Le rapport d'information que nous vous présentons aujourd'hui porte sur l'électricité dans la stratégie pour l'Union de l'énergie. Tel était l'objet des quelque 5 000 pages formant ce que l'on appelle couramment « paquet d'hiver », publié par la Commission européenne le 30 novembre 2016 sous l'intitulé « Énergie propre pour tous les Européens ». Notre commission s'est déjà prononcée sur ce paquet, par deux résolutions européennes devenues résolutions du Sénat et par deux avis motivés, dont l'un concernait la réforme de l'Agence de la coopération des régulateurs de l'énergie, habituellement désignée par son sigle anglais ACER, et l'autre portait sur la directive tendant à réorganiser le marché de l'électricité.
Traiter l'ensemble en 20 pages aurait à l'évidence relevé de la mission impossible. Nous avons donc regroupé les grands thèmes de l'électricité dans l'espace européen d'une part, la place de la souveraineté des États membres d'autre part. Je vous présenterai les grandes problématiques, avant que Michel Raison n'aborde la place des États membres dans cet ensemble, aujourd'hui et demain.
La production d'énergie a pour finalité de satisfaire la demande, dans les conditions les plus favorables à la croissance, donc à la compétitivité internationale. Mais fournir la contrepartie à la demande économiquement solvable peut à juste titre être jugé insuffisant, des lors qu'une partie de la population souffre, par pauvreté, de précarité énergétique.
En outre, certaines installations produisant de l'électricité émettent dans l'atmosphère des substances chimiques dangereuses pour la santé. Et toute combustion, même chimiquement propre sur le plan sanitaire, provoque inévitablement la diffusion de gaz à effet de serre, notamment de dioxyde de carbone ou CO2. Dans le cadre des orientations tendant à combattre le changement climatique, une évolution du mix énergétique peut être souhaitée, afin de réduire la quantité de CO2 émise par mégawattheure.
Ainsi, la raison d'être économique du secteur de l'électricité doit être satisfaite dans des conditions compatibles avec la préservation de l'environnement et la lutte contre la précarité énergétique.
A priori, plus l'énergie à fournir est faible, moins il est indispensable de mettre en oeuvre les moyens de production les plus fortement polluants. La façon la plus simple de satisfaire l'impératif environnemental consiste donc à contenir la demande effective, par tout moyen qui ne prive pas les citoyens et les entreprises de l'énergie dont ils ont besoin. Tel est le sens des incitations à la sobriété énergétique.
Un autre moyen de contenir le recours aux centrales électriques les plus polluantes disponibles sur un territoire consiste à développer les réseaux à l'échelle du continent. L'idée est la suivante : au lieu de mettre en fonctionnement ici une capacité productive émettant par exemple des microparticules et du CO2, il sera possible grâce au réseau étendu d'importer de l'électricité produite ailleurs dans des conditions plus favorables à la qualité de l'air et à la lutte contre le changement climatique.
La possibilité de consommer de l'électricité produite au loin est évidemment favorisée par l'existence de câbles à haute, voire à très haute tension. Mais un autre facteur intervient aussi : l'organisation du marché de l'électricité entre opérateurs des États membres. En théorie économique, on considère habituellement que le marché fonctionne de manière plus satisfaisante lorsque les autorités publiques se contentent de l'organiser, tout en veillant à combattre les situations dominantes. De son côté, la boucle des connexions est bouclée si les instances de régulation et les gestionnaires de réseau de pays membres voisins travaillent ensemble, plutôt qu'avec les autorités politiques de chaque État.
Avec la sobriété énergétique, les interconnexions et l'organisation du marché, je viens de décrire trois des quatre grandes orientations structurant le paquet d'hiver.
Reste le cas des énergies renouvelables, que la Commission européenne traite comme un ensemble parfaitement homogène, dont l'essor serait strictement synonyme de baisse des émissions de CO2. Or, la filière électronucléaire n'est pas renouvelable en l'état des techniques disponibles ; elle ne reste pas moins exemplaire sur le plan des émissions de gaz à effet de serre. D'autre part, la combustion du biométhane, l'utilisation de biocarburants et le chauffage à la biomasse-énergie émettent certes moins de CO2 que les hydrocarbures, mais à un niveau qui reste très largement supérieur aux performances des éoliennes ou des panneaux photovoltaïques. Enfin, l'énergie obtenue à la demande et celle produite en fonction des caprices de la météorologie ne rendent pas du tout le même service. Fixer des objectifs en faveur des sources renouvelables d'énergie est donc simpliste, surtout lorsque des subventions publiques restent indispensables à l'équilibre économique de certaines filières.
Il n'est donc pas étonnant que, dans les discussions en cours sur le paquet d'hiver, l'articulation entre le niveau national et celui de l'Union apparaisse comme un facteur de clivage. Je laisse à Michel Raison le soin de vous en parler.