Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon intervention portera sur les crédits de la mission consacrés à la recherche.
Permettez-moi, pour commencer, d’exprimer un certain scepticisme – rassurez-vous, cela ne va pas durer –, celui que m’inspire la présentation de ce budget, son manque de souplesse et son manque de vision interministérielle. En fait, on se rend compte, à la lecture de ce budget, que celui-ci se prête peu à l’amendement et que les données qui nous sont fournies ne peuvent aisément être utilisées par le Parlement.
J’en viens, madame la ministre, à l’analyse des crédits proprement dite.
La somme des budgets des programmes « Recherche » atteindra 11, 5 milliards d’euros en autorisations d’engagement, ou AE, et en crédits de paiement, ou CP, en 2018, ce qui représente une hausse de 394, 4 millions d’euros en AE et, surtout, de 512, 3 millions d’euros en CP par rapport aux crédits votés par le Parlement en loi de finances pour 2017. Ces hausses de crédits sont significatives, en dépit d’un contexte que nous savons tous très difficile et contraint.
De fait, il était temps que la recherche soit considérée comme un budget prioritaire, au même titre que ceux de la sécurité, de la justice ou de l’éducation, car elle constitue la dépense d’avenir par excellence.
Le montant total des crédits alloués aux programmes qui dépendent du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, c’est-à-dire les programmes 172, « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193, « Recherche spatiale », s’établira en 2018 à 8 345, 9 millions d’euros en AE et 8 391, 8 millions d’euros en CP, soit une forte hausse, de 4, 4 % en AE et de 6 % en CP, par rapport à 2017. Il s’agit là d’un effort considérable. Les crédits de ces programmes seront donc abondés de façon significative pour la deuxième année d’affilée.
En ce qui concerne les subventions pour charges de service public destinées à financer les moyens généraux des organismes de recherche dépendant du ministère – notamment le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, CEA et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM –, je me félicite que la compensation de la hausse de la CSG pour les chercheurs, point sur lequel m’ont alerté tous les directeurs des organismes que nous avons auditionnés, ait fait l’objet d’un abondement en seconde délibération à l’Assemblée nationale.
Un autre élément m’a interpellé lors des auditions que j’ai menées : l’importance du recours aux contrats à durée déterminée dans ces organismes de recherche, qui risque, à court terme, de nous poser un problème social assez important. Nous devons y être attentifs. Il paraît difficile de demander aujourd’hui à nos chercheurs de très haut niveau, voire d’excellence, de se consacrer pleinement à leur métier, qui est aussi leur passion, dans des conditions que l’on peut considérer comme précaires.
Le troisième fait saillant dans les programmes du ministère de la recherche est l’effort budgétaire très important qui sera consenti en 2018 en faveur des très grandes infrastructures de recherche et des organisations internationales relatives à la recherche.
Je pense notamment à la hausse des financements destinés à l’Agence spatiale européenne, qui porte le très important projet Ariane 6, à l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, au réacteur thermonucléaire expérimental international et à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques. Madame la ministre, le Gouvernement s’est incontestablement attaché, cette année, à améliorer la sincérité du budget de la recherche sur ce point.
En revanche, les autres programmes de la mission, qui ne dépendent pas du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, verront, pour la plupart, leurs moyens stagner, voire diminuer en 2018.
On note deux exceptions à cette tendance morose : le programme 142, « Enseignement supérieur et recherche agricoles », qui verra ses crédits augmenter de 2 %, afin notamment de répondre aux besoins des filières agricoles en cadres de haut niveau, et le programme 190, « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », qui bénéficiera de la budgétisation des crédits de recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile qui figuraient, jusqu’en 2016, par les deux premiers programmes d’investissement d’avenir, pour un montant de 135 millions d’euros en autorisations d’engagement.
Le fait que l’État apporte de nouveau une aide précieuse à un secteur décisif pour l’avenir de notre industrie, après le « trou d’air » de 2017 – si vous me permettez ce jeu de mots –, constitue une excellente nouvelle.
J’ajoute que l’aggravation du déficit du commerce extérieur est de moins en moins marquée. Cette détérioration est en grande partie due aux importations de matériel aéronautique. Il est très paradoxal d’entendre que nous devons être encore plus performants quand nous avons la fierté de voir la qualité de nos programmes d’investissement saluée par Airbus et même par l’aviation militaire.
J’en viens à présent au sujet de l’Agence nationale de la recherche, l’ANR, et du financement de la recherche par projets.
Dans son rapport de juillet dernier, mon prédécesseur Michel Berson avait montré que la baisse drastique des crédits de l’ANR survenue au début du quinquennat précédent avait eu des conséquences catastrophiques, avec un taux de succès atteignant difficilement 11 % en 2015.
Le précédent gouvernement avait fait un effort. On constate, cette année, un effort chiffré qui ne peut qu’aller dans le sens du renforcement de l’ANR. C’est une bonne chose.
Peut-on pour autant considérer que l’objectif que s’est fixé le nouveau Président de la République, à savoir redonner à l’ANR des moyens dignes de ceux de ses homologues étrangers, est atteint ? Je ne le pense pas. Globalement, on devrait pouvoir financer jusqu’à 25 % de ses projets. C’est peut-être un maximum, mais c’est un objectif digne d’une agence comme l’ANR.
En ce qui concerne les financements européens, les premiers chiffres du programme-cadre « Horizon 2020 » pour la recherche en Europe tendent à montrer que le recul de la France en matière de recherche au niveau européen s’amplifie.
Si l’Allemagne et la Grande-Bretagne obtiennent traditionnellement plus de financements européens que notre pays, la France est désormais rattrapée par les Pays-Bas et par l’Espagne. Notre pays gagnerait donc à s’enrichir des expériences étrangères.
En l’an 2000, il avait été décidé que l’effort de recherche de chaque État membre de l’Union européenne devrait atteindre 3 % du PIB en 2020. À ce jour, ce taux s’élève, dans notre pays, à 2, 15 %.
Voilà, madame la ministre, ce que je pouvais vous dire en sept minutes, sachant que j’ai dû élaguer une grande partie de mon propos. Comme l’a déjà indiqué Philippe Adnot, la commission a émis un avis favorable sur ces crédits.