Intervention de Guy Fischer

Réunion du 17 février 2010 à 21h30
Récidive criminelle — Article 5 ter

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Avec cet article 5 ter, vous entendez aller encore un peu plus loin dans ce que de nombreux professionnels de la santé, notamment les psychiatres, appellent « l’instrumentalisation de la médecine ». Ce risque a d’ailleurs déjà été pointé par notre collègue M. About dans le rapport pour avis qu’il a remis au nom de la commission des affaires sociales.

Avec cette injonction de soins, vous êtes parvenus fort habilement à contourner les obstacles législatifs qui vous faisaient face. Vous n’imposez aucun soin aux personnes condamnées, vous les laissez libres de les accepter ou de les refuser. Sauf que leur refus pourrait avoir pour conséquence le placement en rétention de sûreté. Aussi le condamné est-il « libre » d’accepter, ou d’être placé en rétention de sûreté…

Si cette disposition vous permet de satisfaire aux engagements fondamentaux de la France, et d’éviter notamment une sanction de la Cour européenne des droits de l’homme, elle pose tout de même la question de l’efficacité de cette politique. En effet, comme tous les experts le disent, spécialement en prison, un véritable lien de confiance est nécessaire entre le soignant et le soigné.

La rédaction actuelle de l’article L. 131-36-4 du code pénal, comme celle de cet article 5 ter nous semblent créer une ambiguïté entre les missions des magistrats, des soignants et des gardiens. II suffit pour s’en convaincre de lire le quatrième alinéa de cet article et de s’apercevoir que le magistrat est devenu, de fait, un prescripteur de soins.

En réalité, sous couvert de cette approche thérapeutique, le chantage que je viens de dénoncer vise encore une fois à limiter les risques sociaux. Le recours à la rétention de sûreté en est le parfait exemple. Ce faisant, vous accentuez ce qui constitue pour nous l’une des faiblesses de notre système pénal, à savoir la prédominance, pour ne pas dire l’exclusivité, qui est donnée à sa mission de protection de la société, en refusant de donner à la réinsertion et au traitement médical des personnes condamnées la place que ces deux missions devraient avoir dans un système équilibré.

Dans notre groupe, nous sommes convaincus qu’il faut nécessairement agir sur ces deux domaines que sont la réinsertion et l’accompagnement médical et psychologique pour réduire le risque de récidive. Telle n’est pas votre conception, et l’action thérapeutique que vous proposez sert plus à justifier une accentuation des contrôles et des sanctions.

L’accompagnement des personnes condamnées, notamment pour des violences sexuelles, exige que nous inventions, loin des logiques d’affichage, un accueil et un accompagnement médical et psychologique de qualité.

C’est pourquoi nous saluons le rapport remis par M. About. Nous partageons sa conviction de la nécessité de tout mettre en œuvre pour permettre une meilleure prise en charge de la souffrance et de la maladie mentale. Je voudrais rappeler à ce titre que, par deux fois, le manque d’encadrement médical et les conditions d’incarcération des détenus psychiques ont été qualifiés par la Cour européenne des droits de l’homme de « traitements inhumains et dégradants ».

L’article 5 ter n’entraîne en rien une amélioration de l’offre de soins en milieu carcéral. Il n’est que la consécration d’une réponse unique, le traitement inhibiteur de libido, à toutes les personnes visées dans ce projet de loi. Nous y reviendrons par la suite, dans la discussion des amendements que nous présenterons.

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