Intervention de Corinne Feret

Réunion du 6 décembre 2017 à 10h30
Loi de finances pour 2018 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo de Corinne FeretCorinne Feret :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite aujourd’hui porter la voix des associations représentatives du monde combattant, qui ont toute ma considération et dont j’ai eu plaisir à auditionner les représentants locaux, ces dernières semaines, dans mon département, le Calvados.

Je débuterai mon intervention en soulignant combien ces associations regrettent l’absence d’un secrétariat d’État chargé spécifiquement des anciens combattants et de la mémoire au sein de l’actuel gouvernement.

Le monde associatif représentatif des anciens combattants et des victimes de guerre s’inquiète d’une telle absence. Ces associations estiment très justement que, moralement et symboliquement, les anciens combattants sont un facteur essentiel, aussi bien pour la transmission de la mémoire que pour le bon déroulement des cérémonies patriotiques. Elles estiment également que, pour l’opinion publique, il eût été indispensable que la liste des membres du Gouvernement fasse état, clairement et lisiblement, de leur existence à travers l’affectation d’une personne dédiée à cette fonction spécifique.

Indispensable aussi pour le devoir de mémoire, afin que certains événements historiques tragiques ne se reproduisent plus ; mémoire pour toutes ces victimes, tous ces soldats morts ou blessés pour la France. Jamais les citoyens français ne doivent oublier les sacrifices consentis par leurs aînés hier et par leurs pairs aujourd’hui pour assurer notre droit à vivre libres, égaux et dans la fraternité.

Ce budget 2018 des anciens combattants, de la mémoire et du lien armée-Nation au travers de la jeunesse s’établit à 2, 46 milliards d’euros, en baisse de 3 % par rapport à 2017. Chaque année, le ministère justifie ces reculs par la diminution du nombre d’anciens combattants. Je note, surtout, que ces réductions budgétaires aboutissent à ce que les différentes générations du feu ne soient toujours pas traitées de la même manière.

Bien sûr, le groupe socialiste et républicain a parfaitement conscience qu’il n’est, hélas, pas possible, dans un contexte budgétaire contraint, de remédier à court terme à toutes les inégalités que subissent nos concitoyens. Néanmoins, nous tenons à souligner que les injustices dont nous débattons aujourd’hui pénalisent depuis des années, voire des décennies, ceux qui, ayant consacré leur vie à la Nation, méritent pourtant des réponses claires.

Nous regrettons tout particulièrement que la hausse du point de retraite, confirmée pour septembre dernier – et qui était une décision du Gouvernement précédent – ne soit pas pérennisée, que rien ne soit prévu pour 2018, alors que cette retraite est modeste puisqu’elle s’élève, je le rappelle, à environ 750 euros.

Plus globalement, nous déplorons un manque d’anticipation. En effet, au-delà de la baisse des effectifs des bénéficiaires des crédits discutés aujourd’hui, l’extension, par exemple, depuis le 1er octobre 2015, des critères d’attribution de la carte du combattant aux militaires ayant participé à une OPEX pendant au moins 120 jours va nécessairement engendrer une augmentation légitime du budget, particulièrement quand ces bénéficiaires arriveront à l’âge de la retraite. Rien, dans ce budget, ne semble anticiper cette évolution, ce qui confirme notre crainte d’un effet de ciseaux entre l’entrée de ces nouveaux bénéficiaires et la baisse continue du budget des anciens combattants, obérant la capacité des gouvernements successifs à faire des propositions nouvelles, voire à tenir des engagements pris.

De même, certains sujets auraient mérité de trouver une issue favorable en cette année 2018. Je pense en particulier à l’attribution de la carte du combattant à ceux qui, ayant séjourné en Algérie entre juillet 1962 et 1964, attendent depuis cinquante ans d’être enfin reconnus par la Nation.

Je citerai également le droit à l’indemnisation pour les pupilles de la Nation dont les parents ont été reconnus « morts pour la France » entre 1939 et 1945. Je regrette d’ailleurs, je me permets de le souligner, que nous ne puissions discuter aujourd’hui d’un amendement que j’avais déposé, déclaré irrecevable, visant à établir un rapport permettant d’évaluer le coût d’une telle indemnisation.

Je citerai encore l’extension de la campagne double, à attribuer en fonction du temps passé sur un théâtre de guerre et non plus en fonction des actions de guerre, ou encore l’assouplissement du dispositif de la demi-part fiscale supplémentaire, de façon à en faire bénéficier toutes les veuves d’anciens combattants, quel que soit l’âge du décès du conjoint. J’ai été particulièrement alertée par la situation financière de nombreuses veuves, qui subissent une chute de revenus importante après le décès de leur mari, au point, pour certaines d’entre elles, de se retrouver dans un extrême dénuement. Cela n’est pas acceptable.

Je souhaite aussi me faire l’écho des inquiétudes qui s’expriment à propos du budget de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, qui se veut constant alors que ses missions s’élargissent et qu’un grand nombre d’anciens combattants ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté. L’ONAC-VG doit aujourd’hui accompagner des publics nouveaux, aux demandes plus importantes. De même, si l’Office poursuit sa modernisation, celle-ci doit se faire en préservant les indispensables liens de proximité tissés avec les bénéficiaires et les associations locales représentatives du monde combattant.

L’année 2018 devrait être une année de réflexion sur l’évolution stratégique de l’ONAC-VG qui préparera le contrat d’objectifs et de performance entrant en vigueur en 2019. Il nous paraît essentiel de consolider le réseau territorial actuel. Autrement dit, malgré l’émergence de grandes régions, tout doit être fait, dans les années à venir, pour conserver le maillage départemental de l’ONAC-VG et mieux harmoniser les pratiques entre territoires.

Alors, bien sûr, il y a aussi des points positifs dans ce budget. Je note, en lien avec le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, la hausse de près de 25 % des moyens dédiés à la politique de mémoire : 8 millions d’euros seront versés à la mission du centenaire et plus de 10 millions d’euros seront consacrés à l’entretien et à la rénovation des sépultures, et ce en lien avec le projet d’inscription au patrimoine mondial de l’humanité des sites funéraires et mémoriels de la Grande Guerre.

Je pense également aux articles 50 et 51 du projet de loi de finances, rattachés à cette mission. Le premier prévoit une revalorisation de 100 euros de l’allocation de reconnaissance versée aux harkis, ainsi que de l’allocation viagère en faveur de leurs conjoints survivants. À cela s’ajoute, avec l’article 51, une mesure d’équité permettant le calcul des pensions d’invalidité et des pensions de réversion antérieures à 1962 au taux du grade, et non plus au taux forfaitaire du soldat.

Avec ces deux articles rattachés, les choses vont dans le bon sens, mais doivent toutefois être relativisées au regard du faible nombre de personnes concernées.

Loin de toute polémique, ce qui ne serait pas à la hauteur du monde combattant, et malgré quelques regrets et réserves, madame la secrétaire d’État, les sénateurs du groupe socialiste et républicain prendront leurs responsabilités, voteront les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », afin de soutenir les quelques avancées de ce budget et de témoigner de notre profond respect envers ceux qui ont tant donné à la France.

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