. Nous allons donc rénover les commissariats et les casernes, parfois très dégradés, faute d’entretien régulier et suffisant par le passé. C’est une préoccupation très forte des policiers et des gendarmes, et ils ont raison.

Pour les deux forces de sécurité, les budgets immobiliers sont en forte augmentation : 196 millions d’euros pour la police nationale, soit une hausse de 5, 4 %, et 100 millions d’euros pour la gendarmerie nationale, soit une hausse de 9 %.

En outre, les décisions relatives aux petits travaux seront déconcentrées pour rendre les services plus réactifs et plus à l’écoute des besoins, c’est là du pragmatisme et du bon sens. Les crédits de la mission « Sécurités » pour 2018 apportent aux policiers et aux gendarmes des moyens matériels et humains à la hauteur de leurs missions et de leur niveau de sollicitation.

Ce budget est en résonance avec l’arsenal législatif mis en place à travers la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, face auquel nous ne baisserons pas la garde, ni dans la volonté ni dans les moyens alloués.

Ce budget met également en œuvre les ambitions nouvelles du Gouvernement, notamment la lutte contre les inégalités face à la délinquance et aux incivilités qui nourrissent les sentiments d’injustice et d’abandon par la République.

Avec la police de sécurité du quotidien, les services de la sécurité publique seront dotés d’outils leur permettant de mieux identifier les besoins de sécurité pour à la fois prévenir et réprimer les délits, en s’adaptant aux réalités des territoires.

La sincérité, mes chers collègues, est aussi la marque de ce budget, contrairement à celui de 2017 qui affichait des hausses non soutenables, entraînant, entre autres, des annulations de crédits en cours d’exercice et des reports de loyers de la gendarmerie nationale. Le budget 2018 permettra d’amorcer l’apurement de cette dette liée aux loyers.

Je le répète, dès 2018, et tout au long de la législature, en matière d’effectifs, les deux forces de sécurité seront dotées de 10 000 emplois supplémentaires, conformément aux engagements du Président de la République.

Je me permets d’ailleurs de rappeler à mes collègues du groupe Les Républicains que les suppressions d’effectifs, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, entre 2007 et 2012, avaient profondément désorganisé les services, particulièrement les forces mobiles et le renseignement intérieur.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

En 2012, un rattrapage timide a été engagé, avant d’être accéléré à la suite des attentats de 2015. Grâce à ce budget, les effectifs de la police nationale dépasseront enfin le niveau de 2007, avec plus de 150 000 policiers, et ceux de la gendarmerie nationale retrouveront le niveau de 2009, avec plus de 100 000 gendarmes et 30 000 réservistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Ce budget porte un coup d’arrêt à la tendance de paupérisation opérationnelle des forces de sécurité. L’effet sur le quotidien des agents et des services sera rapidement visible, notamment grâce à l’acquisition de véhicules légers en nombre suffisant, ou encore grâce aux crédits pour les petits travaux d’aménagement et d’entretien des commissariats, qui augmenteront de 10 millions d’euros et pourront être utilisés directement, au plus près des besoins.

La volonté politique que traduit ce budget consiste à créer une relation de qualité entre la population et les forces de sécurité. Nous pourrons ainsi mieux identifier les besoins de sécurité de nos concitoyens, au plus près des territoires, et garantir leur sécurité de façon déterminée et efficace.

La sécurité intérieure est une grande priorité du quinquennat. À ce titre, ce budget traduit un engagement fort pour la sécurité des Français, …

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

… engagement que le groupe La République En Marche porte avec conviction et détermination.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à voter ces crédits.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le ministre d’État, vous avez officiellement lancé le mois dernier, à La Rochelle, la police de sécurité du quotidien. « L’objectif [serait] de construire, avec les élus de terrain, avec la population et avec l’ensemble des acteurs de la sécurité et de la prévention, des solutions pour répondre plus efficacement aux préoccupations de nos concitoyens », déclarait ainsi le Président de la République, en octobre dernier, en présentant sa principale annonce en matière de stratégie de sécurité. La grande concertation lancée le 28 octobre dernier s’achèvera dans quinze jours, et les premières expérimentations commenceront dès janvier 2018.

Or, monsieur le ministre d’État, malgré une étude attentive du budget, je n’ai trouvé aucune dotation allouée à ce nouveau dispositif : pas un euro !

Autrement dit, la création de cette police de sécurité du quotidien ne s’accompagne d’aucun volet budgétaire ; celle-ci devra donc s’appuyer sur les moyens existants, ce qui engendrera une charge de travail supplémentaire pour les forces de l’ordre, à moyens constants, donc sans aucune compensation. C’est également ce que révèle le rapport de M. Dominati.

Vous vous défendez de vouloir remettre en chantier la police de proximité. Pour notre part, nous souhaitons véritablement la réhabiliter. Vous n’êtes pas sans savoir que nous défendrons en ce sens une proposition de loi dans l’ordre du jour réservé à notre groupe, le 13 décembre prochain. Mais d’ores et déjà, pour que notre proposition prenne corps, nous vous proposerons, dans le cadre de ce budget, par voie d’amendement, de « réparer » un oubli en budgétisant la police de proximité.

Pour que cette police voie réellement le jour, il faut déployer de véritables moyens, des moyens dont la sécurité de proximité n’a jamais bénéficié.

La réalisation d’une police de proximité suppose une gestion des effectifs adaptée ; il faut donc en premier lieu la doter des moyens nécessaires, mais aussi créer, sur le mode de la Direction générale de la sécurité intérieure créée le 14 avril 2014, une Direction générale de la police de proximité. Celle-ci disposerait, comme toute entité de cette importance, de services administratifs et de soutiens nécessaires à son fonctionnement et à sa gestion.

Il est vraiment temps, me semble-t-il, de cesser de s’attaquer uniquement aux conséquences sans songer aux causes, et de donner la priorité à la prévention et à la dissuasion plutôt qu’à la répression.

En outre, les fonctionnaires de police et de gendarmerie souffrent directement de la dégradation de leur relation avec la population. Leurs conditions de travail se trouvent extrêmement détériorées, notamment en raison du renouvellement incessant de l’état d’urgence ces deux dernières années et du stress permanent que créent des relations trop souvent conflictuelles.

Si le régime d’état d’urgence a pris fin le 1er novembre dernier, le Gouvernement reconnaît que la menace revêt désormais « un caractère durable » et a souhaité doter l’État de nouveaux moyens juridiques permanents, de droit commun. La loi du 30 octobre 2017, qui fait entrer l’état d’urgence dans notre droit commun, a cet objectif. Le surcroît opérationnel ne devrait donc aucunement se trouver diminué par la fin de l’état d’urgence, et pourrait même s’accentuer.

À ce sujet, j’ouvre une parenthèse pour saluer la sage décision du Conseil constitutionnel, qui, à la suite d’une saisine de la Ligue des droits de l’homme, vient de censurer un article de la loi sur l’état d’urgence permettant aux préfets d’autoriser des contrôles d’identité, des fouilles de bagages et des visites de véhicules circulant, arrêtés ou stationnant sur la voie publique ou dans des lieux accessibles au public.

J’avais, avec les autres membres de mon groupe, dénoncé cette disposition lors des multiples prorogations de l’état d’urgence, et le Conseil constitutionnel a reconnu que le législateur n’avait pas assuré une « conciliation équilibrée » entre, d’une part, « la sauvegarde de l’ordre public » et, d’autre part, « la liberté d’aller et de venir et le droit au respect de la vie privée » garantis par la Constitution.

Pour en revenir au budget proprement dit, dans le total des crédits de cette mission, qui doivent augmenter de 1, 34 %, nous notons que les recrutements se font au détriment des dépenses d’investissement et de fonctionnement. Comme le rapporteur spécial de la commission des finances, nous n’avons de cesse de dénoncer l’insuffisance de la formation de nos forces de l’ordre.

C’est absolument déraisonnable et dangereux pour nos concitoyens et pour les fonctionnaires de police et de gendarmerie eux-mêmes ! Je ne veux pas faire de parallèle avec la multiplication des suicides de policiers, mais je ne peux pas ne pas y faire référence.

Quant à l’augmentation continue de l’âge moyen des véhicules, elle devient une constante au tableau des insuffisances constatées. Tout le monde connaît également la vétusté dramatique de nos commissariats, qui en fait à la fois des lieux de travail désagréables et peu accueillants pour nos concitoyens et cojusticiables. À l’heure où les victimes sont encouragées à parler, à déposer leurs plaintes, la question des lieux de recueil de la parole des victimes et de la formation de ceux qui la reçoivent et la retranscrivent doit être prise très au sérieux – je vous le demande solennellement, monsieur le ministre d’État.

Notre police et notre gendarmerie sont depuis trop longtemps, hélas, en voie de paupérisation ; or les budgets proposés ne sont en aucun cas à la hauteur de l’enjeu et de la crainte qu’il suscite pour l’avenir de notre pays.

Le budget présenté pour nos soldats du feu n’est guère plus reluisant, et nous suivrons l’avis défavorable de notre collègue Catherine Troendlé sur les crédits de ce programme.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, en matière de défense, le maître mot est « remontée en puissance ». Il vaut aussi pour la sécurité intérieure.

Au-delà des missions classiques de sécurité civile ou de lutte contre la délinquance, la lutte contre le terrorisme est une priorité durable de notre société.

La mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2018 améliore les moyens mis à disposition de notre police et de notre gendarmerie pour exercer leurs responsabilités. Outre le remplacement de tous les départs à la retraite, quelque 1 376 emplois de policiers et 450 emplois de gendarmes pourront être créés. Dans le contexte d’extrême contrainte financière que connaît notre pays, l’effort est substantiel. Soyons cohérents avec nous-mêmes : ce budget marque un infléchissement positif.

À ceux qui estimeraient que ce budget est insuffisant, je rappellerai que chacun doit mesurer ses critiques au regard des actions du passé et des perspectives budgétaires soumises à nos concitoyens lors de l’élection présidentielle.

Sans brandir, comme vous le faites régulièrement, monsieur le ministre d’État, la courbe d’évolution des effectifs, …

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Je m’apprête à le refaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

… reconnaissons que les engagements pris par le Gouvernement, en termes de priorités, sont tenus.

Il a été observé que les créations que j’évoquais compensaient une réduction de temps de travail. De quoi parlons-nous ? De la directive 2003/88 du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, et de la transposition qui en a été faite par deux instructions ministérielles en date des 19 septembre 2016 et 4 mai 2017, ainsi que par un décret du 30 janvier 2017.

La question de la qualité de vie des agents doit être traitée avec efficacité et humanité. Il n’est toutefois pas interdit d’évaluer le choix des nouveaux cycles de travail, notamment celui dit « de la vacation forte », qui aurait des conséquences importantes sur la disponibilité opérationnelle.

Je souhaiterais également que soient vérifiées les conditions de la transposition, à la fin de 2016 et en 2017, de la directive de 2003 à laquelle je faisais référence il y a quelques secondes, et que puissent être explorées en particulier les possibilités d’évolution de cette directive. Il est en effet classique que les directives portent exception en matière de défense ; or, à mon sens, la sécurité intérieure et la sécurité extérieure sont un même sujet pour notre pays.

J’entends la critique de mes collègues sur le manque de formation et le manque d’équipements.

J’ose espérer, monsieur le ministre d’État, que, sur la durée du quinquennat, il sera possible d’améliorer les moyens de fonctionnement et les équipements ; je compte également sur les évolutions procédurales susceptibles d’alléger la charge de travail des enquêteurs, sujet dont nous espérons qu’il puisse être inscrit à l’ordre du jour du prochain semestre.

Enfin, autorisez-moi à insister sur le respect de la parole de l’État. Lors de votre audition par la commission des lois, vous nous avez indiqué que le ministère de l’intérieur avait accumulé, depuis plusieurs années, des retards de loyers qui s’élèvent, à la fin de 2017, à 114 millions d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

S’il n’est pas possible de tout rattraper en une année, et si un regard sévère peut être porté sur l’absence de sincérité des dispositions budgétaires antérieures, je me permets d’insister pour que la parole de l’État soit respectée, y compris via un lissage pluriannuel de l’effort, l’enjeu étant l’amélioration de la maintenance quotidienne des commissariats et des brigades de gendarmerie. Plusieurs de mes collègues sont intervenus sur ce thème, et nous partageons cette préoccupation.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, le groupe Union Centriste se ralliera, par son vote, à l’avis favorable formulé sur les crédits de cette mission par la commission des finances.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Mais la commission des finances propose le rejet des crédits !

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, la prégnance de la menace terroriste, l’importance de la pression migratoire à laquelle notre pays fait face depuis désormais plus de deux ans et le maintien d’un niveau élevé de délinquance ont impliqué, au cours des derniers mois, une mobilisation sans précédent des forces de sécurité intérieure sur notre territoire.

Eu égard au niveau élevé et à la diversité des menaces, les gouvernements successifs ont engagé, au cours des dernières années, des efforts budgétaires certains et élaboré des plans de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration clandestine.

Ainsi, les effectifs des forces de police et de gendarmerie ont été renforcés lors des derniers exercices budgétaires. Un effort de mise à niveau des matériels a été engagé, sans toutefois qu’il atteigne le niveau exigé par l’aggravation de la situation.

Bien que les crédits de la mission « Sécurités » progressent de 215 millions d’euros, soit une hausse de 1, 44 %, cet effort apparaît bien modeste au regard du contexte sécuritaire particulièrement tendu. Cet effort budgétaire demeure en effet bien en deçà des attentes et des besoins des forces de sécurité intérieure, dont les conditions matérielles, je le rappelle, continuent de se dégrader, contribuant au mal-être généralisé au sein de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Mes chers collègues, cette mission budgétaire suscite donc de nombreuses interrogations.

Tout d’abord, en dépit des hausses de crédits, parfois faibles, deux baisses significatives apparaissent au sein du programme 176, « Police nationale » ; elles nous semblent difficilement compréhensibles. En effet, les crédits de l’action Ordre public et protection de la souveraineté diminuent de 59 millions d’euros. Quant aux crédits de l’action Sécurité et paix publiques, ils sont, eux, amputés de 62, 6 millions d’euros.

Toujours au sein du programme 176, alors que la France a décidé de maintenir les contrôles aux frontières jusqu’au 30 avril 2018, les crédits de l’action Police des étrangers et sûreté des transports internationaux, qui permettent notamment d’assurer le contrôle des personnes aux frontières, la lutte contre l’immigration clandestine et le démantèlement des filières qui l’organisent, ne représentent que 8, 3 % des crédits du programme.

Quant aux crédits du programme 152, « Gendarmerie nationale », ils s’élèvent à 8, 9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 8, 66 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une quasi-stagnation par rapport aux crédits votés dans la loi de finances initiale pour 2017. En euros constants, ce budget de la gendarmerie nationale connaîtra donc une baisse de 0, 44 % en crédits de paiement.

Cette évolution, qui pèse sur les budgets de fonctionnement et d’investissement, est d’autant plus regrettable que la gendarmerie a vu le panel de ses missions s’élargir considérablement au cours des dernières années, un rôle accru lui ayant été confié en matière de lutte contre le terrorisme et contre l’immigration irrégulière.

Concernant les programmes 176 et 152, « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », l’effort budgétaire consenti sur les moyens humains masque une sous-dotation manifeste des crédits de fonctionnement et d’investissement. Cet effort ne permettra pas de remédier au vieillissement des parcs automobiles de la police et de la gendarmerie, de rénover le parc immobilier, qui se trouve dans un état de délabrement avancé, ou de poursuivre la mise à niveau des équipements des forces de sécurité.

Enfin, que dire de l’importante dégradation de la situation matérielle de nos forces de sécurité, qui contribue à la croissance du mal-être au sein de la police et de la gendarmerie nationales ? Aujourd’hui, la colère légitime de nos policiers s’ajoute à celle de leurs compagnes ; elle doit être entendue.

Avant de conclure, je souhaite rendre hommage, depuis cette tribune, aux hommes et aux femmes qui, tous les jours, souvent au péril de leur vie, assurent notre sécurité. Je veux ici saluer leur engagement au service des citoyens.

Monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ce projet de budget n’apporte pas à la police et à la gendarmerie nationales des moyens financiers, matériels et humains à la hauteur de leurs missions et de leur niveau de sollicitation. Il ne prend pas, en outre, la pleine mesure de la dégradation du contexte sécuritaire dans notre pays.

Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas les crédits de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2018.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, débattre du budget de la Nation et le voter, c’est bien plus qu’autoriser les recettes et les dépenses. C’est assurer le soutien de la France à tous ceux qui garantissent sa sécurité quotidiennement ; c’est donner à ceux qui sont prêts à sacrifier leur vie pour remplir cette mission les moyens concrets d’assurer la protection de nos concitoyens.

Avant d’aborder les considérations d’ordre strictement budgétaire, je veux rendre un hommage solennel aux membres des forces de sécurité blessés ou disparus en service : policiers, gendarmes et pompiers sont des héros discrets, mais ils sont indispensables à la vie des Français – je crois utile de le rappeler.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le ministre d’État, nous aurons à cœur d’entendre vos réponses aux préoccupations des rapporteurs. Le travail qu’ils ont réalisé mérite d’être salué.

Deux points retiennent mon attention.

Le premier concerne la directive européenne relative au temps de repos. Le temps de récupération est indispensable ; néanmoins, l’équation devient très difficile, puisque les recrutements sont à peine suffisants pour assurer les rotations.

Le second point concerne l’organisation du travail et la répartition des tâches au sein de la gendarmerie. Il est temps que cette dernière cesse d’effectuer des tâches indues à la place d’autres administrations. La réalité des menaces nous impose de créer les conditions d’un recentrage de ses activités sur son cœur de métier.

Son travail d’enquête est très important, à l’heure où la société se judiciarise de plus en plus et où l’opinion ne supporte plus les vices de procédure bénéficiant aux criminels.

À cet instant du débat, je voudrais revenir sur des points spécifiques concernant la gendarmerie, qui me tiennent à cœur. La gendarmerie a une image largement positive auprès de nos concitoyens. Elle représente, pour les Français, l’ordre et la proximité. Aux yeux des sénateurs représentants des territoires que nous sommes, les gendarmes ont un rôle primordial dans le maillage social et territorial.

La gendarmerie incarne la souveraineté de notre État et l’unité de notre nation. Non seulement les gendarmes contribuent à la sécurité de nos concitoyens, mais, par leur statut militaire, ils sont les garants de la résilience nationale. Alors que notre pays fait face au terrorisme depuis plusieurs années, la résilience est une notion des plus précieuses.

De fait, ce corps historique de protection de l’État et de la Nation constitue la cible de ceux qui ont la haine de la France, de ceux qui méprisent nos institutions. Tragiquement, la haine de nos forces de l’ordre s’accompagne de violences inacceptables et intolérables. Le sang-froid dont elles font preuve force le respect et démontre leur niveau de professionnalisme ; il convient de le saluer.

Récemment encore, une brigade territoriale de la gendarmerie a fait l’objet, à Meylan, d’un incendie. Ses conséquences auraient même pu être criminelles. Cinq véhicules ont été détruits, mais l’intention était de tuer des gendarmes. La multiplication de ce genre d’initiatives démontre que certains vivent non pas dans la peur du gendarme, mais bien dans la haine du gendarme ! Ces différents événements doivent entraîner, de notre part et de la part de la justice, un appui sans faille.

Rappelons la complexité des défis auxquels sont confrontés les gendarmes, notamment dans les domaines relatifs à la lutte contre le terrorisme. En la matière, je me réjouis de voir le rôle de la gendarmerie renforcé. Je veux saluer l’apparition de nouvelles unités qui protégeront certains sites sensibles.

En outre, la gendarmerie a une expérience historique, comme peut en témoigner le GIGN, le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale – j’espère d’ailleurs que la mutualisation ne nuira pas à son moral. Tout ce qui contribue à préserver et à améliorer ce savoir-faire de la gendarmerie doit être encouragé.

La lutte contre le terrorisme constitue aussi un travail global, qui ne se limite pas aux seules interventions ou aux missions de protection. Ce combat se tient également en amont, dans la surveillance et dans la détection de certains comportements.

Par ailleurs, il faut souligner le rôle que joue la gendarmerie dans la prévention de la radicalisation. Dans ce domaine, l’apport de la gendarmerie est particulièrement précieux. En effet, par son ancrage territorial et historique, par sa connaissance du terrain, la gendarmerie joue un rôle indispensable dans le renseignement de proximité, qui est l’échelon de base de notre renseignement.

Par son implantation, la gendarmerie peut détecter les moindres signes de radicalisation. C’est un appui précieux dans la lutte contre le radicalisme islamiste, antichambre du terrorisme.

Nos 3 111 brigades et chacun de nos gendarmes sont autant de postes d’observation dans ce combat qui doit être mené sans faiblesse. Nous devons utiliser au maximum la connaissance du terrain que possède la gendarmerie, car cela contribue à une défense efficace de notre ordre public. Mais la reconnaissance de ce savoir-faire en matière de renseignement territorial passe aussi par la création des antennes de renseignement territorial, dont je me réjouis de voir qu’elles sont animées par nos gendarmes.

J’appuierai donc tout ce qui va dans la perspective du renforcement de ces capacités de renseignement.

La gendarmerie est la représentante de l’État auprès de la population ; il faut, à ce titre, saluer son rôle dans les territoires ultramarins, où elle couvre une zone correspondant à 68 % de la population. C’est bien l’unité de la République et de la Nation qui est assurée concrètement. Nos compatriotes d’outre-mer le savent ; ils sont « en demande de gendarmerie », d’autant plus que le facteur d’insularité rencontre aujourd’hui de plein fouet la mondialisation des trafics et de la criminalité.

S’agissant de la protection de l’ordre public et de la sécurité du quotidien, le bilan de l’action de la gendarmerie est positif – on constate ainsi une diminution des violences physiques et des cambriolages. Ces signes encourageants n’auraient évidemment pas été possibles sans son travail.

Outre les territoires ultramarins, nous devons impérativement prendre en compte la dimension européenne de la gendarmerie. Sur ce point, on peut parfois regretter le manque de volonté des Européens eux-mêmes.

Aussi, monsieur le ministre d’État, serait-il bienvenu que la France appelle ses partenaires à maintenir et à augmenter efforts et politique de coopération. Je pense par exemple à certains réseaux et mafias, et notamment aux commerces d’armes, de drogues et d’êtres humains. Leurs ramifications et implantations sont pleinement européennes, c’est-à-dire sans frontières ; elles sont libres de leurs mouvements.

N’oublions pas que la France, par sa géographie, est au cœur de trafics, à l’est, mais aussi au sud. J’en veux pour preuve le nombre d’interpellations des go fast entre l’Espagne et la Belgique. Nos concitoyens exigent de l’Europe des frontières sûres et bien gardées ; leur porosité ne peut qu’alimenter le terrorisme et tous les trafics.

Il faut donc soutenir la gendarmerie dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulière. Cent gendarmes ont été engagés dans le cadre de FRONTEX ; c’est un début encourageant, mais il faut absolument que les dotations suivent. La gendarmerie doit être soutenue dans la défense de ces frontières que l’Europe a trop tardé à protéger !

La gendarmerie peut contribuer à rendre l’Europe plus efficace, plus proche des Français. Le mot « protection » ne doit pas être un tabou, mais devenir une réalité.

Avant de conclure, permettez-moi, monsieur le ministre d’État, d’attirer votre attention sur l’émergence d’un nouveau terrain de jeu pour le grand banditisme : le crime et la délinquance peuvent être virtuels ; le cas échéant, néanmoins, les conséquences et dommages sont bien réels, avec, hélas, de nouvelles victimes. La cybersécurité est l’un des nouveaux terrains d’action de la gendarmerie. C’est un enjeu vital pour l’ensemble de la société et de ses acteurs, tant gouvernementaux qu’économiques.

Sur internet se livre une véritable guerre. Les « e-délinquants » ont des capacités de déstabilisation sans échelle : leurs cibles sont aussi bien les particuliers, les multinationales que les institutions gouvernementales. En réalité, la criminalité numérique exige non pas une politique de cyberdéfense, mais une politique offensive. Cela passe par une politique de recherche, d’investissement et de formation de grande ampleur.

Contrôle de l’action du Gouvernement, afin que les crédits de fonctionnement cessent d’être engagés au détriment des crédits d’investissement, et soutien permanent aux forces de sécurité sont les deux valeurs de mon groupe.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je partage les propos de Pierre Charon, qui vient de rendre hommage aux forces de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile, à ces hommes et à ces femmes qui donnent tant, jour et nuit, 365 jours par an, pour notre sécurité.

En revanche, malheureusement, je ne suis pas d’accord avec lui sur d’autres sujets qu’il a abordés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cela arrive, mon cher collègue ! C’est le cas, notamment, s’agissant des effectifs.

Monsieur le ministre d’État, j’ai remarqué que vous alliez créer 1 629 postes de policiers et 459 postes de gendarmes. À mes collègues du groupe Les Républicains, …

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… et notamment à M. Karoutchi, je souhaite rappeler un certain nombre de faits.

Chers collègues, je sais que cela vous fait de la peine…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. … et que c’est difficile à admettre. Toutefois, au moment où vous nous donnez des leçons – vous avez le droit de le faire –, je rappelle que, entre 2007 et 2012 – vous vous en souvenez bien, monsieur Karoutchi –, plus de 10 000 emplois ont été supprimés !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Marie-Pierre de la Gontrie et M. Julien Bargeton applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La période est-elle comparable ? Et le terrorisme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Plus de 10 000 emplois ont été supprimés dans la police et dans la gendarmerie : c’est une réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. C’est du passé, certes. Mais l’histoire est bien là !

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes là pour débattre, mes chers collègues. Au Parlement, on a le droit de parler !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour mémoire, je rappelle également que, au cours de la même période, les crédits d’investissement relatifs à la police ont baissé de 16 % et les crédits relatifs à la gendarmerie de 18 %. On ne peut donc pas ne pas dire qu’un redressement, depuis lors, s’est produit. D’ailleurs, monsieur le ministre d’État, vous êtes, à cet égard, dans le droit fil de vos prédécesseurs.

Mes chers collègues, comme nous détestons tous le simplisme, après avoir donné acte à M. le ministre d’État de ces augmentations d’effectifs, qui doivent être notées, je soulignerai, comme vous l’avez fait les uns et les autres, que les crédits d’équipement ne sont pas au niveau que nous aurions pu espérer.

Alors qu’un effort exceptionnel de 37 millions d’euros a été réalisé dans la loi de finances pour 2017, on constate dans ce projet de loi de finances une diminution de 7 % des crédits d’équipement, qui concernent l’armement, l’habillement, les moyens de protection et d’intervention des forces de police et de gendarmerie. C’est un vrai problème.

Par ailleurs, le rapport de M. Henri Leroy explique que, dans la pratique, l’investissement immobilier sert souvent de variable d’ajustement. Lorsque 85 % des crédits sont consacrés aux personnels, lesquels ne peuvent évidemment être ajustés, il reste 15 % pour l’immobilier et les équipements, qui, eux, peuvent donner lieu à des ajustements.

C’est pourquoi, monsieur le ministre d’État, je serai très heureux si vous preniez l’engagement de sanctuariser complètement ces crédits et de refuser la régulation. Si tel n’était pas le cas, ce serait extrêmement dommageable, puisque ces crédits ne sont déjà pas suffisants !

Puisque le temps m’est compté, je salue l’effort en faveur de la sécurité du quotidien, tout en reprenant les questions qui ont été posées par Mme Assassi, notamment, sur le financement de ce programme.

Enfin, je souligne l’importance des actions que vous menez, dans la continuité totale de vos prédécesseurs, monsieur le ministre d’État, pour lutter contre le terrorisme, sujet qui nous préoccupe tous. Je n’insisterai que sur un point : quand la DGSI, a été mise en place, et avant qu’elle ne fût mise en place, la connexion entre le renseignement de terrain et le renseignement au niveau central posait un vrai problème.

Je sais que vous vous êtes attaché, vous l’avez rappelé, à supprimer cette distance dans un objectif d’efficacité. Je salue cette action ; peut-être pourriez-vous nous en parler davantage, car une telle politique est nécessaire dans la lutte contre le terrorisme, qui est une priorité absolue dans notre pays.

Monsieur le ministre d’État, nous ne suivrons pas nos collègues qui ont décidé de voter contre ce budget. Nous ne suivrons pas non plus nos homologues socialistes de l’Assemblée nationale. Nous nous abstiendrons, ce qui signifie que nous voyons à la fois les points positifs, qui concernent les effectifs, et les insuffisances. Nous espérons que notre vote constituera un encouragement pour poursuivre votre action à cet égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, pour des raisons que personne n’ignore, ces trois dernières années ont donné lieu à d’importantes décisions politiques et à des réformes législatives en faveur du renforcement des moyens dévolus aux forces de la sécurité intérieure, qui ont été accompagnées par une augmentation parallèle des crédits de la mission « Sécurités ».

Au sein des forces de la police et de la gendarmerie nationales, des programmes de modernisation ont été engagés par ailleurs, afin de recentrer les activités des agents sur le cœur de leur métier : la protection des personnes et des biens.

L’augmentation de près de 2 % des crédits que vous proposez s’inscrit dans la continuité des exercices précédents, ce qui est une bonne chose.

