Cette mission a été instituée dans le cadre de la loi de finances pour 2017 afin d’y faire figurer l’enveloppe budgétaire consacrée au troisième programme d’investissements d’avenir, le PIA 3, soit 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement qui s’ajoutent aux 47 milliards d’euros des deux programmes précédents, engagés en 2010 et en 2014.
En 2017, cette mission avait pour particularité de bénéficier uniquement d’autorisations d’engagement, sans aucun crédit de paiement. Cette astuce de budgétisation, notamment mise en exergue par Albéric de Montgolfier, alors rapporteur spécial de la mission, permettait d’éviter que le PIA 3 ne pèse sur le déficit budgétaire dès 2017.
L’avenir du PIA 3 pouvait paraître incertain l’été dernier, mais son intégration dans le Grand Plan d’investissement, le GPI, le conforte : le PIA 3 représente 10 des 57 milliards d’euros du GPI. Cependant, on notera que l’effort financier est reporté sur la fin du quinquennat. En effet, pour 2018, seuls 1, 08 milliard d’euros sont inscrits en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent 4 milliards d’euros sur le triennal 2018-2020. Il reste donc 6 milliards d’euros à financer au-delà.
L’inscription de crédits de paiement est un mieux. Pour autant, le rythme de décaissement de ces fonds et leur nature ne peuvent que susciter quelques inquiétudes.
Tout d’abord, la trajectoire des décaissements est réalisée en cohérence avec les perspectives globales des finances publiques. Ce n’est donc pas le rythme d’avancement des actions du PIA qui détermine l’inscription des crédits, mais la simple contrainte budgétaire. Il y a là une véritable rupture par rapport aux PIA 1 et 2. La gestion des crédits par les opérateurs est, de ce fait, rendue plus complexe.
Ensuite, les crédits inscrits en 2018 correspondent pour une large part à des prises de participation, à savoir des fonds propres, qui présentent l’avantage certain de ne pas avoir d’impact sur le déficit maastrichtien, au contraire des autres modes d’intervention du PIA. Ainsi, les fonds propres représentent 70 % de l’enveloppe de crédits pour 2018. Un tiers seulement des avances remboursables, subventions et dotations décennales seront disponibles sur le triennal 2018-2020.
Enfin, certains opérateurs s’interrogent, et nous avec eux, sur la possibilité de trouver suffisamment de projets à financer par fonds propres. Ce risque est d’autant plus patent que l’enveloppe du PIA n’inclut pas de soutien aux dépenses d’ingénierie pendant la phase de définition des projets.
Sur la forme, l’inscription dans le GPI n’a en rien modifié la structure du PIA : les programmes et les actions financés, la répartition des autorisations d’engagement, la répartition entre les différents modes de financement et les opérateurs chargés de la mise en œuvre demeurent. Les critiques émises en 2017 par le Sénat demeurent donc également.
Le recours à un sous-opérateur doit être circonscrit, car il est source de complexité pour les porteurs de projet et risque de dédoubler les activités d’opérateur, alors même que la gestion des PIA mobilise déjà près de 180 agents à la Caisse des dépôts et consignations.
Le versement des crédits aux opérateurs ainsi que leur décaissement vers les bénéficiaires continuent de ne pas être intégrés dans les normes de dépense, contrairement à la recommandation formulée par la Cour des comptes dans son rapport public de décembre 2015.
Enfin, le risque pour le Gouvernement de procéder à des débudgétisations reste également important.
Sur le fond, certaines actions s’inscrivent dans les axes définis par le Gouvernement, notamment toutes celles relatives à la qualification de la main-d’œuvre, à l’innovation ou à la transition écologique. Néanmoins, le coup d’arrêt brutal, à quelques jours de la remise des offres, de l’appel à projets « nouveaux instituts hospitalo-universitaires » illustre la volonté du Gouvernement de revoir certaines orientations.
Si l’on peut comprendre que le Gouvernement souhaite redéfinir certaines actions en fonction de ses priorités, il convient d’éviter que des appels à projets soient subitement interrompus ou que des projets essentiels soient remis en cause.
Interrogé par la commission des finances, le ministre de l’éducation nationale n’a pas été en mesure de décrire le contenu du nouveau plan numérique à l’école, contenu dans l’action n° 07 du programme 421.
Enfin, nous ne manquons pas de nous interroger sur le contenu de l’action n° 09, Grands défis, du programme 423, « Accélération de la modernisation des entreprises ». Ces atermoiements expliquent certainement le retard pris pour la signature des conventions entre l’État et les opérateurs : à ce jour, seules huit des trente conventions attendues sont signées.
Si nous approuvons tous l’objectif de maîtrise globale des dépenses publiques, il nous semble qu’utiliser les PIA comme variables d’ajustement, en créant une dissociation forte entre autorisations d’engagement et crédits de paiement, risque d’annihiler tous les effets positifs de cet outil spécifique. Pourtant, le PIA finance des projets utiles pour l’investissement dans notre pays. J’invite donc ce soir – enfin, ce matin – le Sénat à voter les crédits inscrits pour cette année, tout en vous indiquant, madame la secrétaire d’État, que nous serons très vigilants quant à leur utilisation.