Intervention de Delphine Gény-Stephann

Réunion du 6 décembre 2017 à 21h45
Loi de finances pour 2018 — Remboursements et dégrèvements

Delphine Gény-Stephann :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai tout d’abord par vous assurer de mon plein respect pour vos débats et nos discussions dans cet hémicycle. J’aurais bien aimé, moi aussi, examiner ces missions dans de meilleures conditions, à une heure moins tardive, mais ce n’est pas de mon fait. Soyez assurés, je le répète, de mon plein respect pour nos débats.

Je commenterai successivement les différentes missions, les programmes et les comptes spéciaux qui sont à l’ordre du jour de vos travaux ce soir.

La mission « Engagements financiers de l’État », qui fait l’objet d’un rapport spécial de Mme le sénateur Nathalie Goulet, au nom de la commission des finances, recouvre les crédits nécessaires à l’État pour assurer son financement en toutes circonstances. L’essentiel des crédits de la mission concerne le programme 117, « Charge de la dette et trésorerie de l’État », pour 41, 2 milliards d’euros.

Avec Mme le rapporteur spécial, plusieurs d’entre vous se sont exprimés sur l’évolution de la dette publique, et je vous remercie de votre appel à la vigilance collective quant au niveau de la dette et à l’évolution des taux d’intérêt.

La période de taux d’intérêt très bas, voire négatifs, dont notre pays bénéficie depuis plusieurs années, sous l’effet d’une politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne ne durera pas éternellement. La BCE s’est engagée au cours des derniers mois dans un resserrement monétaire progressif, même si le rythme de ce resserrement reste tributaire de l’affermissement de la croissance en Europe et du retour graduel de l’inflation. Dans ce contexte, notre estimation de la charge des intérêts de la dette intègre, de façon prudente et raisonnable, cette remontée des taux à moyen terme.

Conformément aux orientations fixées par le Président de la République, le projet de loi de finances pour 2018 constitue une première étape dans l’affermissement de la crédibilité budgétaire et financière de la France.

Ce renforcement de notre crédibilité passe, en premier lieu, par la mise en œuvre des réformes structurelles indispensables à notre économie et permettant une modernisation de nos services publics. Il passe, en second lieu, par la réduction du poids de la dépense publique et la baisse des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises et les ménages. À cet égard, la progression ininterrompue de la dette publique depuis la crise de 2008 connaîtra un coup d’arrêt l’an prochain, avant une inversion de tendance nette prévue sur l’ensemble du quinquennat. Sur cinq ans, la dette publique serait ainsi ramenée à 91, 4 % du PIB en 2022, contre 96, 8 % prévus pour la fin de l’exercice de 2017.

Pour répondre aux questions posées sur la dette publique par Mme le rapporteur spécial, j’apporterai les compléments d’information suivants.

S’agissant de la mutualisation des dettes européennes, elle n’est pas politiquement acceptable, comme l’a affirmé le Président de la République, ni pour la France ni pour les autres États membres, car elle correspond à des engagements pris séparément.

S’agissant du traitement prudentiel des titres souverains, nous sommes opposés à toute évolution de nature à renforcer les exigences en capital associé aux détentions de dettes souveraines.

Quant à notre position à l’égard des agences de notation, je veux, sur ce point, vous rassurer : au second semestre de 2017, les trois principales agences de notation que sont Standard & Poor’s, Fitch et Moody’s ont confirmé la notation AA ou Aa2 de la France. Ces notations témoignent de la qualité de la signature française et, depuis l’automne 2016, elles sont associées à une perspective stable.

J’en viens aux quatre autres programmes de la mission « Engagements financiers de l’État ».

Tout d’abord, j’aborderai le programme 114, « Appels en garantie de l’État ».

Mme le rapporteur spécial a évoqué le sujet des engagements hors bilan. J’observe que le travail mené depuis la mise en œuvre de la LOLF de 2006 en matière de recensement des engagements hors bilan a significativement contribué à la sincérité des comptes de l’État.

Aujourd’hui, la France dispose en matière d’engagements hors bilan d’une information riche et fiable. Pour autant, les enjeux et montants mis en valeur par la comptabilité générale incitent à adopter une logique de surveillance active, ainsi que le recours systématique aux règles de l’actuariat.

Grâce à la gestion active des engagements, les crédits du programme 114 sont en réduction continue. Pour 2018, ils augmentent sous l’effet de l’inscription de 63 millions d’euros au titre des procédures de soutien financier au commerce extérieur, qui n’avaient pas fait l’objet d’une inscription de crédits en 2017 dans le cadre du transfert à Bpifrance Assurance Export de la mission précédemment assurée par la Coface. Cette réforme, qui fait de la BPI l’interlocuteur public privilégié des entreprises pour leur financement, va dans le sens d’une meilleure efficacité et d’un moindre coût, tant pour les entreprises que pour les finances publiques.

Le programme 145, « Épargne », retrace les primes d’épargne logement versées par l’État lors de la mobilisation de comptes épargne logement ou de la clôture de plans d’épargne logement. Le Gouvernement parachève cette année la réforme de ce dispositif.

Le programme 168, « Majoration de rentes », retrace les crédits destinés au remboursement partiel des majorations de rentes légales de rentes viagères pour 141, 8 millions d’euros. Après soixante-cinq ans de remboursement des majorations de rentes par l’État aux débirentiers, les objectifs de politique publique ayant justifié initialement cette dépense sont atteints, et il est proposé de mettre un terme au dispositif, proposition de bonne gestion qui a reçu le soutien de votre commission des finances, laquelle a proposé un amendement tendant à améliorer le dispositif.

