Intervention de Yannick Botrel

Réunion du 7 décembre 2017 à 10h45
Loi de finances pour 2018 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en guise de transition avec les propos d’Alain Houpert, je souhaite d’abord souligner la continuité certaine avec le précédent quinquennat des concours publics au bénéfice de notre agriculture, et ce dans un contexte difficile pour la plupart des productions.

En 2013, ces crédits s’élevaient à 18, 6 milliards d’euros et ont ensuite sensiblement progressé pour atteindre 20, 6 milliards d’euros en 2017. Ces 2 milliards d’euros supplémentaires en quatre ans méritent d’être rappelés.

Je crois que l’on peut mettre ce chiffre en parallèle avec la perspective, ouverte par le projet de loi de programmation, d’une économie de 350 millions d’euros sur le budget de la mission à l’horizon de 2020.

Mais, en l’état, notre débat a pour objet le budget pour 2018.

En premier lieu, je dois relever une tendance qui justifierait d’ouvrir un débat : la part des dépenses budgétaires sur crédits, qu’elle soit européenne ou nationale, a nettement reculé au profit de celle des allégements fiscaux. De l’ordre de 22 % des concours publics à l’agriculture en 2013, ceux-ci sont passé à près de 29 % aujourd’hui. C’est l’équivalent de 2, 7 milliards d’euros qui se sont trouvés ainsi repositionnés en quatre ans. Or ces deux modalités de soutien sont de nature différente, et n’ont pas les mêmes propriétés économiques ni le même impact sur l’économie des exploitations.

Il nous faudrait mieux évaluer ce changement. À ce sujet, je ne suis pas sûr qu’en modifiant les équilibres du financement de la protection sociale des agriculteurs, comme il le propose ex abrupto avec le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement s’inscrive réellement dans une démarche évaluative.

Si la suppression de l’allégement de cotisations d’assurance maladie permet au budget pour 2018 de gagner plus de 400 millions d’euros, il est douteux que cette mesure soit neutre pour les exploitations agricoles et sans effet sur le revenu d’un grand nombre d’agriculteurs.

À cela s’ajoutent d’autres éléments d’incertitude, d’ampleur potentiellement risquée. On ne peut faire abstraction de l’existence possible, sinon probable, de risques latents de toutes sortes, économiques bien entendu, mais aussi sanitaires, voire climatiques.

Ce point particulier du budget de l’agriculture ouvre le débat de la sincérité budgétaire. D’emblée, je serais tenté d’atténuer moi-même la portée de mon analyse en ne contredisant pas mes arguments de l’an passé.

Je persiste en effet à estimer qu’il est difficile de fonder une incrimination d’insincérité budgétaire sur la non-prise en compte de risques aléatoires que d’aucuns, suivant leur nature, considéreront comme évitables ou inéluctables.

Toutefois, je note que la dotation de 300 millions d’euros inscrite au budget et présentée comme constituant un progrès de sincérité décisif, semble d’ores et déjà quelque peu en retrait par rapport à des risques dont il est presque certain qu’ils auront une traduction financière en 2018. Je pense nettement au contentieux portant sur l’apurement des aides européennes, susceptible à lui seul d’absorber la totalité de cette ligne budgétaire.

Si donc insincérité il y avait dans la loi de finances pour 2017, le contexte n’ayant pas changé, elle demeure dans ce projet de loi de finances pour 2018, cela me semble très clair.

Mais ce débat ne doit pas nous accaparer. Car, selon moi, l’important est bien que, d’une part, le soutien de l’action publique s’exerce pleinement quand un secteur économique et une profession sont confrontés à des difficultés ponctuelles et imprévisibles et que, d’autre part, le budget consacré à l’agriculture soit à la hauteur des enjeux globaux.

Je regrette que le budget agricole pour 2018 vienne infirmer l’élan donné à certaines priorités : la modernisation des exploitations au travers du PCAE, l’affirmation du soutien au développement de l’agriculture biologique, globalement le maintien d’une agriculture diversifiée, en bref l’ambition d’un modèle agricole prenant en compte la diversité des territoires ainsi que des attentes sociétales.

La politique forestière me paraît ne pas relever d’une autre appréciation. Les crédits sont en repli et le Gouvernement explique que cela est dû à l’achèvement du plan mis en œuvre à la suite de la tempête Klaus.

Compte tenu du reste des dossiers à traiter, et alors même que les objectifs de ce plan auraient sans doute pu être réévalués, des crédits complémentaires devraient être nécessaires.

Dans ce contexte, la budgétisation de la politique forestière pourrait être assez virtuelle, d’autant qu’elle repose sur des anticipations plutôt favorables du prix du bois. Tout cela conduit à une construction fragile.

Enfin, j’ajouterai un mot sur la politique de sécurité sanitaire de l’alimentation pour laquelle, avec mon collègue Alain Houpert, nous avons dans un rapport parlementaire formulé 61 recommandations afin de la refonder.

Nos capacités de surveillance des risques sanitaires restent dépendantes d’une mise à niveau des effectifs. Le précédent gouvernement y avait pourvu, avec la création en trois ans de 180 postes de techniciens destinés à renforcer la surveillance sanitaire dans les abattoirs de volailles, surveillance qui était en déshérence, du fait de l’application sans nuance de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Le budget pour 2018 ne confirme pas cet effort, qui aurait dû être prolongé. Je le regrette d’autant plus que nous sommes confrontés régulièrement à des crises sanitaires particulièrement graves, dont le risque est accru par l’extension de déserts vétérinaires. Il apparaît en effet qu’un certain nombre de territoires sont désormais en carence de vétérinaires praticiens libéraux.

En définitive, le budget de l’agriculture pour 2018 proposé par le Gouvernement ne me convainc pas pleinement.

L’orientation générale m’amène à m’interroger sur plusieurs points.

La fin des allégements de cotisations obligatoires, sans évaluation d’impact, est selon moi hasardeuse. Pour autant, il n’y a pas modification fondamentale avec la politique conduite précédemment par Stéphane Le Foll, ce qui me conduit à ne pas préconiser, pour ce premier budget de l’agriculture du nouveau quinquennat, un vote négatif.

La structuration proposée pour les crédits de cette mission n’est pas, je l’ai dit, en rupture ou en opposition avec ce qui a été fait dans le passé. Néanmoins, monsieur le ministre, je lui trouve une part d’improvisation et d’insuffisance ponctuelle.

En ce sens, et à défaut donc d’être convaincu, je vous propose, mes chers collègues, de vous abstenir sur les crédits de la mission.

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