Intervention de Jean Puech

Réunion du 22 janvier 2008 à 16h00
Statut de l'élu local — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean PuechJean Puech :

Cela remonte à plus de vingt-cinq ans : trente-trois ans très exactement ! Fraîchement élu président du conseil général, j'ai été félicité par le préfet, auquel j'ai demandé un collaborateur. Il m'a fallu presque pleurer pour l'obtenir, après m'être entendu dire qu'il ne fallait pas me tracasser, qu'on s'occuperait de tout... C'est ainsi que les choses ont commencé. Dans l'Aveyron, les services départementaux comptent maintenant 1 800 personnes. Certains départements emploient 4 000 à 5 000 personnes.

Pour ma part, je ne sais pas tenir deux pleins temps à la fois. Les journées ont vingt-quatre heures, et il n'y a pas d'inflation à cet égard ! Tous pétris de la même pâte humaine, nous devons très honnêtement en tirer les conclusions.

Il convient d'assurer aux exécutifs locaux un véritable régime statutaire adapté à leurs nouvelles responsabilités. Trop souvent, la pratique du cumul des mandats apparaît comme une réponse à la précarité du « statut » des titulaires de mandats électifs. Cette situation ne convient plus à une démocratie moderne.

Il pourrait être créé un régime statutaire - couverture sociale, formation, reconversion, rémunération... - mieux adapté pour les maires, les présidents de conseil général et de conseil régional qui exerceraient leurs fonctions à temps plein et même à temps partiel, pour aller vers une véritable professionnalisation de la fonction de l'élu.

Dans cette perspective, il conviendrait de modifier l'article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit encore que « les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites », alors que, pour nos concitoyens, convaincus que les élus locaux s'enrichissent, cette rectification a déjà eu lieu depuis longtemps !

Conforter la démocratie territoriale, c'est assurer aux élus des conditions satisfaisantes d'exercice de leur mandat et se préoccuper de l'après-mandat, c'est-à-dire susciter des vocations, en particulier dans la jeunesse, dans les divers milieux professionnels et chez tous les talents que l'on trouve dans la société.

Et là, le rôle des associations d'élus apparaît incontournable. On estime que nous assisterons, à l'occasion des élections municipales et cantonales de mars prochain - vous devez avoir quelques données à ce sujet, madame le ministre - à un très important renouvellement, plus que les fois précédentes en tout cas.

Ne nous y trompons pas : les informations qui nous parviennent du terrain traduisent la réelle difficulté, dans de très nombreuses communes, à trouver des candidats représentatifs de la composition de notre société.

Il faut susciter des vocations. L'État et les collectivités locales doivent accompagner les actions de communication mettant en valeur la place des élus locaux dans la vie de la cité.

Il importe que l'État poursuive ses tentatives de réforme et de modernisation. Il ne peut le faire qu'en tenant compte de ses partenaires. Cette réforme, il doit la conduire en étroite concertation avec les collectivités territoriales. On décentralise, ce qui suppose qu'on déconcentre. Il faut que cela aille de pair, et il faut discuter.

Par ailleurs, il convient de renforcer les passerelles entre la fonction publique de l'État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière - l'exercice n'est pas interdit, mais quasiment inédit - pour permettre la valorisation des métiers, la mobilité et la promotion des agents tout au long de leur carrière. Une période de mobilité, en cours de carrière, entre les trois fonctions publiques pourrait être rendue obligatoire dans tous les statuts et pour toutes les catégories.

On pourrait même aller plus loin : l'École nationale d'administration et l'Institut national des études territoriales pourraient, par exemple, avoir un « tronc commun », avec des spécialisations distinctes.

En fait, le rapprochement des fonctions publiques conditionne aussi le succès de la réforme de l'État et de la décentralisation.

Il convient que l'État respecte les nouveaux domaines d'attribution des collectivités territoriales.

Alors que les réformes engagées dans de nombreux pays européens ont eu pour effet de limiter drastiquement ses compétences sur le plan local, de réduire ses moyens d'action et, souvent, de supprimer même le pouvoir de tutelle - cela existe ailleurs -, il apparaît nécessaire, en France, que l'État, dans son action déconcentrée, tire toutes les conséquences des lois de décentralisation.

La décentralisation, c'est la décentralisation, et la déconcentration, c'est la déconcentration. La décentralisation, ce n'est pas la délégation des compétences, qui reviendrait facilement, si l'on n'y prenait garde, à faire de l'État le décideur, alors que les collectivités locales seraient les débitrices. À cet égard, il nous faut à mon avis être très attentifs et extrêmement clairs.

La mise en place d'un nouveau statut pour les élus est indissociable d'une relance de la démocratie locale, base de notre système républicain et de son esprit citoyen.

Les possibilités offertes par la réforme constitutionnelle de 2003, qui a fait de la France, rappelons-le, « une République décentralisée », sont loin d'avoir été toutes utilisées. Je vous en épargnerai ce soir l'inventaire.

Force nous est de mesurer que nous avons tout de même avancé. De grands espoirs sont nés du nouvel élan donné au mouvement de décentralisation sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin, fort de sa grande expérience du terrain et d'une véritable volonté de mise en oeuvre. Je suis heureux de le féliciter. En effet, on se rend compte que, pour faire bouger les choses, il lui a fallu beaucoup de détermination et de compétences. Cela représentait un travail tout à fait considérable.

Nous pensions alors que le processus engagé était irréversible. Mais l'actuelle conjoncture nous montre, mes chers collègues, que la décentralisation est loin d'être acquise une fois pour toutes.

La culture jacobine, les pesanteurs administratives et les réflexes centralisateurs regagnent bien vite du terrain lorsque la volonté politique semble s'estomper. C'est un euphémisme que de le souligner entre nous, la décentralisation n'a été au centre de la campagne de 2007 en vue de l'élection présidentielle pour aucun des candidats : on n'a pratiquement pas parlé de cet aspect des choses. La volonté de réforme et de rupture des Français s'est pourtant nettement affirmée à l'occasion des scrutins des 22 avril et 6 mai 2007.

Notre République décentralisée devrait profiter de ce contexte réformateur pour approfondir son processus de décentralisation.

Je souhaite préciser que la France décentralisée d'aujourd'hui, si elle veut avancer, ne peut plus s'en remettre aux seules commissions d'experts, si éminents soient-ils. Il ne s'y trouve souvent aucun élu du suffrage universel pour décider de l'avenir de son organisation territoriale ! Vous voyez, j'imagine, à quelle commission je fais allusion...

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