Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 5 décembre 2017 à 21h45
Loi de finances pour 2018 — Justice

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Je veux compléter l’intervention très juste de M. Bigot en m’attardant sur les questions immobilières et pénitentiaires.

Sur les questions immobilières, Hugues Portelli et moi-même avons rédigé, au nom de la commission des lois du Sénat, un rapport intitulé Les contrats de partenariats : des bombes à retardement ? Or je me demande chaque jour s’il ne faut pas retirer le point d’interrogation figurant dans ce titre…

Car la construction du nouveau palais de justice de Paris par le biais de la méthode des partenariats public-privé, ou PPP, coûtera dans vingt-sept ans 2, 3 milliards d’euros. Je ne suis pas sûr qu’avec un autre système de financement la facture aurait été aussi élevée. Je signale que, pour cette année seulement, les modifications qui ont été faites sur le projet initial se traduiront budgétairement par une enveloppe de 25 millions d’euros. Par ailleurs, la dépense s’élèvera à 73 millions d’euros en 2018, sans compter tous les frais qui interviendront par la suite.

Je pourrais aussi évoquer des travaux effectués à la prison de la Santé, toujours par la méthode des partenariats public-privé, qui font peser une contrainte extrêmement lourde, et pour longtemps, sur le budget du ministère de la justice.

J’en viens maintenant aux questions pénitentiaires. Alain Marc a bien expliqué dans son rapport que les crédits sont en baisse de 1, 3 % hors masse salariale, que les dépenses d’investissement diminuent de 18 %, que la maintenance du parc immobilier carcéral voit ses crédits baisser de 29, 3 % et que les crédits pour aménagement de peine diminuent de 27 %. Il nous sera donc difficile de voter ce budget.

J’ajoute, mes chers collègues, qu’il ne s’agit pas seulement d’une question liée à la construction. Certes, il faut construire des places de prison, mais il faut le faire afin d’ « humaniser » les locaux existants. Vous savez que trop souvent encore, dans de nombreuses prisons, malheureusement trois personnes cohabitent dans une même cellule de neuf mètres carrés.

Nous avons voté il y a quelque temps une loi pénitentiaire préconisant l’encellulement individuel : nous en sommes loin ! Il s’agit pourtant d’une nécessité. Comment ne pas citer Robert Badinter, qui a tellement souligné combien la condition pénitentiaire était la première des causes de récidive ?

Monsieur le secrétaire d'État, il faut absolument développer les alternatives à la prison et les aménagements de peine. Il faut impérieusement développer les préparations à la sortie. Je sais que six ou sept établissements sont destinés à cela : c’est une bonne chose. Il faut préparer la réinsertion et il faut être très prudent quant aux courtes peines, qui, en général, permettent à la jeune personne à laquelle elles sont infligées de prendre connaissance du milieu de la délinquance et de s’y insérer.

Pour finir, je citerai le cas de la prison de Saran, dans le Loiret, qui a été inondée. Dans une lettre, M. Jean-Jacques Urvoas m’indiquait que les travaux seraient finis à la fin de cette année. Malheureusement, ils n’ont pas encore commencé ! §Dans un courrier, Mme Nicole Belloubet m’indiquait, elle, que les travaux seraient achevés à la fin du premier trimestre 2018. Néanmoins, j’ai appris récemment qu’ils se termineraient plutôt à la fin de l’année 2018. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous appuyer ma demande ? J’aimerais beaucoup que cette prison connaisse enfin les travaux qui sont attendus et nécessaires.

En tout état de cause, vous l’aurez compris, nous ne pourrons pas voter les crédits de la mission « Justice » pour les raisons que j’ai invoquées. Nous appelons véritablement de nos vœux une politique pénitentiaire qui donne toute sa place aux alternatives et à la préparation de la sortie. C’est tellement nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues !

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