Comme le rappelait le Président de la République dans son adresse aux forces de sécurité intérieure du 18 octobre dernier, vous avez demandé, monsieur le ministre d’État, que tous les agents de votre ministère soient associés à la redéfinition de notre stratégie de sécurité intérieure, par voie de consultation.

C’est une excellente méthode, destinée à valoriser le travail d’agents dont le moral a été très durement éprouvé au cours des dernières années. Nous ne sous-estimons pas la pression pesant sur chacun d’entre eux. Il n’est pas difficile d’imaginer que, ces temps-ci, le poids de l’uniforme se fait un peu plus lourd… Les risques encourus sont devenus aussi grands que les attentes de nos concitoyens.

C’est pourquoi nous vous soutenons dans votre initiative : il est nécessaire de redonner à vos effectifs tous les hommages qui leur reviennent, tant leur action en faveur de l’ordre et de la paix civile est déterminante.

La valorisation des forces de l’ordre et de la sécurité publique est également une condition nécessaire pour le succès des réformes que vous proposez, qu’il s’agisse du renforcement du continuum de sécurité ou, dans le cas de la police nationale, de la création de la police de sécurité du quotidien.

L’incomparable violence des attaques terroristes ne doit pas nous faire oublier les effets de la délinquance, des cambriolages et des incivilités quotidiennes sur la propagation du sentiment d’insécurité dans l’ensemble de la population.

Sur les 3 800 postes créés dans la police nationale, 1 200 ont été affectés à la DGSI et au renseignement territorial. Cependant, le développement des moyens techniques et humains de nos services de renseignement et de lutte contre le terrorisme ne doit pas compromettre la mise en œuvre d’autres réformes, aujourd’hui à l’expérimentation.

Je pense, notamment, à l’expérimentation des caméras-piétons et, au sein de la gendarmerie, au développement des « brigades territoriales de contact ». Il faut remettre le gendarme au plus près de la population, c’est comme cela que nous obtiendrons des informations et du renseignement. Je pense également à l’outil numérique Néogend, qui devrait faciliter la tâche des agents sur le terrain. Toutes ces applications utiles dans les démarches quotidiennes des forces de l’ordre devraient être maintenues.

À propos de la gendarmerie nationale, il est par ailleurs décevant que l’évolution des crédits de son programme ne suive pas le même profil que celui de la police nationale. Cet arbitrage intervient alors même que les attentes sécuritaires ont grandi sur l’ensemble du territoire, et pas simplement dans les zones protégées par la police nationale.

Dans de nombreuses communes, l’organisation de manifestations culturelles et autres est fortement menacée par les nouvelles normes de sécurité anti-attentats qui s’imposent. Il pourrait être envisagé de renforcer l’association des élus à la définition des stratégies locales de sécurité afin de maintenir l’expression de notre vie culturelle et associative. C’est ma vision de ce que pourrait être le « continuum territorial de sécurité » ; il semble que sur ce point nos visions pourraient converger, monsieur le ministre d’État.

Sans remettre en cause la politique menée dans ce domaine, je voudrais également formuler quelques remarques sur les moyens affectés à la lutte contre le terrorisme.

Près de trois ans après le déclenchement de l’opération Sentinelle, et après plusieurs décennies sous le régime de Vigipirate, il faut à présent s’interroger sur l’efficacité de telles opérations préventives, mobilisant par ailleurs des effectifs importants.

Mes dernières observations concerneront la sécurité routière. La hausse des crédits est justifiée par l’augmentation du nombre de personnes accidentées et par le ralentissement de la baisse du nombre de personnes tuées.

Depuis les années soixante-dix, le nombre de personnes tuées dans des accidents de la route a baissé sensiblement, passant de plus de 16 000 par an à un peu moins de 3 500 personnes tuées cette année. Toutefois, la cible fixée à 2 000 morts par an n’est toujours pas atteinte. Parmi ces victimes, beaucoup sont des cyclistes et des piétons.

Je terminerai par un petit billet d’humeur. J’ai pris connaissance de l’éventuel projet de réduire la vitesse autorisée sur les routes à 80 kilomètres à l’heure…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

La voiture reste le seul moyen de se déplacer, surtout au cœur des territoires enclavés.

De forts lobbies urbains poussent à cette mesure. Toutefois, ayant toujours préféré la prévention à la répression, j’y suis personnellement opposé.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Comme le disait le président Pompidou, qui avait beaucoup de bon sens : « Arrêtez donc d’ennuyer – j’ai édulcoré le terme employé, mes chers collègues – les Français ! »

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Noël Guérini applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les présidents de commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, je salue le travail de nos rapporteurs, ainsi que celui des personnels de notre institution. Depuis 2007, j’interviens modestement sur cette mission « Sécurités » ; j’ai pu mesurer son importance et son évolution de plus en plus complexe.

Certes, les sécurités constituent, gouvernement après gouvernement, une priorité. La sécurité des personnes et des biens, cela a été beaucoup rappelé par nos collègues, est en effet l’affaire de tous.

C’est pourquoi je tiens à rendre hommage à l’ensemble des personnels qui travaillent avec professionnalisme : les gendarmes, les policiers, les sapeurs-pompiers, mais également nos militaires dans le cadre de l’opération Sentinelle, qui luttent contre le terrorisme, ainsi que celles et ceux qui œuvrent au sein de nos trois fonctions publiques. Les dangers sont présents partout, dans le secteur urbain comme dans le secteur rural, d’où l’importance dans le monde rural des brigades de gendarmerie de proximité, qu’il convient aussi de soutenir.

Élu d’un département frontalier, les Ardennes, je puis remarquer et mesurer le surcroît d’activité opérationnelle liée aux contrôles aux frontières dans le cadre de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme.

Dans le cadre de la loi de finances pour 2018, les crédits de paiement progressent très légèrement de 1, 34 % pour atteindre 19, 2 milliards d’euros répartis comme suit : 18, 5 milliards d’euros pour le programme « Police nationale » et 8, 6 milliards d’euros pour le programme « Gendarmerie nationale ».

Toutefois, je tiens surtout à mettre en valeur les moyens humains, même si une progression des effectifs est engagée. Les missions de nos policiers et gendarmes sont de plus en plus éprouvantes. Ce sont des métiers très difficiles, dangereux. Nous en prenons conscience très régulièrement, notamment lors des cérémonies annuelles d’hommage pour les gendarmes, les policiers et les sapeurs-pompiers décédés en service.

C’est pourquoi le respect et la reconnaissance, l’écoute et le dialogue, doivent être également des priorités en direction de l’ensemble des personnels. À ce titre, la tâche reste immense. Je relaierai deux témoignages, mais je sais que mes collègues dans leur département pourraient en offrir d’autres.

Premier témoignage, il y a quelques jours, dans le cadre de mes missions, j’ai participé à Charleville-Mézières au soixante-treizième anniversaire des compagnies républicaines de sécurité, à la CRS 23. J’ai pu réellement et sincèrement mesurer le rôle important de ces compagnies, dont les missions sont malheureusement souvent méconnues.

Autre modeste témoignage, j’ai participé à une réunion organisée par M. le préfet des Ardennes, avec M le procureur de la République, dans le cadre de la mise en place de la police de sécurité au quotidien. Cette réunion, fort intéressante, mobilise beaucoup de partenaires ; j’espère que les moyens seront à la hauteur des objectifs en termes d’efficacité.

Il convient de soutenir le dialogue et la concertation avec les élus locaux, les policiers municipaux, le secteur de la sécurité privée, mais aussi avec les acteurs économiques, l’éducation nationale et les travailleurs sociaux. Protéger nos concitoyens partout : tels sont les objectifs.

Il faut également lutter contre l’insécurité routière. Même si des mesures ont été prises en ce sens, il reste encore beaucoup à faire.

Je dirai un mot, pour finir, sur la lutte contre les violences conjugales et le harcèlement, qui sont malheureusement des sujets d’actualité, en lien avec mes collègues de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, laquelle est présidée par Annick Billon. Là aussi, il reste beaucoup à faire. Nous devons tous nous mobiliser.

En conclusion, nous nous devons de renforcer cette mobilisation pour la sécurité. C’est pourquoi je suivrai l’avis de la commission des finances. Vive les policiers ! Vive les sapeurs-pompiers ! Vive les gendarmes !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, mon intervention s’intéressera spécifiquement aux crédits accordés à la sécurité civile au sein de la mission « Sécurités ».

Nous le savons, les intervenants dans le domaine de la sécurité civile sont nombreux. Outre l’action essentielle des sapeurs-pompiers, en particulier des sapeurs-pompiers volontaires, sur laquelle je reviendrai plus particulièrement, on y compte également les services de déminage, les formations militaires ou encore les associations et les actions citoyennes.

L’ensemble de leurs actions s’inscrit dans un contexte composé de défis d’ampleur à relever. On pense aux traditionnels, mais spectaculaires feux de forêt survenus ces deux dernières années. On pense également aux attaques et aux menaces terroristes auxquelles notre pays doit faire face, ainsi qu’aux catastrophes naturelles, telles que celles qui ont tout récemment ravagé les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, ainsi que les départements de Martinique et de Guadeloupe.

Rappelons, en outre, que si la politique publique de sécurité civile est définie à l’échelon national et conduite par le ministère de l’intérieur en vue d’assurer la protection des populations et la gestion des crises, elle est également largement financée et appliquée au niveau local. Les collectivités territoriales allouent ainsi près de 5 milliards d’euros par an aux actions et missions de sécurité civile.

Au sein du budget de l’État, il nous faut par ailleurs veiller à ce que la sécurité civile ne soit pas le parent pauvre des moyens globaux accordés à la sécurité. En examinant à première vue les chiffres contenus dans le projet de budget du Gouvernement pour 2018, on pourrait spontanément se dire que tel n’est pas le cas, les moyens de ce programme passant de 469, 69 millions d’euros à 855, 39 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 507, 74 millions d’euros à 533, 9 millions d’euros en crédits de paiement.

Néanmoins, cette hausse de près de 400 millions d’euros s’explique par la commande par l’État en 2018 de six appareils « multirôles », dont la livraison s’échelonnera entre 2019 et 2022, afin de renouveler la flotte d’avions bombardiers d’eau du fait de l’usure des matériels en fonction depuis de très nombreuses années.

Surtout, cette hausse des crédits dissimule un net recul du soutien aux acteurs de la sécurité civile, notamment une diminution de 60 % de la dotation de soutien aux investissements structurants des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS, alors que doit s’amorcer la mise en œuvre du système unifié de gestion des alertes et des opérations des services.

Cette dotation de soutien, créée par la loi du 27 décembre 2016 relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires, et qui s’élevait en 2017 à 25 millions d’euros, ne sera plus que de 10 millions d’euros en 2018. C’est d’autant plus préoccupant que, parmi les acteurs agissant en matière de sécurité civile et relevant de la sphère publique, les SDIS et les sapeurs-pompiers occupent une place particulière, qu’il convient de préserver.

Notre pays compte 97 services départementaux d’incendie et de secours et les statistiques témoignent de leur activité soutenue : plus de 4, 5 millions d’interventions en 2016 et 122 interventions en moyenne par jour, qui peuvent aller pour certains SDIS jusqu’à 254 interventions quotidiennes !

En outre, je voudrais insister sur l’importance de la poursuite des actions engagées sous la précédente mandature en matière de valorisation du volontariat des sapeurs-pompiers, qui est au cœur des dispositifs de protection de la population au quotidien.

À cet égard, nous nous félicitons, monsieur le ministre d’État, que vous ayez annoncé hier le lancement d’une mission gouvernementale destinée à augmenter le nombre de sapeurs-pompiers volontaires. C’est nécessaire, car les difficultés à concilier ce statut avec sa vie professionnelle et familiale sont nombreuses, même s’il faut rappeler que, sous la présidence de François Hollande, nous sommes parvenus à enrayer la crise du volontariat qui affectait les effectifs.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Après être passé de 200 000 en 2007 à 192 000 en 2013, le nombre de sapeurs-pompiers volontaires est enfin reparti à la hausse à partir de 2014. On dénombrait ainsi 193 800 sapeurs-pompiers volontaires au 31 décembre 2016.

Les sapeurs-pompiers volontaires reçoivent une formation à la hauteur de celle des professionnels Il est nécessaire qu’ils aient les mêmes équipements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

M. Jean-Luc Fichet. Malgré les effets d’apparence, les crédits accordés pour 2018 ne sont pas au rendez-vous. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, je m’abstiendrai sur ce programme budgétaire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux, madame, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de m’associer aux propos tenus par MM. Charon et Sueur, qui ont rendu hommage à nos forces de l’ordre, de sécurité publique et de protection civile. J’avais eu l’occasion d’apprécier ces dernières dans des fonctions précédentes. Aujourd’hui, je les vois agir comme ministre de l’intérieur. Je suis extrêmement fier de l’action qu’elles mènent, les unes et les autres, sur le terrain.

Je suis allé observer comment nos policiers travaillaient dans un certain nombre de quartiers difficiles. Je me suis rendu dans certaines communes de la périphérie avec la brigade anti-criminalité, la BAC, et j’ai pu constater combien étaient difficiles ces missions.

Je suis allé observer des gendarmeries dans des zones rurales. J’ai pu mesurer combien était grand le contact avec la population, combien était grande aussi la technicité de ces fonctionnaires. J’ai eu à gérer avec les forces de la protection civile à la fois les feux de forêt les plus importants que nous ayons connus depuis quatorze ans et les ouragans qui ont touché les Antilles. J’ai pu observer l’engagement des uns et des autres. Tous sont absolument formidables, et je voudrais aujourd’hui leur dire merci !

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne souhaite polémiquer avec personne. Chacun a ses difficultés et toutes les périodes peuvent connaître leurs problèmes. Je m’en tiens simplement aux chiffres, et c’est sur eux, me semble-t-il, que la commission des finances a débattu pour rendre un avis favorable. Je me permettrai d’ailleurs de lire l’avis de la commission en conclusion de mon intervention.

Si l’on examine le graphique que je montre toujours, et auquel certains d’entre vous ont fait allusion, relatif à l’évolution en base 100 des effectifs depuis 2007, on s’aperçoit que ceux-ci ont connu une chute extrêmement importante jusqu’en 2012, puis sont remontés par la suite.

M. le ministre d’État brandit un graphique.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Dans le même temps, les dépenses d’équipement ont connu une chute relativement progressive, qui a duré jusqu’en 2015. Après cette date, les chiffres sont repartis à la hausse.

L’engagement que j’ai pris lors de mon arrivée au ministère de l’intérieur, conformément aux décisions du Président de la République, était de donner la priorité à la sécurité. C’est dans cette perspective que j’ai présenté devant vous la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. À l’époque, certains ont dit qu’il s’agissait d’une politique trop sécuritaire pouvant tuer les libertés…

Je me suis rendu la semaine dernière sur le marché de Noël de Strasbourg : c’est peut-être grâce à cette loi que nous pouvons encore organiser de belles manifestations, où celles et ceux qui sont présents sur le terrain peuvent jouir d’une liberté qu’ils n’auraient pas eue si nous n’avions pas adopté ce texte !

Les crédits que je vous présente aujourd’hui sont en augmentation de 1, 5 % en 2018 par rapport à 2017. Certes, ce n’est pas beaucoup, sauf que la France est aujourd’hui endettée à hauteur de 2 200 milliards d’euros. La charge de la dette s’élève à 42 milliards d’euros par an, soit les budgets cumulés de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la justice, du sport et de la culture ! Cela entraînera demain, si les taux d’intérêt remontent, de grandes difficultés pour le budget de la France.

Voilà pourquoi le Gouvernement a décidé de réduire le déficit de 7 milliards d’euros. Et en cette période où nous réduisions la dépense publique, ce qui est absolument nécessaire, les crédits de la sécurité continuent à augmenter. C’est sur cela que vous pouvez juger ce budget.

Le budget augmente donc de 1, 5 %, voire de 1, 9 % hors dépenses de personnels. Cela signifie que les dépenses de fonctionnement et d’équipements prises globalement sont plus importantes encore que l’augmentation en personnels.

Comme vous le savez, les crédits de personnels sont en hausse de 7, 3 %. Globalement, le budget de fonctionnement et d’investissement augmente de près de 18 % par rapport à 2015. Vous savez que nous avions connu deux années exceptionnelles après les attentats ; nous continuons sur cette ligne, parce que nous voulons faire de la sécurité une de nos priorités. Le message est donc clair : non seulement nous consolidons les efforts passés, mais nous les accentuons.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement souhaite créer 10 000 emplois, de manière à restaurer les capacités des forces de sécurité. En 2018, nous procéderons à ce titre au recrutement d’environ 1 000 policiers, 500 gendarmes et 400 personnels de la DGSI et du renseignement territorial. En 2019 et en 2020, nous créerons au total 2 500 postes chaque année, puis 1 500 en 2021 et en 2022. Certains peuvent dire que ce n’est pas assez, mais il s’agit tout de même d’un effort considérable.

Quelques-uns d’entre vous se sont interrogés : ces créations ne seront-elles pas totalement prises par la vacation forte ? Je puis vous assurer que nous voyons bien où est le problème.

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’un moratoire pendant un an pour que l’ensemble des créations de postes ne soit pas totalement absorbé par la vacation forte. Là où il est possible de prévoir des cycles pour qu’il y ait moins de personnels sur le terrain, après avoir créé des postes, nous instaurerons la vacation forte. Dans le cas contraire, nous ne le ferons pas.

Dans le même temps, les réformes de structure que vous évoquez sont particulièrement importantes pour la sécurité. Nous engagerons une grande réforme de la procédure pénale. Nous connaissons tous des policiers et des gendarmes. Tous nous disent que la moitié de leur temps est absorbée par des tâches administratives.

Eh bien, nous ferons la police de sécurité du quotidien, tout en menant de front, avec Mme la ministre de la justice, une réforme de la procédure pénale qui libérera nos policiers et nos gendarmes d’un certain nombre de tâches administratives.

J’ai entendu les policiers et les gendarmes. Je sais ce que sont les tâches indues. Je sais à quel point ils déplorent, et les magistrats avec eux, que leur temps soit pris par le respect de procédures.

Pour la première fois, nous avons organisé à Amiens une réunion conjointe de policiers, de gendarmes et de magistrats, qui visait à les faire travailler ensemble sur la numérisation et l’oralisation des procédures, notamment. L’idée est de libérer le temps des uns et des autres et de mettre sur pied une politique de sécurité et de justice du XXIe siècle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, on peut toujours dire que le budget que nous vous présentons et que les propositions que nous formulons ne sont pas satisfaisantes. Pourtant, nous avons lancé une grande consultation sur la police de sécurité du quotidien. Allez voir les maires, vous verrez qu’ils réagissent de manière extrêmement positive à cette enquête.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État

Ils en attendent beaucoup, car ils veulent retrouver des forces de l’ordre sur le terrain.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Que sera-t-elle, cette police de sécurité du quotidien ? Avant toutes choses, un continuum de sécurité. Nous avons voulu consulter, bien sûr, les forces de sécurité nationale, les policiers et les gendarmes, mais nous avons également interrogé les élus locaux et leur police municipale, car il y a des relations à créer entre ces deux niveaux. Nous avons aussi travaillé avec les agences de sécurité privée, de manière à renforcer leur professionnalisme.

C’est dans cette perspective que nous allons créer ce continuum, cette chaîne de sécurité, qui nous permettra de mieux assurer la sécurité de nos concitoyens dans les prochaines années.

Vous avez été plusieurs à évoquer les conditions de travail de nos policiers et de nos gendarmes. Je les ai constatées comme vous. J’ai pu me rendre dans plusieurs commissariats et casernes de gendarmerie ; j’ai vu dans quel état ces bâtiments pouvaient être. Nous avons donc décidé de réaliser un effort important.

J’ai également remarqué l’existence d’une dette, d’un montant de 114 millions d’euros, pour loyers impayés par la gendarmerie. Nous avons commencé, dès cette année, à l’apurer. Et ce sont désormais 13 millions d’euros par an qui seront affectés au remboursement de cette somme.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État

Cela ne nous empêche pas de consacrer des montants extrêmement importants à la rénovation des postes de police et de gendarmerie.

Dans la police, le budget immobilier de construction et de travaux lourds atteindra 196 millions d’euros, soit une hausse de 5, 4 %. Des opérations importantes seront lancées en 2018. Nous avons également voulu déconcentrer une part importante de crédits. Cette année, 50 millions d’euros seront ainsi utilisés, contre 19 millions d’euros l’an dernier.

Dans la gendarmerie, le plan d’urgence logement sera non seulement « soclé », mais aussi augmenté, et les crédits de réhabilitation du parc domanial atteindront 100 millions d’euros en 2018.

Dans ces deux forces, j’ai souhaité une déconcentration des décisions. C’est à l’échelon local que l’on doit décider s’il faut mettre un coup de peinture ou procéder à une réparation. En la matière, les décisions ne peuvent être prises d’en haut ! La déconcentration est nécessaire ; elle sera efficace sur le terrain.

Le Gouvernement a également souhaité prolonger le régime juridique qui permet aux collectivités territoriales d’être maîtresses d’ouvrage, voire cofinanceurs, de travaux intéressant la sécurité intérieure. Cela répond à un souhait formulé par nombre d’entre elles.

Pour ce qui concerne l’équipement – ce point a lui aussi été abordé par certains orateurs –, nous avons également consolidé les moyens des forces de sécurité, avec 230 millions d’euros de crédits dans les deux forces, c’est-à-dire un niveau équivalent à celui qui a été atteint lors des deux dernières années, quand il s’agissait encore d’un plan présenté comme exceptionnel, puisqu’il correspondait à la période suivant les attentats.

Cela se traduira par un renouvellement du parc automobile. L’objectif est de tendre vers 3 000 acquisitions annuelles pour ne pas dégrader l’âge moyen de la flotte. Pour les deux forces, le budget prévisionnel est de 136 millions d’euros.

Nous pensons également qu’un saut technologique est nécessaire. C’est pourquoi le projet Néogend sera achevé à la fin de l’année 2017 : quelque 67 000 tablettes et smartphones ont déjà été déployés. Dans la police, à la fin de l’année, 28 500 terminaux Néopol seront en service. J’ai également demandé que 22 000 tablettes et smartphones supplémentaires soient déployés d’ici à trois ans. Et dire que j’entends qu’aucun effort ne serait fait en matière d’équipements et d’investissement…

Ce matin, j’intervenais devant le conseil scientifique de la gendarmerie nationale, qui essaie de réfléchir à des questions liées à l’innovation.

J’invite tous ceux qui le veulent à se rendre à Pontoise pour constater d’eux-mêmes ce que développe la gendarmerie, en coopération avec la police. Ils verront que nous disposons sans doute de l’une des forces de sécurité qui se consacre le plus aux thématiques d’avenir en Europe, en essayant de penser ce que seront la délinquance et la criminalité de demain, les enjeux de cybersécurité, les défis nouveaux.

Je suis extrêmement heureux d’être à la tête de ce ministère, qui fait la part belle à l’innovation et où les forces de sécurité et les forces de protection civile tentent sans cesse de construire le futur.

Je reviens sur la question des équipements. Pour la gendarmerie, nous achèterons l’an prochain 20 000 gilets pare-balles individuels. Nous augmenterons le budget dédié aux munitions de 2 millions d’euros. Pour la police, les chiffres se montent à 30 000 gilets et 12 millions d’euros pour les munitions. Qui peut encore dire que les sommes consacrées à l’équipement ne sont pas à la hauteur ?

Pour ce qui est du budget relatif à la protection civile, je dois dire que j’espérais de Catherine Troendlé un peu plus de bienveillance. §Nous achetons six avions supplémentaires : il me semble que c’est un investissement important, même s’il se fera sur plusieurs années.

Vous avez parlé du projet SGA-SGO, pour système de gestion des appels-système de gestion opérationnelle, madame la sénatrice. En effet, 10 millions d’euros seront engagés cette année pour commencer à le développer, et permettre ensuite aux services départementaux d’incendie et de secours, ou SDIS, de réaliser des économies considérables. À long terme, ce sont 600 millions d’euros d’investissement en moins qu’ils auront à faire. Qui dit que, là encore, le Gouvernement ne fait pas d’effort pour penser l’avenir, notamment celui des SDIS ?

En contrepartie de ces efforts, nous engagerons un certain nombre de réformes structurelles. Il convient de mieux penser la mutualisation entre la police et la gendarmerie et d’assurer une meilleure compatibilité entre les systèmes informatiques. La réforme de la procédure pénale que j’évoquais à l’instant suppose, par exemple, que les systèmes informatiques de la police, de la gendarmerie et de la justice soient compatibles.

Ces projets mériteront des efforts considérables. Mais c’est par l’innovation que nous transformerons l’appareil de l’État en matière de sécurité et de justice. Et il faudra aussi réfléchir à la façon dont nous pouvons faire en sorte que les polices scientifiques de la police et de la gendarmerie travaillent et innovent mieux ensemble. Tout cela, nous allons le faire. Nous le devons à nos concitoyens.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis extrêmement heureux de vous présenter ce budget, qui constitue une réponse à l’engagement pris par le Président de la République de faire de la sécurité sa priorité absolue.

C’est sans doute pour cela, messieurs les rapporteurs spéciaux, que, « réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission, après avoir pris acte des modifications adoptées par l’Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d’adopter les crédits de la mission et ceux du compte spécial, tels que modifiés par ses amendements. Elle lui a proposé d’adopter sans modification les articles 62 ter, 62 quater et 67 et d’adopter l’article additionnel après l’article 67 ».

Je connais l’objectivité du Sénat. Je vous demande donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous fier aux chiffres et au réel, de ne pas vous livrer à une forme de subjectivité qui pourrait apparaître comme seulement politicienne.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Sécurités

Police nationale

Dont titre 2

9 392 207 608

9 392 207 608

Gendarmerie nationale

Dont titre 2

7 312 942 809

7 312 942 809

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

Dont titre 2

186 920 133

186 920 133

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° II-361, présenté par M. P. Dominati, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Police nationale

dont titre 2

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Chacun, dans cet hémicycle, partage l’enthousiasme dont vous faites preuve quand vous évoquez les missions des forces de l’ordre, monsieur le ministre d’État.

En revanche, pour ce qui est de l’interprétation des chiffres, notre vision est différente de la vôtre. Vous vous demandez si l’on peut contester le fait que les efforts en matière d’équipement sont au rendez-vous. Or, cela a été rappelé par Jean-Pierre Sueur, mais également par les rapporteurs spéciaux, les effectifs du budget 2018 permettront seulement de retrouver les effectifs de l’année 2008. À un détail près, en 2008, il y avait 33 000 véhicules de police, pour un rythme d’acquisition de 5 000 par an. En 2017, ce sont moins de 3 000 véhicules qui ont été acquis.

Même vos chiffres, monsieur le ministre d’État, témoignent du vieillissement du parc automobile. J’y ajoute les incidents dans la formation du personnel et le sous-équipement chronique.

Ce budget est celui d’une nouvelle mandature, d’un nouvel exécutif, qui a plusieurs fois réaffirmé son engagement dans ce domaine. Il est très différent du budget des années passées, qui portaient la marque des plans d’exception décidés par le Président de la République à la suite des attaques terroristes auxquelles il avait dû faire face au milieu de son mandat.

À cause de ces attaques et de la crise migratoire, il a fallu renforcer nos forces de sécurité. Ce que nous voulons, c’est leur donner des moyens. Or la tendance prise par le Gouvernement dans ce budget revient à ce qu’une création de postes se fasse au détriment des moyens. De ce point de vue, le présent budget s’inscrit dans la continuité du budget voté l’an dernier : le ratio frais de personnel sur investissement et fonctionnement n’a pas changé.

Pour citer les chiffres de l’investissement, vous êtes malheureusement obligé, monsieur le ministre d’État, de faire référence au budget pour 2015, la comparaison avec l’année passée étant impossible… Or tant que ce ratio sera aussi déséquilibré, des crises agiteront les forces de l’ordre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

L’ancien Président de la République avait dû réunir en urgence les différents représentants des forces de l’ordre. Un plan de 200 millions d’euros avait été décidé, dont seulement 35 millions d’euros ont été dépensés.

C’est sous réserve de votre avis favorable sur le présent amendement, monsieur le ministre d’État, que la commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. Si tel n’était pas votre avis, nous en prendrions acte.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État

L’amendement de la commission des finances vise à augmenter de 48 millions d’euros les crédits finançant les dépenses d’équipement et les dépenses immobilières pour la police nationale. Cet abondement serait financé par une baisse des crédits du titre 2, c’est-à-dire par les dépenses du personnel.

M. le rapporteur spécial indique également dans l’objet de son amendement que « cette baisse des crédits […] est permise par l’abandon […] des tâches indues ». Nous allons nous attaquer à ce problème, monsieur le rapporteur spécial, mais cela va nous prendre du temps, le temps que le Parlement adopte la réforme de la procédure pénale, par exemple. Je demanderai alors toute la bienveillance du Sénat pour aider le Gouvernement à aller de l’avant dans ce domaine.

Néanmoins, vous le comprenez bien, je ne peux pas accepter de réduire les dépenses de personnel, c'est-à-dire de baisser les effectifs, au moment même où des centaines, voire des milliers, de maires de France me demandent de les augmenter !

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

J’avoue ne pas bien comprendre le sens de cet amendement.

