Depuis deux mois que je suis président de la commission des finances, je regarde de l’intérieur comment s’élabore la loi de finances. Jeparticiperai, bien sûr, au débat engagé par le Gouvernement et nos collègues députés surla procédure budgétaire. Mais ce sont les conditions d’élaboration dela loi fiscale qui me frappent le plus.
Nous examinons de manière simultanée des réformes à la fois importantes politiquement et lourdes techniquement, dans un calendrier qui ne permet pas de consultations approfondies, et en nous reposant entièrement sur les données chiffrées fournies par le Gouvernement.
Or le Gouvernement et son administration, eux-mêmes pris dans la machine infernale de la session budgétaire, ne sont pas toujours en mesure de nous fournir les données dont nous pensons avoir besoin quand nous en avons besoin.
C’est pourquoi je pense qu’il faut ouvrir l’accès aux données et accorder aux parlementaires, mais aussi à tous les acteurs de la vie économique et sociale, ainsi qu’aux universitaires et chercheurs, la possibilité de traiter eux-mêmes les données, de faire leurs propres simulations, de mesurer l’incidence de la modification de tel ou tel paramètre d’une réforme fiscale.
Le Sénat a adopté lors de la discussion de la récente loi de programmation des finances publiques mes amendements visant à disposer de certaines données dans des formats exploitables.
Aujourd’hui, il s’agit d’aller plus loin et de demander au Gouvernement de fournir, à l’appui de toutes les réformes fiscales qu’il propose, les codes sources traduisant en langage informatique chacune des dispositions proposées.
Cela permettrait, je l’ai dit, de nourrir le débat public et d’élaborer la loi fiscale de manière plus transparente et éclairée. Cela contribuerait aussi à clarifier ce que le Gouvernement propose au législateur de voter, car le langage informatique permet de lever des ambiguïtés parfois permises par les rédactions « littéraires ». Ce que je dis n’est pas théorique puisque certaines structures aujourd’hui investies dans le codage informatique de la législation ont, de cette manière, réussi à identifier des vices dans la conception de dispositifs.
Ce que je propose serait profondément novateur, et même révolutionnaire au sens où nous traversons une révolution numérique, et dans la mesure où la France serait le premier pays du monde à aller aussi loin.
C’est aussi une manière de prendre les devants plutôt que de courir derrière l’évolution de la société. Je vous rappelle que désormais, en particulier depuis la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, les codes sources font partie des documents administratifs qui doivent être communiqués sur demande des citoyens. L’algorithme admission post-bac, dit APB, qui a beaucoup défrayé la chronique, a ainsi dû être rendu public. Quant à la Direction générale des finances publiques, la DGFIP, elle a également dû rendre public le code source de l’impôt sur le revenu.
L’administration fiscale française a toujours été exemplaire en matière de numérique et de dématérialisation. Faisons en sorte de conserver notre longueur d’avance.