Intervention de Didier Rambaud

Réunion du 6 décembre 2017 à 21h45
Loi de finances pour 2018 — Remboursements et dégrèvements

Photo de Didier RambaudDidier Rambaud :

Madame la secrétaire d’État, même si vos débuts au Sénat vous paraissent peut-être un peu rudes – j’éprouve moi-même un peu de l’énervement exprimé par mes collègues –, je vous adresse néanmoins tous mes vœux de réussite dans vos nouvelles fonctions.

Nous devons examiner ce matin trois missions et douze programmes. Tous ont été présentés, peut-être rapidement, mais avec un esprit de synthèse et avec brio par les rapporteurs successifs.

Je m’arrêterai tout d’abord sur le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État ».

Le niveau d’endettement public, c’est-à-dire le montant de dette publique rapporté au produit intérieur brut, a augmenté jusqu’à s’approcher du seuil de 100 %. D’après la programmation pluriannuelle, il est de 96, 8 % en 2017.

Alors que notre pays s’était engagé à maintenir un ratio de dette inférieur à 60 % du PIB et un déficit inférieur à 3 points de PIB, la France a laissé filer son déficit et sa dette, en contradiction avec les règles élémentaires de politique économique contracyclique. Ainsi s’est-elle privée de marges de manœuvre, notamment lors de la crise de 2007. Je rappelle que, avant la crise, donc en haut de cycle, l’endettement public était d’un peu plus de 64 %.

En réalité, les gouvernements successifs ont fait le choix de laisser se dégrader le niveau d’endettement, pour des raisons diverses, mais qui n’échappent pas au citoyen, notamment quand il constate le sort réservé, par le Sénat, au projet de loi de financement de la sécurité sociale – je rappelle, à ce titre, le creusement de 7 milliards d’euros de déficit ! – ou quand il observe la longue liste d’intérêts particuliers dont beaucoup ici se sont fait rapporteurs.

Toutefois – la rapporteur spécial l’a indiqué –, les crédits alloués à la charge de la dette sont, malgré la progression de l’endettement public, relativement stables. Pour être précis, ils sont même en légère baisse et s’élèvent à 41, 593 milliards d’euros.

Si la charge de la dette est stable, c’est bien parce que les taux auxquels la France emprunte sont à un niveau historiquement faible.

En commission des finances, le rapporteur général a pointé le risque que ferait courir la hausse des taux sur la soutenabilité de la dette publique. Ce risque mérite néanmoins d’être tempéré.

Tout d’abord, la France a profité de la faiblesse des taux d’intérêt pour allonger l’échéance de sa dette : la dette publique présente aujourd’hui une maturité assez longue, et une hausse des taux d’intérêt ne devrait donc pas se traduire immédiatement par une hausse des intérêts à verser.

Mon propos repose sur une étude menée par Olivier Blanchard, ex-chef économiste au FMI, et Jeromin Zettelmeyer, au nom du Peterson Institute. Les auteurs de cette étude publiée en juillet dernier s’appuient sur l’exemple du Japon. Ce pays affiche un déficit primaire de 4 %, une dette publique dépassant les 200 % du PIB, et pourtant les taux d’intérêt des obligations publiques japonaises continuent d’être parmi les plus bas au monde.

Blanchard et Zettelmeyer montrent que seul l’équivalent de moins de 30 % du PIB viendra à échéance en 2017. Dans ces conditions, « une hausse de 200 points de base des taux d’intérêt se traduit par une hausse des paiements d’intérêts de 0, 6 % de PIB la première année et de 1 % sur les deux premières années. »

Ensuite, vous le savez, les taux d’intérêt augmentent si la croissance et l’inflation augmentent. En pareil cas, l’accroissement du PIB nominal réduira mécaniquement les ratios d’endettement. Non seulement la politique monétaire de la Banque centrale européenne continue d’être accommodante, mais les prévisions de la croissance française nous conduisent à rejeter l’hypothèse d’un écart entre la croissance française et les taux d’intérêt.

Quoi qu’il en soit, les pistes évoquées dans le rapport spécial sur la mission « Engagements financiers de l’État » sont toujours d’actualité. Je pense notamment à la mutualisation d’une partie de la dette des États membres de la zone euro pour éviter tout écart entre les taux de croissance et les taux d’intérêt de la BCE.

C’est par ailleurs au sein de cette mission que le programme 336 assure la dotation en capital du mécanisme européen de stabilité, pour un total de 16, 3 milliards d’euros répartis en trois versements. Ce mécanisme permanent, qui a pris la suite du Fonds européen de stabilité financière, s’appuie sur le capital fourni par les États membres pour emprunter sur les marchés financiers, avec une capacité d’intervention portée à 700 milliards d’euros. S’il a prouvé son utilité comme mécanisme de gestion de crise, il faut désormais évoquer sa transformation en un fonds monétaire européen. C’est en tout cas le souhait du Président de la République, qui, à cet égard, est en ligne avec les recommandations de Jean-Claude Juncker et de la Commission européenne.

Il s’agirait de sortir de la logique assurantielle du mécanisme européen de stabilité pour assurer enfin une coordination macroéconomique à l’échelle de la zone euro. Une telle proposition part d’un constat simple : une politique insoutenable dans un État membre déstabilise l’ensemble de la zone.

Ce fonds monétaire européen permettrait également de clarifier l’architecture actuelle des organes qui interviennent dans la politique économique de la zone euro.

Enfin, il s’agirait d’aligner les politiques économiques sur les exigences contemporaines d’économies à la frontière technologique.

Sans transition, tel est aussi l’objectif de la mission « Investissements d’avenir », que nous examinons aujourd’hui. Créée dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017, cette mission traduit budgétairement le troisième programme d’investissements d’avenir et ses trois priorités. C’est l’objet des programmes de la mission. Contrairement à l’an passé, cette dernière se voit dotée de crédits de paiements : il ne s’agit plus d’affichage politique, mais d’action.

Le programme d’investissements connaît par ailleurs une réorientation. Ainsi, il prend place dans le Grand Plan d’investissement présenté le 25 septembre dernier.

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