Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le mot qui m’est venu à l’esprit en examinant les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » est : « partagé ».
« Partagé », parce qu’il est indéniable que les crédits de la mission augmentent fortement par rapport à 2017. Un effort est donc réalisé par le Gouvernement pour, notamment, accueillir dans de meilleures conditions les demandeurs d’asile, créer plus de places d’hébergement et mener une politique d’intégration plus volontariste.
Je suis parfaitement d’accord avec l’intention du Président de la République de réduire les délais de traitement des demandes d’asile de douze à six mois. Partagé, toutefois, car la politique d’immigration menée par le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre d’État, reste assez floue, et car nous ne pouvons que constater un décalage entre discours et réalité.
L’immigration regroupe énormément de facteurs dont tout le monde connaît la sensibilité dans notre pays et en Europe. Rien n’est simple dans ce domaine, et l’équilibre est souvent très fragile entre humanité et réalisme. Ainsi les réponses à apporter à ces questions, qui concernent des femmes et des hommes fuyant des situations humaines parfois extrêmement difficiles dans leurs pays d’origine, sont-elles complexes.
Nos politiques d’intégration, depuis plus de quarante ans, se sont souvent traduites par des échecs ; la situation ne s’est pas améliorée ces dernières années, car la pression migratoire a été extrêmement forte, notamment en 2015. Ce problème est en outre de plus en plus aigu, car nous devons intégrer des gens venus de plus en plus loin et qui, pour certains, ne partagent aucune de nos valeurs culturelles.
Ainsi, je considère que ce budget pose de nombreuses questions auxquelles le Gouvernement ne répond pas vraiment.
François-Noël Buffet fait observer dans son rapport que, pour la seule année 2016, plus de 75 000 personnes se sont maintenues sur le territoire français malgré la mesure d’éloignement prononcée à leur encontre. De fait, seules 18 % des mesures d’éloignement sont exécutées.
Il est bien évidemment trop tôt pour juger certaines politiques du chef de l’État, mais nous regarderons avec attention ses engagements, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre d’une « vraie politique de reconduite aux frontières » sur laquelle il a beaucoup insisté.
En outre, je constate avec regret que les crédits de ce budget consacrés à l’immigration irrégulière baissent de 7 %. Je déplore aussi la suppression de l’aide aux communes.
Au-delà du territoire métropolitain, la Guyane et Mayotte sont confrontées à une explosion de l’immigration clandestine qu’il est bien difficile de juguler et qui pose d’énormes difficultés aux populations locales.
Au niveau européen, certains pays, comme l’Italie, la Grèce ou Chypre, se sentent souvent bien seuls face aux réfugiés arrivant sur leurs côtes. Alors que, d’un autre côté, le groupe de Visegrad refuse ouvertement les politiques migratoires de solidarité définies par Bruxelles.
Certains chiffres résument tout sur les difficultés d’avoir une politique efficace en matière d’immigration et d’asile. Ainsi, seuls 23 % des franchissements irréguliers d’une frontière extérieure de l’Union européenne font l’objet d’un prélèvement d’empreintes digitales… Que fera la France, que fera l’Europe, si, demain, l’accord conclu avec la Turquie en mars 2016 est remis en question, parce que M. Erdogan décide de faire pression sur les pays de l’Union ?
En conséquence, mes chers collègues, même si ce budget est en augmentation je ne puis que le trouver en décalage avec la réalité. Selon moi, nombre de faits et de chiffres sont sous-estimés ou pas du tout pris en compte. Aussi, monsieur le ministre d’État, doutant de l’efficacité de vos politiques, je voterai contre les crédits de la mission.