Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 7 décembre 2017 à 15h00
Loi de finances pour 2018 — Outre-mer

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si les montants des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de la mission « Outre-mer » sont, sans nul doute, d’importance capitale, il est d’autres chiffres qu’il me paraît fondamental de rappeler en préambule.

Les outre-mer ne sont pas que des « petits bouts » de France baignés par des mers chaudes : ce sont plus de 2, 7 millions d’habitants, soit un peu plus de 4 % de la population française, dont beaucoup vivent dans une situation d’inégalité intolérable par rapport à la métropole.

Comme le rappelait l’exposé des motifs du projet de loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique examiné l’année dernière par le Parlement, « en dépit des politiques publiques volontaristes menées par l’État et les collectivités territoriales des outre-mer, les écarts de niveaux de vie constatés entre les outre-mer et la France hexagonale restent considérables et affectent l’égalité des droits économiques et sociaux et des opportunités économiques que la République, par la solidarité nationale, doit garantir à tous les citoyens français ».

Permettez-moi de vous donner une illustration concrète de cette situation.

L’ensemble des territoires ultramarins affichent une surmortalité néonatale marquée. Alors que le taux de mortalité infantile s’établit à 3, 5 % en France métropolitaine, il atteint 6 % en Martinique, 6, 6 % à La Réunion, 7, 9 % à Mayotte, 8, 3 % en Guadeloupe et 8, 8 % en Guyane. De tels écarts sur le territoire de la République ne sont pas acceptables !

S’agissant du travail, selon l’enquête Emploi pour l’année 2016, les taux de chômage constatés dans les départements d’outre-mer sont plus de deux fois plus élevés que celui relevé dans l’Hexagone. Ils atteignent ainsi 23, 8 % en Guadeloupe, 17, 6 % en Martinique, 23, 3 % en Guyane, 22, 4 % à La Réunion et 27, 1 % à Mayotte, contre 10, 1 % en métropole. Là encore, nous ne pouvons nous résigner à de telles différences.

L’année qui vient de s’écouler a d’ailleurs permis de rappeler à ceux qui ne se souviendraient des territoires ultramarins qu’en période de campagne électorale que nos concitoyens d’outre-mer ne se sont pas résignés, eux, aux inégalités et à la pauvreté.

Chacun se souvient du mouvement social sans précédent qui a mobilisé les Guyanaises et les Guyanais au printemps dernier et qui a trouvé un terme provisoire avec la signature d’un plan d’urgence chiffré à 1, 86 milliard d’euros, dont 250 millions d’euros pour construire cinq lycées et dix collèges en cinq ans.

Dans un tout autre domaine, les ouragans Irma et Maria, qui ont provoqué le déplacement de près de 7 000 personnes, devraient nous faire prendre conscience de l’urgence qu’il y a à agir tant pour réduire les risques que pour anticiper les migrations liées au dérèglement climatique.

Permettez-moi également, mes chers collègues, de vous conseiller la lecture des avis récemment publiés par la Commission nationale consultative des droits de l’homme dans le cadre d’une étude sur l’effectivité des droits de l’homme dans les outre-mer.

Dans l’avis relatif à la pauvreté et à l’exclusion sociale du 2 septembre 2017, cette commission rappelle à juste titre que les droits de l’homme sont indivisibles et que l’extrême pauvreté constitue, en elle-même, une violation des droits fondamentaux. Droit à un logement salubre et sûr, droit à une éducation de qualité, droit à une bonne alimentation, droit à vivre dans un environnement sain ou encore accès à la justice et à la santé : ces droits ne sont, bien entendu, pas tous effectifs en métropole – il reste beaucoup à faire –, mais, dans les territoires ultramarins, la situation est tout à fait alarmante et des mesures spécifiques doivent être prises immédiatement !

Au regard de ce que je viens d’évoquer, la question qui se pose est de savoir si les crédits qui nous sont soumis aujourd’hui sont à la hauteur des enjeux. La réponse est évidemment et malheureusement négative. C’est pourquoi le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera contre.

Notre collègue Nassimah Dindar, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, parle à juste titre de « budget de transition », le Gouvernement s’étant engagé à s’appuyer, pour la détermination des priorités des prochains projets de loi de finances, comme pour un éventuel nouveau cycle de réformes, sur les constats et propositions qui ressortiront du Livre bleu outre-mer qui sera produit à l’issue des Assises des outre-mer ouvertes le 4 octobre dernier. Malheureusement, la situation est telle, s’agissant des outre-mer, que le statu quo budgétaire, dans l’attente de nouvelles orientations et de nouvelles réformes, n’est pas acceptable.

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