M. le ministre d’État l’a souligné, cet amendement tend en réalité à s’attaquer aux parcours professionnels, aux carrières, aux rémunérations et aux mesures catégorielles et salariales du personnel de la gendarmerie et de la police.

Toutefois, comment peut-on soutenir qu’il faut compenser la hausse des investissements et du matériel à destination des forces de l’ordre par une baisse de leur rémunération ? C’est comme si vous vouliez repeindre l’ensemble des bureaux de poste grâce à la baisse des salaires des postiers. C’est comme si l’on changeait les moquettes du Sénat grâce à la diminution de l’indemnité parlementaire de Philippe Dominati !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État

Ah, si c’est pour la moquette !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Cela n’a aucun sens ! Ou alors vous souhaitez obtenir le prix de l’humour noir du quatrième trimestre 2017, monsieur le rapporteur spécial…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

J’interprète cet amendement comme un amendement d’appel. Il est destiné à souligner une incohérence dans le projet de budget qui nous est présenté. En effet, les moyens en matériel, en équipement ou en véhicules ne sont pas en rapport avec les moyens humains annoncés dans ce budget.

Monsieur le ministre d’État, vous nous recommandez d’être objectifs et de regarder les chiffres. Eh bien, les chiffres nous disent que votre budget augmente approximativement du montant de l’inflation. Vous nous demandez de vous faire crédit, en alléguant le bénéfice, pour l’instant virtuel, d’une réforme de la procédure pénale.

Quant à la directive de 2003, dont chacun sait qu’elle va absorber des moyens en personnel, vous nous dites avoir décidé de manière unilatérale un moratoire, à l’issue duquel, si vous estimez qu’elle n’est pas applicable, vous ne l’appliquerez pas. J’aimerais bien savoir comment vous ferez pour que l’État français ne soit pas condamné sous astreinte à appliquer les engagements européens qu’il a pris, et qui sont respectés, d’ailleurs, dans tous les autres domaines. Les directives européennes doivent être mises en œuvre.

Quand on examine la question du logement des gendarmes, les moyens de raccompagnement des étrangers en situation irrégulière, la situation de la police de l’air et des frontières, les investissements de la sécurité civile, hors le renouvellement nécessaire et prévu depuis longtemps des avions et les dépenses supplémentaires que la police de sécurité au quotidien risque de prélever sur les moyens de la sécurité, on se dit qu’il n’y a décidément pas d’autres choix que de rejeter vos crédits comme étant insuffisants pour mettre en œuvre la politique de sécurité que le Président de la République a voulue.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Le président de la commission des lois a très bien répondu à ceux qui font une interprétation caricaturale de cet amendement.

Actuellement, la police comme la gendarmerie manquent de moyens humains. Néanmoins, elles manquent aussi de moyens matériels, informatiques et immobiliers, au regard notamment des effectifs dont elles disposent. C’est sur ce point que nous voulions appeler l’attention du Gouvernement.

L’équipement informatique laisse toujours à désirer ; les véhicules sont obsolètes ; les locaux sont insalubres. Combien de policiers avez-vous équipés, monsieur le ministre d’État, de caméras individuelles, que tout le monde juge absolument indispensables, ne serait-ce que pour assainir les rapports entre police et population, mais aussi entre police et justice ? Cet équipement est absolument prioritaire ; l’effort budgétaire ici proposé n’est pas du tout à la hauteur de l’enjeu.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Frédéric Marchand, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

À entendre certains, cet amendement serait un amendement d’appel. À mon sens, le seul appel qui vaille aujourd’hui est celui lancé par nos concitoyens et par les élus locaux : il faut donner aux services de police les moyens humains nécessaires pour renforcer le lien direct avec la population. Chacun ici sait bien, tous nos contacts avec les élus et les Français le montrent, que la demande en effectifs est prégnante.

Il importe donc qu’ils puissent augmenter, pour que nos concitoyens puissent voir dans les rues davantage de policiers.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet amendement.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État

Je voudrais vous rappeler les chiffres que j’ai cités tout à l’heure.

À la fin de l’année prochaine, l’ensemble de la gendarmerie sera équipé de tablettes Néogend. En outre, 28 500 terminaux Néopol seront donnés cette année. L’année prochaine, ce sont 22 000 tablettes qui seront distribuées. Enfin, nous aurons 10 000 caméras-piétons.

Certes, on peut toujours dire qu’il faut faire plus. Mais prétendre que le Gouvernement ne fait aucun effort sur l’équipement me paraît tout de même quelque peu osé.

J’intervenais ce matin devant le conseil scientifique de la gendarmerie nationale, où nous avons discuté de sujets d’ordre technologique. Un de mes interlocuteurs faisait alors avec raison cette remarque : on aura beau progresser en matière d’intelligence augmentée, ce qui compte vraiment, au fond, c’est l’intelligence de l’homme.

En effet, l’intelligence des hommes est irremplaçable. C’est pourquoi il faut plus de policiers et de gendarmes pour assurer la sécurité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Philippe Bas l’a souligné avec justesse, cet amendement était un amendement d’appel, qui, déposé en début de mandature, devait nous permettre de vous montrer quelle était, à notre sens, la priorité dans le domaine de la sécurité, à savoir l’équipement.

Monsieur le ministre d’État, vous évoquez le nombre des tablettes ; je vous réponds qu’il n’y a pas assez de voitures. Vous le savez très bien, le parc automobile est vieillissant ; l’âge moyen d’un véhicule a augmenté de deux ans en l’espace de six années.

Voici la réalité quotidienne : on ne renouvelle pas les voitures, et on arrête l’entraînement au tir au mois de septembre, car il n’y a pas assez de cartouches !

L’amendement déposé par la commission des finances visait à donner une chance au Gouvernement d’inverser la tendance, en donnant plus de moyens aux hommes. Quand trois postes sont créés, une voiture est supprimée. Nous voulons les trois hommes, et nous voulons la voiture.

Tel était le sens de cet amendement. Le Gouvernement n’a pas émis d’avis favorable. Pour la clarté des débats, je vais le retirer. Mais en conséquence, la commission des finances demandera au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Sécurités ».

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° II-361 est retiré.

L’amendement n° II-373, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

I. – Créer le programme :

Police de proximité

II. – En conséquence, modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Police nationale

dont titre 2

Police de proximité

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

À la fin de cet été, Patrice Bergougnoux, ancien directeur général de la police nationale, déclarait : « Le retour à la police de proximité est une bonne nouvelle. Abandonnée depuis quinze ans, alors que sa mise en place n’était pas achevée, cette police est […] indispensable au moment où on assiste dans certains quartiers à des phénomènes de radicalisation. Mais elle est surtout indispensable pour renforcer le lien de confiance entre la police et la population parce qu’il s’est atténué, estompé et dans certains quartiers, [il a] disparu ».

Il n’est pas le seul à s’en être réjoui. Selon les résultats du baromètre Fiducial réalisé par Odoxa au même moment, pas moins de 84 % des Français considéraient que remettre en place la police de proximité était efficace pour renforcer la sécurité dans les quartiers.

Alors, qu’on l’appelle « police de proximité » ou « police de sécurité du quotidien », peu importe. Ce qui compte, ce sont les missions qu’on lui assigne et les moyens qu’on lui octroie, dont elle a toujours cruellement manqué. Or nous sommes au regret de constater qu’aucune ligne budgétaire n’est dédiée à ce dispositif, fort louable, dans le présent projet de loi de finances.

C’est tout le sens du présent amendement que d’y remédier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Éliane Assassi souligne un point très important. Le Président de la République a pris l’initiative de réunir en octobre dernier les principaux responsables de nos forces de sécurité pour leur présenter cette orientation.

Malheureusement, vous l’avez dit, ma chère collègue, nous ne trouvons pas, dans ce budget, la concrétisation de ses propos. Pas un euro n’est prévu pour la mise en place de la police de sécurité du quotidien.

Ce qui me gêne, en revanche, c’est que le présent amendement tend à la création d’une direction nouvelle, ce à quoi je suis plutôt hostile. J’ajoute que le budget dont elle serait dotée est faible, pour ne pas dire symbolique.

Je vous suggère donc, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je vais accepter de retirer cet amendement, monsieur le président, non parce que je partage une partie – une partie seulement – des propos de M. le rapporteur spécial, mais parce que nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet lorsque nous examinerons, le 13 décembre prochain, la proposition de loi que nous avons déposée, visant à réhabiliter la police de proximité.

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° II-373 est retiré.

L’amendement n° II-376, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Police nationale

dont titre 2

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Je profite à mon tour de la défense de cet amendement pour renouveler mon soutien total à nos policiers, à nos gendarmes et à nos pompiers, qui, au quotidien, assurent notre sécurité dans des conditions extrêmement difficiles, au contact de certaines populations, pas toujours autochtones d’ailleurs, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… qui sont trop souvent très hostiles aux forces de l’ordre et à tout ce qui peut représenter l’État et la France.

Je veux dénoncer leurs conditions de travail, matérielles, financières et morales, pour le moins critiquables. Nombreux sont les policiers – j’en rencontre beaucoup à Marseille – qui me disent devoir acheter eux-mêmes une partie de leur équipement, indispensable à leur protection. Si les achats sur internet n’existaient pas, les policiers les auraient inventés.

Ce gouvernement se soucie davantage des conditions de détention des délinquants et des criminels que des conditions de travail au quotidien des forces de l’ordre. Pour vous en convaincre, mes chers collègues, je vous invite à venir à Marseille pour constater dans quelles conditions travaillent les policiers des XIIIe et XIVe arrondissements, dans quel état se trouve leur commissariat respectif. Un seul mot pour décrire cela : une honte !

Le 24 novembre dernier, un policier a été condamné à six mois de prison ferme pour avoir administré une gifle à un migrant, alors que la racaille qui a tenté de tuer un policier en mettant le feu à son véhicule est sortie libre du tribunal. Comme les policiers, comme les Français, je suis révolté par ce double scandale, et ne puis dès lors que constater qu’il y a quelque chose de pourri dans le royaume républicain de France.

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Dans ces conditions, comment s’étonner que bon nombre de policiers et de gendarmes se soient suicidés cette année encore ?

Alors que la menace terroriste est toujours plus élevée, je propose au travers de cet amendement de créer 25 antennes de renseignement territorial supplémentaires.

Depuis le début de cette série infernale d’attentats qui frappe la France, l’accent a été mis sur l’exploitation du renseignement au sein des services de police et de gendarmerie, services qui avaient été démantelés sous la présidence de Nicolas Sarkozy.

La police a créé la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, et le Service central du renseignement territorial, le SCRT. La gendarmerie a lancé, de son côté, un plan pour créer des antennes de renseignement territorial ; 73 antennes ont été créées depuis 2015. Je propose de permettre le développement de ces antennes.

Sur 12 000 individus fichés pour radicalisation, 1 000 sont traités par la gendarmerie. Par ailleurs, la gendarmerie contribue à hauteur de 10 % au SCRT.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. Pour éradiquer les menaces qui pèsent sur l’ensemble de nos compatriotes, qu’ils résident en zone de police ou de gendarmerie

Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Monsieur Ravier, je m’en tiendrai à une réponse portant strictement sur les termes de votre amendement, qui tend à créer 25 antennes supplémentaires de renseignement territorial, une proposition qui n’est pas critiquable en soi.

Même si l’ampleur du transfert de crédits opéré est moins importante que dans d’autres propositions qui vont suivre, l’adoption du présent amendement conduirait à une diminution de 15 % de l’action n° 02, Démarches interministérielles et communication, alors que le Gouvernement réalise de louables efforts de sincérité dans ce domaine. Ces crédits avaient en effet été régulièrement sous-évalués au cours des années précédentes.

Pour la politique de sécurité routière, il convient de trouver un équilibre délicat entre répression et prévention. La réduction des crédits de la politique de communication ne serait pas un bon signe envoyé aux usagers de la route. En matière de sécurité routière, la sensibilisation et la prévention doivent être prioritaires par rapport à la répression.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Je souhaite donner un certain nombre d’informations. Les moyens humains consacrés au renseignement sont considérables. On compte en effet 4 400 agents de la DGSI à ce jour, contre 3 300 en 2014. Sont affectés au renseignement territorial 2 630 agents, parmi lesquels les effectifs de militaires de la gendarmerie relevant des antennes de renseignement territorial, contre 1 980 agents en 2014.

Dans le cadre des 10 000 créations de postes que j’évoquais précédemment, 1 900 emplois seront créés au profit de la DGSI et du renseignement territorial, parmi lesquels des emplois de gendarmes. Nous faisons un effort important pour protéger nos concitoyens du terrorisme, car cet objectif nous semble tout à fait prioritaire.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° II-307 rectifié bis est présenté par MM. Bazin, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, MM. Bouchet, Brisson et Charon, Mme Chauvin, MM. Courtial et Danesi, Mme L. Darcos, M. de Nicolaÿ, Mme Di Folco, M. Dufaut, Mme Eustache-Brinio, M. B. Fournier, Mme Gruny, M. Husson, Mme Imbert, MM. Kennel et Laménie, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Lefèvre, Mmes Lopez et Morhet-Richaud, MM. Mouiller, Paccaud et Priou, Mme Puissat et MM. Revet, Vogel et Savary.

L’amendement n° II-410 est présenté par M. Capus.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Police nationale

dont titre 2

Gendarmerie nationale

dont titre 2

Sécurité et éducation routières

Sécurité civile

dont titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° II-307 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

J’associe aux nombreux cosignataires de cet amendement notre vice-présidente, Catherine Troendlé, qui a exposé lors de la discussion générale tout l’intérêt de la mesure que nous vous proposons. Jean Pierre Vogel avait, quant à lui, souligné la baisse continue des investissements des SDIS au cours des deux dernières années, ce qui n’est guère surprenant quand on sait que ces services sont financés par les communes et les départements, lesquels ont été soumis à de très dures restrictions de dotations sous le précédent quinquennat.

À la suite de la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires, la PFR, je vous propose d’en revenir à l’engagement pris par le précédent gouvernement d’abonder a minima la dotation de soutien aux investissements structurants des SDIS à hauteur de 20 millions d’euros sur dix ans.

La pérennité des montants financiers alloués devait permettre de contribuer directement à la réalisation de projets nationaux, tels que le déploiement d’un système unifié de gestion des appels, des alertes et des opérations des SDIS et de la sécurité civile, le renforcement du maillage territorial des SDIS, une meilleure coordination de l’action des acteurs, l’optimisation d’une réponse cohérente et équitable sur l’ensemble du territoire. Or le projet de loi de finances pour 2018 envisage de réduire de 10 millions d’euros les sommes promises pour les investissements des SDIS.

En conséquence, cet amendement vise à respecter les engagements pris avec les élus départementaux, à l’heure des aléas climatiques se multiplient et où les demandes d’intervention des sapeurs-pompiers sont de plus en plus nombreuses et urgentes.

Nous proposons donc de rétablir les 10 millions d’euros de crédits, pour parvenir à un total de 20 millions d’euros d’aides à l’investissement dans les SDIS.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour présenter l’amendement n° II-410.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Il s’agit de porter à 20 millions d’euros le montant total de la dotation de soutien aux investissements des SDIS en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, afin de tenir les engagements pris par le précédent gouvernement en 2017 et de rendre possible la poursuite des dossiers structurants de long terme déjà engagés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

On peut être tout à fait d’accord avec l’intention qui sous-tend ces amendements, et je pense qu’une majorité de la commission des finances soutient cet objectif.

Si l’intention est louable, cette mesure priverait cependant le programme 207, « Sécurité et éducation routières », de plus du quart de son budget. Quant aux crédits de l’action n° 02, Démarches interministérielles et communication, qui regroupe notamment toutes les campagnes de sécurité routière, ils passeraient de 16, 27 millions d’euros à 6, 27 millions d’euros : ce n’est pas sérieux lorsque l’on veut mener des actions de prévention dans le domaine de la sécurité routière.

L’adoption de ces amendements identiques aurait pour effet d’amputer une large partie du volet préventif de la politique de sécurité routière. C’est la raison pour laquelle, tout en partageant le souhait de leurs auteurs, j’en demande le retrait ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Le Gouvernement travaille, en liaison étroite avec l’Assemblée des départements de France, sur un projet de système d’information unifié des SDIS et de la sécurité civile, dit « projet SGA-SGO », qui vise à rendre compatible l’ensemble des systèmes. Ce sera une grande avancée du point de vue tant technologique que sécuritaire.

Par ailleurs, un comité interministériel de la sécurité routière, sur lequel nous avons commencé à travailler, se tiendra au début du mois de janvier prochain. Nous proposerons, à cette occasion, un certain nombre d’orientations.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le ministre d’État, vous savez que ma démarche n’est nullement politicienne. Lorsque je parle de sécurité civile, c’est une démarche de conviction.

Les crédits consacrés à la sécurité civile sont en diminution, ce qui est en inadéquation avec les missions de nos sapeurs-pompiers et les enjeux dans ce domaine.

Ces dernières années, j’ai observé une baisse des dotations aux départements. J’ai aussi constaté que celles du fonds d’aide à l’investissement, qui permettait aux SDIS d’investir dans des matériels de grande technicité, étaient entièrement consacrées à ANTARES, ou Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours ; ce fonds est aujourd’hui réduit à zéro.

Lorsque j’ai défendu, avec beaucoup de conviction, la proposition de notre collègue député Jean-Paul Bacquet relative à la réforme de la prestation de fidélisation et de reconnaissance, la PFR, je l’ai fait avec la conviction que les 20 millions d’euros que l’État consacrait antérieurement aux SDIS pour la PFR étaient désormais entièrement fléchés vers les investissements des SDIS.

C’était une cause entendue, et les sénateurs ont d’ailleurs voté ce texte à l’unanimité, avec la conviction que le fléchage de ces deniers publics bénéficierait à la sécurité civile. J’ai donc été heurtée d’apprendre que ce budget serait amputé de 10 millions d’euros.

Vous me dites, monsieur le ministre d’État, que cette amputation se fait au détriment des projets structurels des SDIS. Un appel d’offres a eu lieu. L’engagement pris sera donc honoré pour un an, mais pas pour les années à venir. Je ne puis entendre cet argument !

Quant au projet SGA-SGO, il sera mis en place sur le long terme. Il n’est donc pas justifié de vouloir faire des économies, même réduites, sur le budget des SDIS.

Je soutiens avec fermeté cet amendement, et j’appelle mes collègues à le voter à l’unanimité, comme ils l’ont fait pour le texte de Jean-Paul Bacquet, en décembre 2016.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Je suis bien conscient des imperfections, en termes d’application des règles, de la mesure que nous proposons en vue de trouver ces 10 millions d’euros. D’autres propositions pourront toujours être faites le moment venu. En attendant, je souhaite que nous exprimions notre volonté unanime de préserver autant que possible les capacités d’investissement des SDIS, en prévoyant une aide de l’État considérable, et non pas réduite à la portion congrue.

Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Vous aurez compris qu’il s’agissait d’amendements d’appel. Notre but est d’attirer l’attention du Gouvernement sur le respect des engagements passés, et non pas de diminuer de 10 millions d’euros les crédits de l’action n° 02, Démarches interministérielles et communication.

L’attention du Gouvernement ayant été attirée sur ce point, je retire mon amendement, monsieur le président.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Sécurités », figurant à l’état B.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

Les crédits ne sont pas adoptés .

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’appelle en discussion les articles 62 ter, 62 quater et les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Sécurités ».

Sécurités

L’article L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Aux premier et deuxième alinéas, l’année : « 2017 » est remplacée par l’année : « 2020 » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « généraux » est remplacé par le mot : « départementaux ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Mes chers collègues, la commission vous recommande d’adopter cet article.

L'article 62 ter est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° II-342, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Après l'article 62 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Est joint au projet de loi de finances de l’année, dans les conditions prévues au 7° de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un rapport faisant état du coût, au titre des exercices budgétaires précédents, et des dépenses prévues, pour l’exercice à venir, en vue du financement des actions de prévention et de lutte contre le terrorisme.

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Cet amendement a été adopté à l’occasion d’un précédent projet de loi de finances. Il s’agit de prévoir un rapport sur les dépenses liées au financement des activités de prévention et de lutte contre le terrorisme.

Vous le savez, monsieur le ministre d’État, ces actions sont dispersées dans plusieurs programmes. Elles sont confiées, par ailleurs, à de nombreuses associations. Nous avons pu, à l’occasion de l’examen d’un texte précédent, améliorer les dispositifs permettant de contrôler ces associations. Néanmoins, les budgets nécessaires à la prévention du terrorisme sont très disparates et ne sont absolument pas contrôlés.

L’objectif de cet amendement est de permettre le contrôle des actions de prévention. En effet, vous pourrez dépenser autant d’argent que vous voulez dans des mesures répressives, si les dispositifs liés à la prévention ne suivent pas, cela ne fonctionnera pas.

J’ajoute qu’il serait intéressant, et j’en ai parlé dans le cadre de l’examen de la mission « Travail et emploi », de pouvoir confier des missions de lutte contre la radicalisation aux établissements pour l’insertion dans l’emploi, les EPIDE, qui sont extrêmement bien structurés et pourraient tout à fait jouer ce rôle. En effet, on cherche actuellement des structures capables de recevoir des jeunes en voie de radicalisation ou des jeunes suivis. Toutes ces actions de prévention sont nécessaires.

Cet amendement vise à prévoir un contrôle par le Parlement des dépenses effectuées dans ce domaine, car c’est notre travail !

La prévention est absolument essentielle, monsieur le ministre d’État, au vu du nombre de jeunes radicalisés sur le territoire, sans compter ceux qui reviennent dans notre pays et sont susceptibles de poser des problèmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Madame Goulet, vous avez souligné que le Sénat s’était déjà posé cette question et qu'il avait souhaité apporter des précisions en matière de renseignement, notamment lors du débat budgétaire.

Monsieur le ministre d’État, nous avions souligné à propos de la lutte contre le terrorisme et des services du renseignement intérieur que nous ne disposions pas, pour la mission « Sécurités », des mêmes éléments que pour la mission « Défense ».

En effet, pour ce qui concerne la mission « Défense », les services de renseignement extérieur sont très clairement fléchés, en termes de budget, sur les moyens et les personnels. Nous avions souhaité qu’un tel fléchage apparaisse dans le budget de la mission « Sécurités ». Si le ministère des armées peut le faire, il n’y a pas de raison que le ministère de l’intérieur ne le puisse pas. Mais vos prédécesseurs ne l’ont pas fait, et peut-être entendez-vous pour la première fois la demande de Mme Goulet et du Sénat…

Afin de laisser du temps pour l’amélioration des documents budgétaires, la commission des finances a émis un avis de sagesse plutôt défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. « Sagesse défavorable », voilà une nouveauté !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

J’ai bien entendu le « premier cri » de Mme Goulet, mais, comme le dit M. le rapporteur spécial, il faut se donner un peu de temps pour la réflexion. Je vais peut-être attendre le deuxième cri avant de me faire un avis…

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous rappelle que nous avons prévu dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme de réaliser sur l’ensemble de ces actions un rapport global, lequel sera publié dans deux ans. Nous aurons alors l’occasion de revoir tous ces sujets ensemble.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mme Nathalie Goulet. Je ne veux pas m’égosiller, monsieur le ministre d’État !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

J’entends tout à fait la voix de la commission des finances, qui est en général celle de la sagesse. Je retirerai donc mon amendement, mais il nous faut absolument un contrôle des budgets, car on ne peut pas exclure les effets d’aubaine.

Compte tenu de la dispersion des moyens, que l’on peut observer dans le « jaune » budgétaire, mais aussi de la disette budgétaire générale et des moyens mis à disposition de la lutte contre la déradicalisation, je vous demanderai à tout le moins, monsieur le ministre d’État, d’aller rencontrer, comme l’avait fait votre prédécesseur Bernard Cazeneuve, les responsables d’associations pour discuter avec eux de leur budget. Encore une fois, il est nécessaire de contrôler ces subventions.

Je vais retirer cet amendement, mais le projet de loi de finances rectificative n’est pas loin… Quant au prochain projet de loi de finances, il arrivera très vite.

Je retire donc cet amendement, monsieur le président.

Après l’article L. 122-4-2 du code de la voirie routière, il est inséré un article L. 122-4-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 122 -4 -3. – I. – Les véhicules d’intérêt général prioritaires en opération ne sont pas assujettis au péage mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 122-4.

« II. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »

L'article 62 quater est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° II-404 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, M. Cabanel, Mme Conconne, M. Féraud, Mmes Ghali et Grelet-Certenais, M. Iacovelli, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mmes Meunier, Monier et Taillé-Polian, M. Tissot, Mmes Rossignol et Préville, MM. Jomier, Kerrouche, Devinaz et Assouline, Mme Tocqueville, MM. Temal et Manable, Mme Lienemann, M. Marie et Mme Espagnac, est ainsi libellé :

Après l’article 62 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport visant à évaluer le coût et les conditions de mise en place d’un système d’attestations de contrôles d’identité et de leur expérimentation.

Ce rapport détermine les moyens humains et financiers nécessaires à la mise en œuvre de ce système. Il en établira également les modalités d’expérimentation.

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Monsieur le ministre d’État, cette assemblée a rendu hommage avec vous, comme il se doit, aux forces de l’ordre qui protègent nos concitoyens depuis de nombreux mois.

Nous savons pourtant, et le Président de la République l’a dit lui-même en mars dernier, qu’il existe un problème de confiance entre les forces de l’ordre et les jeunes qui vivent dans certains quartiers. Je sais que vous êtes très soucieux de rétablir cette confiance ; vous aurez donc l’occasion de revenir sur la vertu que vous attribuez à la future police de sécurité du quotidien.

Depuis plusieurs mois, nous constatons des discriminations et des disparités lors des contrôles d’identité. Le risque pour un jeune de se faire contrôler est huit fois plus élevé que pour une autre personne. Un jeune homme noir ou maghrébin a 80 % de « chances » d’être contrôlé plus qu’un autre. Cela cause ce sentiment de tension vis-à-vis des forces de sécurité.

J’ai peu d’espoir de vous convaincre, monsieur le ministre d’État. Pour autant, il est proposé dans certaines grandes villes, parmi lesquelles Paris, que soit expérimentée l’attestation de contrôle d’identité, document qui permettrait de tracer les contrôles. Cet amendement a pour objectif de demander au Gouvernement de présenter un rapport d’ici à six mois sur la façon de mettre en place cette attestation.

Vous le savez, l’État a été condamné le 9 novembre 2016 pour faute lourde par la Cour de cassation pour des contrôles d’identité discriminatoires. Ce constat n’est donc ni une vue de l’esprit ni le fantasme de personnes qui ne seraient pas totalement ancrées dans la réalité.

Telle est bien la réalité que vivent nos concitoyens, notamment les plus jeunes d’entre eux et ceux qui vivent dans les quartiers difficiles.

Je vous demande, monsieur le ministre d’État, d’examiner de manière très sereine cet amendement. Je compte sur votre talent pour expliquer ensuite aux policiers et aux syndicats de police que nous avons tous intérêt à évoluer dans cette voie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Je suis défavorable à cet amendement, car il est à contresens par rapport aux tâches indues que je dénonçais précédemment. La délivrance de cette attestation représenterait en effet un travail supplémentaire pour les forces de l’ordre.

Deuxième argument, qui me semble le plus pertinent : le ministère de l’intérieur développe le dispositif des caméras-piétons fixées sur les agents, notamment à titre expérimental dans les zones de sécurité prioritaires. Ces caméras, directement portées par les agents de la sécurité publique, sont très efficaces.

Pour ces deux raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

M. le rapporteur spécial de la commission des finances défend avec tant de conviction les arguments du Gouvernement que je me demande s’il ne regrette pas d’avoir rejeté les crédits de la mission « Sécurités »… J’y vois un encouragement pour l’avenir !

Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Lorsque les policiers et les gendarmes consacrent les deux tiers de leur temps aux procédures et seulement un tiers à l’opérationnel, il convient de ne pas ajouter de la paperasserie à celle qui existe déjà !

Vous soulignez, ma chère collègue, un vrai problème : celui des relations entre les policiers, des contrevenants ou des contrevenants potentiels ou simplement des citoyens, dans des zones et des quartiers où existent parfois des tensions.

Le rapporteur spécial et le ministre d’État vous ont répondu en rappelant l’existence des caméras individuelles. On peut s’en satisfaire. Je regrette seulement, comme Philippe Dominati, que l’équipement des agents ne se fasse pas plus rapidement.

Je regrette également que nous en soyons seulement, et comme toujours trop timidement, au stade de l’expérimentation. Il a d’ailleurs fallu que le Sénat se batte pour que les caméras qui équipaient déjà les policiers municipaux ne soient pas retirées hors zone de sécurité publique.

Il faut avancer ! Dès lors qu’il y a des caméras, les citoyens sont garantis contre d’éventuels débordements des forces de l’ordre, celles-ci sont garanties contre les remises en cause injustifiées, la hiérarchie est garantie contre les débordements des subordonnés et les magistrats disposent d’éléments tangibles en cas d’outrage ou de rébellion. Il convient d’aller plus vite dans cette direction, mais non pas d’ajouter de la paperasserie supplémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Taillé-Polian

Je soutiens cet amendement, car il me semble extrêmement important de signifier que notre République est la même pour tous et garantit les mêmes droits à chacun.

