Intervention de Marc Laménie

Réunion du 6 décembre 2017 à 10h30
Loi de finances pour 2018 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo de Marc LaménieMarc Laménie :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, au risque de nuire au suspense, j’indique d’emblée que la commission des finances vous recommande d’adopter les 2, 5 milliards d’euros de crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Cette recommandation ne s’en accompagne pas moins d’un sentiment mitigé suscité par un projet de budget dont les équilibres sont critiquables sur des points cruciaux. J’en mentionnerai quelques-uns.

Première observation : l’effort financier au bénéfice des anciens combattants tend à se déformer dans le sens d’une accentuation de la part des avantages sélectifs aux dépens des prestations à caractère universel. Cette évolution pose un problème d’équité. Elle résulte notamment des dépenses fiscales. Celles-ci pèsent a minima 751 millions d’euros, soit 31 % des crédits de la mission, et devraient s’alourdir mécaniquement compte tenu de la perspective d’une augmentation de la CSG dont se trouvent exonérées plusieurs prestations versées aux anciens combattants.

Deuxième observation : cette accentuation de la sélectivité s’accompagne d’une sous-indexation chronique des interventions financées par la mission, qui renforce l’acuité des interrogations sur la distribution des transferts qu’elle met en œuvre. Le nombre des anciens combattants baisse, de l’ordre de 5 % par an. Les crédits de transferts baissent de 3, 1 %, soit un peu moins, mais ce décalage n’est dû qu’à l’extension en année pleine de revalorisations acquises les deux années précédentes. Il faut encore noter l’impact des deux mesures nouvelles formalisées dans les articles rattachés. Toutefois, avec 6, 5 millions d’euros, elles ne présentent pas les mêmes enjeux que le choix de ne pas indexer les différentes prestations, qui dégage une économie de plus de 23 millions d’euros.

Ma troisième observation se déduit de la précédente : le projet de budget adresse un signal négatif aux anciens combattants, celui d’une perte régulière de pouvoir d’achat des prestations qui leur sont adressées et, avec elle, celui d’une dévalorisation de la reconnaissance de la Nation envers eux. Le projet de loi de programmation des finances publiques et sa traduction triennale pour les anciens combattants prolongent cette inquiétude légitime. Il faut rapidement corriger cette impression.

Dans ces conditions, et c’est ma quatrième observation, il est indispensable que le filet de sécurité que constitue l’action sociale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC-VG, fonctionne bien. La préservation des moyens en 2018 et la consolidation des bases juridiques des interventions de l’établissement, opérateur de l’État, qui conduit une restructuration à encourager ne compensent pas tout, mais il faut plutôt s’en féliciter. L’engagement de la transformation de l’Institution nationale des Invalides, l’INI, opérateur de l’État, est également un motif de satisfaction.

Ma cinquième observation me conduit à m’interroger sur les moyens de mieux agencer notre politique de reconnaissance envers les anciens combattants. Outre la préoccupation essentielle de ne pas leur imposer une part disproportionnée dans la contribution au rétablissement de nos comptes publics, je crois qu’il conviendrait de réfléchir à l’adéquation entre notre appareil de reconnaissance et la nouvelle sociologie des combattants. La quatrième génération du feu présente en effet des particularités qu’il faudrait mieux prendre en compte. De la même manière, certaines situations individuelles devraient faire l’objet d’améliorations. Il en va ainsi de celle des forces qui protègent notre territoire contre les actions terroristes dans le cadre de l’opération Sentinelle ou encore des aidants des très grands invalides de guerre. Saluons et encourageons aussi les bénévoles qui animent l’indispensable action de mémoire, dont les porte-drapeaux, toujours très dévoués.

J’achèverai ma présentation en relevant, par une dernière observation, que le projet de budget pour 2018, mais également la mission telle qu’elle est programmée pour les années 2018 à 2020 me semblent faire l’impasse sur des éléments importants. Le service universel obligatoire d’un mois qui pourrait remplacer la Journée défense et citoyenneté n’est pas budgété dans la loi de programmation des finances publiques. Je rappelle que la JDC, qui dure un jour, coûte environ 150 millions d’euros au budget de l’État. La réorientation des missions de réparation des spoliations antisémites financées par le programme 158 vers une politique plus proactive consistant à identifier des œuvres spoliées et les ayants droit des réparations afin de lever les parts réservées des indemnisations ne fait l’objet d’aucune traduction dans le projet de budget et pas davantage dans le projet de loi de programmation pluriannuelle.

Moyennant ces observations en guise d’avertissement, je vous confirme la décision de la commission des finances d’adopter les crédits de la mission.

La France a combattu et la France combat. Elle fait son devoir. Le devoir de tous les Français est de marquer leur reconnaissance envers ses anciens combattants, les jeunes et les moins jeunes. Nous veillerons attentivement à ce qu’il en soit mieux ainsi dans les prochaines lois de finances.

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