Intervention de Sophie Primas

Réunion du 7 décembre 2017 à 10h45
Loi de finances pour 2018 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Sophie PrimasSophie Primas :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les questions agricoles suscitent souvent des débats animés et passionnés, car, au-delà du poids économique de l’agriculture en France et de son importance pour notre balance commerciale, les surfaces agricoles représentent plus de la moitié de notre territoire, la production agricole demeure le socle de l’aménagement des territoires ruraux et elle fait partie, depuis Sully, de notre identité nationale. Oui, la France reste passionnée par son agriculture, et, pourtant, jamais les agriculteurs ne se sont sentis aussi déboussolés ; c’est un véritable sujet, monsieur le ministre.

Vous nous présentez aujourd’hui le premier budget agricole du quinquennat ; ce budget suscite beaucoup d’interrogations et de réserves, que les rapporteurs vous ont adressées. Le contexte dans lequel il s’inscrit est marqué par une conjoncture toujours incertaine, même si la situation semble s’améliorer en 2017 par rapport à l’horrible année 2016.

La conjoncture, personne, ni vous ni d’autres, n’en a une maîtrise réelle. Vous avez, en revanche, la maîtrise de la politique de soutien, de transformation et d’accompagnement de notre agriculture, et, sur ce point, nous avons quelques interrogations.

Premier champ d’interrogations : quelles sont les priorités de la France pour la PAC ? La Commission européenne vient de produire une communication très prudente, voire très timide, mais qui pourrait ouvrir la voie à la renationalisation de la PAC au-delà de 2020 ; quelle est votre réaction à ces propos ? Avez-vous la volonté de faire évoluer la PAC dans une voie plus protectrice des agriculteurs ? Quel est le niveau de budget sur lequel vous allez vous battre ? Ce budget de 9 milliards d’euros par an aujourd’hui est le premier filet de sécurité et d’assurance pour les agriculteurs.

Deuxième champ d’interrogations : comment sont traités l’agriculture et l’agroalimentaire dans le Grand plan d’investissement de 57 milliards d’euros annoncé en septembre dernier ? Un montant de 5 milliards d’euros doit être fléché vers l’agriculture et l’agroalimentaire ; on n’en trouve aucune trace dans le budget 2018. Les investissements sont indispensables pour moderniser notre agriculture et nos entreprises, pour permettre l’innovation que chacun appelle de ses vœux, mais encore faut-il avoir des clarifications, monsieur le ministre, sur la forme que prendront ces soutiens annoncés. Nous vous écouterons avec intérêt.

Troisième champ d’interrogations, les États généraux de l’alimentation, lancés en juillet dernier, qui ont permis de faire discuter l’ensemble des parties prenantes des filières agricoles et alimentaires, autour, notamment, de l’épineux sujet de la répartition de la valeur. Des contrats de filières sont en cours de négociation et une loi a été annoncée par le Président de la République pour tirer les conséquences de ces états généraux. Cela est très bien, mais on ne voit pas encore aujourd’hui où vous souhaitez placer le curseur.

Outre la signature d’une charte de bonne conduite, dont je ne mésestime pas l’importance, envisagez-vous d’imposer une contractualisation au-delà du seul secteur du lait ? Envisagez-vous d’imposer des contrats tripartites ? Comptez-vous renforcer les contrôles pour sanctionner les mauvaises pratiques ? Ne faut-il pas appliquer la loi Sapin II et lui donner le temps de s’installer pour en tirer les conséquences ? Bref, quelles seront les suites concrètes des états généraux ?

Autre interrogation, qui ne vous étonnera pas de ma part : quelle est la place que l’on accordera à la science dans les prises de décisions concernant l’agriculture ? Nous disposons en France, avec l’ANSES, d’une instance d’expertise de très haut niveau. Je me réjouis d’ailleurs que le budget pour 2018 lui octroie des moyens supplémentaires pour fonctionner et que son plafond d’emplois soit relevé.

Je souligne par ailleurs que l’ANSES fait preuve d’une grande transparence dans ses travaux et qu’elle a un haut niveau d’exigence déontologique. Ses avis sont publics et elle met en place de nombreuses procédures de consultation du public avant de prendre ses décisions. Ses experts font des déclarations d’intérêts, qui sont publiées, et un déontologue contrôle les éventuels conflits d’intérêts. J’affirme donc ici que nous pouvons avoir une grande confiance en l’ANSES.

Or les tergiversations, les approximations, les déclarations contradictoires des uns et des autres fragilisent, aux yeux de nos concitoyens, cette agence. Elles mettent en cause le professionnalisme de nos experts scientifiques et peuvent même, monsieur le ministre, les décourager. Ainsi, la question des produits phytosanitaires doit faire l’objet d’un débat apaisé. Le précédent gouvernement avait déporté l’autorisation de mise sur le marché du champ politique vers l’ANSES ; c’est exactement l’inverse qui se passe. Nous devons suivre la voie tracée notamment par les travaux du Sénat il y a six ans.

Je terminerai simplement par un mot sur l’enseignement agricole, qui ne relève pas entièrement de votre budget, mais qui joue un rôle fondamental dans la formation des agriculteurs de demain et de toute une série de métiers évoluant autour de l’agriculture et de la nature. Les crédits alloués à l’enseignement privé agricole me préoccupent particulièrement.

Cet enseignement participe pleinement à la mission de service public de l’enseignement à tous les niveaux, il contribue aussi à l’animation et à la dynamique des territoires ruraux.

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