Notre police a besoin de reprendre pied vis-à-vis d’un certain nombre de publics qui ressentent de la défiance et ont l’impression d’être perçus avec défiance. Ce type de dispositif peut donc être mis en place dans l’intérêt de tous, celui des forces de l’ordre comme celui des publics qui se sentent discriminés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

J’entends bien ce que vient de dire Marie-Pierre de la Gontrie, mais allons au-delà du problème des caméras et de l’évolution de la société.

Un débat avait déjà eu lieu sur ce sujet dans notre hémicycle lorsque Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, avait dit qu’il ne mettrait pas en place l’attestation de contrôle d’identité, pour la raison suivante : le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a sur la police un pouvoir de tutelle et signe des circulaires pour donner des instructions. S’il dit aux policiers qu’il faut une attestation, cela leur donnera le sentiment qu’il existe une défiance à leur égard.

Il faut tout de même dire les choses : dans la situation qui est la nôtre, où les tâches des forces de l’ordre sont telles qu’on les a décrites précédemment, où pèse la menace du terrorisme, si l’on dit, en plus, aux policiers que l’on n’a pas totalement confiance en eux et qu’ils doivent signer des attestations, le sentiment, au sein de la police, sera extraordinairement négatif. C’était déjà le cas, à l’époque que j’évoquais, parmi les syndicats de policiers.

Autre élément : si vous disiez cela aux policiers, monsieur le ministre d’État – même si je comprends l’argument de fond, le principe qui sous-tend cette proposition – nombreux seraient les policiers, d’ores et déjà débordés par la paperasse, qui décideraient de faire bien moins de contrôles d’identité, car ces derniers reviendraient à faire de la paperasse supplémentaire.

Cela devient impossible ! Tous ont dit ici que le travail des forces de l’ordre était trop lourd, que les effectifs étaient insuffisants et qu’il fallait décharger les policiers de certaines tâches. Or l’amendement vise à en ajouter d’autres, sans prévoir les effectifs correspondants.

Je pense, quant à moi, qu’il faut faire confiance à la police de la République, ainsi qu’au ministre d’État pour signer les circulaires et donner les instructions nécessaires, afin que l’ordre public ne soit pas contradictoire avec la tolérance et la générosité naturelles.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Arnaud Bazin

Je ne voterai bien évidemment pas cet amendement, pour les raisons que nos collègues ont exposées, et je fais crédit à M. le ministre d’État de sa volonté de déployer des caméras personnelles sur l’ensemble des agents de nos forces de l’ordre.

Je veux toutefois lui dire que, si les gendarmes de Persan ont été équipés de ces caméras, à la suite des événements tragiques que nous avons connus dans cette commune, à Beaumont, et dans les environs en juillet 2016, c’est parce que la municipalité les a payées, l’administration centrale étant incapable, à l’époque, de le faire.

Cela nous renvoie au débat que nous avons eu, tout à l’heure, sur les moyens, et cela justifie d’autant plus le vote que nous avons exprimé.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Le Défenseur des droits, la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel nous disent tous que, sur cette question, il y a une difficulté, une discrimination, une interrogation. Et cette interrogation est lourde, parce que, finalement, il s’agit d’une discrimination perçue entre les citoyens et malsaine pour la cohésion de la société.

Aussi, je ne comprends pas ces réactions. On peut considérer par principe que, compte tenu de la situation, il est inutile de surcharger le travail de la police avec ce type de démarche, mais refuser de voir le problème et de poser la question que le Défenseur des droits nous invite à traiter depuis plus de cinq ans est tout de même regrettable. Il s’agit ici non pas d’adopter le récépissé, mais de demander un rapport indiquant comment l’on peut répondre à ce problème.

En outre, s’il se trouve que ce sont les mêmes individus qui sont contrôlés cinq, six ou dix fois par mois, croyez-vous vraiment que ce soit du travail utile ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

C’est du travail inutile ! Vous surchargez vous-mêmes la police, et vous l’empêchez de disposer des outils de maîtrise et d’orientation de ses contrôles d’identité. Vous pensez que, en mettant une espèce de voile pour ne rien voir, vous réglez le problème ; je pense, au contraire, qu’il faut se poser la question.

En l’espèce, je le répète, on ne demande pas d’établir le récépissé sur l’ensemble du territoire de la République. Lorsque l’on demande une expérimentation dans certaines communes qui sont volontaires, comme on l’a fait voilà quelques mois, on nous dit « non », et lorsque l’on demande un rapport, on nous dit « par principe, c’est impossible ».

Je suis désolé, mais je crois que, pour savoir un peu mieux comment la police fonctionne sur ce sujet et pour l’aider à être plus performante, cet amendement mériterait d’être adopté.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je suis d’accord avec mes collègues sur cet amendement.

En 2011, le groupe auquel j’appartenais à l’époque et le groupe communiste républicain et citoyen avaient déposé, sur ce sujet, deux propositions de loi, qui avaient été débattues au Sénat, mais qui, hélas, n’avaient pas été adoptées.

Je veux aussi rappeler que, dès 2012, un séminaire sur le contrôle d’identité, les relations entre police et public et les pratiques de la police dans d’autres pays avait été organisé par le Défenseur des droits, qui était, à l’époque, M. Baudis. La police britannique, la police américaine et le responsable d’une expérimentation menée dans une banlieue de Madrid avaient tous tiré la même conclusion : malgré le rejet par la police, pendant longtemps, de la délivrance d’un récépissé, ils avaient observé que, une fois cette mesure mise en œuvre, la population et la police avaient retissé des liens, ce qui est positif. D’ailleurs, si ma mémoire est bonne, M. Rebsamen avait par la suite parlé d’une expérimentation du récépissé près de Dijon.

Je tiens en outre à souligner que l’on ne voit pas beaucoup les caméras proposées, et que, lorsqu’elles existent, elles sont éteintes. Par ailleurs, le numéro de matricule des policiers est souvent caché… Cela pourrait pourtant, au moins pendant une certaine période, se substituer à ce récépissé.

Je tiens à rappeler également que, après ce qui est arrivé au jeune Théo, le ministre de l’intérieur avait proposé quelques milliers de caméras. Nous les attendons encore…

Par conséquent, s’il n’y a pas de récépissé, il serait au moins opportun que ces moyens soient mis en place, afin de rétablir une certaine égalité entre nos concitoyens.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous allons procéder à l’examen des crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », figurant à l’état D.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Structures et dispositifs de sécurité routière

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

Désendettement de l’État

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° II-310, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Structures et dispositifs de sécurité routière

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

Désendettement de l’État

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Le présent amendement vise à diminuer de 20 millions d’euros la subvention versée à l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions, l’ANTAI, en vue d’opérer un prélèvement à due concurrence sur le fonds de roulement de cet opérateur.

En effet, le fonds de roulement de l’ANTAI dépassait 38 millions d’euros au 1er janvier 2017, après une augmentation constante au cours des dernières années, alors qu’un niveau prudentiel de ce fonds de roulement avait été estimé, pour les années précédentes, à 14, 5 millions d’euros. Nous n’avons pas pu obtenir, à ce sujet, de précision, d’information, ni d’explication probante de la part du Gouvernement.

Un fonds de roulement sert à financer un décalage de trésorerie entre des recettes et des dépenses ; il s’agit donc essentiellement de trésorerie.

Or l’ANTAI n’a pas de décalage de trésorerie sur sa propre action, dans la mesure où elle sous-traite à des opérateurs extérieurs l’ensemble des opérations d’éditique. Il n’y a donc aucune raison qu’il existe des décalages de trésorerie entre la date de paiement des opérateurs extérieurs et celle de l’éventuel recouvrement auprès des collectivités.

Si ce décalage dure plusieurs mois, cela signifie que la gestion en la matière n’est pas performante. Le fonds de roulement constaté au 1er janvier dernier représente tout de même un tiers du budget de l’agence ; c’est donc de l’argent qui n’est pas, selon nous, correctement utilisé.

Les explications que nous avons obtenues ne sont absolument pas probantes sur ce sujet, d’où cet amendement.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État

Le fonds de roulement prévisionnel doit être maintenu à 29 millions d’euros, compte tenu de l’intervention, en 2018, de deux réformes majeures.

Tout d’abord, le stationnement payant sera décentralisé. L’ANTAI sera chargée, à partir du 1er janvier 2018, de l’édition et de l’envoi des forfaits de post-stationnement au nom et pour le compte des collectivités territoriales qui choisiront de recourir à ses services.

Ensuite, la conduite des véhicules radar sera externalisée, ce qui engendrera un surcroît d’activité en matière de procès-verbaux électroniques. Nous parlions tout à l’heure de sécurité routière ; il s’agit là d’une mesure importante que nous développons en la matière.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° II-311, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Structures et dispositifs de sécurité routière

Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

Désendettement de l’État

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Cet amendement a pour objet la ligne du compte d’affectation spéciale relative aux radars.

La dotation totale du programme 754, « Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières », prévue par le projet de loi de finances pour 2018 est en nette diminution – elle baisse de 22, 3 % – par rapport aux crédits figurant dans la loi de finances initiale pour 2017. Au sein des crédits répartis entre l’État, l’ANTAI, et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, la part qui est destinée aux collectivités territoriales baisse donc de 148 millions d’euros, se trouvant ainsi fixée à 516, 6 millions d’euros.

Dans le passé, les collectivités bénéficiaient de l’intégralité du prélèvement de 170 millions d’euros, qui est issu des amendes forfaitaires dites « radars ». Conformément au projet de budget pour 2018, elles ne percevraient plus que 75 millions d’euros, ce qui représente une réduction de 95 millions d’euros.

Cette mesure est fondée sur l’anticipation des conséquences de la décentralisation du stationnement payant, qui ne commencera qu’au 1er janvier 2018 et dont l’impact financier est, au moins dans un premier temps, relativement incertain. En effet, si les collectivités peuvent percevoir plus de recettes, elles peuvent aussi être amenées à investir, la première année, pour changer de matériel ou de système.

Aussi, nous proposons, au travers de cet amendement, de maintenir les crédits de l’État au niveau du désendettement de l’an dernier – il n’y aura donc pas de ponction sur le désendettement de l’État –, tout en réaffectant 47, 8 millions d’euros au programme 754, c’est-à-dire aux collectivités. Celles-ci verraient ainsi leur dotation diminuer de 15 % et non de 22 %.

Cela revient à un amortissement du dispositif gouvernemental, dont on peut accepter le principe, mais qui anticipe trop rapidement sur les conséquences des réformes envisagées en matière de décentralisation du stationnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Notre proposition permettra de rétablir le niveau de garantie des collectivités, alors que, dans le dispositif actuel, c’est l’État qui se garantit au maximum.

Nous recherchons l’équilibre, monsieur le ministre d’État ; les crédits de l’État ne baisseront pas, mais les collectivités retrouveront 47 millions d’euros.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État

Il s’agit au fond de savoir quels seront les effets de la réforme qui s’appliquera à partir du 1er janvier 2018.

Même si la diminution exacte des recettes liées aux amendes de police ne peut être déterminée en amont de la mise en œuvre de la réforme, puisqu’elle dépend de facteurs imprévisibles par nature, tels que le comportement des automobilistes, la perte globale de recettes pour l’État a été estimée, à partir de la répartition de 2014 du produit des amendes de police – dernière répartition disponible lors de la réalisation des simulations –, à 200 millions d’euros.

La clef de partage du produit des amendes de police sur le compte d’affectation spéciale « Circulation et stationnement routiers » – 53 % pour les collectivités territoriales et 47 % pour l’État – a été appliquée à ces 200 millions d’euros, d’où une perte de 106 millions d’euros pour le programme 754 et de 94 millions d’euros pour le programme 755.

Afin de garantir, pour le budget de l’État, la neutralité de la réforme de la décentralisation du stationnement payant, ces 94 millions d’euros, que, je vous le concède, nous avons arrondis à 95 millions d’euros, financeront le désendettement de l’État.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je mets aux voix les crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », modifiés.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’appelle en discussion l’article 67, qui est rattaché pour son examen aux crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, le nombre : « sept » est remplacé par le nombre : « huit ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L’amendement n° II-312, présenté par M. Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’article 67

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la troisième phrase du c du 2° du B du I de l’article 49 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour 2018, le montant de cette perte de recettes est calculé de sorte que le montant des versements au budget général soit égal à celui prévu par la loi de finances initiale pour 2017. »

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Les dispositions de cet amendement découlent de l’amendement précédent. Il s’agit de rendre opérationnel le virement de 47, 5 millions d’euros du désendettement de l’État vers les collectivités territoriales.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État

Comme pour l’amendement précédent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 67.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Sécurités », ainsi que du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi par la commission d’une demande de priorité de l’article 52, afin qu’il soit examiné avant les crédits de la mission « Cohésion des territoires » durant la séance de l’après-midi du mercredi 6 décembre.

Selon l’article 44, alinéa 6 de notre règlement, la priorité est de droit quand elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur

Je n’ai aucune opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La priorité est ordonnée.

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

La commission a demandé cette priorité, sur proposition du rapporteur spécial Philippe Dallier, car elle a pensé qu’il serait plus pertinent pour la cohérence de nos débats de demain après-midi de commencer par l’examen de l’article 52 rattaché à la mission, avant de procéder au vote sur les crédits.

Je remercie le Gouvernement de son avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans le cadre de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2018, je voudrais formuler quelques remarques préalables.

Tout d’abord, ce budget me semble insincère. La première chose qui saute aux yeux, à sa lecture, c’est qu’il n’est pas sérieux du point de vue financier et que les chiffres sont manifestement erronés.

Nous l’avons dit à maintes reprises en commission : cette mission est globalement très sous-budgétisée, même si elle l’est moins que l’année dernière, spécialement dans le contexte de crise migratoire que nous traversons depuis quelques années.

Ces chiffres sont non seulement fantaisistes, mais incohérents. Ainsi apprend-on que les crédits pour la lutte contre l’immigration irrégulière vont baisser de plus de 7 %, alors même que le Gouvernement nous annonce une hausse de plus de 10 % pour l’accueil des primo-arrivants. Peut-on m’expliquer par quel miracle nous pourrions accueillir davantage d’étrangers et que, dans ce contingent, il y aurait moins d’étrangers à reconduire à la frontière ?

Parmi les incohérences, je relève aussi que les demandes d’asile au titre de la procédure Dublin ne sont pas comptabilisées, alors même que ces demandes ont augmenté de 114 % en 2016. Excusez du peu !

Un dernier exemple : alors que le financement global de la mission est notoirement insuffisant, alors que l’on diminue le budget de la lutte contre l’immigration clandestine, on augmente de 62 % – je dis bien de 62 % ! – les crédits dédiés au financement des centres provisoires d’hébergement.

Le nom même de la mission est mensonger. Cette mission s’intitule « Immigration, asile et intégration ». La réalité, c’est que bien peu de choses y sont faites pour l’intégration : à peine 14 % du budget de la mission.

Pratiquement rien non plus n’est prévu pour bâtir une politique migratoire digne de ce nom. Savez-vous quelle part du budget de cette mission est consacrée à la lutte contre l’immigration clandestine ? 6 % seulement ! Le gros de la mission, c’est l’asile, avec 71 % des crédits.

Ne faisons pas semblant de discuter d’une politique de l’immigration, de l’asile et de l’intégration. Nous nous contentons de gérer, assez mal d’ailleurs, la crise des demandes d’asile, sans réfléchir à ce que nous souhaitons pour notre pays et pour son avenir.

Toutefois, même la politique de l’asile, qui se taille la part du lion dans cette mission, est dans un état calamiteux : en 2017, le délai moyen affiché de traitement d’un dossier s’élevait à 449 jours, soit deux fois plus que l’objectif affiché de 209 jours ! Et cela, en particulier, parce que l’asile a été presque totalement détourné de son objet naturel, pour devenir, nous le savons, une nouvelle filière d’immigration clandestine.

Nous n’avons pas de politique d’immigration digne de ce nom, et ce n’est pas nouveau, monsieur le ministre d’État, je vous le concède. Aujourd’hui, l’immigration clandestine n’est pas une façon de venir en aide aux persécutés, contraints de fuir leur pays ; cela seul aurait dû suffire à invalider totalement les chiffres du Gouvernement.

On estime en effet que le coût de reconduite à la frontière est de l’ordre de 4 200 euros par personne. Même en estimant, en fourchette basse, que seulement 30 000 personnes sont déboutées chaque année du droit d’asile, cela devrait entraîner un budget de reconduite à la frontière d’au moins 126 millions d’euros, au lieu de quoi, on nous propose un peu moins de 83 millions d’euros.

Cette politique est dangereuse pour la France, pour les Français et pour les étrangers.

Elle est dangereuse pour la France, qui se voit ainsi priver de ce choix élémentaire des nations souveraines : choisir qui nous voulons accueillir chez nous. Notre collègue Georges Patient évoquait le 17 octobre dernier la question de l’immigration clandestine, particulièrement dramatique en Guyane, et signalait même que certains, là-bas, parlaient de « génocide de substitution ». Le terme est fort, sans doute exagéré, mais qui peut nier que, avec 11 000 demandes d’asile pour 250 000 habitants, la situation soit difficilement supportable ?

Cette absence de politique est aussi dangereuse pour les Français.

Sourires sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Je n’ignore pas qu’il n’est pas très bien vu de lier immigration, terrorisme et insécurité.

Néanmoins, je note d’abord que ce lien a été établi par l’État islamique lui-même, qui a invité les djihadistes à se glisser parmi les réfugiés. Surtout, le coordinateur pour l’Union européenne de la lutte contre le terrorisme, Gilles de Kerchove, embraya avec des mises en garde particulièrement claires et nettes, que naturellement les commentateurs bien-pensants ont traitées par le mépris.

Enfin, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, notre absence de politique migratoire, doublée de toutes les pompes aspirantes que l’État-providence déploie pour attirer toute la misère du monde, est dangereuse pour les candidats à l’immigration eux-mêmes.

Le drame qui se joue actuellement en Méditerranée et l’esclavage qui se répand comme une traînée de poudre en Libye sont directement liés à notre laxisme migratoire, qui a donné des ailes aux passeurs et aux trafiquants de chair humaine.

« Si le Gouvernement le souhaitait réellement, l’armée pourrait mettre fin aux flux migratoires en quelques jours. », déclarait l’ex-numéro 2 de l’OTAN en Afghanistan, le général italien Santo.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Cette absence de politique est aussi profondément injuste.

Je termine, mes chers collègues, en vous invitant, en cette période de Noël, à vous ressaisir d’urgence de cette question, vitale pour l’avenir de notre pays, …

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

En cette fin d’année, je vous invite à lire ou à relire le livre de Michel Poniatowski, publié en 1991, Que survive la France. À force de retarder les décisions douloureuses, nous les rendons plus douloureuses encore. À force de différer, nous préparons les conditions d’une déflagration catastrophique.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. C’est à nous, parlementaires, qui avons l’honneur de représenter la Nation, qu’il incombe de nous en charger. Ne nous dérobons pas devant ce devoir.

Applaudissementssur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, j’ai trois minutes pour vous dire que le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est certes en hausse de 10 % en autorisations d’engagement. Certes, le Sénat a été entendu, ce qui n’est pas toujours le cas, concernant la construction en 2018 de 3 000 nouvelles places pour les réfugiés dans les centres provisoires d’hébergement.

Toutefois, sur ce budget, trois grandes difficultés persistent.

La première, c’est une politique d’intégration en grande souffrance. Au-delà des mots, je donnerai deux exemples concrets.

La réduction de 76 % du nombre de visites médicales de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, entre 2016 et 2017, pose incontestablement un grave problème de santé publique, notamment dans les universités. De plus, près de 40 % des étrangers qui suivent les formations linguistiques du contrat d’accueil et d’intégration n’atteignent pas le niveau de français requis.

Alors que vous proposez, au travers du projet de loi de finances, une augmentation de 12 % des crédits consacrés à l’immigration régulière, il nous faut revoir, je le crois sincèrement, toute cette politique d’intégration. Au sein de celle-ci, il conviendrait sans doute d’abroger rapidement les circulaires dites « Valls » de novembre 2012, qui ont contribué par ailleurs à augmenter de 31, 5 % le nombre de régularisations d’étrangers en situation irrégulière et qui constituent, de ce fait, un véritable appel d’air pour les passeurs.

J’en viens à la deuxième difficulté, les déboutés du droit d’asile. L’année dernière, environ 53 600 déboutés sont venus « engorger » – pardonnez-moi cette expression – le système d’accueil des demandeurs d’asile, au détriment des personnes persécutées dans leur pays ou victimes de la guerre ; ils alimentent bien sûr l’immigration irrégulière.

C’est bien là la troisième grande difficulté : l’immigration irrégulière en métropole, mais également sur nos territoires ultramarins.

Sur ce point, les crédits sont en baisse de 7 % par rapport à 2017. Certes, monsieur le ministre d’État, la fin du démantèlement de la jungle de Calais peut expliquer pour partie ce chiffre. Néanmoins, cet argument ne résiste pas longtemps à l’analyse, et ce pour trois raisons.

Tout d’abord, les 10, 5 millions d’euros du démantèlement de la jungle de Calais auraient très bien pu être utilisés pour améliorer la politique d’éloignement.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Effectivement !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Je rappelle que, pour la seule année 2016, quelque 75 587 personnes se sont maintenues sur le territoire français sans en avoir le droit. Nous ne pouvons pas, les uns et les autres, ignorer cette réalité.

Ensuite, l’enveloppe budgétaire dédiée aux éloignements forcés ne permettra, selon nos calculs, que 14 500 éloignements en 2018, c’est-à-dire nettement moins que sous le mandat précédent. Il faut, si l’on veut tenir l’engagement pris par le Président de la République, nettement augmenter les moyens de nos forces de police.

Enfin, le budget des centres de rétention administrative est légèrement inférieur à l’exécution de 2016, alors que leur taux d’occupation a augmenté de 40 %, notamment à la suite des malheureux événements de Marseille. Pour cela aussi, il faut se redonner les moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. Face à l’impatience de M. le président de séance, je m’en tiendrai à exprimer, sur les crédits de cette mission, l’avis de la commission des lois, qui est défavorable.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est M. Antoine Karam.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Karam

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce budget est essentiel, puisqu’il semble traduire la volonté du Gouvernement de mieux maîtriser les flux migratoires, optimiser le dispositif de l’asile et renforcer les moyens dédiés à l’intégration.

Nous avons tous conscience de l’importance de ces enjeux sensibles et de notre responsabilité à en débattre sereinement.

La mission « Immigration, asile et intégration » est dotée de 1, 3 milliard d’euros de crédits et progresse ainsi de 285 millions d’euros. Je tiens à saluer la décision du Gouvernement d’augmenter les moyens alloués aux dispositifs pour répondre à la pression migratoire exceptionnelle que connaît la France. Compte tenu du contexte budgétaire contraint, c’est évidemment une avancée.

En commission, notre rapporteur a présenté de nombreux chiffres. Certains d’entre eux se sont révélés incomplets. En effet, notre collègue Thani Mohamed Soilihi l’a lui-même souligné : l’immigration clandestine est mesurée à travers les bénéficiaires de l’aide médicale d’État. Or cette aide n’est pas applicable à Mayotte. Pourtant, vous en conviendrez, monsieur le ministre d’État, le recensement des clandestins est essentiel pour apporter une réponse adaptée.

Si les pressions migratoires auxquelles font respectivement face la Guyane et Mayotte sont souvent évoquées dans nos débats, la gravité de la situation reste largement sous-estimée. J’aimerais donc prendre un instant pour illustrer avec quelques chiffres l’ampleur de ces phénomènes.

Premier chiffre : le nombre moyen de reconduites à la frontière effectuées chaque année à Mayotte depuis 2010 est de 18 000. En 2016, ce sont plus de 22 600 retours qui ont été opérés. À titre de comparaison, le ministère de l’intérieur a annoncé pour la même année près de 13 000 reconduites aux frontières de l’Hexagone. Je rappelle que Mayotte détient par ailleurs le taux de natalité le plus élevé de France et que 70 % des femmes qui y accouchent sont en situation irrégulière.

Le second chiffre concerne la Guyane : le nombre de demandes d’asile enregistrées au cours des trois dernières années est de 11 000. Notons que ces demandes concerneraient au total plus de 20 000 personnes en comptant les familles. Là encore, c’est comme si la France comptabilisait chaque année près d’un million de demandeurs d’asile sur son seul territoire hexagonal.

Mes chers collègues, demander l’asile est un droit qu’il n’est pas question de remettre en cause. Mais c’est une réalité, la Guyane est aujourd’hui trop attractive pour les demandeurs d’asile qui ne sont pas en besoin manifeste de protection. En 2016, seuls 2, 6 % des dossiers ont été acceptés par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA.

Les reconduites à la frontière sont importantes, mais elles sont coûteuses et souvent insuffisantes. Il nous faut aller plus loin, innover et développer des mesures structurelles.

En octobre dernier, le Président de la République a annoncé en Guyane plusieurs mesures qui visent le même objectif : la réduction à deux mois du versement de l’allocation pour demandeur d’asile, l’ADA, l’accélération des délais de traitement, le conditionnement de l’accès au revenu de solidarité active à quinze ans de résidence sur le territoire plutôt qu’à cinq ans ou encore la démonétisation du revenu de solidarité.

Récemment, un nouvel élan vient également d’être donné à la coopération avec le Surinam, voisin de la Guyane. Cela donne bon espoir que l’accord de réadmission signé en 2004 soit prochainement ratifié par notre voisin surinamais.

Par-delà ce budget, nous devons nous satisfaire de voir le chef de l’État et le Gouvernement ouverts à un dialogue franc et responsable sur la manière de mieux lutter contre l’immigration irrégulière dans ces territoires au bord de l’asphyxie.

Je souhaiterais maintenant appeler votre attention sur un autre point : la situation des mineurs non accompagnés ou isolés et l’accompagnement des départements. Le nombre croissant de ces jeunes se déclarant mineurs et isolés – passant de 4 000 en 2010 à 13 000 en 2016 pour atteindre près de 25 000 en 2017 – entraîne la saturation des dispositifs de protection de l’enfance. Les départements, qui doivent accueillir et prendre en charge ces mineurs, ne pourront faire face à cette évolution sans le soutien de l’État.

Le Premier ministre et la ministre de la santé ont confirmé un financement exceptionnel de l’État en 2018. Cependant, l’enveloppe de 132 millions d’euros annoncée semble en deçà de l’évaluation effectuée par l’Assemblée des départements de France, selon laquelle le coût total de la prise en charge des mineurs isolés s’élèverait à 1 milliard d’euros. Monsieur le ministre d’État, pouvez-vous nous éclairer sur cette situation d’urgence ?

Enfin, comment évoquer tous ces sujets sans penser aux drames humains qui se jouent en Méditerranée ? Éligibles ou non à l’asile, nous devons assistance à ces victimes de trafiquants qui, lorsqu’elles ne sont pas poussées à la mort en mer, sont vendues sur des marchés d’esclaves – c’est un véritable scandale mondial –, rappelant les heures les plus sombres de notre histoire.

C’est cette même assistance que l’aide médicale d’État, l’AME, apporte quotidiennement aux personnes étrangères sur le territoire national. Il faut le rappeler, cette aide vise un double objectif, humanitaire et sanitaire. Aussi, nous ne pouvons que regretter que la majorité sénatoriale ait décidé de diminuer ses crédits de 300 millions d’euros.

Ces situations en sont la preuve : en outre-mer comme dans l’Hexagone, les défis migratoires, d’asile et d’intégration ont profondément changé. Les réformes à venir ne peuvent donc se contenter d’être conjoncturelles.

Monsieur le ministre d’État, notre groupe soutiendra ce projet de budget, qui va dans le bon sens en prévoyant une hausse significative des crédits pour 2018. L’attention portée par le Gouvernement sur ces sujets et les efforts consentis dans cette mission marquent le point de départ de réformes ambitieuses capables de répondre, avec responsabilité et dignité, aux défis migratoires de la France et de ses outre-mer.

Nous espérons que le Gouvernement poursuivra ce travail avec le projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le 14 novembre dernier, la chaîne américaine CNN révélait au monde ce que nombre d’acteurs de la solidarité internationale dénonçaient déjà : la vente d’exilés noirs sur des marchés aux esclaves en Libye.

Ce trafic, qualifié par le président Macron lui-même de crime contre l’humanité, devrait nous ouvrir les yeux sur le sort de ceux qui sont jetés sur les routes ou à la mer par la misère, la guerre ou l’oppression. Il devrait nous ouvrir les yeux, dis-je, et nous inciter à une certaine pudeur.

Tous n’en semblent pas capables, hélas ! Je cite M. le rapporteur spécial : « L’allocation pour demandeur d’asile, l’ADA, est de 360 euros pour une personne seule non hébergée. Sans aller chercher au bout du monde, le salaire minimal en Roumanie est de 320 euros… Nous attirons l’immigration clandestine. » Pouvons-nous un instant décemment imaginer que des gens acceptent d’être réduits en esclavage, prennent le risque de se noyer dans la Méditerranée, de mourir en traversant nos montagnes, pour ces fameux 360 euros ?

