Intervention de Pierre Charon

Réunion du 5 décembre 2017 à 14h00
Loi de finances pour 2018 — Compte d'affectation spéciale : contrôle de la circulation et du stationnement routiers

Photo de Pierre CharonPierre Charon :

Monsieur le ministre d’État, nous aurons à cœur d’entendre vos réponses aux préoccupations des rapporteurs. Le travail qu’ils ont réalisé mérite d’être salué.

Deux points retiennent mon attention.

Le premier concerne la directive européenne relative au temps de repos. Le temps de récupération est indispensable ; néanmoins, l’équation devient très difficile, puisque les recrutements sont à peine suffisants pour assurer les rotations.

Le second point concerne l’organisation du travail et la répartition des tâches au sein de la gendarmerie. Il est temps que cette dernière cesse d’effectuer des tâches indues à la place d’autres administrations. La réalité des menaces nous impose de créer les conditions d’un recentrage de ses activités sur son cœur de métier.

Son travail d’enquête est très important, à l’heure où la société se judiciarise de plus en plus et où l’opinion ne supporte plus les vices de procédure bénéficiant aux criminels.

À cet instant du débat, je voudrais revenir sur des points spécifiques concernant la gendarmerie, qui me tiennent à cœur. La gendarmerie a une image largement positive auprès de nos concitoyens. Elle représente, pour les Français, l’ordre et la proximité. Aux yeux des sénateurs représentants des territoires que nous sommes, les gendarmes ont un rôle primordial dans le maillage social et territorial.

La gendarmerie incarne la souveraineté de notre État et l’unité de notre nation. Non seulement les gendarmes contribuent à la sécurité de nos concitoyens, mais, par leur statut militaire, ils sont les garants de la résilience nationale. Alors que notre pays fait face au terrorisme depuis plusieurs années, la résilience est une notion des plus précieuses.

De fait, ce corps historique de protection de l’État et de la Nation constitue la cible de ceux qui ont la haine de la France, de ceux qui méprisent nos institutions. Tragiquement, la haine de nos forces de l’ordre s’accompagne de violences inacceptables et intolérables. Le sang-froid dont elles font preuve force le respect et démontre leur niveau de professionnalisme ; il convient de le saluer.

Récemment encore, une brigade territoriale de la gendarmerie a fait l’objet, à Meylan, d’un incendie. Ses conséquences auraient même pu être criminelles. Cinq véhicules ont été détruits, mais l’intention était de tuer des gendarmes. La multiplication de ce genre d’initiatives démontre que certains vivent non pas dans la peur du gendarme, mais bien dans la haine du gendarme ! Ces différents événements doivent entraîner, de notre part et de la part de la justice, un appui sans faille.

Rappelons la complexité des défis auxquels sont confrontés les gendarmes, notamment dans les domaines relatifs à la lutte contre le terrorisme. En la matière, je me réjouis de voir le rôle de la gendarmerie renforcé. Je veux saluer l’apparition de nouvelles unités qui protégeront certains sites sensibles.

En outre, la gendarmerie a une expérience historique, comme peut en témoigner le GIGN, le groupe d’intervention de la gendarmerie nationale – j’espère d’ailleurs que la mutualisation ne nuira pas à son moral. Tout ce qui contribue à préserver et à améliorer ce savoir-faire de la gendarmerie doit être encouragé.

La lutte contre le terrorisme constitue aussi un travail global, qui ne se limite pas aux seules interventions ou aux missions de protection. Ce combat se tient également en amont, dans la surveillance et dans la détection de certains comportements.

Par ailleurs, il faut souligner le rôle que joue la gendarmerie dans la prévention de la radicalisation. Dans ce domaine, l’apport de la gendarmerie est particulièrement précieux. En effet, par son ancrage territorial et historique, par sa connaissance du terrain, la gendarmerie joue un rôle indispensable dans le renseignement de proximité, qui est l’échelon de base de notre renseignement.

Par son implantation, la gendarmerie peut détecter les moindres signes de radicalisation. C’est un appui précieux dans la lutte contre le radicalisme islamiste, antichambre du terrorisme.