Enfin, le programme 344, « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque », est destiné au financement du Fonds de soutien en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements ayant souscrit des emprunts structurés et instruments financiers sensibles. Le Gouvernement n’est pas favorable, madame la rapporteur spécial, à la réouverture de ce guichet.

S’agissant maintenant des comptes spéciaux, j’évoquerai brièvement le compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce ». L’engagement de ces crédits se fera dans un cadre européen, en fonction de l’issue du troisième programme grec, qui court jusqu’à l’été 2018.

Le compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » enregistre ce qu’il est convenu d’appeler les avances du Trésor. Pour l’essentiel, il s’agit du préfinancement des aides communautaires de la PAC avant leur remboursement par l’Union européenne. Celles-ci sont neutres pour le déficit.

J’en viens maintenant au compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », qui a fait l’objet de nombreuses remarques et d’un rapport spécial du ministre Victorin Lurel, au nom de la commission des finances, et d’un rapport pour avis du sénateur Alain Chatillon, au nom de la commission des affaires économiques. Je les remercie ainsi que l’ensemble des intervenants pour leurs observations.

Depuis 2015, l’État actionnaire a fortement fait respirer son portefeuille, en menant une politique particulièrement dynamique en matière de cessions et d’investissements. Cette politique était orientée vers la protection des intérêts essentiels de notre économie. Il s’agit, par exemple, de la restructuration de secteurs stratégiques avec les recapitalisations récentes d’EDF ou d’Areva ; de peser dans les négociations permettant de préserver le savoir-faire et l’emploi en France, avec l’entreprise STX, ou encore d’avoir une action stratégique dans le domaine ferroviaire, avec un rapprochement européen de premier plan entre Alstom et Siemens.

S’agissant de l’aéroport de Toulouse, qui a été évoqué, je veux préciser qu’aucune décision n’a été prise à ce jour concernant l’exercice par l’État de son option de vente. L’État prendra sa décision au cours des prochains mois en recherchant le meilleur intérêt de l’ensemble des parties prenantes à ce dossier.

Je sais que la représentation nationale exprime de fortes attentes sur les orientations du Gouvernement en matière d’actionnariat public et de stratégie de l’État actionnaire.

Dans une période où il faut gérer avec parcimonie les deniers publics et relever les défis des transitions économiques, industrielles, technologiques et écologiques, il est sans doute nécessaire d’être plus sélectif en matière d’actionnariat public.

Aussi le Gouvernement souhaite-t-il que le portefeuille de l’État soit désormais recentré sur trois axes prioritaires : les entreprises stratégiques contribuant à la souveraineté de notre pays, en particulier dans les domaines de la défense et du nucléaire ; les entreprises participant à des missions de service public ou d’intérêt général au sein desquelles l’État ne détient pas de leviers non actionnariaux suffisants pour préserver les intérêts publics ; les interventions dans des entreprises en cas de risque systémique.

Une respiration du portefeuille de l’Agence des participations de l’État est ainsi envisagée, afin de répondre aux mutations qui viennent bousculer le monde économique et notre tissu industriel. Nous aurons l’occasion de préciser ces grandes orientations en temps utile, et la représentation nationale sera bien entendu associée à cette réflexion.

Les cessions d’actifs serviront à doter un fonds pour l’innovation à hauteur de 10 milliards d’euros, conformément à l’engagement du Président de la République. Ce fonds préparera l’avenir de notre économie en investissant sur des innovations où l’État est à même, en partenariat avec des investisseurs privés, d’assumer une partie des risques technologiques de long terme qu’il convient de prendre pour réussir. Nous travaillons aux mécanismes et dispositifs qui permettront, d’un point de vue technique et juridique, d’en faire un instrument utile.

Ce fonds doit être opérationnel au début de l’année prochaine. Pour commencer, il sera alimenté en numéraire, par une part du produit des récentes cessions de participations dans ENGIE et Renault. Le solde sera constitué de participations publiques n’ayant pas vocation à être cédées, mais procurant des dividendes réguliers ; ces participations seront retirées du fonds à mesure que l’abondement en numéraire tiré des cessions montera en puissance.

Le rendement annuel de ce fonds, de l’ordre de 200 à 300 millions d’euros par an, sera sanctuarisé pour garantir notre effort annuel en matière d’innovation. En effet, il nous faut retrouver le temps long nécessaire, notamment, pour les innovations dites de rupture.

Pour flécher ces ressources vers les projets les plus prometteurs, le Gouvernement a sollicité trois personnalités issues d’univers très différents : Stéphane Distinguin, président-directeur général de l’agence d’innovation Fabernovel, Jacques Lewiner, directeur scientifique honoraire de l’École supérieure de physique et de chimie industrielles de la ville de Paris, et Ronan Stephan, directeur scientifique de Plastic Omnium. Ils doivent rendre leurs conclusions en janvier.

D’investissement dans l’innovation, dans l’économie de la compétence et dans la transition écologique il est également question avec la mission « Investissements d’avenir », qui a fait l’objet d’un rapport spécial de votre commission des finances. À cet égard, je rappelle que le troisième programme d’investissements d’avenir a été lancé avec l’ouverture de 10 milliards d’euros d’autorisations d’engagement en loi de finances pour 2017. Le projet de loi de finances pour 2018 ouvre les premiers crédits de paiement, à hauteur d’un peu plus de 1 milliard d’euros.

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