Cette mission est de fait biaisée d’avance. Mettre ensemble « immigration, asile et intégration » est un tour de passe-passe politique visant à mêler, dans l’esprit de nos concitoyens, trois problèmes différents, et permettant à certains d’évoquer à tout propos et hors de propos, comme le fait le rapporteur spécial, M. Meurant, la « menace » qui pèserait sur notre « cohésion sociale ». Habile, n’est-ce pas ?

En 2016, notre pays a enregistré 1, 17 demande d’asile pour 1 000 habitants, contre un taux moyen de 2, 36 dans l’Union européenne, de 1, 99 en Italie, de 4, 61 en Grèce et de 8, 83 en Allemagne. Avec 1, 17 demande pour 1 000 habitants, comment pourrions-nous dire que nous n’avons pas les moyens d’accueillir ces réfugiés décemment ?

La hausse prévue par le budget dont nous débattons aujourd’hui ne saurait suffire à garantir ni un accès effectif à leurs droits pour les demandeurs d’asile ni des conditions dignes de subsistance.

Ce budget est finalement une illustration parfaite de ce qui caractérise le nouvel exécutif : une distorsion permanente entre les mots et les actes.

Le Président s’offusque, s’indigne et assure que tout le monde sera logé dignement d’ici à la fin de l’année. Dans le même temps, les préfets prennent des décisions illégales, les forces de l’ordre attentent chaque jour dans le Calaisis, dans la Roya, à Briançon, à la sécurité et à la santé des exilés, sans compter que M. Collomb envoie une circulaire aux préfets pour augmenter la répression à l’endroit des réfugiés. C’est une contradiction supplémentaire de ceux qui nous gouvernent !

Dans le même temps, des mineurs ne sont pas protégés, ils dorment dans la rue, certains étant même renvoyés depuis Menton vers l’Italie sans autre forme de procès. Dans le même temps, les militants associatifs, les bénévoles et les simples citoyens font l’objet de poursuites et d’intimidations de plus en plus nombreuses quand ils font simplement preuve d’humanité et de solidarité.

Nous ne voterons pas ces crédits, mes chers collègues, car ils sont à nos yeux tout à fait insuffisants pour relever le défi de l’accueil des réfugiés, tandis que la majorité sénatoriale, elle, votera contre aussi, mais parce que le budget des reconduites à la frontière est en baisse : un même vote, donc, traduisant en l’occurrence deux visions radicalement opposées de notre société et des devoirs de solidarité humaine qui s’imposent à elle, hors de tout prétendu irénisme.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les points de vue assez opposés des différents intervenants au cours de notre discussion démontrent le besoin de réforme en matière d’immigration et de droit d’asile.

De l’immigration à l’intégration, en passant par le droit d’asile, tout est interdépendant, et la solidité de la chaîne ne tient qu’à celle du maillon le plus faible. Et les maillons faibles sont nombreux.

Notre approche budgétaire concerne le volet franco-français. Ce n’est pourtant qu’une partie du débat tant ce qui se déroule sur le continent africain, dans la zone subsahélienne en particulier, en Afrique de l’est, en Libye ou encore au Moyen-Orient a de l’importance. À cet égard, je mets à part les questions concernant la Guyane et Mayotte, qui ont été évoquées par M. Karam avec beaucoup plus de pertinence que je ne pourrai le faire.

Nous avons à gérer des cercles concentriques, mes chers collègues. Si l’on se rapproche du territoire européen, le fonctionnement des accords de Dublin est en cause, avec l’exercice effectif des responsabilités par les pays d’arrivée. Nous savons que ces engagements ne sont pas aussi respectés que nous aurions pu le souhaiter. Cela pose aussi le problème d’une équité entre les pays européens avec, en arrière-plan, le débat sur le programme de relocalisation, qui est un peu la contrepartie à envisager si nous tenons au respect intégral des accords de Dublin.

La lutte contre l’immigration irrégulière soulève des questions budgétaires, mais son efficacité dépend aussi des accords dits « de réadmission ». Si la question du nombre effectif de mesures d’éloignement dépendait uniquement du budget alloué, la réponse aurait été trouvée depuis longtemps. Nous savons, mes chers collègues, que cette question est plus complexe qu’une simple écriture budgétaire.

Je crois profondément que, si le programme 303, « Immigration et asile », doit faire l’objet d’une discussion budgétaire classique – c’est notre mission –, les enjeux sont ailleurs, à la fois dans la vision internationale des choses, comme dans la refonte de la mise en œuvre du droit d’asile.

J’espère, monsieur le ministre d’État, que vous pourrez nous en dire plus sur les projets du Gouvernement en cette matière.

Si j’en reviens à l’approche strictement budgétaire, l’essentiel des crédits va à la garantie du droit d’asile, avec une augmentation importante en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Votre budget, monsieur le ministre d’État, doit au moins être crédité d’une recherche de réalisme et de sincérité, en mettant fin à une sous-estimation systématique des dépenses dans ce domaine.

L’inflexion me semble notable et favorable, même si j’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur pour avis, Sébastien Meurant, qui, de manière peut-être légèrement paradoxale – s’il est permis de l’exprimer avec le plus grand respect –, a mis en balance à la fois ce qu’il estimait être une forme d’insincérité et une augmentation très forte des crédits sur cette fameuse garantie.

Bien sûr, le nombre d’éloignements forcés budgétés en 2018 est un indicateur important ; comme l’indique François-Noël Buffet, il s’établit à 14 500. Toutefois, je le répète, examiner sous ce seul angle le budget dont il s’agit, c’est réellement se livrer à un constat réducteur : l’efficacité de ces dispositifs dépend d’éléments bien plus larges que les seules données budgétaires.

À mon tour, je relève l’importance, pour la crédibilité de l’action gouvernementale, d’une efficacité réelle et d’un traitement différencié entre les personnes qui peuvent bénéficier du droit d’asile et les migrants dits « économiques ».

Le délai de quinze mois, mentionné en commission, pour traiter les demandes du droit d’asile à l’heure actuelle n’est pas acceptable. Il convient de comprendre comment nos voisins allemands ont pu réformer leur système tout en respectant, d’une part, les dispositions de leur loi fondamentale, et, d’autre part, les principes énoncés par leur Cour constitutionnelle, qui n’est pas moins exigeante que la nôtre, et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH.

Enfin, monsieur le ministre d’État, je souhaiterais savoir en quel sens vous analysez l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 septembre 2017, portant interprétation du règlement de l’Union européenne n° 604/2013. J’espère que vous pourrez nous éclairer : je serai attentif à votre réponse.

Doit-on comprendre que cette question peut être traitée par la voie législative française, comme le pensent nombre de nos collègues à l’Assemblée nationale ? Doit-on comprendre, à l’inverse, qu’elle nécessite une réforme du règlement européen et du dispositif de Dublin ?

L’ensemble de ces points me paraît correspondre, au moins partiellement, aux trois domaines distingués avec justesse par M. le rapporteur pour avis. Dans leur majorité, les élus du groupe Union Centriste suivront donc l’avis de ce dernier.

Néanmoins, monsieur le ministre d’État, je vous renouvelle l’approbation que m’inspirent les efforts budgétaires marqués qu’accomplit, à ce titre, le Gouvernement. Je vous appelle à un dialogue avec le Parlement, afin d’améliorer l’efficacité des mesures actuelles et afin de nous permettre d’avancer pour la réforme du droit d’asile. Dans ce cadre, il faudra apprécier ce qui relève du législateur français et du droit de l’Union européenne, au-delà des enjeux de négociation ou de renégociation de nombre d’accords bilatéraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’asile et l’immigration représentent deux politiques distinctes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

… qui ne devraient pas être discutées ensemble : un tel choix porte à confusion.

Bien entendu, il existe des intersections entre ces deux politiques. Dans certains cas, on peut faire usage du droit d’asile pour rester sur le territoire ; la politique de gestion des maintiens en situation irrégulière concerne, pour partie, les déboutés du droit d’asile ; enfin, il faut songer à l’intégration des personnes protégées.

Toutefois, l’asile, c’est d’abord un droit pour chacun. Pour la France, c’est un engagement. C’est une traduction de nos valeurs, un principe constitutionnel et un engagement conventionnel.

À cet égard, je salue les orientations de la politique d’asile menée par le Gouvernement et, avant tout, les initiatives déployées entre 2012 et 2017 : les délais d’étude des demandes d’asile ont ainsi été profondément réduits. Aussi, je rends hommage à l’action déployée par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et par la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA.

Néanmoins, il convient aujourd’hui de faire d’autres efforts.

En amont, il faut garantir un meilleur accueil des demandeurs d’asile. Les délais d’enregistrement d’une demande d’asile restent scandaleusement longs : en la matière, notre pays ne respecte pas les directives européennes.

En aval, c’est-à-dire une fois que les demandeurs d’asile sont protégés, ils doivent avoir le maximum de chances d’être intégrés, le plus vite possible, au sein de la société française.

À ce titre, je salue également le travail accompli par l’OFPRA, sans oublier le ministère de l’intérieur et nos consulats, pour la délivrance de visas pour asile. Cette action peut sembler modeste, au regard du nombre de demandeurs d’asile, mais elle est essentielle et mérite d’être développée. Il n’est pas acceptable que certains soient obligés de risquer leur vie et celle de leur famille pour faire valoir leurs droits, pour être protégés. Je salue les orientations fixées, en la matière, par le Président de la République.

Néanmoins, monsieur le ministre d’État, le paquet « Asile » en cours de négociation nous inspire quelques inquiétudes. Je pense en particulier à la notion de pays tiers sûr, à laquelle certains États de l’Union européenne se montrent attachés. Dans cet esprit, un autre pays membre de l’Union peut remplir, à notre place, nos engagements conventionnels.

Pour ce qui nous concerne, nous estimons qu’une telle pratique aboutirait à un déni de nos engagements, à un déni de nos principes constitutionnels. Sur ce point, comment interprétez-vous les orientations du paquet « Asile » et l’incapacité des Européens à converger, du moins pour le moment ?

Un autre sujet m’interpelle. En vertu du droit en vigueur, la France ne donne pas aux demandeurs d’asile dont les démarches sont engagées depuis plus de neuf mois un droit effectif au travail. Or, à mon sens, une telle garantie serait utile, non seulement pour améliorer l’intégration des intéressés, mais aussi pour réduire les coûts de la demande d’asile.

Enfin, si nous pouvons discuter des moyens, nous pouvons également débattre d’un certain nombre d’usages qui en sont faits.

Personnellement, j’ai été très choqué du témoignage, relayé par certains journalistes, de mineurs reconduits à la frontière franco-italienne, au milieu des Alpes, par des températures négatives…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

J’ajoute que ces mineurs n’ont pas bénéficié du moindre accompagnement de l’autre côté de la frontière, en Italie.

Je m’inquiète aussi des conséquences du message que vous avez émis, après l’attentat de Marseille, avec le limogeage du préfet de Lyon.

Aujourd’hui, à bord de leur véhicule de fonction, les fonctionnaires de police parcourent parfois 800 kilomètres en une journée pour transférer, d’un bout à l’autre de la France, un étranger dont on a constaté la situation irrégulière. Nombre de centres de rétention administrative, les CRA, sont surchargés, et les personnels qui y travaillent ne peuvent pas continuer à travailler dans ces conditions. En conséquence, la dignité des personnes retenues au sein des CRA est menacée.

En outre, je déplore le non-respect l’arrêt de septembre 2013 par lequel la Cour de cassation a souligné la nécessité d’éviter les placements en CRA pour les « Dublinés ».

Dans le même temps, on continue à faire usage des tests osseux, alors même qu’il s’agit de véritables escroqueries scientifiques : ces dispositifs ne permettent en rien de résoudre le problème des mineurs non accompagnés.

De plus, je m’inquiète de l’avenir d’un espace Schengen où l’on en vient à donner un nouveau mandat à l’agence FRONTEX pour protéger les frontières, sans que les pays membres parviennent à s’accorder pour une politique d’asile plus intégrée.

On ne peut pas laisser les pays de première entrée seuls face à leur situation géographique : non seulement, l’espace Schengen risque d’exploser, mais, un peu comme l’Italie l’a fait avec les migrants venus de Libye, ces États pourraient renoncer à traiter, avec la dignité que les principes imposent, les personnes tentant d’entrer sur le sol européen.

Monsieur le ministre d’État, l’immigration n’est pas une plaie. Mieux vaut être un pays qui fait envie plutôt qu’un pays que l’on fuit.

La force d’innovation d’un pays se mesure à sa capacité à maîtriser la diversité, d’échanger des savoirs, de s’adapter aux nouveaux besoins. Or les personnes immigrées sont souvent les mieux à même de nous accompagner au cours de ces transformations : elles sont souvent les catalyseurs de transitions économiques. Gardons à l’esprit que 50 % des créateurs d’entreprise réunis au sein de la Silicon Valley ne sont pas américains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ce ne sont tout de même pas les mêmes étrangers…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ne considérons pas l’immigration sous l’angle misérabiliste ; au contraire, voyons-la comme un phénomène positif, qui accompagne la croissance économique.

Nous avons tous été choqués par les images qu’a récemment diffusées CNN : l’esclavage moderne pratiqué au sud de la Méditerranée a provoqué une indignation mondiale. Mais, au fond, le colonel Kadhafi cachait à nos consciences ce qui existait déjà. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui nous voyons tous !

Désormais, l’Europe et l’Afrique ne peuvent plus faire semblant de ne pas voir ce qui se passe au sud de la Méditerranée. Trouvons les moyens pour éviter que de telles pratiques ne se perpétuent.

Monsieur le ministre d’État, le Président de la République a pris des initiatives en la matière. Pensez-vous que, avec nos partenaires européens et africains, nous pourrons réellement avancer dans ce domaine ? Pourrons-nous détruire les mythes qui incitent tant de personnes à courir de tels risques, à migrer dans des conditions innommables et absolument indignes ?

Mes chers collègues, notre responsabilité est lourde, d’autant que, pour réussir, les politiques mises en œuvre ne doivent pas rester exclusivement françaises : elles doivent avoir une ampleur européenne.

Or, face à ces questions, l’attitude européenne met en jeu notre crédibilité, face aux valeurs que nous proclamons. Il y va de notre capacité à assumer notre trajectoire historique et nos responsabilités ; il y va de l’expression ou la négation de notre confiance dans l’avenir et dans nos voisins.

Pour toutes ces raisons, même s’ils constatent un effort de sincérité budgétaire, les élus du groupe socialiste et républicain doutent de certaines des priorités avancées par le Gouvernement. En conséquence, ils s’abstiendront pour ce qui concerne les crédits de cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2018, la mission « Immigration, asile et intégration » représente 1, 35 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1, 38 milliard d’euros en crédits de paiement. Elle affiche ainsi une hausse de 10, 44 % en autorisations d’engagement et de 26 % en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2017.

Toutefois, ne nous y trompons pas, cette augmentation des crédits s’explique en réalité par les mesures d’ajustement de la politique d’asile et d’immigration qui ont été actées au gré de l’évolution de la crise migratoire. En effet, entre 2010 et 2016, le nombre de demandes d’asile en France a connu une hausse de plus de 62 %.

La différence entre le discours et les actes du Gouvernement se vérifie pour chaque composante de cette mission budgétaire, qu’il s’agisse de l’immigration régulière et de l’intégration, de l’exercice du droit d’asile ou de la lutte contre l’immigration irrégulière.

Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit même une baisse des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » d’ici à 2020. Aussi ce budget appelle-t-il de nombreuses remarques.

En premier lieu, pour ce qui concerne l’immigration régulière et l’intégration des étrangers à la société française, il est difficile de comprendre la stratégie de l’exécutif. Derrière la fermeté de son discours, le Gouvernement n’envisage pas l’abrogation de la circulaire Valls du 28 novembre 2012, qui, en quatre ans, a conduit à l’augmentation de plus de 30 % des régularisations d’étrangers en situation irrégulière.

En outre, dans le présent projet de loi de finances, 240 millions d’euros sont consacrés à l’immigration régulière et à l’intégration. Ces crédits sont en augmentation de 12, 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017. Or il s’agit de financer les nouvelles missions de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, dont la priorité est non plus l’intégration, mais la prise en charge des demandeurs d’asile.

La fonction historique d’intégration des étrangers primo-arrivants se trouve ainsi fragilisée, l’asile étant devenu l’axe majeur de la politique de l’OFII.

On constate également la réduction drastique du périmètre des visites médicales des étrangers primo-arrivants. Historiquement, tous les étrangers sollicitant la délivrance d’une carte de séjour temporaire étaient soumis à une visite médicale. Cette dernière est un instrument de santé publique. Mais, aujourd’hui, seule une minorité d’étrangers primo-arrivants sont examinés. Le nombre des visites médicales a connu une baisse de plus de 76 % entre 2016 et 2017.

De même, nous déplorons l’échec du contrat d’intégration républicaine : près de 40 % des étrangers qui suivent les formations linguistiques dispensées à ce titre n’atteignent pas le niveau requis en français.

En second lieu, pour ce qui concerne l’exercice du droit d’asile, la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d’asile a échoué : nous n’avons pas atteint l’objectif fixé à ce titre, à savoir réduire le délai global des demandes d’asile. Celui-ci s’établit actuellement à plus de quatorze mois. La procédure doit être revue de fond en comble, depuis l’enregistrement de la demande jusqu’aux voies de recours.

Par ailleurs, le Gouvernement ne semble assurer aucun suivi précis des déboutés du droit d’asile, dont le nombre pour la seule année 2016 s’élevait à 53 600 personnes. Or, en engorgeant les systèmes d’accueil au détriment des personnes persécutées dans leur pays, ces déboutés fragilisent la pérennité du droit d’asile.

En troisième et dernier lieu, pour ce qui concerne la lutte contre l’immigration irrégulière, on peut déplorer l’échec de la politique de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière. À titre d’exemple, pour la seule année 2016, ce sont moins de 18 % des mesures d’éloignement prononcées qui ont réellement été exécutées. Ainsi, 75 000 personnes sont restées en France en toute illégalité.

Le 15 octobre dernier, le Président de la République a annoncé son intention d’expulser les étrangers en situation irrégulière ayant commis un délit. Malheureusement, le Gouvernement ne mobilise pas les moyens nécessaires pour que cette volonté présidentielle soit respectée, et nous le regrettons. Au titre du projet de loi de finances pour 2018, 14 500 éloignements forcés sont budgétés : c’est moins que sous le mandat présidentiel de François Hollande.

Avec la crise migratoire que connaît l’Union européenne, dans le contexte de programmes de relocalisation européens qui verront la France accueillir des demandeurs d’asile supplémentaires, il est évident que ce budget demeure très insuffisant.

Aussi, les élus du groupe Les Indépendants – République et Territoires ne voteront pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2018.

M. Daniel Chasseing applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, trois minutes : le Front national a trois minutes pour porter la voix de la majorité de nos compatriotes, …

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… qui, malgré une propagande tous azimuts, considère non seulement que l’immigration n’est pas une chance pour la France, mais qu’elle constitue une menace pour sa sécurité, son identité et sa prospérité.

Monsieur le ministre d’État, votre politique de reconduite à la frontière, qui n’existe plus, est une mauvaise plaisanterie. Vous consacrez 1, 1 milliard d’euros à votre programme 303, « Immigration et asile », soit un budget en hausse de 28 %. Et dans ce budget, une part dérisoire est allouée à la lutte contre l’immigration irrégulière, soit 82 millions d’euros : ces crédits subissent une baisse de 7 % par rapport à l’année dernière.

Le budget relatif à l’allocation pour les demandeurs d’asile relève quant à lui de la provocation : il s’établit désormais à 318 millions d’euros. Au 31 juillet 2017, quelque 80 000 étrangers bénéficiaient de cette aide. Nos agriculteurs, nos artisans, nos jeunes et beaucoup de nos retraités aimeraient percevoir autant !

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : seuls 18 % des expulsions ordonnées sont exécutées. En 2017, ce sont ainsi 518 000 personnes expulsables qui sont restées sur le territoire, et vous en profitez pour amputer de plus de 3 millions d’euros les crédits destinés aux expulsions.

Nous devons faire face à une explosion des demandes d’asile. Vous le soulignez vous-même : elles ont bondi de 17 % entre 2016 et 2017, et les prévisions pour les années qui viennent sont alarmantes.

Aujourd’hui, la France compte 90 000 demandeurs d’asile. Leur nombre est ainsi en augmentation de 62 % entre 2010 et 2017. Parmi eux, 45 % ont déjà fait une demande dans un ou plusieurs États membres de l’Union européenne via la procédure de Dublin. En vertu de ces règles, les 500 000 déboutés du droit d’asile en Allemagne peuvent demander l’asile à la France : votre obsession masochiste…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… de protéger le lointain, y compris quand il est clandestin, au détriment de son prochain prend ici toute son ampleur.

Au cours des cinq dernières années, plus d’un million de titres de séjour ont été délivrés, 150 000 clandestins ont été régularisés et 120 000 étrangers sont devenus français : l’Imprimerie nationale tourne à plein régime.

Cette mission « Immigration, asile et intégration » démontre avec quelle détermination Emmanuel Macron et son gouvernement s’emploient non seulement à déconstruire la France, mais également à déconstruire l’unité du peuple français.

Monsieur le ministre d’État, en parfaite application des consignes reçues par l’Élysée, loin d’endiguer la déferlante migratoire, vous l’amplifiez, alors que, en parfaite application du souhait de nos compatriotes, je l’affirme à cette tribune : il est urgent de sortir des accords de Schengen, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… de rétablir et de contrôler nos frontières et de restreindre considérablement le droit d’asile, qui n’est trop souvent que le cache-sexe d’une immigration économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Après le masochisme, le cache-sexe… Magnifique !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

L’ampleur de l’immigration est telle qu’elle alimente le communautarisme. Elle sonne ainsi le glas de l’intégration, et vous essayez de masquer cette situation sous le voile de la sémantique du « vivre ensemble ».

Quant au coût sécuritaire, il prend effet chaque jour, sinon dans la presse, du moins dans les commissariats, et sur les écrans du monde entier, lorsque les réfugiés se révèlent être des terrorismes islamistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Il faut regarder la vérité en face : elle vous rendra libres, mes chers collègues !

Si l’immigration est une chance pour le grand patronat, pour les syndicats résiduels, pour les idiots utiles des partis de gauche…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… et pour les couards des partis de droite, elle constitue un terrible fardeau et un danger pour notre cohésion nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il faut conclure, cher collègue. Un peu d’ordre et de discipline…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. Pour conclure, monsieur le ministre d’État, libérez-vous de vos lectures et de votre dogme. Écoutez le peuple français, il est si généreux, …

Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

M. Stéphane Ravier. … mais il n’en peut plus de se sentir de plus en plus étranger dans son propre pays !

Mme Claudine Kauffmann applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le 12 juillet dernier, le Gouvernement a rendu public son plan d’action destiné à garantir le droit d’asile et à mieux maîtriser les flux migratoires. Il est indéniable que les priorités fixées au sein de la mission « Immigration, asile et intégration » correspondent à ces engagements. Je pense notamment au deuxième objectif : redonner sa pleine portée au droit d’asile.

De fait, les efforts budgétaires en faveur de l’amélioration de l’exercice de ce droit sont importants. L’action n° 02, Garantie du droit d’asile, qui, dans l’exercice précédent, concentrait déjà 67 % des crédits de la mission, en couvre désormais 71 %.

À ces fonds s’ajoutent les crédits de l’action Accompagnement des réfugiés, au sein du second programme « Intégration et accès à la nationalité française », lesquels doublent presque par rapport à l’année dernière.

En outre, il faut prendre en compte les crédits ventilés dans tout le budget et qui concourent indirectement à la réalisation de cette mission. Je pense aux moyens des préfectures, et surtout aux budgets attribués à la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, laquelle est rattachée au Conseil d’État et aux juridictions administratives, au sein de la mission « Conseil et contrôle de l’État ».

Ces efforts budgétaires devraient permettre de réduire les délais d’examen des demandes de reconnaissance du statut de réfugié ou de protection devant l’OFPRA et des recours formés devant la CNDA. Il s’agit d’une première étape dont nul ne peut contester la nécessité.

La priorité actuelle est d’agir face à une situation d’urgence découlant de la déstabilisation de pays de la rive sud de la Méditerranée qui agissaient jusqu’alors comme des régulateurs et pour la mise en œuvre du règlement Dublin III. Adopté en 2013, ce règlement énonce le principe suivant : « Le pays dans lequel a été formulée la demande d’asile est celui qui est chargé de son instruction et de la décision finale. »

Il faudra ensuite se poser la question d’un rééquilibrage entre la force reconnue au droit d’asile et celle du titre de séjour engageant un parcours d’intégration, dans la perspective d’acquérir la nationalité française.

Pour des raisons aisément compréhensibles, de nombreuses personnes en situation d’immigration illégale sont tentées de solliciter le droit d’asile ou la protection subsidiaire auprès de l’OFPRA, afin de régulariser leur présence sur le sol français, et inversement.

Les parcours juridiques tendent donc à s’entremêler. Une confusion entre immigration et asile se manifeste également de façon de plus en plus récurrente dans les médias.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Sur le plan administratif, ce phénomène a pour conséquence le développement d’une administration et d’une juridiction propres à l’asile, lesquelles sont animées principalement par de jeunes diplômés recrutés comme agents contractuels. La détresse des demandeurs se double donc parfois de l’inexpérience des agents qui leur font face.

À terme, un rapprochement des services examinant les demandes de titres de séjour, d’asile et de protection subsidiaire pourrait donc être envisagé. Cette solution permettrait de mieux orienter les personnes vers les procédures correspondant à leur situation réelle, tout en réduisant les coûts d’examen et de recours juridictionnel.

Il faut redonner à l’asile son sens premier, tel que défini par l’article 120 de la Constitution de 1793, en vertu duquel le peuple français « donne l’asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté » et « le refuse aux tyrans. »

Une meilleure distinction entre l’asile et l’immigration passe également par la revalorisation du parcours d’intégration proposé aux personnes immigrées arrivant en France. De ce point de vue, le lancement d’une mission parlementaire sur la refonte de la politique d’intégration par le ministère de l’intérieur est une bonne nouvelle.

À l’instar des États à l’échelle européenne, les territoires français ne sont pas tous exposés de la même manière aux phénomènes migratoires : les zones frontalières, et particulièrement les îles françaises les plus éloignées, sont les premières touchées.

Mon territoire, Saint-Martin, est un cas d’école. Bien sûr, il n’est pas le seul concerné : je pense aussi à la Guyane et à Mayotte. Mais il est le seul à cumuler les deux facteurs. Cette situation justifierait que le député Aurélien Taché nous rende visite dans le cadre de sa mission sur la refonte de la politique d’intégration.

Selon une récente évaluation de la Direction générale de l’outre-mer, plus de 30 % des habitants de l’île de Saint-Martin sont nés à l’étranger. Il s’agit principalement de ressortissants de l’île d’Hispaniola.

L’absence de frontière étatique physique sur l’île tend également à favoriser l’installation de populations immigrées dont la précarité s’est accrue après les désastres causés par l’ouragan Irma. Une révision des modalités de contrôles s’impose donc.

En outre, il devient extrêmement urgent de repenser les différents parcours d’intégration républicaine. Il faut les adapter à chaque âge de la vie, afin de donner à chacun la faculté de s’insérer dans la société française, non seulement comme des agents économiques, mais aussi comme d’authentiques citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Je conclus, monsieur le président.

Cette question n’est pas abordée de la même manière dans les territoires français qui luttent contre le dépeuplement et la désertification administrative.

En définitive, et en conclusion, l’immigration n’apparaît plus comme un phénomène épisodique, mais comme un processus durable, qui se renforcera probablement du fait des évolutions climatiques. La France, bien que n’ayant plus la capacité d’accueillir toute la détresse du monde, doit continuer à en prendre sa part, en veillant à ne pas mettre en péril les équilibres sociaux, sociétaux et territoriaux.

Conscients des efforts budgétaires consentis en cette période, les élus du groupe du RDSE porteront un regard bienveillant sur les crédits de cette mission et apporteront leur soutien au Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Julien Bargeton applaudit également.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ne disposant que de quatre minutes pour intervenir, je focaliserai mon propos sur un seul axe de la présente mission : la maîtrise des flux migratoires et, plus spécialement, la lutte contre l’immigration irrégulière.

Notre politique migratoire, notre droit d’asile et nos efforts pour favoriser une bonne intégration des personnes immigrées en situation régulière ne peuvent être pleinement efficaces que si, en même temps – passez-moi l’expression ! –, nous luttons sans ambiguïté contre l’immigration irrégulière.

Force est, hélas, de constater que la baisse notoire des fonds destinés à ce poste en crédits de paiement – les précédents orateurs ont rappelé qu’ils étaient en repli de 7, 1 % –…

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

… est en totale contradiction avec la volonté affichée par le Gouvernement.

Oui, monsieur le ministre d’État, cette lutte est incontestablement le parent pauvre de la présente mission, dont elle ne représente que 6 % des crédits totaux.

À présent, entrons dans le détail de ces crédits, qui atteindront 82, 82 millions d’euros en 2018. Je le rappelle à mon tour, quelque 40, 4 millions d’euros permettront le financement des vingt-sept centres de rétention administrative, ou CRA, dont vingt-trois en métropole et quatre outre-mer. Au total, ces centres représenteront 1 780 places. S’y ajouteront quatre locaux de rétention administrative et la zone d’attente des personnes en instance de départ à l’aéroport de Roissy. Enfin, 30 millions d’euros seront consacrés aux frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière.

