Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 7 décembre 2017 à 15h00
Loi de finances pour 2018 — Outre-mer

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon :

Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, j’aime les outre-mer et je suis honoré d’avoir été désigné pour présenter les observations de mon groupe sur les crédits de cette mission. Ceux qui me connaissent savent l’intérêt que je porte à ces territoires ; j’y suis allé souvent, toujours avec un plaisir immense, toujours avec des inquiétudes fortes. Mes chers collègues ultramarins, je tiens tout particulièrement à vous saluer, car vous relayez avec toujours beaucoup de dignité, de constance et de responsabilité les préoccupations des populations que vous représentez.

Les défis auxquels sont confrontés nos territoires ultramarins sont immenses. Il suffit de penser, pour s’en convaincre, aux paysages apocalyptiques de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy après le passage de l’ouragan Irma, aux mouvements populaires en Guyane, qui ne peuvent pas ne pas nous inquiéter. Nous constatons partout une forme de fatigue, de la consternation, un sentiment d’abandon. Il faut réagir !

Nos territoires ultramarins sont en effet plongés dans une situation économique et sociale sérieuse. Dans certains d’entre eux, le taux de chômage est extrêmement élevé. Les jeunes, incarnation du futur de ces territoires, sont le plus durement touchés par le chômage, sont désœuvrés. Le PIB par habitant est parfois scandaleusement bas, notamment en Guadeloupe et à Mayotte ; il est trois ou quatre fois plus élevé en métropole.

L’État fait pourtant des efforts importants, ce n’est pas discutable, pour aider ces territoires. Outre les crédits de la mission « Outre-mer », quatre-vingt-huit programmes de vingt-neuf autres missions contribuent au financement de l’accompagnement des territoires ultramarins, pour un effort total de 21 milliards d’euros en 2018. À l’instar de la rapporteur pour avis, notre groupe regrette cet éclatement des crédits et appelle à une unification de la structure budgétaire de ces engagements.

Depuis le mois de mai dernier, le Gouvernement a engagé une politique de rationalisation de ses dépenses ultramarines en matière d’exonérations de cotisations sociales. Elles représentent plus de la moitié des dépenses de la mission, ce qui nous conduit à saluer cette entreprise.

Les territoires ultramarins peuvent être de formidables acteurs dans la conduite des expérimentations publiques : îles alimentées à 100 % par des énergies renouvelables, laboratoire de prise en charge des personnes âgées, réforme de la politique portuaire et de la surveillance des pêches, etc. Les deux passionnantes tables rondes sur la biodiversité dans les outre-mer, menées par Michel Magras au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, en attestent : quantité d’expérimentations ont lieu en outre-mer, et il faut les prendre en compte.

D’ailleurs, madame la ministre, les prochaines assises des outre-mer devront définir avec précision une feuille de route pour avancer sur ces projets. Elles devront incarner l’espérance et amorcer un renouveau.

Plusieurs situations appellent malheureusement une réaction rapide des pouvoirs publics et me conduisent à interpeller le Gouvernement, comme l’a fait avec beaucoup de détermination Mme Assassi. Je pense à la situation sanitaire – le taux de mortalité infantile est un véritable scandale, comparé à celui de la métropole –, à l’essoufflement du système hospitalier sous la pression de problèmes migratoires à Mayotte, à la situation immobilière, avec une insalubrité critique et une situation préoccupante pour près de 150 000 personnes.

Le constat est souvent terrible. Les engagements financiers sont insuffisants pour résoudre ces problèmes. Que permettront de faire quelque 3, 9 millions d’euros destinés au financement du domaine sanitaire et social, quand les territoires ultramarins sont au bord du gouffre ? Comment justifier la diminution des crédits de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, alors que le Gouvernement promet d’insuffler une nouvelle dynamique aux déplacements dans ces territoires et de lutter contre les inégalités territoriales ?

Enfin, comment s’attaquer au problème du logement tout en diminuant les crédits de la ligne budgétaire unique ? En commission des affaires sociales, Viviane Malet a rappelé que les crédits consacrés au logement ultramarin baisseront de 10 % en 2018, alors même que les populations ultramarines attendent un accompagnement renforcé en matière d’habitat. Il faut donc envisager le recours à d’autres outils, par exemple à la défiscalisation comme incitation à la construction de nouveaux logements.

Une mesure, cependant, nous donne espoir. Nous nous félicitons que les objectifs du service militaire adapté pour 2017 aient été atteints et que ce budget soit sanctuarisé jusqu’en 2025. C’est un outil fondamental pour assurer le suivi et l’accompagnement des jeunes ultramarins en situation d’échec scolaire ou en grande difficulté. La poursuite de ce programme est essentielle pour l’avenir de ces territoires.

Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le groupe Les Indépendants – République et Territoires s’abstiendra sur les crédits de cette mission et accordera une attention toute particulière aux Assises des outre-mer, auxquelles nous aimerions pouvoir participer pour dire notre détermination. Elles seront déterminantes pour l’avenir de notre relation avec ces territoires ultramarins. Certains ont parlé d’un budget de transition ; nous espérons que ces assises permettront d’assurer dans de bonnes conditions une transition intelligente, qui redonne de l’espoir à ces territoires.

« Ma puissance d’espérance est mon seul capital », écrivait Baudelaire à sa mère. Cette formule vaut aujourd’hui pour les outre-mer. C’est leur puissance d’espérance dans la République qui leur permet de croire en un avenir meilleur. Notre abstention est tout à la fois bienveillante et vigilante.

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