Nos 3 111 brigades et chacun de nos gendarmes sont autant de postes d’observation dans ce combat qui doit être mené sans faiblesse. Nous devons utiliser au maximum la connaissance du terrain que possède la gendarmerie, car cela contribue à une défense efficace de notre ordre public. Mais la reconnaissance de ce savoir-faire en matière de renseignement territorial passe aussi par la création des antennes de renseignement territorial, dont je me réjouis de voir qu’elles sont animées par nos gendarmes.

J’appuierai donc tout ce qui va dans la perspective du renforcement de ces capacités de renseignement.

La gendarmerie est la représentante de l’État auprès de la population ; il faut, à ce titre, saluer son rôle dans les territoires ultramarins, où elle couvre une zone correspondant à 68 % de la population. C’est bien l’unité de la République et de la Nation qui est assurée concrètement. Nos compatriotes d’outre-mer le savent ; ils sont « en demande de gendarmerie », d’autant plus que le facteur d’insularité rencontre aujourd’hui de plein fouet la mondialisation des trafics et de la criminalité.

S’agissant de la protection de l’ordre public et de la sécurité du quotidien, le bilan de l’action de la gendarmerie est positif – on constate ainsi une diminution des violences physiques et des cambriolages. Ces signes encourageants n’auraient évidemment pas été possibles sans son travail.

Outre les territoires ultramarins, nous devons impérativement prendre en compte la dimension européenne de la gendarmerie. Sur ce point, on peut parfois regretter le manque de volonté des Européens eux-mêmes.

Aussi, monsieur le ministre d’État, serait-il bienvenu que la France appelle ses partenaires à maintenir et à augmenter efforts et politique de coopération. Je pense par exemple à certains réseaux et mafias, et notamment aux commerces d’armes, de drogues et d’êtres humains. Leurs ramifications et implantations sont pleinement européennes, c’est-à-dire sans frontières ; elles sont libres de leurs mouvements.

N’oublions pas que la France, par sa géographie, est au cœur de trafics, à l’est, mais aussi au sud. J’en veux pour preuve le nombre d’interpellations des go fast entre l’Espagne et la Belgique. Nos concitoyens exigent de l’Europe des frontières sûres et bien gardées ; leur porosité ne peut qu’alimenter le terrorisme et tous les trafics.

Il faut donc soutenir la gendarmerie dans la lutte contre les filières d’immigration irrégulière. Cent gendarmes ont été engagés dans le cadre de FRONTEX ; c’est un début encourageant, mais il faut absolument que les dotations suivent. La gendarmerie doit être soutenue dans la défense de ces frontières que l’Europe a trop tardé à protéger !

La gendarmerie peut contribuer à rendre l’Europe plus efficace, plus proche des Français. Le mot « protection » ne doit pas être un tabou, mais devenir une réalité.

Avant de conclure, permettez-moi, monsieur le ministre d’État, d’attirer votre attention sur l’émergence d’un nouveau terrain de jeu pour le grand banditisme : le crime et la délinquance peuvent être virtuels ; le cas échéant, néanmoins, les conséquences et dommages sont bien réels, avec, hélas, de nouvelles victimes. La cybersécurité est l’un des nouveaux terrains d’action de la gendarmerie. C’est un enjeu vital pour l’ensemble de la société et de ses acteurs, tant gouvernementaux qu’économiques.

Sur internet se livre une véritable guerre. Les « e-délinquants » ont des capacités de déstabilisation sans échelle : leurs cibles sont aussi bien les particuliers, les multinationales que les institutions gouvernementales. En réalité, la criminalité numérique exige non pas une politique de cyberdéfense, mais une politique offensive. Cela passe par une politique de recherche, d’investissement et de formation de grande ampleur.

Contrôle de l’action du Gouvernement, afin que les crédits de fonctionnement cessent d’être engagés au détriment des crédits d’investissement, et soutien permanent aux forces de sécurité sont les deux valeurs de mon groupe.

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