Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ont expliqué les rapporteurs, les crédits de la mission « Agriculture » ont été rejetés par les commissions des finances et des affaires économiques.
Impasse budgétaire, difficultés pour le paiement des MAEC et des aides à l’agriculture biologique, manque de provisions pour les risques économiques, climatiques et sanitaires qui pourraient survenir en 2018, diminution des crédits du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles, etc. : les motifs d’inquiétudes sont nombreux, monsieur le ministre.
Comme tous les autres entrepreneurs, nos agriculteurs ont besoin de visibilité.
En septembre dernier, vous annonciez la fin des aides au maintien de l’agriculture biologique, alors que, pour un grand nombre d’exploitations, ces aides étaient intégrées à leur modèle économique.
Monsieur le ministre, ces agriculteurs ne sont pas des nantis ! Ils veulent simplement vivre de leur travail.
L’augmentation prévue du crédit d’impôt destiné aux entreprises d’agriculture biologique ne compensera pas cette perte nette de 3 000 à 7 000 euros.
Vous nous direz sans doute, et vous aurez raison, qu’il faut bien faire des économies. C’est oublier que l’agriculture n’est pas un secteur d’activité comme les autres : elle a un impact certain sur notre environnement, nos nappes phréatiques, notre santé… Nos agriculteurs produisent la matière première de notre si réputée culture gastronomique, mais ils sont aussi et surtout gages de notre souveraineté et de notre sécurité alimentaires.
Une exploitation bio emploie 77 % de main d’œuvre de plus qu’une exploitation conventionnelle, notamment parce qu’elle n’utilise pas de pesticides. Ces aides ne relèvent donc pas de la gabegie.
En région Provence-Alpes-Côte d’Azur, première région française pour l’agriculture biologique, l’attribution des aides au maintien est, depuis 2015, restreinte aux zones de captage. Nous constatons déjà que certains exploitants repassent en agriculture conventionnelle.
Certes, vous allez encourager à la conversion, monsieur le ministre, mais combien vont déchanter ?
Vous avez déclaré que les régions qui souhaitent continuer à financer ces aides au maintien le pourront. Cette déclaration me laisse perplexe : soit vous considérez que ces aides ne sont pas utiles, auquel cas il ne semble pas opportun d’encourager à leur versement, soit vous assumez pleinement votre désengagement.
Dans mon département des Bouches-du-Rhône, vous le savez, les terres agricoles sont rares et onéreuses pour les jeunes qui souhaitent les acquérir.
À ces difficultés, il faut désormais ajouter le remplacement de l’impôt sur la fortune, l’ISF, par l’impôt sur la fortune immobilière, l’IFI, qui réserve un traitement particulier aux terres agricoles, puisque celles-ci vont être traitées comme des biens immobiliers, et non comme des actifs économiques – à ce titre, elles seront soumises à l’IFI.
Ajoutons-y également l’alignement du régime de cotisation des salariés non agricoles sur celui des travailleurs indépendants. Ajoutons-y encore la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, en baisse de cotisations patronales à compter de 2019. Pour l’heure, la perte de ce dernier n’est pas compensée pour les employeurs éligibles au dispositif en faveur des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi.
Enfin, je veux évoquer la suppression du fonds d’accompagnement de la réforme du microbénéfice agricole. Monsieur le ministre, il faut maintenir ce fonds. En effet, pour certains agriculteurs, sa suppression représente pas moins de 25 millions d’euros de cotisations sociales en plus sur la période 2018-2021.
Par ailleurs, nos agriculteurs doivent faire face à une concurrence toujours plus difficile. Rappelons que, chez nos voisins espagnols ou italiens, le coût du travail est inférieur de 30 % à 35 % à ce qu’il est en France ! Des normes toujours plus contraignantes pèsent sur nos agriculteurs, présumés coupables – contrôles récurrents et usants, obligations, paperasse, etc. –, alors même que leurs concurrents en sont exempts.
Monsieur le ministre, une étude de la Mutualité sociale agricole, datant du mois d’octobre dernier, montre que 30 % des exploitants agricoles ont gagné moins de 350 euros par mois en 2016 et que 20 % étaient en déficit.
Dans ces conditions, vous comprendrez que je m’interroge : le Gouvernement a-t-il pris la mesure de la situation ?