Intervention de Philippe Adnot

Réunion du 7 décembre 2017 à 22h10
Loi de finances pour 2018 — Recherche et enseignement supérieur

Photo de Philippe AdnotPhilippe Adnot :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, près de 60 % des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sont consacrés à l’enseignement supérieur.

Au préalable, je souligne que les crédits de la mission inscrits dans le budget triennal pour les années 2018 à 2020 progressent moins rapidement que l’ensemble des dépenses du budget général. Je m’interroge sur cette absence de priorité, sachant que le niveau élevé et croissant des charges à payer de cette mission, depuis 2010, me conduit déjà à douter de la soutenabilité budgétaire de la mission…

Les crédits du bloc « enseignement supérieur » se caractérisent par une certaine rigidité. En effet, près de 80 % de cette dépense sont constitués des subventions versées aux opérateurs pour charges de service public. Je centrerai donc mon propos sur plusieurs éléments saillants, sur lesquels je souhaite, madame la ministre, appeler votre attention.

Le premier point porte sur le plan Étudiants, présenté le 30 octobre dernier. Ce plan traduit une certaine ambition, dont nous vous félicitons ; un montant d’un milliard d’euros devrait ainsi accompagner sa mise en œuvre durant le quinquennat.

Toutefois, seulement 1, 5 % de ce montant est prévu pour 2018 ; cela me paraît trop faible pour concrétiser, dès la rentrée prochaine, l’application des nouvelles orientations. En outre, cette faiblesse contraste avec la rapidité ayant présidé à sa définition. Sans doute, madame la ministre, pourrez-vous nous préciser comment le Gouvernement entend réussir la rentrée 2018-2019.

Au-delà de l’accompagnement financier, seule la mise en place d’une professionnalisation de l’orientation, avec un module de plusieurs semaines, permettra de couronner cette réforme de succès.

Le deuxième point porte sur la situation budgétaire de certaines universités, qui se servent des attributions d’emplois comme variable d’ajustement pour équilibrer leurs budgets. Plus que jamais, il me paraît urgent que des mesures de rattrapage soient engagées pour les universités sous-dotées.

Au reste, cette question se pose dans un contexte particulier.

D’abord, les universités sont très inquiètes quant à la remise en cause des fonds de la taxe d’apprentissage et de leur accès à cette taxe.

Ensuite, une nouvelle expérimentation de dévolution immobilière sera conduite l’an prochain. Or aucune dotation initiale n’est prévue. Je soutiens la reprise de la dévolution immobilière, gage de l’autonomie des universités, mais il importe de ne pas précipiter le mouvement sans s’assurer que les universités concernées sont effectivement en mesure d’entretenir leur parc.

S’agissant des ressources des universités, je considère que les frais d’inscription pourraient être sensiblement relevés, en particulier pour les étudiants étrangers. Il est éclairant de constater que les droits de scolarité ne représentent qu’une part marginale des ressources des universités – moins de 3 %. Un relèvement de ces droits permettrait d’améliorer qualitativement l’accueil des étudiants, donc notre attractivité pour faire venir les meilleurs étudiants du monde entier.

Le troisième point porte sur les établissements d’enseignement supérieur privé. Je reviendrai sur leur situation financière fragilisée lors de la présentation de l’amendement adopté par la commission des finances.

Je souhaiterais toutefois, madame la ministre, que vous nous précisiez comment le Gouvernement compte assurer l’accompagnement de ces établissements. En effet, le Gouvernement s’était engagé à clarifier leur situation à travers la qualification d’établissement d’enseignement supérieur privé d’intérêt général, ou EESPIG.

Or, compte tenu des entrées et sorties dans cette qualification qui sont prévues en 2018 et des soutiens budgétaires que les établissements se sont vu garantir, il sera difficile de respecter la parole de l’État. En effet, il est prévu que cinq établissements ne soient pas qualifiés EESPIG et sortent « en sifflet » sur le plan de leurs financements, quand huit à dix autres établissements, auxquels on a garanti qu’ils seraient pris en compte, entreront dans le dispositif. En l’état, les crédits budgétaires conduiront donc à une impasse.

Le quatrième point porte sur les crédits destinés à la vie universitaire, le programme 231. Ces crédits paraissent stables par rapport à 2017. Je relève cependant que cette stabilité repose, en réalité, sur la diminution des crédits finançant l’aide à la recherche du premier emploi.

Derrière cette stabilité en trompe-l’œil, les crédits du programme 231 se caractérisent par un fort dynamisme, porté principalement par les facteurs de hausse continue de l’enveloppe dévolue aux bourses.

Dans un contexte budgétaire contraint, il importe plus que jamais de s’interroger sur le dynamisme des dépenses. À cet égard, une réflexion sur le contrôle des bourses et de l’assiduité des étudiants devrait être conduite. Je me permets, madame la ministre, de vous signaler les recommandations que j’ai formulées à l’occasion d’un rapport d’information en 2016 sur ce sujet. Elles restent d’actualité et offrent des solutions afin de concilier l’utilité de ce soutien à la poursuite des études et le nécessaire contrôle qui doit les régir.

Avant de laisser mon collègue vous livrer son analyse des crédits consacrés à la recherche, je soulignerai le rôle de la recherche universitaire. Près de 4 milliards d’euros lui sont destinés. L’enjeu crucial pour améliorer l’efficacité de cette recherche est d’agir sur le transfert de ses résultats, afin de mieux valoriser les efforts en la matière.

C’est tout le sens du travail que j’ai conduit cette année sur les sociétés d’accélération du transfert de technologies, les SATT. J’espère, madame la ministre, que cette étude inspirera votre action, afin de renforcer l’efficacité de l’action des SATT et de parvenir à une meilleure valorisation de la recherche universitaire.

Avant de conclure, madame la ministre, je veux souligner l’enjeu crucial de la réforme que vous souhaitez engager pour mieux réussir l’orientation et la répartition des étudiants à leur entrée à l’université. Il y va de l’avenir de nos jeunes, à qui l’on doit arrêter de mentir en les laissant s’entasser dans des filières sans avenir. Il y va aussi d’une meilleure utilisation de l’argent public, donc d’une amélioration des performances de notre enseignement supérieur.

Soyez assurée, madame la ministre, que vous nous trouverez à vos côtés pour conduire cette réforme, qui, je le crois, est sûrement l’un des enjeux majeurs de notre société. En conclusion, la commission des finances a adopté les crédits de votre budget.

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