Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’effort budgétaire et financier global de l’État en faveur des outre-mer s’élèvera, en 2018, à 21, 3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 20, 5 milliards d’euros en crédits de paiement. Cet effort correspond à 3, 9 % du budget général, alors que les populations ultramarines représentent 4, 3 % de la population française. Cela m’autorise à dire que les outre-mer ne sont pas aussi « budgétivores » que certains peuvent le penser.
Les crédits de la mission « Outre-mer », dont les deux programmes « Emploi outre-mer » et « Conditions de vie outre-mer » regroupent 13 % des crédits de l’État consacrés aux outre-mer, sont, à bien des égards, indispensables pour ces territoires qui souffrent d’importants handicaps structurels liés à leur éloignement de l’Hexagone, à la faiblesse de leurs marchés locaux et au fait que leur tissu économique reste composé, pour l’essentiel, de très petites entreprises.
L’année 2017 est, à mon sens, particulièrement révélatrice de ces fragilités : je pense au mouvement social survenu en Guyane, qui n’est qu’un symptôme des difficultés de ces territoires, mais également à l’ouragan Irma, qui nous rappelle la prégnance des risques naturels auxquels sont confrontées ces collectivités.
Il faut souligner d’emblée que les crédits de cette mission sont maintenus au-dessus du seuil des 2 milliards d’euros, puisqu’ils s’élèveront à 2, 104 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2, 068 milliards d’euros en crédits de paiement. À périmètre constant, ce budget est en hausse de 3, 6 % en autorisations d’engagement et de 4, 3 % en crédits de paiement par rapport à 2017. On ne peut que s’en réjouir.
En tout état de cause, il convient d’insister sur le fait que ce budget, le premier du quinquennat, constitue un budget de transition, qui ne présage qu’en partie des priorités futures. Pour les prochains projets de loi de finances, le Gouvernement s’est en effet engagé à s’appuyer sur le Livre bleu outre-mer. Ce dernier résultera des Assises des outre-mer que le Gouvernement a lancées, le 4 octobre 2017, afin d’ouvrir un temps d’échange et de réflexion avec l’ensemble des Ultramarins.
La compensation des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer est le principal exemple du caractère transitoire de ce budget. Selon le Gouvernement, ce dispositif devrait faire l’objet d’un réexamen à l’automne de 2019. Nous serons particulièrement vigilants à ce que cette réforme soit favorable à l’emploi outre-mer. En effet, le taux de chômage s’élève, aujourd’hui encore, à 20 % en moyenne dans ces territoires.
Ce budget présente quelques motifs de satisfaction.
Les crédits destinés au financement des opérations contractualisées entre l’État et les collectivités d’outre-mer sont en hausse de 12 % en autorisations d’engagement et de 6 % en crédits de paiement. Cette hausse est particulièrement bienvenue, alors que de nombreux contrats ont fait l’objet d’un important sous-financement les années passées.
Les crédits du fonds exceptionnel d’investissement en outre-mer sont en augmentation de 3 % en autorisations d’engagement et stables en crédits de paiement. Surtout, le Gouvernement s’est engagé à un maintien de sa dotation au niveau de 2018 sur l’ensemble du quinquennat. Nous avions souligné, dans le rapport d’information que nous lui avons dédié l’an dernier, l’utilité de cet instrument. Nous serons donc là aussi particulièrement vigilants quant au respect de la promesse du Gouvernement.
Ce budget conforte le service militaire adapté, qui a atteint en 2017 l’objectif fixé, à savoir former 6 000 jeunes ultramarins et leur permettre une insertion dans le monde professionnel. Les crédits alloués à ce dispositif sont en augmentation de plus de 4 % et le ratio d’encadrement a été amélioré.
Enfin, si les crédits affectés au logement sont en légère baisse, les crédits de paiement dédiés à la construction neuve seront en augmentation.
C’est donc bien conscients de l’ampleur des besoins des outre-mer, mais également du fait qu’il s’agit d’un budget de transition, que mon collègue Nuihau Laurey, qui ne peut être présent aujourd’hui, et moi-même vous proposons d’adopter les crédits de la mission « Outre-mer ».
Je joue ainsi le jeu, madame la ministre, comme l’a suggéré à son époque un grand Guyanais, Félix Éboué. Je joue le jeu, parce que le Président de la République, lors de son passage en Guyane en octobre dernier – vous y étiez aussi –, évoquant « les engagements budgétaires dont plus personne ne comprend même la logique » et « les milliards accumulés sans qu’on n’explique jamais les délais », affirmait qu’il voulait « en finir avec une relation asymétrique faite de promesses non tenues ».
Pour ce faire, il déclarait qu’il était « prêt à rouvrir des sujets constitutionnels s’il apparaît pertinent de le faire et que c’est utile » et à les traiter via « un véhicule législatif unique qui fasse la synthèse de tous ces besoins, de toutes ces adaptations », et ce par des « décisions fortes dès l’été prochain ».
Je veux croire en ces mots présidentiels, concernant tout particulièrement la Guyane, mon territoire. La crise de mars dernier a en effet révélé les limites institutionnelles de notre système de gouvernance et remis l’accent sur la question de l’évolution statutaire. Celle-ci figure d’ailleurs dans les accords de Guyane, signés par le précédent gouvernement, et fait l’objet d’ateliers sur la gouvernance au sein des États généraux de Guyane et des Assises des outre-mer.
J’espère, madame la ministre, que ces mots présidentiels, qui expriment une volonté affichée de coller aux réalités des outre-mer, seront suivis d’effets pour tous les Ultramarins, puisque ce discours présidentiel de lancement des assises était diffusé en direct à l’intention de tous les outre-mer.