Une chose est sûre : personne ne pouvait accepter que perdure le tirage au sort effectué cet été encore pour attribuer des places dans quelques filières sous tension. Comment expliquer en effet à un bachelier ayant obtenu une mention « très bien » que sa candidature n’a pas été retenue, au bénéfice d’un camarade moins méritant ?
Sur la forme, madame la ministre, vous aurez sans doute contenté un certain nombre d’internautes en leur laissant choisir le nom – ParcourSup – de la prochaine procédure d’admission dans le supérieur. Au-delà de cet exercice participatif et, disons-le, quelque peu accessoire, le nouveau système proposé, pour ce que l’on en sait, c’est-à-dire pas grand-chose, inquiète les différentes parties concernées, alors que le calendrier s’annonce des plus serrés.
Il inquiète les élèves de terminale, qui n’ont que très peu d’informations sur les modalités de formulation des vœux, sur les conséquences de l’absence de classement de ces vœux et, in fine, sur la décision des établissements d’accueil.
Il inquiète également les professeurs et proviseurs de lycées, qui auront la lourde tâche, dans quelques semaines, d’expliquer le fonctionnement de la nouvelle plateforme aux élèves et à leurs parents.
Il inquiète enfin les établissements de l’enseignement supérieur, qui peinent parfois à recruter suffisamment d’étudiants. Je pense ici aux classes préparatoires, que je connais bien, puisque, il y a encore deux mois, j’enseignais au sein de l’une d’elles.
En remplaçant l’algorithme de tri d’APB par un algorithme de temps, certaines de ces classes, parmi les moins prestigieuses, devront attendre fébrilement les réponses positives des futurs bacheliers, sans aucune visibilité sur leurs effectifs à la rentrée. J’y vois une menace sur le maintien de cette spécificité française, qui conditionne les parcours d’excellence que nombre de pays nous envient.
Sur le fond, la procédure ne sera pleinement efficiente que si les places offertes dans l’enseignement supérieur correspondent à un réel besoin pour notre pays. On peut évidemment concevoir que le souhait de chaque candidat soit une composante essentielle, mais le rôle des gouvernants est d’avoir une vision globale et de fixer le cap.
Il faut donc en finir avec le sacro-saint droit à l’université pour tous. Bien sûr, il y a des parcours scolaires atypiques ; bien sûr, il faut laisser la place au droit à l’erreur d’aiguillage. Mais cessons de nier l’évidence des inscriptions fantaisistes au sein de nos universités ! Vous avez fait un pas en suggérant – que dis-je, en susurrant ! – que des attendus pourraient être exigibles à l’entrée à l’université. La sémantique a été soignée pour éviter même le terme de prérequis…
Pour ma part, je considère que la sélection n’est pas une vilenie, que cela constitue même un service à rendre à tous ceux qui subissent deux ou trois années d’échec. Tout cela a un coût important, de 10 000 euros par étudiant, que vous n’ignorez évidemment pas. En ces temps de recherche d’efficience budgétaire, il est de votre responsabilité de mener cette réflexion jusqu’au bout.
Une autre mesure régulièrement repoussée, parfois pour de bonnes raisons, souvent par dogmatisme, consisterait à revaloriser les droits d’inscription. Là aussi, j’ai noté sur ce sujet récurrent une certaine convergence au sein de la commission des finances. Il y va de la compétitivité de nos universités, qui peinent aujourd’hui à rivaliser sur le plan mondial. L’autonomie ne suffit pas, il faut permettre aux universités d’avoir les moyens de leurs ambitions.
Une telle hausse des droits d’inscription devrait, bien sûr, s’accompagner d’une augmentation compensatrice des bourses sur critères sociaux pour les familles modestes. Elle ne devra pas être un prétexte, pour l’État, à se désengager. Peut-être pourriez-vous, madame la ministre, clarifier la position du Gouvernement sur ce point ?
Enfin, le Gouvernement a annoncé une réforme du baccalauréat. Je forme le vœu que celle-ci soit ambitieuse, pour redonner de la valeur à ce premier diplôme de l’enseignement supérieur. L’un de mes collègues du lycée où j’enseignais avait ce bon mot pour décrire la situation actuelle de cette évaluation : « Il ne faut jamais sous-estimer la capacité du bac à se faire avoir ». Au-delà de la boutade, cette formule traduit le mal-être profond de certains professeurs.
En diluant les enseignements, en multipliant les options obligatoires ou facultatives, on a donné la possibilité d’obtenir le baccalauréat sans valider ses connaissances dans les matières fondamentales. Pis, aucun contrôle d’assiduité ne vient réellement faire obstacle à certains élèves, qui, en dépit d’absences injustifiées répétées, peuvent se présenter aux épreuves et obtenir ce sésame pour l’enseignement supérieur.
Un enseignement de qualité ne peut être dispensé que par des professeurs motivés et convaincus de l’utilité de leurs cours. J’espère que ce modeste témoignage pourra trouver un écho dans la réflexion qui sera menée pour réformer cette institution. Puissions-nous éviter, cette fois, un nivellement par le bas !
Madame la ministre, réformer l’enseignement supérieur pour permettre une meilleure orientation et une meilleure réussite des étudiants est une belle ambition, que nous partageons. Un grand chantier a débuté avec le plan Étudiants, pour lequel vous avez augmenté les crédits de la MIRES, la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur, que nous votons aujourd’hui.
Pour l’exercice budgétaire à venir et les suivants, nous serons vigilants et veillerons à ce que leur utilisation réponde de manière effective aux enjeux majeurs auxquels nous devons répondre, dans l’intérêt de notre jeunesse.