J’insiste : tous ces montants sont manifestement insuffisants par rapport à la réalité des besoins.

Ainsi, les crédits de frais d’éloignement, que je viens d’évoquer et qui représentent 30 millions d’euros, sont en baisse de 10 % par rapport à 2017, alors que les correctifs que vous souhaitez apporter à la sous-occupation chronique des CRA vont automatiquement augmenter le nombre des candidats au retour, sans compter que les rétentions peuvent désormais durer jusqu’à quarante-cinq jours.

Une baisse des crédits à destination des CRA est, en effet, particulièrement dommageable dans un contexte de crise migratoire qui conduira inévitablement à une augmentation considérable des placements en rétention.

Comme l’écrit fort justement François-Noël Buffet dans son rapport, pour le seul premier semestre de 2017, l’augmentation du taux d’occupation était déjà de 66 %.

Actuellement, le nombre d’étrangers en situation irrégulière sur le sol français est certainement supérieur à 400 000. Il suffit de constater que le nombre de bénéficiaires de l’aide médicale d’État, l’AME, était de 311 310 à la fin de l’année 2016 : il affichait, ainsi, une augmentation de 49 % par rapport au 31 décembre 2011. Ces chiffres permettent d’imaginer le nombre réel des étrangers illégaux.

L’éloignement des étrangers en situation irrégulière doit donc être une vraie priorité si l’on veut rendre leur crédibilité à nos politiques d’immigration. Faut-il rappeler que 92 000 mesures d’éloignement ont été prononcées en 2016 et que seuls 18 % d’entre elles ont réellement été exécutées, par un éloignement forcé, aidé ou encore spontané ?

Il faut donc se donner les moyens d’agir et renégocier avec les pays d’origine, en particulier le Maroc, la Tunisie et le Pakistan, afin de multiplier ces retours. La tâche s’annonce difficile, c’est vrai, mais les laissez-passer consulaires devraient aboutir à des résultats nettement supérieurs.

Monsieur le ministre d’État, voilà ce qu’il faudrait faire. Mais les chiffres annoncés pour cette mission démontrent que votre gouvernement sera, en 2018, dans l’incapacité de tenir ses engagements en matière d’éloignement forcé.

Mes chers collègues, c’est pourquoi nous sommes, au sein du groupe Les Républicains, pleinement d’accord avec l’avis défavorable émis par la commission des lois au titre des crédits qui nous sont proposés aujourd’hui dans le projet de loi de finances pour 2018.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fournier

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le mot qui m’est venu à l’esprit en examinant les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » est : « partagé ».

« Partagé », parce qu’il est indéniable que les crédits de la mission augmentent fortement par rapport à 2017. Un effort est donc réalisé par le Gouvernement pour, notamment, accueillir dans de meilleures conditions les demandeurs d’asile, créer plus de places d’hébergement et mener une politique d’intégration plus volontariste.

Je suis parfaitement d’accord avec l’intention du Président de la République de réduire les délais de traitement des demandes d’asile de douze à six mois. Partagé, toutefois, car la politique d’immigration menée par le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre d’État, reste assez floue, et car nous ne pouvons que constater un décalage entre discours et réalité.

L’immigration regroupe énormément de facteurs dont tout le monde connaît la sensibilité dans notre pays et en Europe. Rien n’est simple dans ce domaine, et l’équilibre est souvent très fragile entre humanité et réalisme. Ainsi les réponses à apporter à ces questions, qui concernent des femmes et des hommes fuyant des situations humaines parfois extrêmement difficiles dans leurs pays d’origine, sont-elles complexes.

Nos politiques d’intégration, depuis plus de quarante ans, se sont souvent traduites par des échecs ; la situation ne s’est pas améliorée ces dernières années, car la pression migratoire a été extrêmement forte, notamment en 2015. Ce problème est en outre de plus en plus aigu, car nous devons intégrer des gens venus de plus en plus loin et qui, pour certains, ne partagent aucune de nos valeurs culturelles.

Ainsi, je considère que ce budget pose de nombreuses questions auxquelles le Gouvernement ne répond pas vraiment.

François-Noël Buffet fait observer dans son rapport que, pour la seule année 2016, plus de 75 000 personnes se sont maintenues sur le territoire français malgré la mesure d’éloignement prononcée à leur encontre. De fait, seules 18 % des mesures d’éloignement sont exécutées.

Il est bien évidemment trop tôt pour juger certaines politiques du chef de l’État, mais nous regarderons avec attention ses engagements, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre d’une « vraie politique de reconduite aux frontières » sur laquelle il a beaucoup insisté.

En outre, je constate avec regret que les crédits de ce budget consacrés à l’immigration irrégulière baissent de 7 %. Je déplore aussi la suppression de l’aide aux communes.

Au-delà du territoire métropolitain, la Guyane et Mayotte sont confrontées à une explosion de l’immigration clandestine qu’il est bien difficile de juguler et qui pose d’énormes difficultés aux populations locales.

Au niveau européen, certains pays, comme l’Italie, la Grèce ou Chypre, se sentent souvent bien seuls face aux réfugiés arrivant sur leurs côtes. Alors que, d’un autre côté, le groupe de Visegrad refuse ouvertement les politiques migratoires de solidarité définies par Bruxelles.

Certains chiffres résument tout sur les difficultés d’avoir une politique efficace en matière d’immigration et d’asile. Ainsi, seuls 23 % des franchissements irréguliers d’une frontière extérieure de l’Union européenne font l’objet d’un prélèvement d’empreintes digitales… Que fera la France, que fera l’Europe, si, demain, l’accord conclu avec la Turquie en mars 2016 est remis en question, parce que M. Erdogan décide de faire pression sur les pays de l’Union ?

En conséquence, mes chers collègues, même si ce budget est en augmentation je ne puis que le trouver en décalage avec la réalité. Selon moi, nombre de faits et de chiffres sont sous-estimés ou pas du tout pris en compte. Aussi, monsieur le ministre d’État, doutant de l’efficacité de vos politiques, je voterai contre les crédits de la mission.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, comme plusieurs d’entre vous l’ont indiqué, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » se montent à 1, 383 milliard d’euros, en hausse de 26 % par rapport à 2017.

Leur examen par le Sénat est surtout l’occasion pour moi de vous présenter notre politique en ce domaine et les moyens par lesquels nous entendons la mettre en œuvre.

Je commencerai par donner quelques chiffres, car on en donne parfois qui sont inexacts.

Comme vous le savez, l’Europe est confrontée depuis 2014 à une crise migratoire sans précédent. Cette situation est évidemment le fait de personnes fuyant le théâtre de guerre irako-syrien ou des pays dans lesquels l’insécurité est forte, mais, au-delà de ces réfugiés, on observe aussi un flux grandissant de migrants à caractère économique, venant de pays considérés comme sûrs.

Après les pics enregistrés depuis 2014, en particulier les 1, 290 million de demandes d’asile déposées en 2016, 2017 a marqué une inflexion en Europe, puisque, sur les sept premiers mois de l’année, 410 000 personnes ont demandé l’asile. La tendance n’est toutefois pas la même en France : alors que, en 2016, 85 726 demandes avaient été enregistrées, nous en avons reçu 71 699 sur les six premiers mois de cette année.

Cette hausse de la demande d’asile provient de plusieurs facteurs.

D’abord, l’Italie a dû faire face à une arrivée croissante de migrants venus de Libye : 180 000 en 2016 et 91 000 depuis le début de cette année, même si une rupture a été constatée en juillet et, surtout, en août – moins 56 % et 70 % respectivement. On considère qu’il y a aujourd’hui environ 180 000 personnes dans les différents centres en Italie. Nombre des personnes arrivées dans ce pays cherchent à passer la frontière française. Ainsi, 1 000 personnes sont interceptées chaque semaine à la frontière de Vintimille, et une centaine d’autres dans les Hautes-Alpes.

Ensuite, une nouvelle route de migration est en train de s’ouvrir, passant par l’Espagne : 25 000 arrivées depuis le début de l’année, soit une hausse de 105 %.

Enfin, la hausse de la demande d’asile vient aussi de personnes déboutées dans les autres pays européens. Vous savez qu’il y a eu en Allemagne – pour ne prendre que cet exemple – 750 000 demandeurs d’asile en 2015 et 475 000 en 2016. Aujourd’hui, 300 000 personnes environ ont été déboutées, mais 80 000 seulement ont été reconduites.

Si donc nous ne prenions pas un certain nombre de mesures, nous serions confrontés à une situation qui deviendrait insupportable.

Face à ces défis, la position du Gouvernement est claire : tous ceux qui sont réfugiés des théâtres de guerre ou victimes de persécutions politiques, religieuses ou ethniques dans leur pays ont un droit imprescriptible à l’asile ; mais la dynamique migratoire que l’on observe et qui résulte de migrations à caractère économique, souvent organisées par des réseaux de passeurs internationaux, nous entendons y mettre fin, en agissant dans plusieurs directions.

Ainsi, vous savez qu’une proposition de loi relative à la procédure applicable aux transferts « Dublin » sera examinée après-demain à l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, le Gouvernement présentera un projet de loi destiné à réduire le délai d’examen de la demande d’asile à six mois. Cela nous permettra de dire qui a effectivement droit à l’asile et qui n’y a pas droit et doit être éloigné.

Pour le présent, nous essayons de conclure un accord avec les pays d’arrivée considérés comme sûrs. Je me suis rendu avec le Président de la République à Abidjan, où nous avons discuté avec l’ensemble des dirigeants de ces pays, de manière à pouvoir maîtriser une immigration économique irrégulière qui, souvent, les met eux-mêmes en difficulté.

Pour mener cette action, nous visons le renforcement des capacités des forces de sécurité locales, afin de lutter contre les réseaux de passeurs et d’assurer le traitement judiciaire de cette criminalité.

Nous visons également la facilitation de la réadmission, car c’est ainsi que nous parviendrons à dissuader un certain nombre de départs. En 2016, 40 % des mesures d’éloignement prononcées concernaient des nationalités couvertes par un accord de réadmission bilatéral ou européen. Avec nos partenaires européens, je souhaite que nous renforcions encore cette politique de réadmission, en la liant, si besoin était, à notre politique de visas.

Enfin, nous développons notre soutien à l’enrichissement de l’état civil par des éléments de biométrie, qui permettra notamment de disposer de manière certaine d’informations sur la nationalité et l’âge des migrants, et donc d’obtenir des laissez-passer consulaires.

La lutte efficace contre l’immigration irrégulière repose aussi sur une politique d’éloignement crédible. À cet égard, je tiens à souligner que nous enregistrons déjà des premiers résultats : depuis le début de l’année, le total des éloignements a augmenté de 8 % pour s’établir à 15 098 à ce jour ; en particulier, les éloignements forcés ont augmenté de 13 % pour atteindre 12 357.

Mme Esther Benbassa s’exclame.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur

Cette évolution s’explique principalement par deux facteurs : l’augmentation des retours forcés vers les pays tiers, qui atteint près de 7 %, et la mise en œuvre des procédures de transfert prévues par le dispositif Dublin, qui ont augmenté de 114 % depuis le début de l’année, ce qui correspond à 2 166 transferts effectués.

Cette politique va se poursuivre en 2018, et le budget qui vous est soumis comprend tous les moyens nécessaires à sa conduite. En particulier, nous créerons les places nécessaires en centre de rétention administrative.

Mme Esther Benbassa s’exclame de nouveau.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur

Ce n’est qu’optiquement que les crédits consacrés à cette politique apparaissent en baisse dans les « bleus » budgétaires qui vous ont été communiqués, la fermeture des camps de Calais et Grande-Synthe, naguère pris en charge par les crédits de cette mission, entraînant de moindres dépenses. À structure constante, les moyens de la lutte contre l’immigration irrégulière augmentent de 4 millions d’euros, soit plus de 5 %.

Enfin, parce que nous voulons une politique équilibrée, nous souhaitons renforcer notre politique d’intégration. En effet, c’est un enjeu de premier plan pour notre cohésion sociale que d’accompagner les étrangers auxquels nous accordons le droit d’asile ou de séjour dans leurs apprentissages linguistiques, leur formation civique et leur insertion professionnelle. Dans ce domaine, nous nous appuierons sur les conclusions des travaux menés par M. Aurélien Taché, député du Val-d’Oise.

Comment cette politique se traduit-elle dans le projet de loi de finances pour 2018 ? La dynamique constatée des flux migratoires, qui demeure soutenue, conduit mécaniquement à une hausse des dépenses de la mission. Par ailleurs, comme vous le savez, la philosophie du Gouvernement est de présenter un budget sincère, c’est-à-dire un budget qui comprenne des crédits à hauteur des dépenses attendues.

Nous avons donc souhaité budgétiser à leur juste niveau les dépenses qui concernent l’asile. Nous avons ainsi prévu le financement de 4 000 places d’hébergement pour les demandeurs d’asile, 1 500 places en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, ou CADA, et 2 500 autres en hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile.

Le plan gouvernemental prévoit également, au titre de la refonte de nos politiques d’intégration, la création de 3 000 places en centre provisoire d’hébergement.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous voulons une politique équilibrée : oui à l’asile, non aux passeurs qui organisent des trafics et font mourir des dizaines de milliers de jeunes sur les routes du Sahel ou en Méditerranée !

immigration, asile et intégration

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° II–380, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Eh oui, il va falloir me supporter encore un peu… Trois ans, au moins !

Le présent amendement vise à doubler les crédits consacrés à l’action n° 03 du programme 303, Lutte contre l’immigration irrégulière. L’indicateur 3.1 de l’objectif n° 3 de ce programme montre en effet que le taux des retours forcés exécutés stagne désespérément en dessous de 50 %.

En contrepartie, les crédits destinés à l’action n° 11 du programme 104, Accueil des étrangers primo-arrivants, seraient diminués à due concurrence. En effet, une partie importante de ces crédits est consacrée au regroupement familial, lequel a largement contribué à la déferlante migratoire et n’a plus sa raison d’être. Je me demande ce que l’on peut bien encore regrouper après trente ans de regroupements !

Le budget destiné aux expulsions pour 2018 ne permet de financer que 14 500 éloignements, soit moins que sous François Hollande – il fallait quand même le faire… –, qui en avait réalisé 15 000 en 2014.

Ce budget diminue même de 3, 3 millions euros par rapport à 2017. Quelle incohérence révélatrice, alors que vous-même, monsieur le ministre d’État, vous drapez de bonnes intentions ! Il y a quelques jours, vous interpelliez les services de l’État à travers les préfets, pour leur demander des résultats rapides. Et voilà que vous leur donnez moins de moyens ! Vous n’êtes plus à une contradiction près…

Pour expliquer le faible nombre d’obligations de quitter le territoire français, ou OQTF, suivies d’effet, le rapport de notre commission avance que la réduction de cinq à deux jours du délai de rétention avant l’intervention du juge des libertés et de la détention a empêché l’administration de constituer des dossiers étayés. Résultat : 19, 3 % des étrangers placés en rétention ont été libérés après quarante-huit heures, contre 6, 35 % en 2016.

Par ailleurs, les pays d’origine ne délivrent pas suffisamment de laissez-passer consulaires. Seuls 46 % de ces documents ont été délivrés à temps. Quand ils ne le sont pas, le clandestin est relâché, et certains pays, comme le Maroc, la Tunisie et le Pakistan, refusent les éloignements groupés. Nous sommes donc condamnés par les pays dont sont originaires ces clandestins à une véritable double peine.

Il serait souhaitable, monsieur le ministre d’État, que la France tape un peu du poing sur la table, par exemple en conditionnant ses échanges commerciaux à l’acceptation des expulsions groupées et à la délivrance des laissez-passer consulaires en temps et en heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Sur cet amendement, la commission a émis un avis défavorable, …

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

… dans la mesure où il vise à réduire les moyens consacrés à l’intégration des étrangers en situation régulière, alors même qu’un véritable plan Marshall serait nécessaire dans ce domaine.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Je répète que nous entendons mener une politique équilibrée, qui permette aux étrangers en situation régulière de s’insérer dans notre société. Nous avons prévu pour cela des mesures nouvelles.

Accueillir ceux qui ont droit à l’asile, éloigner rapidement ceux qui n’y ont pas droit : telle est notre politique, une politique équilibrée !

L’avis est donc défavorable.

L'amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° II–381, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

À travers cet amendement, je veux mettre en lumière le scandale des centres de rétention administrative, les CRA, dans lesquels sont placés les étrangers qui n’ont pas le droit de séjourner en France.

En 2016, 44 000 personnes y ont été placées, dont 22 900 en métropole. Plus de 50 % d’entre elles ne sont pas expulsées, car le juge annule l’obligation de quitter le territoire français ou l’administration n’a pas pu organiser l’expulsion dans les délais.

Le taux d’occupation des CRA est de 60, 9 % en France, mais, depuis l’attentat de Marseille, il approche 100 %. Rappelons ce que fut cet attentat islamiste perpétré par un clandestin, un délinquant multirécidiviste pour lequel on n’avait pas su trouver une place en CRA et qui avait été relâché dans la nature : la vie de deux jeunes filles a été fauchée, sur l’autel de l’incurie des pouvoirs publics.

Comment se fait-il que, dans ce contexte, l’accent ne soit pas mis sur la construction de nouvelles places en CRA ? Imagine-t-on que moins de 1 800 places sont disponibles dans notre pays ? Par rapport aux 100 000 obligations de quitter le territoire français, c’est totalement dérisoire !

La réponse au drame de Marseille, c’est une baisse de 7 millions d’euros du budget alloué à la mission de lutte contre l’immigration clandestine, qui comprend le fonctionnement des CRA et les mesures d’éloignement des clandestins… Les familles et les Français apprécieront !

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

La commission considère que le taux d’occupation des centres provisoires d’hébergement est déjà extrêmement élevé. Elle est donc défavorable à l’amendement.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Défavorable.

L’amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° II–383, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Le présent amendement vise à retrancher 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 10 millions d’euros de crédits de paiement à l’action n° 12 du programme 104, intitulée « Actions d’accompagnement des étrangers en situation régulière », pour les affecter à l’action n° 03 du programme 303, intitulée « Lutte contre l’immigration irrégulière », à due concurrence en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

L’objectif est de revoir à la baisse les montants alloués aux programmes d’alphabétisation et d’accès aux droits, à l’insertion professionnelle et à l’emploi des migrants pour renforcer le volume de dépenses relatives à l’éloignement des migrants en situation irrégulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Nous ne pouvons approuver une diminution des crédits destinés à l’intégration, notamment aux formations linguistiques et à l’apprentissage de nos valeurs républicaines. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Défavorable.

L'amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° II–382, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Le présent amendement vise à retrancher 5 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 5 millions d’euros de crédits de paiement à l’action n° 16 du programme 104, intitulée « Accompagnement du plan de traitement des foyers de travailleurs migrants », pour les affecter à l’action n° 03 du programme 303, intitulée « Lutte contre l’immigration irrégulière ».

L’objectif est d’affecter 5 millions d’euros supplémentaires aux dépenses d’investissement immobilier pour l’extension des centres de rétention administrative existants et la création de nouveaux centres de rétention administrative dans le Calvados, le Pas-de-Calais et les Hautes-Alpes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Ce n’est pas en dégradant les conditions d’accueil des étrangers en situation régulière que l’on réglera le problème des étrangers en situation irrégulière. Aussi, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

M. Gérard Collomb, ministre d'État. L’avis est défavorable. Ces foyers accueillent de vieux travailleurs immigrés : les chibanis, comme on les appelle, qui ont construit la France des Trente Glorieuses. Ne pas leur offrir aujourd’hui un accueil digne serait totalement inhumain !

Applaudissementssur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur de nombreuses travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° II–406 rectifié bis, présenté par Mme de la Gontrie, M. Cabanel, Mmes Ghali, G. Jourda et Grelet-Certenais, M. Lalande, Mme Conconne, M. Féraud, Mmes Taillé-Polian et Préville, M. Iacovelli, Mme Lepage, MM. Kanner et Antiste, Mmes Harribey et S. Robert, MM. Durain et P. Joly, Mmes Monier et Meunier, MM. Tissot et Jomier, Mme Rossignol, MM. Kerrouche, Jacquin, Devinaz et Assouline, Mme Tocqueville, MM. Manable et Temal, Mmes Lienemann et Cartron, M. Marie et Mme Espagnac, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

En euros

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Immigration et asile

Intégration et accès à la nationalité française

TOTAL

SOLDE

La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Cet amendement a pour objet de renforcer les moyens des associations avec lesquelles l’État contractualise pour qu’elles interviennent dans les lieux de rétention. Je rappelle en effet que la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France impose au Gouvernement de contractualiser avec des structures qui apportent aux personnes retenues la connaissance de leurs droits.

Vous en avez peu parlé dans votre intervention, monsieur le ministre d’État, mais je suis persuadée que, quelle que soit la fermeté dont vous faites preuve, cette question est importante à vos yeux. Pourtant, vous ne prévoyez que 20 000 euros de plus qu’en 2017 : 6, 30 millions d’euros étaient inscrits au budget pour cette année, 6, 32 millions d’euros le sont pour l’année prochaine.

Or vous avez adressé à l’ensemble des préfets, le 20 novembre dernier, une circulaire de quatorze pages les exhortant à la plus grande sévérité. Vous avez annoncé l’ouverture de nouvelles places en centre de rétention administrative, ainsi que votre volonté de doubler la durée maximale de rétention pour un étranger. Dès lors, comment voulez-vous permettre aux personnes qui seront retenues d’avoir accès à leurs droits et à l’information avec seulement 20 000 euros de plus que cette année ?

J’apprécierais que la commission des finances et M. le rapporteur spécial émettent un avis sur le fond de cet amendement, et pas seulement sur son gage ; dans le cas contraire, je me permettrai de répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Si, sur le fond, l’amendement peut en effet être positif, …

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

… il reste que son adoption diminuerait les crédits destinés à la formation linguistique et civique des étrangers primo-arrivants. Parce que nous considérons que cette formation est absolument nécessaire, nous émettons un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Je vous signale que 150 emplois seront créés dans les préfectures, au sein des services chargés des étrangers et de l’asile, et 15 équivalents temps plein créés à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, dont les moyens seront renforcés de 5 millions d’euros. En outre, les moyens de fonctionnement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration seront accrus de 18 millions d’euros et ses effectifs de 35 équivalents temps plein. Nous nous donnons donc les moyens de mener la politique que nous souhaitons. Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je mets aux voix l'amendement n° II–406 rectifié bis.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Les crédits ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’appelle en discussion les articles 56, 57 et 57 bis, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Immigration, asile et intégration

Le IV de l’article 67 de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France est ainsi modifié :

1° La référence : « 1er, » et la référence : « et le deuxième alinéa du 6° du II de l’article 61 » sont supprimées ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L’article 1er et le deuxième alinéa du 6° du II de l’article 61 entrent en vigueur à Mayotte le 1er janvier 2020. »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L'amendement n° II–377, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer l’année :

par l’année :

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le ministre d’État, vous ne réglerez rien à Mayotte tant que les règles en matière migratoire ne changeront pas radicalement.

Pour rappel, le contrat d’intégration républicaine, qui constitue le socle du dispositif d’intégration des étrangers primo-arrivants, comprend notamment l’obligation pour tous les signataires de suivre une formation civique et, pour ceux dont le niveau de langue est inférieur à A1, une formation en langue française. La belle affaire !

À travers cet amendement, nous ne signifions pas que les étrangers viendraient à Mayotte pour prendre des cours de français… Nous voulons dire « non ! » à toutes ces dépenses endémiques que nous sacrifions à une immigration incontrôlée qui, par sa proportion démesurée, empêche et condamne même tout espoir d’intégration.

Bien évidemment, nous sommes favorables à l’intégration

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

; mais, pour que l’intégration ait un avenir, il faut stopper net cette politique de submersion migratoire dont Mayotte est l’emblème !

Mme Éliane Assassi s’exclame de nouveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Nous devons totalement refondre notre code de la nationalité et rétablir le droit du sang pour en finir avec l’acquisition automatique de la nationalité française, qui permet à certaines personnes de devenir françaises, parce qu’elles sont nées en France, et aux parents étrangers, voire clandestins, de demeurer sur notre sol !

Monsieur le ministre d’État, je me permets de rappeler la lucidité qui avait frappé en 2005 le ministre français de l’outre-mer de l’époque, un certain François Baroin. Revenant de Mayotte, il avait appelé de ses vœux des mesures radicales, nécessaires selon lui pour lutter contre l’immigration illégale dans les îles françaises. Pour y parvenir, il se déclarait prêt – lui, François Baroin ! – à remettre en cause le droit du sol !

Depuis, rien n’a changé, si ce n’est en pire ! Nous devons renvoyer les primo-arrivants chez eux, organiser leur retour dans leur pays d’origine, organiser le retour des bateaux qui transportent ces clandestins tout en les interceptant, bien sûr. Tous nos efforts doivent porter sur les filières des passeurs qui exploitent ces migrants.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° II–276, présenté par M. Meurant, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer l'année :

par l'année :

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour présenter cet amendement et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° II–377.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Les deux amendements en discussion commune sont totalement contradictoires.

L’amendement que notre collègue Stéphane Ravier vient de présenter vise à décaler l’entrée en vigueur du contrat d’intégration républicaine à 2022 pour les primo-arrivants, ce qui n’aura aucun effet sur leur nombre, alors que mon amendement vise à soigner leur intégration en laissant le temps au Gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour la concrétiser et donner des formations civiques aux migrants.

La commission vous invite donc, mes chers collègues, à voter contre l’amendement n° II–377 de M. Ravier et en faveur du sien.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

Au départ, une mise en œuvre progressive du contrat d’intégration républicaine était prévue à Mayotte à compter du 1er janvier 2018. Le Gouvernement a souhaité reporter cette entrée en vigueur au 1er janvier 2020 compte tenu des caractéristiques et des contraintes propres à l’île. Nous avons en effet un certain nombre de difficultés à ouvrir ces centres d’intégration.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement est adopté.

L’article 56 est adopté.

Le deuxième alinéa de l’article L. 744-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :

1° Après le mot : « mois », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « au cours duquel est expiré le délai de recours contre la décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, a été notifiée la décision de rejet de la Cour nationale du droit d’asile ou a pris fin le droit du demandeur à se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues à l’article L. 743-2. » ;

2° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour les personnes qui obtiennent la qualité de réfugié prévue à l’article L. 711-1 ou le bénéfice de la protection subsidiaire prévue à l’article L. 712-1, le bénéfice de l’allocation prend fin au terme du mois qui suit celui de la notification de la décision. »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° II–378, présenté par M. Ravier, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le deuxième alinéa de l’article L. 744–9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :

« Le versement de l’allocation prend fin à l’expiration de trois jours francs suivant la notification de la décision définitive concernant cette demande ou si cette condition n’est pas satisfaite, à la date à laquelle a pris fin le droit du demandeur à se maintenir sur le territoire français dans les conditions prévues à l’article L. 743-2. »

La parole est à M. Stéphane Ravier.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Le budget relatif à l’allocation pour demandeur d’asile, l’ADA, est extravagant. Dans ce projet de loi de finances, il s’élève désormais à 318 millions d’euros ! Cette aide dont bénéficient les demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leurs demandes varie autour de 350 euros par mois lorsqu’ils ne bénéficient pas d’une solution d’hébergement provisoire. Ce montant est égal, voire supérieur, à ce que gagnent nombre de nos agriculteurs ou éleveurs, pour ne citer qu’eux !

Comme je l’ai déjà rappelé, 80 000 ménages bénéficiaient de l’ADA au 31 juillet 2017. Notre politique d’asile coûte près de 2 milliards d’euros au budget de l’État. Une somme aussi faramineuse démontre que l’asile a été complètement dévoyé et qu’il constitue désormais une filière de l’immigration clandestine.

Or, pour rappel, le rapport de la Cour des comptes de 2015 indiquait que 75 % des demandeurs d’asile étaient déboutés et que, parmi ceux-ci, seuls 1 % étaient expulsés. Je rappelle que l’instruction des demandes d’asile dure en moyenne entre douze et quatorze mois durant lesquels les 75 % de déboutés du droit d’asile vont toucher leur allocation mensuelle. Au total, le coût de l’asile atteint 13 724 euros par demandeur. Les crédits du budget de l’asile doivent être réduits. Un tel dérapage n’est pas tolérable !

Parmi toute cette cohorte de migrants, en pleine forme physique

Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… jeunes, seuls, sans enfant et manifestement non accompagnés de leurs épouses, combien fuient véritablement la guerre ? Combien y a-t-il en réalité de migrants économiques qui souhaitent rejoindre l’eldorado français, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… un eldorado qui n’existe plus, si tant est qu’il ait existé un jour ?

Disons les vérités, toutes les vérités ! Les attentats dramatiques de ces dernières années ont prouvé que des terroristes s’étaient infiltrés parmi ces réfugiés. Cela veut-il dire pour autant que nous créons l’amalgame entre les terroristes et toutes ces populations qui quittent leur pays ? Bien évidemment que non !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Seulement, pour nous, la sécurité des Français reste la priorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

L’amendement vise à raccourcir le délai de versement de l’ADA, et rien d’autre de ce qui vient d’être évoqué !

