Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 17 février 2010 à 21h30
Récidive criminelle — Article 5 ter

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

L’article 5 ter vise à généraliser les traitements diminuant la libido, couramment appelés « castration chimique », dans le cadre des injonctions de soins.

Madame la ministre, j’ai le regret de vous dire que c’est vous-même, lors d’une interview au sujet de l’affaire de Mme Marie-Christine Hodeau à Milly-la-Forêt, qui avez nommé ce traitement « castration chimique ». Je ne fais donc que reprendre cette expression, que je trouve fort malheureuse.

Concernant ce traitement chimique, je souhaiterais vous lire une déclaration du docteur Zaguri, qui est chef de service au centre psychiatrique du bois de Bondy et expert psychiatre près la cour d’appel de Paris, qui nous donne beaucoup d’explications. Je le cite :

« Dans l’immense majorité des cas, les délinquants sexuels ne sont pas des malades mentaux. Ils ne relèvent pas d’un traitement psychiatrique. Un traitement prescrit sans leur consentement n’est d’aucune utilité. Il faut expliquer à l’opinion publique que des crimes que l’on dit “sexuels” ne concernent pas la sexualité, ou fort peu.

« En effet, les observations cliniques répétées et les études à grande échelle, comme celles qui ont été réalisées sur tous les criminels sexuels au Québec, montrent que la plupart de ces actes n’ont rien à voir avec le sadisme sexuel. Les viols ne sont pas commis par des hommes sexuellement frustrés, mais par des sujets qui s’emparent de la sexualité comme d’une arme, pour exprimer leur destructivité, leur emprise et leur domination. »

« Autrement dit, l’idée communément partagée qu’il suffirait de tarir les pulsions sexuelles à la source par la castration chimique, voire par la castration physique – débat qui vient d’être relancé – est une lourde erreur dans l’immense majorité des cas. »

Donc, de l’avis même de ces experts, la solution que vous aviez proposée à ce moment-là n’est pas la panacée.

Par ailleurs, ce traitement est inégalement toléré par les patients. Il agit différemment sur les individus et peut même entraîner de nombreux effets secondaires.

Autre difficulté, et non des moindres : ce traitement, qui s’inscrit dans la durée, a un coût indéniable. Certains condamnés, parmi les plus démunis, ne pourront pas payer ces soins, au risque de voir leur sort aggravé. Ou alors, ils devront faire un choix entre les soins et l’indemnisation de la victime. La solution serait le remboursement du traitement par la sécurité sociale, comme c’est le cas en Belgique depuis 2009. Mais aucune étude d’impact n’a été réalisée sur ce point.

Enfin, de nombreux médecins considèrent que les traitements administrés dans le cadre d’une obligation de soins sont inefficaces en ce que le patient n’adhère pas à la thérapie.

Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cet article, qui nous paraît de surcroît inutile au regard du droit existant, puisqu’il est déjà tout à fait possible d’administrer ce type de traitement dans le cadre d’une injonction de soins, et que cela se pratique déjà.

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