Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 5 décembre 2017 à 14h00
Loi de finances pour 2018 — Immigration asile et intégration

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, les points de vue assez opposés des différents intervenants au cours de notre discussion démontrent le besoin de réforme en matière d’immigration et de droit d’asile.

De l’immigration à l’intégration, en passant par le droit d’asile, tout est interdépendant, et la solidité de la chaîne ne tient qu’à celle du maillon le plus faible. Et les maillons faibles sont nombreux.

Notre approche budgétaire concerne le volet franco-français. Ce n’est pourtant qu’une partie du débat tant ce qui se déroule sur le continent africain, dans la zone subsahélienne en particulier, en Afrique de l’est, en Libye ou encore au Moyen-Orient a de l’importance. À cet égard, je mets à part les questions concernant la Guyane et Mayotte, qui ont été évoquées par M. Karam avec beaucoup plus de pertinence que je ne pourrai le faire.

Nous avons à gérer des cercles concentriques, mes chers collègues. Si l’on se rapproche du territoire européen, le fonctionnement des accords de Dublin est en cause, avec l’exercice effectif des responsabilités par les pays d’arrivée. Nous savons que ces engagements ne sont pas aussi respectés que nous aurions pu le souhaiter. Cela pose aussi le problème d’une équité entre les pays européens avec, en arrière-plan, le débat sur le programme de relocalisation, qui est un peu la contrepartie à envisager si nous tenons au respect intégral des accords de Dublin.

La lutte contre l’immigration irrégulière soulève des questions budgétaires, mais son efficacité dépend aussi des accords dits « de réadmission ». Si la question du nombre effectif de mesures d’éloignement dépendait uniquement du budget alloué, la réponse aurait été trouvée depuis longtemps. Nous savons, mes chers collègues, que cette question est plus complexe qu’une simple écriture budgétaire.

Je crois profondément que, si le programme 303, « Immigration et asile », doit faire l’objet d’une discussion budgétaire classique – c’est notre mission –, les enjeux sont ailleurs, à la fois dans la vision internationale des choses, comme dans la refonte de la mise en œuvre du droit d’asile.

J’espère, monsieur le ministre d’État, que vous pourrez nous en dire plus sur les projets du Gouvernement en cette matière.

Si j’en reviens à l’approche strictement budgétaire, l’essentiel des crédits va à la garantie du droit d’asile, avec une augmentation importante en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Votre budget, monsieur le ministre d’État, doit au moins être crédité d’une recherche de réalisme et de sincérité, en mettant fin à une sous-estimation systématique des dépenses dans ce domaine.

L’inflexion me semble notable et favorable, même si j’ai bien entendu les propos de M. le rapporteur pour avis, Sébastien Meurant, qui, de manière peut-être légèrement paradoxale – s’il est permis de l’exprimer avec le plus grand respect –, a mis en balance à la fois ce qu’il estimait être une forme d’insincérité et une augmentation très forte des crédits sur cette fameuse garantie.

Bien sûr, le nombre d’éloignements forcés budgétés en 2018 est un indicateur important ; comme l’indique François-Noël Buffet, il s’établit à 14 500. Toutefois, je le répète, examiner sous ce seul angle le budget dont il s’agit, c’est réellement se livrer à un constat réducteur : l’efficacité de ces dispositifs dépend d’éléments bien plus larges que les seules données budgétaires.

À mon tour, je relève l’importance, pour la crédibilité de l’action gouvernementale, d’une efficacité réelle et d’un traitement différencié entre les personnes qui peuvent bénéficier du droit d’asile et les migrants dits « économiques ».

Le délai de quinze mois, mentionné en commission, pour traiter les demandes du droit d’asile à l’heure actuelle n’est pas acceptable. Il convient de comprendre comment nos voisins allemands ont pu réformer leur système tout en respectant, d’une part, les dispositions de leur loi fondamentale, et, d’autre part, les principes énoncés par leur Cour constitutionnelle, qui n’est pas moins exigeante que la nôtre, et par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH.

Enfin, monsieur le ministre d’État, je souhaiterais savoir en quel sens vous analysez l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 27 septembre 2017, portant interprétation du règlement de l’Union européenne n° 604/2013. J’espère que vous pourrez nous éclairer : je serai attentif à votre réponse.

Doit-on comprendre que cette question peut être traitée par la voie législative française, comme le pensent nombre de nos collègues à l’Assemblée nationale ? Doit-on comprendre, à l’inverse, qu’elle nécessite une réforme du règlement européen et du dispositif de Dublin ?

L’ensemble de ces points me paraît correspondre, au moins partiellement, aux trois domaines distingués avec justesse par M. le rapporteur pour avis. Dans leur majorité, les élus du groupe Union Centriste suivront donc l’avis de ce dernier.

Néanmoins, monsieur le ministre d’État, je vous renouvelle l’approbation que m’inspirent les efforts budgétaires marqués qu’accomplit, à ce titre, le Gouvernement. Je vous appelle à un dialogue avec le Parlement, afin d’améliorer l’efficacité des mesures actuelles et afin de nous permettre d’avancer pour la réforme du droit d’asile. Dans ce cadre, il faudra apprécier ce qui relève du législateur français et du droit de l’Union européenne, au-delà des enjeux de négociation ou de renégociation de nombre d’accords bilatéraux.

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