Les mesures proposées doivent être réalistes…

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

M. Sébastien Meurant, rapporteur spécial. … et la performance globale du système doit demeurer prioritaire. Cesser le versement de l’allocation au bout de trois jours francs ne paraît pas réaliste. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. Stéphane Ravier s’exclame.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Défavorable.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 57 est adopté.

L’article L. 213–6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 213–6. – Lorsqu’un refus d’entrée a été prononcé, et à compter de cette décision jusqu’à la sortie de la zone d’attente, les frais de prise en charge de l’étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ainsi que les frais de réacheminement incombent à l’entreprise de transport qui l’a débarqué en France. Il en est de même à compter de la décision de maintien en zone d’attente prise dans les cas prévus au cinquième alinéa de l’article L. 221-1. »

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je souhaite attirer votre attention sur deux points.

Tout d’abord, je me permets d’intervenir, parce que j’avais demandé la parole pour explication de vote sur l’article 57, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je m’interroge en effet sur la raison pour laquelle la commission des finances a jugé qu’un certain nombre des amendements déposés sur cet article étaient irrecevables.

J’ai moi-même déposé des amendements qui visaient à rendre effectif le droit au travail pour les demandeurs d’asile dont la demande était encore au stade de l’examen après neuf mois d’instruction, ce qui est parfaitement conforme à la directive européenne en la matière. La France est aujourd’hui hors des clous dans ce domaine. Faire bénéficier du droit au travail des demandeurs d’asile, c’est aussi faire en sorte qu’ils ne perçoivent pas les aides auxquelles ils ont droit lorsqu’ils sont sans emploi. Cet accès au travail a donc des conséquences budgétaires.

Et pourtant, la commission des finances a considéré que mes amendements n’étaient pas recevables, en contradiction avec la lettre de l’article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, qui prévoit que les parlementaires peuvent proposer des amendements qui comportent « des dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année. »

Je regrette cette interprétation excessive de la LOLF, qui ne nous a pas permis de débattre de mes amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

S’agissant, ensuite, de l’article 57 bis, je tiens à dire que je suis un peu inquiet. C'est pourquoi je souhaite vous demander un certain nombre de précisions, monsieur le ministre d’État. Je sais que le dispositif de l’article 57 bis figure déjà, plus ou moins écrit de la même manière, dans différents articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les articles L. 213–1 et suivants.

Monsieur le ministre d’État, compte tenu de la manière dont est rédigé l’article 57 bis, je m’interroge sur la capacité des compagnies aériennes, en particulier, de bien évaluer le risque qu’entraîneraient pour elles ce type de dispositions législatives. Il ne faudrait pas qu’à titre préventif ces compagnies se transforment en deuxième police aux frontières, agissant avant la vraie police aux frontières, qu’elles refusent l’embarquement à un certain nombre de voyageurs parce qu’elles supposeraient que ceux-ci pourraient ne pas être acceptés sur le territoire.

J’ai moi-même vécu plusieurs fois cette situation lorsque je me suis rendu aux États-Unis…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Aussi, monsieur le ministre d’État, je souhaiterais que vous nous précisiez si l’article 57 bis fait effectivement peser le risque de voir les compagnies aériennes se transformer en police aux frontières et se comporter de façon quelque peu discrétionnaire.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° II–395 rectifié, présenté par MM. Bizet, Mouiller et Allizard, Mme L. Darcos, MM. Paul, Sol, Bonhomme, Courtial, Bouchet, de Nicolaÿ, B. Fournier et Paccaud, Mme Gruny, MM. Bazin et Revet et Mme Lassarade, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean Bizet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Cet amendement vise à supprimer l’article 57 bis, introduit par l’Assemblée nationale, à la suite de l’adoption d’un amendement du Gouvernement.

Cet article instaure une nouvelle redevance à la charge des compagnies aériennes, qui vise à financer les frais de prise en charge des étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne auxquels l’accès en France a été refusé, ainsi que les frais de leur réacheminement. L’ensemble de ces frais est estimé par l’État à 7 millions d’euros par an.

La création d’une redevance pour l’entrée et le séjour des étrangers et pour le droit d’asile, telle qu’elle a été votée en première lecture à l'Assemblée nationale, est une transposition du droit européen. Je ne la remettrai donc pas en cause. Cependant, avant la mise en place de toute redevance, il serait souhaitable d’examiner les deux propositions suivantes.

Premièrement, il faudrait lancer une concertation avec les acteurs du transport aérien. Il convient de faire du transporteur un partenaire plutôt qu’autre chose – vous devinez de quoi je veux parler –, tout simplement parce que les frais de transport vers les juridictions, les frais d'interprétariat, l’entretien des bâtiments administratifs, voire les frais d’hébergement de demandeurs d'asile non présentés à l’avion du fait du manque de diligence et de l’administration, font partie des charges qui seraient imputées au pavillon national.

Deuxièmement, il faudrait mettre en place des modalités de calcul de ces frais plus transparentes. Je sais que ce sujet relève d’une convention internationale, la convention de Chicago, à laquelle la France est partie depuis un certain nombre d’années, mais je trouve qu’au travers de l’article 57 bis la France s’est éloignée, voire affranchie, de certaines règles de cette convention.

C'est la raison pour laquelle j’estime qu’il sera temps de revenir sur la participation du transporteur national à ces opérations dans le cadre du futur projet de loi relatif à l’asile et à l’immigration.

Debut de section - PermalienPhoto de Sébastien Meurant

Cet amendement vise à responsabiliser les acteurs des transports, essentiellement les transporteurs aériens, en l’occurrence.

Or on ne peut pas être contre l’immigration irrégulière et dédouaner de leur responsabilité, y compris pécuniaire, ceux qui y contribueraient. Cette position vaut pour les transporteurs aériens mais vaut aussi, de manière générale, pour l’ensemble de la chaîne qui faciliterait l’immigration irrégulière. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Défavorable.

L’état du droit prévoit déjà, à l’article L. 213–6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les entreprises de transport sont tenues d’assumer les frais de séjour des personnes étrangères qu’elles ont acheminées et qui font l'objet d’une décision de non-admission sur le territoire français.

Toutefois, en raison d’une difficulté rédactionnelle, nous ne pouvons pas faire appliquer aujourd'hui la nécessaire prise en charge de ces frais par les compagnies aériennes. Ainsi, à Roissy, c’est l’État qui est aujourd'hui propriétaire des locaux, qui héberge, soigne, nourrit et assure la sécurité à ses frais des étrangers non admis pour un coût total de 6, 7 millions d’euros. Nous voulons mettre fin à cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je voterai cet amendement, compte tenu des explications que vient de fournir le ministre d’État.

Disposer d’un visa ne vous donne même pas l’assurance de pouvoir entrer sur le territoire français. Lorsque vous êtes ressortissant d’un pays qui est dispensé de cette obligation de visa, cela ne vous donne pas non plus l’assurance de pouvoir entrer sur le territoire. Je crains tout simplement qu’un certain nombre de compagnies aériennes ne refusent arbitrairement d’embarquer certaines personnes si on leur confie une nouvelle responsabilité, celle d’utiliser un pouvoir d’appréciation qui est effectivement très large, puisque le risque est énorme pour elles. Selon moi, elles ne souhaiteront pas prendre le risque de transporter certains voyageurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ce type de procédé existe déjà aux États-Unis.

M. le ministre d’État a précisé que la disposition figurait déjà dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et qu’il fallait simplement la rendre applicable, parce qu’elle n’est pas applicable aujourd'hui. En l’état actuel des choses, et compte tenu de l’absence de réponse concrète de sa part, je pense que l’on prendrait un risque trop important à déléguer aux compagnies aériennes la capacité d’évaluer au faciès, finalement, si tel ou tel voyageur représente un risque ou non pour elles. Cette mesure me semble abusive.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Je rappelle que cette disposition est prévue dans la convention de Chicago qui date de 1944. Il ne s’agit donc pas d’une mesure nouvelle, même si celle-ci n’était pas appliquée ces dernières années.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 57 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La séance est reprise.

Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (et article 49 B).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yvon Collin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, j’ai le plaisir de vous présenter le budget pour 2018 de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui s’élève à 2, 757 milliards d’euros.

Une fois passés les rendez-vous électoraux, nous revenons à une situation correspondant au rythme de croisière d’une mission qui, c’est une évidence revendiquée comme telle, n’est pas prioritaire. Le projet de loi de programmation des finances publiques le confirme en retenant un simple maintien des dotations en valeur à l’horizon 2020.

Le fait que la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui porte les moyens de l’administration générale de l’État dans les territoires, subisse une sourde relégation budgétaire ne peut nous satisfaire, d’autant qu’elle subit des sous-budgétisations récurrentes.

Le programme 307, « Administration territoriale », dont les crédits sont au niveau de 2015, illustre le manque d’attention porté à la mission. Est-ce à dire que rien ne s’est passé depuis ? Certes non ! En application du plan Préfectures nouvelle génération qui, avec la nouvelle directive nationale d’orientation des préfectures et des sous-préfectures, a incarné les orientations de la gestion du ministère ces dernières années, les guichets du réseau préfectoral ont été fermés aux usagers.

Dans la dernière décennie, le réseau des préfectures et des sous-préfectures a perdu plus de 11 % de ses moyens et la réforme des régions n’est pour presque rien dans ce processus. Ce sont les préfectures départementales et, plus encore, les sous-préfectures qui ont été touchées. La fin de l’accessibilité du réseau pour nos compatriotes, en particulier pour l’obtention des titres d’identité, a pu être partiellement compensée par l’effort important des mairies sélectionnées pour être les points d’entrée du système.

Cependant, dans le processus de dématérialisation qui est presque achevé, 33 000 points d’entrée en mairie ont dû être supprimés. Inutile de trop insister sur le fait que les emplois supprimés n’ont jusqu’à présent pas été réaffectés aux priorités fixées au réseau et que, en particulier, les moyens annoncés à la fois pour donner une nouvelle dynamique aux relations entre l’État et les collectivités territoriales et pour améliorer l’animation des politiques publiques sur le terrain ne sont pas au rendez-vous. Les missions ont été soit abandonnées, soit réduites dans leurs ambitions. Monsieur le ministre d’État, il serait utile que vous nous fassiez part de vos orientations stratégiques pour le réseau.

Sans doute faut-il prendre en compte les événements. Les nécessités liées à l’accueil des étrangers ont mobilisé des moyens nouveaux, au demeurant très insuffisants, compte tenu de l’augmentation des demandes adressées à l’administration préfectorale et de la complexité de certaines situations. On peut en dire autant des besoins liés à la sécurité des Français. Je relève que le projet de budget ne compte que 30 créations d’emplois sur ces thématiques, alors qu’il supprime 415 emplois équivalents temps plein travaillé dans le réseau des préfectures. Les créations d’emplois devraient être concentrées dans les services d’éloignement des préfectures, dont le tragique attentat de Marseille a pu illustrer certaines des incapacités.

Progressivement privé de ses moyens, comme sont privés des leurs les services de l’État dans les territoires de province, en particulier les territoires ruraux, le réseau d’administration générale de l’État a jusqu’à présent échappé à la fermeture souvent redoutée de trop de sous-préfectures. Néanmoins, que 60 sous-préfectures soient dotées de moins de 10 fonctionnaires, en comprenant les contractuels temporaires de plus en plus nombreux, constitue une évolution préoccupante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Quant au budget prévu pour informatiser le ministère et pour pourvoir à l’entretien des bâtiments, il accuse une baisse importante. L’état des 1 500 implantations du réseau est pourtant souvent mauvais et les collectivités territoriales qui en délèguent l’utilisation mais aussi l’entretien à l’État ont bien des motifs de s’inquiéter de son lent délabrement.

Bref, le projet de budget pour 2018, loin de dissiper le sentiment que l’État s’éloigne résolument du local, tant des usagers que des collectivités locales, dans une ignorance totale des besoins, mais aussi de l’intérêt que pourrait revêtir une politique d’aménagement du territoire abandonnée au nom des prétendues plus-values ajoutées par les grandes concentrations, confirme des arbitrages allant vers une métropolisation du pays.

La circonstance majeure pour le budget 2018, c’est la fin du cycle électoral de l’année en cours. Elle entraîne la réduction des crédits du programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », qui finance la vie politique. Le financement de la vie politique ne mobilisera qu’un peu moins de 100 millions d’euros l’an prochain. Sur cette somme 68, 7 millions d’euros iront aux formations politiques. En effet, 26, 3 millions d’euros serviront à combler le manque de crédits de 2017.

Cette enveloppe n’a pas été revalorisée depuis 2014. Elle perd progressivement de sa consistance. C’est bien sûr particulièrement vrai pour certains partis politiques du fait des résultats des scrutins de 2017. Par ailleurs, j’observe que l’extension de responsabilités conférées à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques par la loi pour la confiance dans la vie politique ne trouve aucune traduction budgétaire appréciable dans le projet de loi de finances.

Enfin, je dirai un dernier mot du budget en évoquant les frais élevés qu’il supporte au titre de l’administration centrale du ministère. Il s’agit du programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur ». J’observe qu’il va être lesté par la création de la commission du contentieux du stationnement payant mais que, dans le même temps, le fonds interministériel de prévention de la délinquance perd le quart de ses crédits. Le Gouvernement explique qu’il va mettre en œuvre une nouvelle stratégie dans ce domaine mais, pour le moment, elle consiste surtout à réaliser des économies sur les structures de réinsertion et de déradicalisation.

Les dépenses de contentieux atteignent un sommet en 2017 à plus de 140 millions d’euros. Seuls 55 millions d’euros avaient été budgétés en 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

J’en termine, monsieur le président.

Par ailleurs, je m’inquiète que pour traiter l’un des problèmes, celui du refus du concours de la force publique, le ministère puisse évoquer un tri fondé sur des enjeux financiers. Cela me paraît tout à fait contraire au principe d’égalité devant la loi et la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Votre temps de parole est épuisé depuis plus d’une minute !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

M. Jacques Genest, rapporteur spécial. Malgré ces réserves, la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

Très bien ! et applaudissementssur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je rappelle que la mission « Administration générale et territoriale de l’État » rassemble les crédits de trois programmes, tout juste énumérés par mon collègue rapporteur.

Le programme « Administration territoriale » regroupe les moyens des préfectures et sous-préfectures. Ses crédits sont pratiquement stables en 2018, avec 1 694 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 0, 7 %.

Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » finance l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des élections, de la vie associative et de la liberté religieuse. Comme cela a été dit, la période électorale étant close, sans élection annoncée pour 2018, ses crédits baissent assez logiquement.

Le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » concerne le pilotage des fonctions dites support, c’est-à-dire tout ce que le ministère dépense pour son fonctionnement.

Faute de temps, je me limiterai à l’examen du programme le plus important, le programme « Administration territoriale ».

Si les crédits sont relativement stables par rapport à 2017, ils expriment la stabilisation d’une tendance longue à la restriction et, surtout, la poursuite de la politique de réduction des effectifs de l’administration territoriale que tous les gouvernements successifs ont inlassablement conduite – 1 300 postes supprimés au cours des trois dernières années ; 4 000 depuis dix ans.

Pour ne pas perdre cette mauvaise habitude, le ministre de l’intérieur ici présent nous a annoncé un train de nouvelles réductions des effectifs : la baisse sera de 350 emplois par an au cours des prochaines années ! Il ne faut pas perdre de temps…

Dans la version « bibliothèque rose » du ministère de l’intérieur, les réformes de l’administration territoriale qui suivent ces réductions d’effectifs depuis dix ans permettront de faire face, et au-delà, aux effets des hémorragies.

La dernière réforme en date, le plan Préfectures nouvelle génération – PPNG –, n’est pas arrivée à son terme que le Premier ministre annonce la prochaine, plus globale, dénommée programme Action publique 2022, dans laquelle restent encore à définir les dispositions concernant l’administration territoriale.

J’avoue que la stoïque capacité d’adaptation des fonctionnaires, indépendamment de leur statut, fait mon admiration. Reste à savoir jusqu’à quand cette situation pourra durer.

Comme on le sait, les leviers du plan Préfectures nouvelle génération sont la réorganisation complète de la délivrance des titres – cartes d’identité, passeports, permis de conduire et cartes grises –, ainsi que la dématérialisation des procédures et des échanges entre les usagers et les services, entre les services, et entre les services préfectoraux et les collectivités territoriales.

Les « gains de productivité » ainsi dégagés sont donc censés compenser la baisse des effectifs.

Moderniser les procédures, les sécuriser, faire en sorte que notre administration territoriale s’approprie l’outil informatique ne peut qu’être encouragé – il serait stupide de se priver d’un tel instrument –, si c’est un moyen de renforcer la qualité de la présence de l’État Républicain sur la totalité de notre territoire. Il n’en va pas de même si c’est un cache-misère, si cela conduit à marginaliser un peu plus la population ne disposant pas d’un accès correct aux réseaux ou ne maîtrisant pas suffisamment l’outil informatique. Constatons que malgré les efforts, c’est encore trop souvent le cas !

La présence de l’État, c’est d’abord celle de ses représentants, et non la diffusion de leur image. Là, on est toujours loin du compte !

Telles sont les raisons de fond pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable sur les crédits de la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Hervé Marseille.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec 2, 76 milliards d’euros de budget pour 2018, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » reculent de 11 % par rapport à l’an passé.

Cette diminution, cela a déjà été dit, est principalement imputable à l’évolution du programme 232, dont les dépenses sont liées à un cycle électoral qui, contrairement à 2017, sera a priori dépourvu d’échéances majeures en 2018.

Toutefois, monsieur le ministre d’État, la stabilité relative des crédits alloués à cette mission nous invite à la plus grande vigilance.

Si mes collègues du groupe Union Centriste et moi-même sommes bien sûr favorables à des mesures de redressement de nos finances publiques, nous demeurons attentifs au fait que cela ne se fasse pas trop au détriment du déploiement territorial de l’État, au détriment de la complète information des Français en matière électorale, au détriment de l’accueil des usagers dans nos préfectures et sous-préfectures, au détriment – en définitive – de nos collectivités et de nos élus.

Le programme 307, « Administration territoriale », est à cet égard révélateur, avec, comme l’a fait remarquer M. le rapporteur spécial, des crédits restant au niveau de 2015.

L’annonce du plan Préfectures nouvelle génération et de la nouvelle directive nationale d’orientation des préfectures et sous-préfectures aura eu pour conséquence de supprimer 1 300 emplois, soit 5 % des effectifs de 2015. En dix ans, ce sont au total plus de 11 % des emplois du réseau d’administration générale de l’État qui auront été amputés !

La réduction des effectifs a laissé près de 60 sous-préfectures dotées de moins de 10 fonctionnaires.

Prenons l’exemple de l’accueil des étrangers. Les dossiers afférents sont toujours plus nombreux et plus complexes. Dès lors, la baisse des effectifs et des moyens ne contribue pas à garantir l’efficacité d’une mission pourtant étroitement liée à la sécurité du pays.

Autre exemple : celui de la lutte contre la fraude documentaire, érigée en priorité par le ministère de l’intérieur. Je ne peux que rejoindre les préoccupations de mes collègues de la commission des lois et m’interroger sur les failles existant dans la prévention de la fraude et la gestion parfois hasardeuse de fichiers qui se sont, par ailleurs, multipliés.

Le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », voit ses crédits réduits de 344, 5 millions d’euros en raison de la fin du cycle électoral. Depuis 2014, l’enveloppe consacrée au financement des partis politiques est restée constante, avec 68, 7 millions d’euros de crédits.

Mes chers collègues, nous avons tous pu constater la longueur des délais tenant au traitement des comptes et au remboursement des frais de campagne. Il conviendrait à l’avenir d’octroyer des crédits suffisants à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP, afin d’organiser une formation approfondie des personnels qui la rejoignent en année électorale. L’extension des responsabilités conférées à cette commission par la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique ne s’est malheureusement pas traduite par une augmentation des moyens.

J’aimerais enfin, monsieur le ministre d’État, prendre quelques instants pour parler de la propagande électorale. Sa dématérialisation n’est pas prévue dans le présent projet de loi de finances, mais on sait que la mesure réapparaîtra très prochainement dans l’ordre du jour.

Vous connaissez l’attachement, sur toutes les travées de la Haute Assemblée, comme de l’Assemblée nationale, à la propagande électorale sous format papier. Nous saluons les avancées apportées par la modernité. Mais encore faut-il respecter le principe d’égalité : il existe trop de zones blanches sur notre territoire, trop de populations non reliées à internet pour que la démocratie fasse l’économie de cette propagande papier. Il y a certes un monde hyper connecté, mais n’oublions pas une partie de nos concitoyens dans les zones rurales !

Alors que les dernières élections ont donné lieu à une abstention record, faudrait-il accélérer le mouvement, en cessant d’adresser aux électeurs les listes et professions de foi des candidats ?

C’est par souci démocratique, monsieur le ministre d’État, que nous saisissons cet instant pour vous demander d’être vigilant sur ce point et vous faire part de notre opposition à cette démarche.

Enfin, le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », appelle trois remarques.

Premièrement, et malgré les rapports successifs, nous constatons que les dépenses contentieuses restent sous-budgétisées, ce qui provoque de nombreux dommages. Il faut parfois attendre plusieurs mois pour qu’une décision de justice soit exécutée, ce qui n’est pas acceptable.

Deuxièmement, la Cour des comptes a sévèrement critiqué l’action sociale au sein du ministère de l’intérieur, en mettant en avant des situations inégalitaires préoccupantes.

Troisièmement, je voudrais manifester notre inquiétude face à la révision à la baisse des crédits prévus au titre du fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD, au moment même où le Gouvernement entend développer une nouvelle stratégie ambitieuse de prévention de la radicalisation et de la délinquance.

Comme il a coutume de le faire, le groupe Union Centriste votera encore le budget de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » cette année. Toutefois, nous souhaitons être entendus et attendons de connaître les arguments du Gouvernement sur l’essentiel des observations que je viens de formuler.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Marc Laménie applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, à travers la mission « Administration générale et territoriale de l’État », le ministère de l’intérieur « met en œuvre trois de ses responsabilités fondamentales : garantir l’exercice des droits des citoyens dans le domaine des grandes libertés publiques, assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République et mettre en œuvre au plan local les politiques publiques nationales ».

C’est en ces termes que l’annexe budgétaire introduit la présentation stratégique de la mission dont nous débattons à l’instant.

Au-delà des trois programmes qui la constituent, et sur lesquels je reviendrai, l’énonciation de ces trois responsabilités amène à questionner les missions exercées par la puissance publique dans nos territoires et, donc, la place de l’État sur ces territoires, ainsi que l’articulation de son action avec celle des acteurs locaux.

Certes, cette réflexion est censée être engagée dans le cadre d’un nouveau programme Action publique 2022, tout juste lancé par le Premier ministre. Mais si une telle réflexion est loin d’être nouvelle, elle n’a jusqu’à présent trouvé, comme réponse principale, qu’une succession de réformes, sans réelle interrogation sur les missions et l’implantation de l’État dans les territoires et, par conséquent, sur le rôle du réseau des préfectures et des sous-préfectures.

Or ce sont bien les missions qui doivent déterminer les moyens, et non l’inverse, avec un objectif d’égal accès à un service public de qualité, notamment au profit des territoires les plus éloignés.

Permettez donc que je développe trois points.

Premier point, un État de proximité dématérialisé et métropolisé.

S’agissant des moyens, des efforts importants ont été consentis en matière de rationalisation et de mutualisation, d’une part, et en matière d’adaptation des préfectures et de leur personnel à la nouvelle carte régionale, d’autre part. Au-delà des effets économiques de la reconfiguration géographique du réseau, il en ressort souvent un sentiment d’éloignement, voire d’abandon des territoires, éprouvé par les usagers et les élus locaux, qui voient dans cette évolution une forme de démantèlement de l’État de proximité.

À ce titre, si le plan Préfectures nouvelle génération a permis, ou devrait permettre, de moderniser l’administration et de simplifier l’accomplissement de démarches administratives pour les usagers, avec le concours non négligeable des mairies pour les cartes d’identité, il y a lieu de s’interroger sur l’accès équitable de tous les usagers aux services désormais dématérialisés.

Je rappelle que la fracture numérique continue d’être une réalité pour plus de 3 millions de personnes et que tous nos concitoyens ne maîtrisent pas de manière uniforme les nouvelles technologies.

Cette fracture numérique nécessite des moyens en matière d’accompagnement des démarches de téléprocédures. Or cet accompagnement est difficile à envisager dans le cadre de la réduction des missions de guichet.

Ainsi, la simplification et le progrès pour les uns deviennent l’exclusion pour les autres, que ce soit pour des raisons géographiques, socioéconomiques ou générationnelles.

Dans cette perspective, il apparaît essentiel de déployer des moyens pour renforcer le dispositif des points numériques permettant à tous les usagers d’effectuer des téléprocédures.

En outre, l’objectif de 100 % de services dématérialisés d’ici à 2022 fixé par le Président de la République appelle une action budgétaire plus volontariste, à la fois pour développer les services dématérialisés existants et pour pouvoir investiguer de nouveaux champs pour cette dématérialisation.

Or, étonnamment, la mission « Administration générale et territoriale de l’État », dans son programme 307, ne fait pas apparaître un tel volontarisme. On constate même plutôt une curieuse contradiction, puisque le programme tend à réduire les crédits alloués au fonctionnement et à la maintenance des matériels informatiques et des systèmes d’information.

Nous serons donc plus qu’attentifs aux moyens alloués pour qu’aucun usager ne soit exclu du service public, auquel l’État a l’obligation de garantir un égal accès à chacun d’entre nous.

Deuxième point, des moyens limités pour exercer les missions des préfectures auprès des collectivités locales.

Sur un autre plan, le PPNG devait également permettre à l’État de se recentrer sur ses missions prioritaires – parmi lesquelles l’expertise juridique, le contrôle de légalité et la coordination territoriale des politiques publiques – et de les renforcer.

Cela nous conduit à nous interroger sur le rapport de l’État aux collectivités territoriales et à sa mission de conseil, inhérente à celle du contrôle de légalité, et ce afin que l’État soit ce qu’il est censé être : un coconstructeur et un facilitateur du développement des territoires.

Cette réflexion apparaît d’autant plus importante à la suite de l’annonce, par le Président de la République, du renforcement de l’ingénierie territoriale, mais aussi du dialogue de gestion entre les préfectures et les collectivités locales, dans le cadre des fameux contrats d’objectifs.

En matière de contrôle de légalité, le PPNG a permis la montée en puissance du pôle interrégional d’appui au contrôle de légalité et le renforcement de la capacité d’expertise juridique par la création de quatre pôles juridiques et deux à venir.

Toutefois, on constate parallèlement un resserrement du nombre d’actes à transmettre au contrôle de légalité et une priorisation des actes à contrôler inégale entre les préfectures. D’après un rapport de la Cour des comptes de 2016, le facteur explicatif serait le manque de temps, de capacité d’expertise des agents et d’efficience de la procédure de transmission des actes.

Dans cette perspective, la soutenabilité des missions du réseau des préfectures pose question, tout comme la place des sous-préfectures dans l’architecture du réseau. Malgré une augmentation des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de 2, 24 %, les moyens octroyés nous semblent sous-estimés.

Troisième point, une limitation des moyens du fonds interministériel de prévention de la délinquance.

Mon dernier point porte sur la réduction sensible de ce fonds – de l’ordre de 27 millions d'euros – dans le cadre du programme 216. Cette baisse s’explique par la réduction du format des centres de réinsertion et de prévention de la délinquance, dans le contexte de la mise en place d’une nouvelle stratégie.

Pour autant, ce fonds étant destiné à l’accompagnement des jeunes en voie de radicalisation et à leur insertion sociale, l’actualisation de la stratégie interministérielle ne devrait pas se limiter à réaliser des économies sur les structures de réinsertion et de déradicalisation, compte tenu de la situation que nous connaissons.

Ainsi, pour les raisons évoquées précédemment, qui relèvent principalement de la présence de l’État et de la perception de cette présence dans les territoires, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. le président de la commission des finances applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dotée de 2, 757 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » comprend trois programmes, poursuivant des objectifs diversifiés et d’ampleur inégale.

Le programme 307, « Administration territoriale », concerne principalement les moyens du réseau préfectoral, pour un montant de 1, 690 milliard d’euros.

Le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », finance essentiellement certaines expressions de la vie politique du pays, pour un montant de 125, 6 millions d’euros.

Le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », est un programme réservoir, qui finance les moyens généraux du ministère de l’intérieur et certaines interventions de ce dernier, pour un montant de 941 millions d’euros.

Les dotations de la mission s’inscrivent en nette diminution : la baisse représente 349, 6 millions d’euros, cette évolution traduisant essentiellement la fin du cycle électoral chargé de l’année en cours.

Le projet de budget pour 2018 présente ainsi une très forte réduction des crédits, qui reculent de plus de 11 %. Cette évolution est due au programme 232, dont les dotations diminuent de 344 millions d’euros, soit une baisse de 73 %.

Ainsi, les économies de la mission sont attribuables au programme 232, dont les dépenses sont déterminées par le cycle électoral, lourd d’événements en 2017 et dénué de rendez-vous significatifs d’un point de vue budgétaire en 2018.

Je souhaiterais m’attacher au programme 307, qui rassemble les moyens des préfectures, hauts commissariats et sous-préfectures de métropole et d’outre-mer.

