Intervention de Arnaud de Belenet

Réunion du 5 décembre 2017 à 21h45
Loi de finances pour 2018 — Justice

Photo de Arnaud de BelenetArnaud de Belenet :

Telle est la volonté du Gouvernement : Mme la garde des sceaux a lancé, les 5 et 6 octobre derniers, les chantiers de la justice, avec une feuille de route claire. Il s’agit à la fois de simplifier et d’améliorer les procédures civiles et pénales, mesures particulièrement attendues par les professionnels de la justice, mais aussi par les justiciables eux-mêmes, d’impulser une transformation numérique de nos juridictions, d’amorcer une véritable réflexion sur le sens et l’efficacité de la peine, et de réfléchir à l’adaptation de l’organisation judiciaire.

Entendu par notre rapporteur pour avis Yves Détraigne, le secrétaire général de la Chancellerie a annoncé le lancement prochain d’un sixième chantier relatif aux ressources humaines.

Ces travaux, dont les conclusions seront présentées en début d’année, trouveront une traduction, au printemps, dans un projet de loi quinquennale de programmation pour la justice, accompagné de projets de loi de simplification de la procédure pénale et de la procédure civile. Cette démarche s’inscrit dans la modernisation de la justice du XXIe siècle portée par le précédent garde des sceaux.

À cet égard, la forte baisse que subit le programme « Administration pénitentiaire », baisse de près de 39 % par rapport à 2017, s’explique par le montant élevé des autorisations d’engagement prévues dans la loi de finances pour 2017 correspondant au programme de construction de 15 000 places de prison annoncé par Jean-Jacques Urvoas.

Toutefois, cet effort a connu des difficultés d’application : les terrains, nous le savons tous, ne sont pas immédiatement disponibles, et les délais entre l’acquisition du foncier et le démarrage des travaux peuvent être particulièrement longs.

Comme l’a rappelé le Président de la République dans son allocution devant la Cour européenne des droits de l’homme, « la France ne peut être fière des conditions dans lesquelles certains sont détenus sur son territoire. » En effet, au 1er octobre 2017, la France comptait plus de 68 000 détenus pour seulement 59 000 places. Le chef de l’État a donc annoncé la création d’une agence chargée de développer et d’encadrer les travaux d’intérêt général, dont l’objectif est de désengorger les prisons en promouvant des peines alternatives.

Mme la garde des sceaux mérite d’être alertée, en tout cas sollicitée pour quelques précisions sur cette agence, afin d’écarter les critiques déjà formulées, comme celle de l’Observatoire international des prisons.

Au-delà de la création de cette agence, je souhaite aborder deux points concernant l’administration pénitentiaire : la nécessité de réfléchir aux peines et aux conditions de travail du personnel pénitentiaire.

S’agissant des peines, à titre d’exemple, comme l’indique Mme Adeline Hazan, contrôleur général des lieux de privation de liberté, des délinquants routiers récidivistes se retrouvent en prison, ainsi que des personnes relevant de la psychiatrie. D’aucuns estiment à 30 % la part des détenus qui présentent des troubles psychiatriques graves – nous savons l’hostilité des médecins psychiatres à l’internement, et peut-être cette préoccupation mérite-t-elle d’être relayée.

S’agissant des conditions de travail du personnel pénitentiaire, comme l’a indiqué notre rapporteur pour avis Alain Marc, il existe une forte crise de recrutement qui s’explique notamment par la difficulté du travail, renforcée, précisément, par le contexte de surpopulation carcérale, ainsi que par la faiblesse des rémunérations.

Concernant les autres programmes de cette mission, ils connaissent tous une augmentation plus ou moins sensible. L’effort budgétaire consacré à la transformation numérique de la justice est en définitive assez remarquable, puisque le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » augmente de 113 % en autorisations d’engagement et de 15, 3 % en crédits de paiement.

Cette transformation profonde va enfin permettre une mise à niveau des moyens de la justice qui la fera entrer dans l’ère numérique, dont nous savons la révolution qu’elle représente. C’est un enjeu fort pour nos concitoyens, qui éprouvent une forme d’inquiétude, voire de défiance, à l’égard de notre justice, la jugeant, à raison, souvent trop lente et trop complexe. Il est de notre responsabilité de regagner la confiance de nos concitoyens. Le budget qui nous est présenté par Mme la garde des sceaux prend la pleine mesure de ce défi.

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