Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du 7 décembre 2017 à 22h10
Loi de finances pour 2018 — Recherche et enseignement supérieur

Frédérique Vidal :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà quelques semaines, au cours de mon audition devant la commission de la culture, j’ai eu l’occasion de présenter l’état d’esprit dans lequel j’ai travaillé pour l’élaboration de ce budget.

La première de mes priorités a été de rétablir la sincérité de la programmation budgétaire. Comme nombre de nos concitoyens, j’ai pris toute la mesure des questions soulevées par la loi de finances pour 2017 lors de la publication du rapport de la Cour des comptes. C’était malheureusement trop tard pour reconnaître au Sénat le mérite d’avoir mis en évidence la sincérité parfois discutable de ce texte, mais assez tôt pour prolonger cette réflexion sur nos finances publiques et en tirer toutes les leçons.

Le budget de la MIRES qui vous est proposé pour 2018 est le produit de ce travail, lequel nous a conduits à apporter des réponses à ces deux questions : comment rétablir la sincérité des crédits inscrits dans le budget ? Comment traduire sur le plan budgétaire la politique du Gouvernement en matière d’enseignement supérieur et de recherche ?

Vous le savez, le soutien à nos établissements d’enseignement supérieur et à nos laboratoires fait partie des priorités cardinales du Gouvernement, qui a placé au cœur de son action la construction de notre avenir commun. C’est pourquoi ce projet de budget prévoit une forte hausse des crédits relevant du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Ces crédits progressent de plus de 700 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, en s’établissant à 24, 5 milliards d’euros. La MIRES, dans son ensemble, disposera de 27, 7 milliards d’euros, hors intérêts de la dette. C’est donc le troisième poste budgétaire de notre nation.

C’est un effort considérable qui est ainsi fait au service de la préparation de notre avenir, de celui de notre jeunesse au travers de notre enseignement supérieur, mais aussi de celui du pays tout entier, qui se nourrit des progrès de la recherche et de leur diffusion rapide, par l’enseignement et l’innovation.

C’est également un budget stratégique, qui finance l’effort de la Nation en matière spatiale et contribue ainsi au rayonnement international de notre pays.

Nos concitoyens sont sensibles à cet effort et aux défis posés par la recherche scientifique. L’aventure scientifique continue de susciter leur intérêt, que ce soit dans le domaine spatial ou, plus récemment, dans les domaines de l’informatique ou de l’intelligence artificielle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’évoquerai tout d’abord nos priorités budgétaires en matière de recherche. Elles sont simples. Nos universités et nos organismes ont besoin de visibilité pour déployer leur stratégie et entrer dans la compétition internationale.

Nous devons permettre à nos laboratoires de se projeter dans un temps long et dans un monde de plus en plus concurrentiel. C’est pourquoi nous avons choisi d’augmenter de plus de 500 millions d’euros les crédits consacrés à la recherche, ce qui, dans la période de tension budgétaire dont vous n’ignorez rien, est considérable – je sais, au regard de vos déclarations, à quel point vous y êtes sensibles.

Par ailleurs, nous voulons redonner de l’oxygène à nos chercheurs, qui souffrent depuis des années de financements insuffisants et des querelles doctrinaires opposant les partisans de la recherche sur projets et les défenseurs du financement récurrent. À ce débat, j’ai souhaité apporter une réponse claire : nous avons besoin des deux !

Une recherche financée intégralement sur projets serait perpétuellement fragile et soumise à tous les aléas de la conjoncture économique et scientifique ; des laboratoires financés sur des seuls crédits de base ne pourraient permettre l’émergence des idées neuves. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’amendement de M. Ouzoulias.

Sans préempter cette discussion, ma volonté, ainsi que celle du Gouvernement, est de financer ce qui fonctionne, donc de réaffirmer le soutien à la recherche dans son ensemble, 140 millions d’euros supplémentaires étant alloués à l’ANR.

Le budget de l’ANR sera ainsi porté à 750 millions d’euros. Et, afin d’améliorer le taux de sélection des appels à projets, sa capacité d’engagements sera portée à 706 millions d’euros, afin d’amorcer le retour vers un taux de sélectivité qui ne sera plus totalement contre-productif.

Par ailleurs, les instituts Carnot verront leurs crédits augmenter de 5 millions d’euros ; ils ont fait la preuve de leur efficacité pour établir des partenariats performants, équilibrés et fluides avec le monde économique. J’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises : c’est un modèle de financement de la recherche intéressant, qui mériterait d’être diffusé.

Toutefois, cela ne signifie pas que nous délaissons les crédits de base. Bien au contraire, nous avons pris une décision inédite dans la période récente : nous avons choisi de dégager quelque 25 millions d’euros en direction des laboratoires, afin d’augmenter les crédits de base. En effet, chacun connaît la réalité, dans les universités comme dans les organismes : les financements récurrents avaient tellement baissé que nos unités de recherche n’avaient plus les moyens de conduire un projet scientifique propre au long cours.

Ces 25 millions d’euros constituent une première respiration, qui, là aussi, devra être amplifiée, mais qui représente une rupture avec ce qui était devenu une forme de dogme : la réduction permanente des crédits de base au profit de la recherche sur projets.

En parallèle, nous travaillons à réduire les fragilités financières structurelles du secteur, en rétablissant au bon niveau les financements destinés aux très grandes infrastructures de recherche, qui sont l’un des fers de lance de notre science à l’échelle internationale. Là encore, trop longtemps, la programmation d’ensemble, scientifique et budgétaire, de ces projets n’a pas été suffisante, et ce sont les organismes de recherche qui étaient contraints de prendre en charge sur leurs budgets le poids issu du dérapage desdits projets.

Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de signaler l’effort important qui sera réalisé en 2018 pour mettre un terme à la sous-budgétisation chronique des organismes internationaux de recherche. Nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de l’action et des comptes publics, pour prévoir une augmentation des crédits : sur le long terme, ce sont près de 314 millions d’euros supplémentaires qui serviront à donner un surcroît de sincérité aux crédits budgétaires des organismes internationaux.

Concernant l’enseignement supérieur, vous le savez, 2018 sera une année tout à fait particulière, puisque nous mettrons en œuvre la réforme de l’orientation et de la réussite à l’université, qui constitue la colonne vertébrale du plan Étudiants que j’ai présenté, avec le Premier ministre et le ministre de l’éducation nationale, le 30 octobre dernier.

Ce plan Étudiants, le Gouvernement l’a construit afin de répondre à une double urgence : d’une part, le recours au tirage au sort pour l’accès à l’enseignement supérieur, qui a concerné en 2017 plus de 66 500 étudiants ; de l’autre, la lutte contre l’échec en premier cycle, auquel nous nous sommes finalement lentement habitués – j’en veux pour preuve les documents budgétaires eux-mêmes, au sein desquels le taux de réussite en licence en trois ans figure parmi les indicateurs de performance, avec une cible, à l’horizon 2020, de 30 %…

Aujourd’hui, nous sommes à 27 % de réussite. C’est de cette situation que nous devons sortir, en accompagnant nos étudiants vers la réussite, car ce taux d’échec est la chose la plus injuste socialement qui soit.

À cet égard, j’adresse mes remerciements anticipés à M. Grosperrin, qui sera le rapporteur du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, et je salue Guy-Dominique Kennel et Catherine Procaccia, dont les travaux, ces dernières années, ont inspiré largement les pages de ce texte qui sera examiné par le Sénat en février prochain.

L’ambition globale du plan Étudiants dépasse le simple cadre du projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants, et se ressent dans la physionomie de la MIRES, la mobilité internationale sortante de niveau master. Examiner le budget de la MIRES pour 2018, c’est donc déjà aborder la question de la mise en œuvre de ce plan.

Étant attentive aux travaux conduits notamment par le Sénat, permettez-moi de vous apporter d’emblée quelques garanties, afin de répondre à ceux qui ont pu, très récemment, mettre en doute la parole du Gouvernement devant la Haute Assemblée.

Ainsi, je rappelle que le Premier ministre a annoncé il y a cinq semaines un effort supplémentaire de plus d’un milliard d’euros, par rapport à un budget en croissance de plus de 700 millions d’euros.

Cet effort supplémentaire se décompose ainsi : 450 millions d’euros, d’abord, au titre du Grand plan d’investissement, afin de financer la transformation pédagogique du premier cycle de licence et de construire de nouveaux cursus personnalisés. Un premier appel à projets sur les nouveaux cursus universitaires a déjà ses lauréats et mobilise plus de 130 millions d’euros ; le second appel à projets vient d’être lancé aujourd’hui, pour une réponse dès le mois de mars prochain, afin de mobiliser à nouveau un peu plus de 100 millions d’euros au titre des dix-huit prochains mois.

Ont été alloués sur 2018-2022, ensuite, 500 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires afin de créer des places dans les filières de premier cycle en tension et dans les formations courtes professionnalisantes, notamment en BTS et en DUT. Cet effort permettra de créer des postes, de financer des heures d’enseignement supplémentaires et de reconnaître l’engagement pédagogique des enseignants et des enseignants-chercheurs.

Cet engagement s’est traduit dès cette année par une série d’amendements visant à financer à hauteur de 20 millions d’euros au total, l’effort étant réparti sur plusieurs ministères, les mesures budgétaires qui seront prises en 2018 pour la mise en œuvre de ce plan – ces crédits concernent le dernier tiers de l’année 2018.

Enfin, 100 millions d’euros supplémentaires seront rendus aux étudiants en pouvoir d’achat grâce à la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante dès 2018.

Jusqu’alors, les étudiants devaient payer 217 euros en plus chaque année au titre de l’assurance maladie, alors même qu’ils n’avaient, dans leur grande majorité, aucun revenu. C’était une anomalie ; elle sera corrigée, et les étudiants, tous les étudiants, y compris les étudiants internationaux bien sûr, bénéficieront d’une couverture gratuite et d’une qualité de service et d’accès aux soins nettement améliorée.

Le plan Étudiants n’épuise pas, tant s’en faut, la question du financement de notre enseignement supérieur, qui appelle quelques développements, afin que vous soient présentés les objectifs du Gouvernement en la matière pour l’année à venir.

Tout d’abord, j’ai souhaité nous sortir collectivement d’une mauvaise habitude, celle de dissimuler sous des budgets en hausse apparente diverses impasses budgétaires, qui venaient ronger peu à peu les marges de manœuvre réelles.

C’était particulièrement crucial pour l’enseignement supérieur, car, depuis plusieurs années, nos universités et nos grandes écoles doivent résoudre une quadrature impossible : d’un côté, la démographie étudiante est en hausse, on le sait depuis environ dix-huit ans ; de l’autre, les charges ne cessent d’augmenter, sous l’effet notamment du glissement vieillesse technicité, qui n’a pas été financé au cours des dernières années.

La conséquence de cette quadrature a été simple : là où les lois de finances affichaient des créations de postes, la réalité, dans les universités, était celle de l’utilisation des crédits supplémentaires pour couvrir la progression permanente des charges.

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