Ce programme, avec le PPNG, voit ses crédits diminuer de 607 309 euros en 2018.

Il s’agit d’un véritable recul des services publics. En 2018, 415 emplois seront encore supprimés, portant à 1 300 le nombre de suppressions en trois ans, liées au plan Préfectures nouvelle génération.

Les citoyens perçoivent une nette perte de qualité et de proximité du service rendu en préfecture et sous-préfecture.

Certains territoires très ruraux ne sont pas équipés d’infrastructures ni d’internet. Ils sont toujours pénalisés car éloignés des sous-préfectures et dénués de réseaux de connexion de qualité pour permettre des démarches en ligne.

Les téléprocédures en milieu rural, c’est généralement l’exclusion totale !

L’État n’est plus un partenaire des collectivités locales et des prestations sont souvent déléguées à des services extérieurs. Heureusement que les collectivités sont là !

Malgré les promesses, l’État se désengage.

Pour preuve, dans le budget de cette mission, après une réduction de 551 emplois en deux ans, les effectifs repartent à la baisse en 2018 : la réduction est de 287 emplois.

Dans ce contexte budgétaire, les préfectures et sous-préfectures peuvent-elles maintenir des équipes polyvalentes et capables d’assister les petites collectivités territoriales en matière d’ingénierie ?

Aussi, même si ce budget reste stable, je regrette que l’État ne fasse pas preuve d’une véritable volonté d’aller jusqu’aux confins de ces territoires oubliés.

Aussi, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra lors du vote sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » du projet de loi de finances pour 2018.

MM. Daniel Chasseing et Guillaume Arnell ainsi que Mme Josiane Costes applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les principaux chiffres relatifs à cette mission sont connus et ont été rappelés. Il est prévu, pour celle-ci, près de 2, 8 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une baisse de plus de 11 %.

Tout d’abord, le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », qui traite notamment de l’organisation des élections et du financement des partis, retranscrit le creux d’une année post-électorale sans scrutin.

Je relève d’ailleurs, à cet égard, l’insuffisance de la subvention versée par l’État aux communes pour compenser les frais engendrés par l’organisation des élections.

À cette occasion, je tiens également à rappeler l’opposition des membres du RDSE au projet, maintes fois repoussé, de dématérialisation de la propagande électorale.

Une nouvelle tentative devrait être intégrée au projet de loi pour un État au service d’une société de confiance. Si nous mesurons l’intérêt d’une telle mesure en matière de maîtrise des coûts et d’impact environnemental, celle-ci ne permet pas un égal accès de tous à une information capitale.

Le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », connaît, quant à lui, un léger fléchissement de ses crédits, à 941, 1 millions d’euros.

Parmi les mesures notables, je peux relever la création de 119 équivalents temps plein travaillé pour traiter l’important contentieux du stationnement au sein d’une nouvelle commission dédiée, induite par la décentralisation du stationnement payant prévue par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite MAPTAM.

M. le rapporteur spécial et M. le rapporteur pour avis ont surtout relevé quelques étrangetés dans ce programme, notamment des diminutions de crédits dans le cadre du plan de lutte antiterroriste et du plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme, ou encore une réduction des crédits affectés au fonds interministériel de prévention de la délinquance.

J’en viens aux crédits du programme « Administration territoriale », le plus important. Globalement stables, à 1, 7 milliard d’euros, ils cachent cependant d’importantes mutations à l’œuvre depuis plusieurs années, sur lesquelles je reviendrai.

L’actualité récente vient nous rappeler les implications dans le quotidien de nos concitoyens de cette mission. En effet, depuis le 1er décembre, dans les préfectures et sous-préfectures, des guichets pour la délivrance des cartes grises et des permis de conduire ont définitivement baissé le rideau. Ils sont désormais remplacés par des procédures en ligne.

Cet événement est une des dernières étapes de la mise en œuvre du plan Préfectures nouvelle génération, lancé en 2015. Ce dernier vise à recentrer les missions des préfectures autour de quatre priorités : la sécurité et l’ordre public, le contrôle de légalité des collectivités locales, la lutte contre la fraude et la coordination territoriale des politiques publiques.

Une telle évolution rompt également le lien qui unissait les citoyens à leur préfecture ou leur sous-préfecture. On peut se réjouir de la généralisation des téléprocédures, car elles constituent des outils privilégiés de simplification des démarches pour la majorité des usagers et d’optimisation des moyens publics. Mais on peut également s’inquiéter de l’accès équitable des citoyens aux services du réseau préfectoral, même si le Gouvernement pourra objecter que des points de contact numérique sont prévus dans chaque préfecture et sous-préfecture.

En tant qu’élus de proximité, comme vous l’êtes d’ailleurs, monsieur le ministre d’État, nous sommes sensibles à ces problématiques, d’autant que nous assistons, sur le terrain, aux conséquences des différents plans dit « de modernisation » de la préfectorale, s’agissant tant des implantations que de la qualité de l’action de l’État.

Aujourd'hui, on parle du PPNG, actualisé par la directive nationale d’orientation ; hier, on nommait ces plans révision générale des politiques publiques, RGPP, ou réforme de l’administration territoriale de l’État, RéATE.

Demain leur succédera le programme Action publique 2022, lancé par le Premier ministre, le 13 octobre dernier, et qui devrait, selon toute vraisemblance, poursuivre ce mouvement.

Dans le présent projet de loi de finances, 415 ETP sont supprimés au titre du PPNG, principalement dans l’échelon départemental et infradépartemental. Ainsi, nous nous retrouvons avec un nombre croissant de sous-préfectures dans lesquelles travaillent une dizaine d’agents, tout au plus, même si la situation est contrastée selon les territoires. Si jusqu’à présent, il n’y a eu que peu de fermetures, cette évolution s’apparente à une lente dévitalisation.

À l’issue de ce plan, 1 300 ETP auront été supprimés et dans le même temps, les crédits de personnels du programme 307 auront connu une légère augmentation.

Comme le souligne M. le rapporteur spécial, cette hausse ne peut être seulement expliquée par le protocole « Parcours professionnels, carrières et formations », dont l’application a été reportée d’un an, ni totalement par la revalorisation du point d’indice.

À ce stade, alors que le PPNG s’achève, on peut s’interroger sur l’atteinte des objectifs qui lui étaient assignés.

Si la diminution des effectifs qu’il prévoyait semble avoir été accomplie, il n’est pas certain que l’amélioration du service rendu, aux particuliers et aux collectivités, soit au rendez-vous.

Je pourrais par exemple évoquer les missions de contrôle de légalité et le conseil aux collectivités locales. Le présent projet de loi de finances prévoit une enveloppe en hausse de 2, 3 %, succédant à plusieurs exercices de baisse tendancielle. Or, et même si les périmètres du contrôle de légalité ont été réduits, les moyens aujourd’hui affectés apparaissent clairement insuffisants pour l’accomplissement de ces missions.

Je pourrais tout aussi bien mentionner la délivrance des titres sécurisés. Leur gestion de plus en plus dématérialisée a-t-elle permis de diminuer la fraude documentaire, de réduire les délais et les coûts de fabrication ? À ce stade, la réalité semble bien plus contrastée qu’attendue. Et j’en profite pour relever que le montant de la dotation pour les titres sécurisés, bien que réévalué à l’article 62 du présent texte, demeure loin de compenser les dépenses engagées par les communes.

Toutefois, et malgré les réserves que je viens d’exprimer, les membres du RDSE voteront les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, m’étant focalisé voilà quelques instants, par nécessité, sur le côté strictement budgétaire de la mission et la poursuite des réductions d’effectifs qu’elle implique, je vais maintenant revenir sur quelques-uns des aspects qualitatifs de cette évolution.

Je commencerai par évoquer la réorganisation de la délivrance des titres.

J’aborderai, comme premier point, la mise en place des centres d’expertise et de ressources titres, les CERT.

Les demandes de titres formulées par les administrés d’un département ne sont désormais plus traitées par les services de la préfecture de ce département.

Selon le titre concerné, la demande est transmise à un CERT, chaque centre étant spécialisé sur un type de titres, chaque département dépendant de plusieurs CERT. Désormais, 58 CERT délivrent les cartes d’identité, les passeports, les permis de conduire et les cartes grises. Les compétences, les objectifs de production, les départements servis, les moyens dont dispose chaque CERT dépendent largement de l’importance des sureffectifs à réaffecter, concurremment à d’autres options : promotions internes, départs à la retraite, mise en place de pôles départementaux spécialisés dans les sous-préfectures importantes… Félicitons-nous que le volontariat des éventuelles mutations géographiques ait heureusement prévalu.

Pour donner un exemple de cette organisation, le CERT que nous avons visité à Châlons-en-Champagne traite, avec un effectif de 20 équivalents temps plein, ou ETP, les demandes de permis de conduire de cinq départements : la Meurthe-et-Moselle, les Deux-Sèvres, la Haute-Marne, le Lot et les Hautes-Alpes.

Mon deuxième point sera consacré aux problèmes liés à la dématérialisation obligatoire des demandes.

Cette modernisation de la délivrance des titres, par ailleurs souhaitable, représente en même temps un nouvel éloignement des services de l’État. C’est aussi une nouvelle charge pour les collectivités territoriales, s’agissant des nouvelles modalités de demande de la carte nationale d’identité.

Ce sont désormais 2 300 communes qui assument la réception des demandes, au lieu de 35 000, ce qui ne satisfait ni les usagers des zones éloignées de ces points de contact ni les maires qui doivent assumer la tâche. L’augmentation de la compensation de 3 500 euros par dispositif, avec un supplément pour les plus actifs, soit un impact budgétaire de 17 millions d’euros, devrait répondre en partie à leur attente.

J’ai déjà évoqué les problèmes techniques – une qualité insuffisante du réseau – et psychologique – une maîtrise minimale de l’outil informatique –, mais force est de constater que, même là où les réseaux sont suffisants, où les points d’accès supplémentaires sont accompagnés, où le personnel est ouvert à la nouvelle approche, des problèmes embarrassants continuent de se poser.

Ainsi, il nous a été rapporté que, à la préfecture de la Marne, où, par ailleurs, les choses se sont globalement bien passées, une partie non négligeable des usagers vivait comme une discrimination à leur endroit le fait qu’ils ne puissent bénéficier d’un accueil par un agent, alors que ce n’est pas le cas pour les titres de séjour des étrangers ! Cette réaction est évidemment non fondée, mais, en l’occurrence, elle en dit long sur le sentiment d’abandon par l’État des administrés. Comme quoi les réformes apparemment les plus rationnelles peuvent avoir des coûts politiques insoupçonnés…

Mon troisième point concernera le fichier des titres électroniques sécurisés, ou « fichier TES ».

Cette réforme a aussi justifié la création du fichier TES, qui a entraîné de nombreuses réactions. L’audit de ce fichier, que le ministre de l’intérieur avait demandé à la suite des réactions des parlementaires – on se rappelle son audition par la commission des lois du Sénat –, a conclu que la sécurité du système n’était pas parfaite et que celui-ci pouvait être détourné à des fins d’identification. Le ministère nous a informés avoir pris en compte, depuis, les recommandations du rapport. Si nous n’avons aucune raison de ne pas le croire, il n’en demeure pas moins que ce fichier n’est pas le plus sûr possible en l’état des technologies.

Je vais maintenant évoquer les sous-préfectures.

Attendue depuis longtemps, la réforme des sous-préfectures, de leur implantation, a en définitive été très limitée.

Finalement, le plus important est de faire coïncider les limites des arrondissements avec les intercommunalités, qui, comme vous le savez, ont beaucoup bougé. C’est ce qui a été fait.

Au-delà de la carte, il conviendrait de redéfinir et d’adapter les moyens des sous-préfectures, pour leur permettre de remplir concrètement leur rôle de proximité.

Je terminerai par la « vie politique, cultuelle et associative ».

Sur ce plan, le principal chantier est la réforme des modalités d’inscription sur les listes électorales et la mise en place prochaine du répertoire électoral unique. Les deux opérations sont en bonne voie, même s’il ne serait pas inutile de rappeler aux communes qu’une réforme va prochainement modifier la procédure d’inscription sur les listes électorales.

S’agissant de la dématérialisation de la propagande électorale, le Gouvernement, qui semblait décidé à contourner le Parlement une quatrième fois, par le biais d’une demande d’habilitation à légiférer par ordonnance dans le futur projet de loi pour un État au service d’une société de confiance, y a finalement renoncé. Reste à savoir pour combien de temps…

Comme je l’ai dit il y a quelques instants, ne pensant pas que l’on puisse se satisfaire de cette politique récurrente de retrait de l’État des territoires, suivant l’avis de la commission des lois, notre groupe ne votera pas les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, je veux saluer le travail de nos rapporteurs partagé avec l’ensemble du personnel de notre institution, et en particulier des commissions.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui regroupe trois programmes, s’élèvent à 2, 7 milliards d’euros.

Le programme 307, « Administration territoriale », doté de 1, 69 milliard d’euros, connaît une stabilité de ses crédits.

Le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative », qui regroupe principalement les crédits liés à l’organisation des élections, voit logiquement ses crédits baisser en 2018 – il faut dire que quatre dimanches étaient concernés par les élections en 2017 –, pour s’établir à 125 millions d’euros, soit une diminution de 73 %.

Ce programme permet aussi de concrétiser différents engagements pour la vie politique. Il comporte, en particulier, les crédits alloués à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.

Le programme 216, doté de 941 millions d’euros, connaît aussi une certaine stabilité. Il bénéficie principalement à l’administration centrale, sous votre autorité, monsieur le ministre d’État, à l’état-major et aux services centraux, à hauteur de 373 millions d’euros.

Globalement, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » est surtout une mission d’effectifs, d’où le rôle important des moyens humains. Je veux naturellement souligner le dévouement de l’ensemble des personnels.

S'agissant du projet de budget de l’administration territoriale, les crédits de paiement sont inégalement répartis.

Pour ce qui concerne la réglementation générale, la garantie de l’identité et de la nationalité et le sujet important de la numérisation du processus de délivrance des titres sécurisés, le montant s’élève quand même à 688 millions d’euros.

Le pilotage des politiques gouvernementales bénéficie quant à lui de 514 millions d’euros, quand la coordination de la sécurité des personnes et des biens se voit allouer 172 millions d’euros et le contrôle de la légalité, 153 millions d’euros, sans oublier l’animation et le soutien des réseaux.

Nous assistons depuis plusieurs années à une baisse des effectifs. De 2007 à 2017, la réduction a concerné 3 357 équivalents temps plein, soit une diminution de 11 % des effectifs, qui s’élèvent aujourd'hui à environ 26 000 emplois. Pour 2018, on assiste malheureusement à une nouvelle baisse des effectifs. Cette réduction touche principalement l’échelon départemental.

Nous restons très attachés à l’administration préfectorale. Les préfets, les sous-préfets et leurs services jouent un rôle important dans nos territoires. Ces représentants de l’État sont les interlocuteurs des élus locaux, du monde économique et social, de l’éducation nationale, mais aussi de la santé, en liaison avec les agences régionales de santé. Ils assurent un service public de proximité et jouent aussi un rôle important pour nos trois fonctions publiques – fonction publique de l’État, fonction publique territoriale et fonction publique hospitalière.

La carte des sous-préfectures a évolué, comme la carte des intercommunalités, dans beaucoup de nos départements. La situation n’est pas simple.

Dans le département des Ardennes, que je représente, restent, aux côtés de la préfecture qu’est Charleville-Mézières, trois sous-préfectures : Sedan, Rethel et Vouziers, avec des moyens humains très variables d’une sous-préfecture à l’autre.

Nous sommes attachés aux points de contact de proximité. Je pense à l’évolution que constitue la mise en place des maisons de l’État et des maisons de services au public.

Les réductions d’effectifs nous inquiètent beaucoup, en particulier au niveau des secrétariats régionaux pour les affaires régionales, les SGAR, avec le regroupement des régions.

Le contrôle de la légalité et le conseil aux collectivités territoriales, qui, historiquement, constituent véritablement le cœur de métier des préfectures, ont malheureusement eux aussi souffert d’une très forte baisse des moyens humains jusqu’en 2016.

La semaine dernière, lors de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dotée de 3, 6 milliards d’euros, nous avons largement évoqué les liens de confiance entre les élus locaux avec les représentants de l’État.

En ma qualité d’ancien maire d’une petite commune de 170 habitants, jusqu’au mois de juin dernier, je peux modestement témoigner.

Je pense au rôle des services de la préfecture et des sous-préfectures pour l’établissement des déclarations FCTVA et le soutien à l’investissement, au travers de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, qui a succédé à la dotation globale d’équipement, la DGE, et du FSIL.

Les représentants de l’État suivaient également la gestion de la réserve parlementaire, dont nous sommes nombreux ici à regretter la disparition, puisque la dotation d’action parlementaire était parfaitement encadrée. Vous nous avez communiqué les dernières notifications de la réserve parlementaire, et nous vous en remercions, monsieur le ministre d’État. Localement, ces dossiers étaient suivis par les services des préfectures et des sous-préfectures.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Comme cela a été rappelé lors de l’examen, précédemment, de la mission « Sécurités », nous restons très attachés au rôle, déterminant, de l’État en matière de sécurité, qu’il exerce au moyen de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des sapeurs-pompiers. La mise en place de la police de sécurité du quotidien est aussi un enjeu important pour les représentants de l’État.

Je n’oublie pas non plus le rôle important des représentants de l’État dans les actions liées au devoir de mémoire : cérémonies patriotiques nationales et locales, soutien aux associations patriotiques et de mémoire…

Je partage les observations de mes collègues qui se sont exprimés sur cette mission, réellement importante pour la présence de l’État sur nos territoires respectifs.

Notre groupe suivra l’avis de notre commission des finances et votera les crédits de la mission.

Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – MM. Jean-Claude Requier et Guillaume Arnell applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je remplace au pied levé Alain Richard, qui vous prie de l’excuser de ne pouvoir être présent parmi nous.

Je vais essayer de faire passer les messages qu’il aurait sans doute voulu vous délivrer.

Premièrement, derrière un intitulé technique, la mission « Administration générale et territoriale de l’État » cache trois missions extrêmement importantes : l’exercice des droits des citoyens, la continuité de l’État sur le territoire et la déclinaison sur le plan local des politiques publiques.

Elle est marquée notamment par le plan Préfectures nouvelle génération, qui en est l’élément le plus important. Cette réforme répond aux enjeux d’accessibilité et de modernisation attendues par les usagers et s’appuie sur deux piliers essentiels : dématérialiser et mettre en place un réseau de centres d’expertise et de ressources titres, qui permettra d’accélérer la délivrance d’un certain nombre de titres.

Le plan Préfectures nouvelle génération est traduit dans le programme 307, dont certaines des actions progressent.

Certains orateurs ont souligné les économies réalisées. Il est vrai que ce plan est inspiré par la volonté de réaliser des économies sur les fonctions support du pilotage territorial, par la mutualisation. C’est le principe d’une modernisation, et c’est plutôt souhaitable.

Cependant, les actions n° 01 et 03, la seconde étant extrêmement importante, puisqu’elle correspond au contrôle de légalité, sont en progression.

Deuxièmement, le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » porte évidemment les fonctions d’état-major, c’est-à-dire les fonctions centrales, là aussi avec une volonté d’en renforcer la cohérence, notamment en mettant en œuvre un certain nombre de projets, comme en matière de prévention de la délinquance ou encore en vue de l’amélioration de l’efficience des fonctions support.

Enfin, le programme 216 est aussi celui qui porte la stratégie immobilière de l’État. On a vu déjà que l’immeuble Garance, dans le XXe arrondissement, a permis d’accueillir un certain nombre de services. Cette stratégie immobilière se poursuit sur plusieurs îlots, dont l’îlot Beauvau. Elle se traduit par un schéma pluriannuel de travaux sur la période 2016–2018 et permettra de compléter les efforts de mutualisation. Il faut la soutenir.

Pour ces trois raisons que sont la modernisation, la stratégie immobilière et le renforcement d’un certain nombre de mesures, les membres du groupe La République En Marche voteront les crédits de cette mission.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, la mission « Administration générale et territoriale de l’État », qui comprend en particulier le budget des préfectures et celui de l’administration centrale du ministère de l’intérieur, présente, pour 2018, des crédits consolidés et préservés.

Si l’on met à part le budget consacré à l’organisation des élections, qui ont évidemment été nombreuses en 2017, avec 2, 1 milliards d’euros de crédits, le budget de la mission que je présente aujourd’hui devant vous est stable. Cela n’a évidemment pas toujours été le cas dans le passé. Un certain nombre d’entre vous ont fait allusion à la réorganisation de l’administration territoriale de l’État, la RéATE, et aux suppressions de postes qui ont été réalisées – il est vrai que ces suppressions ont été extrêmement nombreuses entre 2010 et 2017.

Nous avons voulu stabiliser les choses, car les missions accomplies par le réseau préfectoral sont, à mes yeux, extrêmement importantes. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que le budget des préfectures soit préservé, avec 1, 22 milliard d’euros de crédits.

Si ce budget prévoit certaines réductions d’emplois, ces dernières sont largement permises par la mise en place du plan Préfectures nouvelle génération, décidé en décembre 2015. Cette réforme repose, comme vous le savez, sur la numérisation et sur la simplification des procédures de délivrance de titres. Elle a permis de réinjecter 1 000 agents sur les missions prioritaires des préfectures.

La mise en œuvre de cette réforme est d’une grande actualité, puisque de nouvelles téléprocédures concernant les demandes de cartes grises et de permis de conduire viennent d’être déployées.

Je dois dire que je me suis interrogé sur la façon dont les choses allaient se passer, les réformes de ce type étant toujours un peu délicates à mettre en œuvre. Or le nouveau système, même s’il y a pu y avoir ici ou là quelques grippages, semble fonctionner. En novembre 2017, 885 198 cartes grises ont été éditées et 286 255 nouvelles immatriculations ont été comptabilisées, soit 3 % de plus qu’en novembre 2016.

Nous venons de régler un certain nombre de problèmes que nous avions rencontré avec les importateurs de voitures étrangères et certains professionnels de l’automobile. Cet après-midi même, nous avons signé avec eux un protocole d’accord.

En vertu du plan Préfectures nouvelle génération, la nouvelle organisation de l’instruction des demandes de titres passerait par les centres d’expertise et de ressources titres, qui compteront 1 500 emplois. Il y aura 27 CERT pour les CNI – cartes nationales d’identité – et passeports, 21 pour les permis de conduire, dont 2 spécialisés dans l’échange de permis étrangers, 6 pour les cartes grises et, enfin, 3 CRT polyvalents outre-mer.

Je rappelle, à ce sujet, que, en ce qui concerne les cartes nationales d’identité, 22 millions d’euros ont été dégagés dans le PLF pour accompagner les communes dans la mise en place de la réforme, au travers de la « dotation pour les titres sécurisés ».

Concernant les moyens technologiques, nous avons été interrogés sur l’existence d’une sécurisation véritable. Comme vous le savez, les demandes sont maintenant traitées au moyen du fichier TES, ce qui a pu susciter des inquiétudes. Mais nous avons répondu à toutes ces inquiétudes, en particulier à toutes les observations qui avaient été faites par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI, en renforçant, par exemple, la cryptographie et la protection contre les risques d’intrusion.

Dans le cadre du nouveau plan Action publique 2022, que souhaite le Premier ministre, nous voulons lancer une réflexion plus globale sur l’administration territoriale de l’État. Il s’agit pour nous de mutualiser un certain nombre de fonctions support et de nous poser la question de la fusion de certains programmes budgétaires, voire de la réforme de l’échelon départemental de l’administration territoriale de l’État, de manière que les préfets disposent de leviers plus efficaces pour assurer la gestion de l’administration.

J’ai reçu, hier, les préfets et les sous-préfets. Nous leur avons indiqué ce que devait être le cœur de leur mission : animer effectivement, avec les collectivités locales, l’ensemble des territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux. Effectivement, monsieur le rapporteur, cela a toute son importance.

Par ailleurs, au-delà des missions prioritaires du plan Préfectures nouvelle génération, ce budget permettra de renforcer les services des étrangers et de l’asile, comme je l’ai indiqué précédemment, avec 150 recrutements de personnels titulaires.

Pour ce qui concerne les crédits de l’administration centrale, 795 millions d’euros sont prévus. Autrement dit, le budget est stable, avec une réduction de 35 emplois par rapport à 2017, car l’administration centrale doit évidemment participer elle aussi aux efforts d’économies.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

Quatre faits sont cependant à signaler.

Tout d'abord, des crédits sont inscrits pour l’installation et la sécurisation d’un troisième site pour la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, à Neuilly-sur-Seine, en attendant la réalisation d’un site unique, sur lequel nous sommes en train de réfléchir.

Ensuite, le budget comprend une forte augmentation des crédits de contentieux. En effet, ces crédits se sont trouvés notablement insuffisants par le passé, ce qui a conduit les parlementaires à qualifier les budgets d’insincères. Ces crédits passent donc de 55 millions d’euros en 2017 à 80 millions d’euros en 2018, ce qui reflète davantage la réalité des besoins. Vous savez que c’est le souhait du Gouvernement que d’avoir, dans tous les domaines, une plus grande sincérité budgétaire.

En outre, pour ce qui concerne la stratégie de prévention de la radicalisation, la baisse des crédits est due à la fermeture du centre de Pontourny, qui, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, avait été un échec, parce que nous n’avions pas pu y réaliser ce qui avait été initialement prévu. Nous réfléchissons également en ce moment à la répartition des crédits, un certain nombre de crédits ayant été alloués par le passé à des associations autoproclamées leaders dans le domaine de la déradicalisation. Nous souhaitons travailler davantage sur le terrain. Nous aurons donc l’occasion de vous faire de nouvelles propositions.

Enfin, les crédits de la mission permettront de financer la mise en place de la juridiction spéciale chargée du contentieux des forfaits du stationnement payant, qui accompagnera l’entrée en vigueur, au 1er janvier prochain, de la réforme de la décentralisation du stationnement payant. Ainsi, 119 ETP et 8 millions d’euros de budget sont prévus pour armer cette juridiction, qui sera établie, comme vous le savez, à Limoges. Cet acte de décentralisation avait été voulu par le précédent gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État », figurant à l’état B.

En euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Administration générale et territoriale de l’État

Administration territoriale

Dont titre 2

1 516 868 363

1 516 868 363

Vie politique, cultuelle et associative

Dont titre 2

5 911 443

5 911 443

Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

Dont titre 2

502 591 482

502 591 482

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits.

Les crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’appelle en discussion l’article 49 B, ainsi que l’amendement portant article additionnel après l’article 49 B, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Administration générale et territoriale de l’État

L’article L. 375 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dépenses liées à la campagne audiovisuelle officielle sont à la charge de l’État. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° II–393, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :

Après l'article 49 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le huitième alinéa de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il peut également n’indiquer aucun parti ou groupement politique, l’aide correspondante venant alors en déduction du total de la seconde fraction. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

J’ai déjà présenté cet amendement voilà déjà quelques années, et j’ai eu l’occasion de le défendre à nouveau lors de l’examen du projet de loi de moralisation de la vie politique.

Il concerne la liberté des parlementaires.

La France a choisi le système du financement public de la vie publique. Comme vous le savez, mes chers collègues, c’est essentiellement grâce à la manne de l’État que nos partis politiques peuvent développer leurs idées, leurs actions, leur programme, leurs projets.

Pour leur permettre d’en bénéficier, tous les parlementaires doivent, vers le mois de novembre – nous l’avons fait voilà quelques jours –, choisir l’un des onze partis politiques ayant présenté des candidats dans un certain nombre de départements en France.

Il existe une sorte de monopole des grands partis, qui se partagent cette dotation financière.

L’année 2017 a été paradoxale à cet égard : d’une part, un candidat non issu des partis politiques est devenu Président de la République et, d’autre part, les partis traditionnels de gouvernement, malgré le financement public, n’ont pas remporté les élections législatives, alors que le parti devenu majoritaire a surgi sans aucune aide publique.

Cet amendement tend à laisser leur liberté de choix aux parlementaires. S’ils sont, par exemple, indépendants, divers droite ou divers gauche, ils peuvent ne pas vouloir choisir. Or, aujourd’hui, quand un parlementaire ne choisit pas, sa dotation est partagée entre les onze formations retenues.

Il est tout à fait naturel, à mes yeux, qu’un parlementaire puisse décider de reverser sa dotation au budget général de l’État, ce qui contribuera à amoindrir le déficit public.

Tel est l’objet, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, de cet amendement, particulièrement technique, dont j’espère l’adoption après un long cheminement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Genest

Je tiens tout d’abord à remercier Hervé Marseille, l’ancien rapporteur de la commission des finances, dont le travail m’a été très utile.

S’agissant de l’amendement de M. Dominati, qui a déjà été voté par le Sénat, la commission des finances a émis un avis de sagesse très favorable. §À titre personnel, je voterai en faveur de cet amendement.

Debut de section - Permalien
Gérard Collomb, ministre d'État

M. Gérard Collomb, ministre d'État. M. Dominati semblait avoir du mal à déceler des évolutions positives depuis l’arrivée de ce nouveau gouvernement. Je vais lui démontrer qu’il y en a, en émettant un avis favorable sur son amendement

Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je mets aux voix l’amendement n° II-393.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 49 B.

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.