Madame la présidente, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour 2018 est l’occasion, pour les élus ultramarins, d’insister sur les actions prioritaires à retenir pour nos territoires. Dans cet esprit, je mettrai l’accent sur plusieurs points qui me tiennent à cœur.
Si d’autres orateurs avant moi ont rappelé les singularités de nos outre-mer, j’insisterai naturellement, quant à moi, sur le cas de La Réunion, où le chômage est un fléau chez les jeunes, mais frappe aussi les seniors. Or ces derniers sont les grands oubliés de ce projet de budget ! Pourtant, la situation de ce public peu ou pas qualifié, peu mobile et très éloigné du marché du travail va encore se dégrader du fait de la baisse drastique du nombre de contrats aidés, alors même qu’un récent arrêté préfectoral plaçait les seniors au cœur des publics éligibles aux contrats uniques d’insertion et leur accordait le bénéfice de mesures dérogatoires s’agissant de la durée maximale de l’aide à l’insertion professionnelle.
Madame la ministre, nous nous devons d’apporter à tous les solutions qu’ils attendent pour faire tomber les obstacles qui les tiennent éloignés de l’emploi. Les moyens mobilisés dans cette mission devraient permettre de répondre à cet enjeu.
J’évoquerai maintenant le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », et plus particulièrement le logement.
Je déplore que les crédits affectés au logement soient en diminution. Les autorisations d’engagement de l’action n° 1 baissent de 8 %, soit 20 millions d’euros, alors même que la demande est importante, du fait notamment de la pression démographique, de la forte proportion de familles monoparentales et des disponibilités foncières contraintes.
Au-delà des chiffres, il faut penser aux familles. Être propriétaire de son logement est au cœur du projet d’une vie. L’accession à la propriété est un enjeu primordial de la politique du logement, et il nous appartient d’aider les ménages qui le souhaitent à devenir propriétaires.
Ce parcours prend une forme singulière dans nos territoires. Ainsi, à La Réunion, il est fréquent que les parents cèdent une partie de leur bien à leurs enfants ou petits-enfants, qui doivent continuer à être aidés à la fois par la solidarité intergénérationnelle et par les opérateurs sociaux pour faire construire un logement de type LES. Je ne peux donc que m’inquiéter de la baisse de 13 millions d’euros des crédits destinés à l’accession à la propriété, lesquels ne s’élèvent plus qu’à 7 millions d’euros, contre 20 millions d’euros en 2017. Cela pénalisera fortement les plus modestes.
Dans les outre-mer, il faut l’avoir à l’esprit, cette mesure va anéantir des projets de vie, en excluant de nombreux emprunteurs. En outre, elle fragilisera encore plus le secteur du bâtiment en affectant les programmes de construction, alors que seule une politique de construction soutenue améliorera les conditions de logement et d’existence des Ultramarins.
De même, je déplore la chute du budget des aides à l’amélioration de l’habitat privé, ainsi que la baisse des aides pour la résorption de l’habitat insalubre, alors que les populations des outre-mer sont confrontées à des conditions de logement parfois très dégradées. Le budget baisse de 80 % ! Un tel choix est extrêmement regrettable…
J’en viens aux enjeux en termes de développement durable et de préservation de l’environnement dans nos territoires.
Y faire face passe par le développement de méthodes d’économie circulaire sur des territoires, souvent insulaires, dont les différences doivent être prises en compte dans la définition des orientations nationales. Or les hausses programmées de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, vont grever lourdement les budgets des collectivités ultramarines, déjà mis à mal par les différentes réformes fiscales et la baisse des dotations de l’État.
Par ricochet, le développement des méthodes vertueuses de gestion des déchets se trouvera entravé. Or les territoires d’outre-mer doivent pouvoir réaliser les équipements indispensables au traitement des déchets, des équipements adaptés au contexte insulaire et à l’éloignement géographique de l’Hexagone et de l’Europe. Il s’agit de créer des outils de valorisation efficaces et de contribuer à l’émergence de filières de recyclage vecteurs d’emplois.
Actuellement, 75 % des déchets ménagers produits sur le territoire réunionnais sont enfouis, alors que l’enfouissement est le mode de traitement le plus critique, et 90 % des déchets triés sont exportés pour être recyclés en Asie ou en Afrique.
Il est donc important, madame la ministre, de s’attacher à préserver d’une fiscalité pénalisante des territoires comme La Réunion, afin de leur donner le temps de rattraper leur retard dans la mise en œuvre des outils multifilières indispensables. Tel était le sens de l’amendement que j’avais déposé sur la première partie du projet de loi de finances pour 2018 et qui a été adopté par le Sénat le 25 novembre dernier. Je demande donc que le volet « écologie et transition énergétique » des Assises de l’outre-mer permette la poursuite des travaux sur ce sujet.
En ce qui concerne nos jeunes, enfin, la hausse du budget du SMA doit être soulignée, car cette structure est utile à plus de 6 000 d’entre eux chaque année et permet une insertion de 80 % des volontaires. Mais pourquoi réduire, dans le même temps, les financements de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité ? Il faut avoir présentes à l’esprit les difficultés des jeunes ultramarins pour se former et s’insérer professionnellement hors de leur département d’origine. C’est l’ouverture vers l’extérieur de nos jeunes qui se trouvera affectée.
Pour conclure, je soulignerai la disparition des lignes budgétaires dédiées au financement du plan Kanner pour le développement des équipements sportifs en outre-mer. Il s’agit pourtant d’un enjeu important pour la jeunesse ultramarine.
Madame la ministre, les orientations budgétaires doivent intégrer les spécificités de nos territoires, qui font face à des défis de grande ampleur.
À mon sens, ce projet de budget ne répond pas aux attentes des habitants, qui souhaitent une meilleure prise en compte de leurs modes de vie et de leurs aspirations à plus d’égalité et de justice. Aussi ne pourrai-je pas voter les crédits de cette mission, marqués par une baisse de la ligne budgétaire unique et des crédits de la continuité territoriale.