Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation de l’agriculture française est difficile, on le sait, mais, paradoxalement, elle reste très productive. Seulement, elle ne rémunère plus les agriculteurs à la hauteur de leur travail et de leurs responsabilités. Nous devons prendre conscience des limites de notre système actuel, tourné vers les volumes et vers l’exportation, et de l’exigence de compétitivité dans un monde où tout est globalisé.
Tôt ou tard, il faudra bien que les produits alimentaires sortent du grand marché mondial ; c’est l’un des objectifs de la relocalisation de l’agriculture.
L’agriculture est dans l’impasse, mais la soutenir nous coûte cher. Dès lors, la transition que nous appelons de nos vœux doit être accélérée.
N’oublions pas que, dans notre économie mondialisée, notre modèle agricole a des conséquences sur des pays tiers, notamment en Amérique du Sud, en raison des hectares de soja, à 80 % transgéniques, que nous importons pour nourrir nos élevages, et en Afrique de l’Ouest, dont le nécessaire développement est quelque peu freiné par la concurrence qu’y exercent nos produits.
Notre agriculture va également faire face à de grands défis liés aux bouleversements climatiques, qui vont contraindre notre système à évoluer.
Face à ces enjeux que sont cette crise structurelle de notre système agricole et la nécessaire adaptation au changement climatique, nous possédons déjà un certain nombre de solutions et les outils permettant de soutenir une transition de notre système agricole.
De nombreuses structures de recherche de grande qualité existent. Je pense évidemment à l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, mais aussi aux instituts techniques tels que l’Institut technique de l’agriculture biologique, l’ITAB, les établissements situés dans nos territoires, comme SupAgro, à Florac, en Lozère, sur les questions agroenvironnementales, sans compter évidemment l’ensemble des laboratoires du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, qui mènent également des recherches liées à l’agriculture et aux changements climatiques.
La profession viticole elle-même fait de gros efforts dans la recherche de substituts aux pesticides et le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux, le CIVB, a pris l’engagement fort de sortir des pesticides en Gironde, département le plus touché par l’utilisation de ces produits. Cet exemple est très parlant, mais il faut que l’État soutienne ceux qui veulent avancer vite sur le sujet.
C’est en nous appuyant sur des outils de recherche, notamment de recherche collaborative, mais également sur un certain nombre de réseaux, comme celui des fermes Dephy et les réseaux associatifs, que nous devons mettre en place un plan ambitieux de transformation de notre agriculture.
Il convient de favoriser les cultures de qualité et de proximité, en dynamisant les projets alimentaires territoriaux – c’est l’une des belles avancées de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt –, qui se mettent en place un peu partout sur le territoire.
Nous devons aller plus vite ; nous devons aller plus loin. Pour cela, nous devons appliquer rapidement l’une des promesses de campagne de notre Président de la République, celle qui consiste à forcer à introduire 50 % de produits bio ou locaux dans l’ensemble de la restauration collective publique ou concédée.
En effet, l’agriculture biologique, qui était considérée comme un marché de niche voilà encore peu de temps, a fait, depuis, la démonstration de son efficacité à rémunérer correctement les agriculteurs qui se lancent dans cette démarche de préservation de l’environnement, tout en accroissant la biodiversité, à augmenter le stockage naturel du carbone dans les sols et à protéger, notamment, la ressource en eau.
Lors des états généraux de l’agriculture, le Président de la République a aussi souhaité que les organisations de producteurs se transforment, afin d’assurer une meilleure répartition entre la production et la consommation. Pour ce faire, il a proposé la mise en place d’indicateurs de marché sur les coûts de production et de contrats types par filière, afin que tous les agriculteurs aient facilement accès à ces informations. Il a aussi fustigé les prix anormalement bas. Nous tenons à saluer cette initiative.
Nous ne sommes pas seuls dans ce grand projet de transformation. La politique agricole commune doit également massivement accroître la part consacrée aux mesures agroécologiques, dans le cadre du verdissement, pour aboutir à une véritable rémunération des services écosystémiques rendus par nos agriculteurs qui font le choix de techniques ou de pratiques vertueuses.
Nous souhaitons également obtenir des précisions concernant les 200 millions d’euros annoncés par le chef de l’État dans son discours de Rungis afin de rémunérer les services environnementaux, et non de les subventionner – il est important que les agriculteurs, les consommateurs et les contribuables se le mettent bien en tête. Les mêmes questions se posent concernant le Grand plan d’investissement pour l’agriculture, doté de 5 milliards d’euros : dans quel sens ces aides seront-elles ciblées ?
Au sujet des circuits courts, j’ai été interpellé par les éleveurs de volaille fermière du Morbihan. Ces petits producteurs de volaille de plein air sont soumis aux normes sanitaires conçues pour les élevages industriels. L’application stricte de ces normes remet en cause la pérennité de leur élevage, dont les produits sont vendus à la ferme ou dans les magasins de producteurs. La législation sanitaire mise en place pour lutter contre la salmonellose et les contraintes administratives pour éviter la propagation de la grippe aviaire ne sont pas du tout adaptées à ce type de productions.
Dupliquer dans les petites exploitations les normes conçues pour les producteurs intégrés…