Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je relève le défi de vous présenter un rapport qui retrace un compte de 65 milliards d’euros en cinq minutes ! La mission « Régimes sociaux et de retraite » est dotée de 6, 3 milliards d’euros versés par l’État pour équilibrer certains régimes spéciaux – SNCF, RATP, marins, mines, etc. – et le compte d’affectation spéciale « Pensions », doté de 58, 4 milliards d’euros, comprend notamment les pensions civiles et militaires de retraite.
Je commencerai par les régimes spéciaux. Le nombre de cotisants étant très inférieur au nombre de retraités, la contribution de l’État pour en assurer l’équilibre a fortement augmenté entre 2006 et 2012, puis a baissé entre 2015 et 2017.
En 2018, la contribution augmente de 0, 4 % sous l’effet, en année pleine, de la revalorisation des pensions début octobre. Le ratio démographique de la SNCF et de la RATP se dégrade encore, et le déficit sera supérieur aux économies des régimes fermés, mais sans tenir compte d’un éventuel retour de croissance.
La subvention d’équilibre de l’État représente 68 % du financement des retraites des régimes spéciaux. Pour mémoire, l’ensemble des régimes spéciaux compte 500 000 actifs pour 1, 1 million de pensionnés, et le régime général compte 18 millions d’actifs pour 15 millions de pensionnés.
Les régimes spéciaux ne se singularisent pas seulement par le déséquilibre démographique ; des différences institutionnelles et économiques persistent également. Ainsi de l’âge de départ à la retraite, fixé à cinquante ans, puis à cinquante-deux ans pour le personnel roulant de la SNCF et de la RATP, et à cinquante-cinq ans, puis à cinquante-sept ans pour les autres personnels de ces entreprises, alors que l’âge légal est de soixante-deux ans.
En dehors de toute réforme, le déséquilibre des régimes spéciaux se serait quand même réduit pour la SNCF : il serait passé de 4 milliards à 2, 5 milliards d’euros par an d’ici à 2050 ; les réformes successives de ces dernières années l’atténuent, mais le déficit perdure et l’appel à la solidarité nationale est toujours nécessaire. C’est l’une des questions auxquelles devra répondre la prochaine réforme : le financement, mais aussi l’équité. C’est aussi une question économique, puisque beaucoup dépendra de la capacité de la SNCF à relever le défi de l’ouverture à la concurrence.
Le compte d’affectation spéciale « Pensions » porte sur 58, 4 milliards d’euros ; 93, 5 % de cette somme est affectée aux pensions civiles et militaires de la fonction publique de l’État, 3, 3 % aux ouvriers des établissements industriels de l’État et 3, 2 % aux pensions militaires d’invalidité et aux victimes de guerre et du terrorisme. Les dépenses sont en très forte hausse depuis vingt-cinq ans : elles seront passées de 19, 1 milliards d’euros en 1990 à 58, 4 milliards d’euros en 2018. Le nombre de bénéficiaires a doublé. Le niveau des pensions des entrants est globalement supérieur aux pensions en cours, mais le taux de remplacement tend à baisser sous l’effet des réformes successives.
Pour 2018, le Gouvernement ne revalorisera pas les pensions ; l’économie sera de 137 millions d’euros environ. En cas de reprise de l’inflation, l’économie sera encore supérieure. Les pensions brutes vont perdre en pouvoir d’achat, et les pensions nettes plus encore, car la CSG va augmenter, à hauteur de 1 milliard d’euros pour les seuls fonctionnaires de l’État.
Du côté des recettes, l’État a décidé le gel indiciaire et le report du protocole du PPCR. Cela soulagera la masse salariale, mais se traduira par de moindres recettes pour le compte d’affectation spéciale : environ 243 millions d’euros de recettes ne sont pas budgétés.
Le solde excédentaire cumulé du compte d’affectation spéciale atteindrait 7, 6 milliards d’euros à la fin de 2018, somme très supérieure aux besoins de trésorerie. Rappelons que la Cour des comptes trouvait déjà ce solde excessif à 1, 6 milliard d’euros. Le ministère des finances a renoncé à expliquer qu’il s’agit de financer les déficits prévisionnels à court terme, puisque le solde cumulé devrait atteindre plus de 25 milliards d’euros vers 2030.
Hors bilan, les engagements financiers de l’État au titre des retraites ont été brusquement relevés dans le compte général de l’État : ils sont passés de 1 535 milliards d’euros à la fin de 2015 à 2 139 milliards d’euros actuellement en raison du changement de modèle de prévision et du taux d’actualisation, qui devient négatif. Je m’interroge sur la cohérence de cette évolution avec le scénario de retour à la croissance.
En conclusion, je voudrais exprimer quelques interrogations.
D’abord, faut-il continuer de sur-financer le CAS, en abaissant le niveau de vie des retraités par rapport au reste de la population, et valider une baisse très significative des taux de remplacement ?
Ensuite, réformer les retraites suppose de réformer la politique des ressources humaines de l’État. « Très employeur », il doit devenir « mieux employeur » si l’on veut que travailler plus longtemps ait du sens.
Enfin, puisque le processus de réforme est en cours, il faut souhaiter que le Parlement soit pleinement informé de l’avancée des travaux de Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites.