Je suis naturellement très honoré de pouvoir me présenter aujourd'hui devant vous pour candidater à un troisième mandat à la tête de Pôle emploi. Je concentrerai mon intervention liminaire sur les orientations stratégiques qui m'apparaissent nécessaires pour Pôle emploi sur les trois prochaines années. J'évoquerai également les années passées, comme vous m'y invitez, monsieur le président.
Parmi ces cinq futures orientations, deux concernent l'offre de services de Pôle emploi - à l'attention des demandeurs d'emploi et des entreprises -, et trois orientations sont transversales, à savoir le numérique, l'approche partenariale territorialisée et le management interne.
S'agissant des demandeurs d'emploi, l'enjeu des trois prochaines années me paraît résider dans la capacité de Pôle emploi de renforcer son rôle de spécialiste de l'accompagnement des transitions professionnelles. Derrière cette formule, il y a en fait trois objectifs simples : le premier, c'est de concentrer nos moyens sur ceux qui en ont le plus besoin ; le deuxième, c'est d'offrir un service personnalisé à tous les demandeurs d'emploi et, enfin, le troisième est d'accroître la valeur ajoutée de notre accompagnement.
Pour relever ces trois défis, on peut s'appuyer sur les transformations qui ont été mises en oeuvre par Pôle emploi depuis 2012. Je voudrais vous en citer trois exemples. Tout d'abord, nous avons mis en place un accompagnement intensif pour les demandeurs d'emploi. C'est la concrétisation de l'engagement de faire plus pour ceux qui en ont plus besoin. Cet engagement intensif comprend trois modalités, et, aujourd'hui, 35 % de nos conseillers sont en charge de ce type d'accompagnement, qui permet de consacrer plus de temps aux demandeurs d'emploi. À l'occasion de sa montée en puissance, nous avons clarifié nos relations avec les opérateurs privés de placement, puisque nous avons réinternalisé au sein de Pôle emploi l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi.
Ensuite, la deuxième évolution consiste en une plus grande personnalisation du service pour chaque demandeur d'emploi, qui dispose désormais d'un conseiller référent qu'il peut joindre par courriel, et, progressivement aussi, par webcam. Nous avons dématérialisé nos processus d'inscription et réorganisé l'accueil en privilégiant les rendez-vous au flux pour accélérer le traitement de l'indemnisation, qui est la question la plus importante que se pose un demandeur d'emploi quand il arrive à Pôle emploi. L'accompagnement démarre plus vite, le diagnostic est renforcé et nous consacrons par conséquent plus de temps aux entretiens.
Enfin, nous avons fortement investi dans le conseil en évolution professionnelle (CEP), notamment au travers d'un programme ambitieux de formation de nos 20 000 conseillers qui sont en charge de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Le déploiement du CEP est allé de pair avec un renforcement du nombre de psychologues du travail dans nos agences.
Grâce à ces évolutions, nous avons maintenu la qualité de l'indemnisation, tant en fiabilité qu'en délai ; nous avons contribué à contenir le chômage de longue durée ; nous avons amélioré le taux de satisfaction en matière d'indemnisation, les trois quarts des demandeurs d'emploi indemnisés se déclarant satisfaits, soit quatre points de plus qu'en 2014. Pour ce qui est de l'accompagnement, le taux de satisfaction est de 71 %, soit sept points de plus qu'en 2014.
Bien sûr, nous devons encore progresser dans les prochaines années sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi, principalement dans quatre domaines. Le premier, c'est de personnaliser encore le traitement de l'indemnisation. Nous avons spécialisé en 2017 des conseillers en matière d'indemnisation, ce qui, avec l'automatisation de certaines tâches, permet désormais d'être plus proactifs vis-à-vis des demandeurs d'emploi. Nous sommes en phase d'expérimentation : demain, des demandeurs d'emploi auront deux conseillers référents, l'un pour l'indemnisation et l'autre pour le placement.
S'agissant de l'accompagnement, l'enjeu principal pour Pôle emploi est de mieux différencier son offre de services. Il nous faudrait mieux distinguer les demandeurs d'emploi qui ont besoin d'être accompagnés pour définir et mettre en oeuvre leurs trajectoires professionnelles, de ceux qui sont autonomes, pour lesquels les services seront essentiellement numériques. Nous essayons donc d'expérimenter une offre de services numériques pour ces derniers. Cette offre repose notamment sur la mise en place d'un réseau social interne qui serait réservé à ces demandeurs d'emploi.
Nous devons également rapprocher l'offre et la demande en privilégiant une approche par les compétences, afin de mettre en oeuvre un des engagements du Président de la République. Cette évolution très importante est en phase d'expérimentation en région Franche-Comté depuis le mois de novembre, et elle a vocation à être généralisée à l'ensemble du territoire en début d'année prochaine. Il s'agit, dès la fin de l'inscription en ligne, de communiquer directement aux demandeurs d'emploi des offres d'emploi géolocalisées correspondant à leurs demandes, mais aussi des listes d'entreprises que nous lui suggérons de contacter, même si elles n'ont pas déposé d'offre, grâce à un algorithme qui permet de détecter le marché dit caché. Ce nouveau service s'efforce de mettre en correspondance les compétences recherchées par les entreprises dans des secteurs identifiés par le demandeur d'emploi et les compétences que le demandeur d'emploi nous déclare lui-même.
Nous souhaitons dans les prochains mois renforcer cette approche sur les compétences et également l'accompagner d'une dimension signalée par de nombreux employeurs : l'amélioration du savoir-être, au-delà des savoirs et des savoir-faire. Nous travaillons actuellement à la conception d'une prestation pour aider les jeunes, mais pas uniquement, à progresser en la matière.
L'approche par les compétences suppose d'avoir des moyens en matière de formation des demandeurs d'emploi. Nous avons, je crois, fait des progrès ces dernières années, mais, là aussi, nous sommes convaincus que nous avons des marges de progrès considérables devant nous. À cet égard, nous attendons avec impatience le plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui a été annoncé par le Gouvernement en septembre dernier.
Il est une autre évolution stratégique que je souhaite aborder, c'est le contrôle de la recherche d'emploi. Les résultats du dispositif mis en place depuis deux ans ont été récemment rendus publics. Il est, je l'espère, de nature à pacifier un débat public que je trouve un peu caricatural parfois. Il permet de concrétiser la logique « droits et devoirs », tout en renforçant notre rôle d'accompagnement.
J'en viens maintenant aux entreprises. En l'espèce, nous sommes face à deux enjeux majeurs : contribuer à réduire les difficultés de recrutement car des tensions apparaissent sur le marché du travail et renforcer nos liens avec les TPE.
Là aussi, nous allons pouvoir nous appuyer sur ce que nous avons conduit depuis trois ans, notamment la mise en place depuis 2015 de 4 300 conseillers spécialisés dans les relations entreprises. Cette spécialisation a deux avantages majeurs. D'abord, elle a sanctuarisé la force de travail que l'on consacre aux employeurs. Ensuite, elle a favorisé le déplacement d'offre de services qui est assez modulaire, qui va de la publication des offres à la présélection de candidats, en passant par le financement de formations préalables à l'embauche.
Nous enregistrons des résultats encourageants, puisque le taux de satisfaction des entreprises à l'égard de ces services est aujourd'hui de 71 %, soit une progression de près de six points par rapport à 2014. Si l'on se projette dans l'avenir, les deux sujets majeurs concernent les TPE. C'est pour nous un sujet assez compliqué, puisque, si elles représentent un gisement d'emplois important, elles recrutent de manière irrégulière. Nous menons donc une expérimentation dans quatorze agences qui utilisent un algorithme dont l'objectif est de prévoir les secteurs où les TPE devraient recruter dans les prochaines années. Nous contactons ensuite les TPE concernées pour leur proposer non seulement des services actuels, mais également pour concevoir ensemble de nouveaux services plus adaptés à leurs besoins. Je crois beaucoup dans cette expérimentation, même s'il est encore un peu trop tôt pour en tirer des enseignements.
La réduction des tensions de recrutement constitue notre second enjeu. Nous devons faire découvrir des métiers et vaincre quelques stéréotypes encore marqués pour certains d'entre eux, en partenariat avec les branches, les entreprises, en recourant notamment à des outils innovants.
L'ancrage territorial et partenarial est une orientation stratégique cruciale pour Pôle emploi dans les prochaines années. Notre philosophie est assez simple : nous rechercherons tout partenariat source d'efficacité. Nous avons développé au cours des dernières années une stratégie un peu tous azimuts, qui va jusqu'à la réservation de places en crèche pour des demandeurs d'emploi qui ont besoin de faire garder leur enfant pour assister à un rendez-vous ou participer à un entretien ou une formation. Nous attachons une grande importance aux 1 200 maisons de services au public. Nous avons des partenariats pour faciliter l'élaboration des bilans de mobilité, sujet aujourd'hui essentiel, ou pour développer le parrainage, notamment avec une association qui s'appelle « Nos quartiers ont du talent », avec laquelle nous avons récemment créé un dispositif. Je souhaite que chaque agence puisse nouer au plan territorial le maximum de partenariats qui correspondent à ses besoins. Nous avons des partenariats naturellement très actifs avec les collectivités territoriales.
Nous travaillons également sur l'épineux sujet de la prise en charge des freins périphériques. Il s'agit d'un terme assez inélégant qui concerne les demandeurs d'emploi confrontés à des problèmes de logement, de santé, d'addictions de toute nature. Nous avons oeuvré avec la quasi-totalité des départements pour que ces personnes soient accompagnées en même temps par un travailleur social et par un conseiller de Pôle emploi. Nous avons des résultats plutôt favorables pour ce type d'accompagnement global.
Avec les régions, nous travaillons dans une approche contractuelle sur cinq secteurs : la formation naturellement, puisque c'est de leurs compétences clé ; la création d'entreprises ; la mobilité ; le numérique ; le développement économique. Nous avons onze conventions régionales déjà signées ou sur le point de l'être. Nous sommes en train de négocier avec trois autres régions. Nous disposons là aussi de marges de progrès, même si je reste très attaché au caractère national de Pôle emploi, ce qui suscite régulièrement des débats.
S'agissant des partenariats avec le service public de l'emploi, nous avons redéfini nos relations avec l'association pour l'emploi des cadres (APEC), avec laquelle nous travaillons bien, ainsi qu'avec les deux réseaux spécialisés que sont les missions locales, pour les jeunes, et Cap emploi, pour les handicapés. Nous souhaitons travailler en complémentarité avec ces acteurs et clarifier nos responsabilités respectives en renvoyant le plus possible aux discussions locales, car ce n'est qu'à ce niveau que l'on arrive à bâtir des relations de confiance. Des indicateurs de résultats ont également été introduits pour pouvoir mesurer la plus-value des uns et des autres. Là aussi, les marges de progrès sont importantes, notamment en termes de mutualisation et de partage des données.
J'aborde maintenant la transformation digitale, qui est cruciale pour nous. Nous avons beaucoup investi dans le numérique ces dernières années, en commençant par les offres d'emploi. Sur pôle emploi.fr, vous avez en moyenne 600 000 offres. C'est cinq fois plus qu'en 2012. Un tiers environ des offres sont déposées à Pôle emploi, deux tiers sur des sites publics ou privés, avec lesquels nous avons conclu des partenariats.
Cette logique de partenariat a été élargie aux services, à travers un portail de « emploi-store », qui rassemble de nombreux outils numériques au profit des demandeurs d'emploi et des entreprises. Il y a à peu près 300 services numériques développés par Pôle emploi avec 200 partenaires.
En matière d'ouverture des données, nous sommes très volontaristes. Nous souhaitons exporter le maximum de données, notamment sous la forme d'interface de programmation applicative (API).
Nous avons été en avance sur le calendrier fixé par le législateur. Désormais, toutes les offres d'emploi déposées à Pôle emploi sont transférables sous forme d'API. Nous avons aussi développé un écosystème plutôt efficace avec des start-up, auxquelles non seulement nous fournissons des données, mais que nous mettons aussi en relation avec des demandeurs d'emploi, avec nos conseillers, pour les aider à bâtir de nouveaux services. Pôle emploi joue également un rôle d'incitateur de projet. Nous souhaitons poursuivre ce développement du digital tout en restant très attentifs à la fracture numérique.
Nous testons des solutions innovantes, avec, dans nos agences, 2 200 volontaires du service civique mobilisés pour aider les demandeurs d'emploi n'ayant pas accès au digital ou qui le maîtrisent mal, à s'inscrire, à actualiser leur dossier, à accéder à l'offre de services de Pôle emploi. Nous avons également mis en place une assistance téléphonique gratuite, parce que vous savez que l'inscription à Pôle emploi se fait désormais uniquement par Internet, mais elle peut aussi se faire en agence avec ces volontaires. Le taux de satisfaction sur les services digitaux atteint 88 %, ce qui est très positif.
J'ajoute que cet investissement dans le numérique est un facteur de transformation et d'innovation interne très fort. Nous avons créé une plate-forme collaborative, qui s'appelle Innov'action, et qui reçoit 19 000 visiteurs uniques par mois. Nous avons également un réseau social interne. Nous encourageons les start-up internes reposant le plus souvent sur la collaboration d'un conseiller, d'un data scientist et d'un informaticien pour développer de nouvelles applications. Nous avons des succès assez impressionnants puisque les deux applications les plus plébiscitées sur emploi-store ont été développées par un conseiller de Pôle emploi. L'une s'appelle « la bonne formation », l'autre « la bonne boîte ». Nous veillons à mettre ces outils au service des conseillers grâce à des formations internes digitalisées, mais également grâce au télétravail, qui est un moyen de montrer aux conseillers l'intérêt même du numérique pour leur propre qualité de vie au travail.
Enfin, le dernier enjeu, c'est la transformation managériale. Je suis convaincu qu'il faut manager en faisant confiance et en pilotant par les résultats. Ce sont pour moi les deux faces de la même médaille. Je suis persuadé que la performance opérationnelle et la performance sociale sont intimement liées. Nous avons beaucoup déconcentré et territorialisé Pôle emploi. Toutes les agences ont ainsi beaucoup de marges de manoeuvre pour adapter aux particularités locales l'offre de services, en travaillant sur la base de diagnostics locaux. Elles déterminent elles-mêmes le nombre de conseillers qui doivent être consacrés à telle ou telle modalité d'accompagnement. Nous n'avons jamais défini de critères nationaux, parce que nous avons la conviction que les conseillers locaux connaissent mieux que nous les caractéristiques des bassins d'emploi sur lesquels ils travaillent.
Toutes nos dépenses d'intervention, telles que les aides à la mobilité, les prestations et les formations, sont fongibles. Il n'y a donc pas de fléchage au niveau national ; chaque direction régionale a même une réserve budgétaire de 5 % des crédits d'intervention pour déroger aux critères nationaux ou pour bâtir des prestations qui n'existent pas au niveau national.
Nous venons de lancer avec 19 agences volontaires une nouvelle étape qui est extrêmement enrichissante pour nous : il s'agit de leur laisser une carte blanche complète, aussi bien pour l'organisation des services que pour l'offre de prestations.
Cette stratégie est reconnue comme étant pertinente par nos collaborateurs : les trois quarts d'entre eux, et neuf cadres sur dix, jugent qu'elle va dans le bon sens.
La contrepartie de ce mouvement de déconcentration, c'est un pilotage par les résultats. Nous avons défini avec l'État et l'Unedic, qui sont nos deux financeurs, une quinzaine d'indicateurs qui sont uniquement centrés sur la qualité et les délais de l'indemnisation, sur le taux de satisfaction des demandeurs d'emploi et des entreprises, et sur le taux de retour à l'emploi. Ces indicateurs sont mesurés par Ipsos au niveau de chaque agence et ils sont consultables sur le site de Pôle emploi.
Nous invitons d'ailleurs chaque agence à travailler de la manière la plus efficace possible pour améliorer ses résultats, résultats que l'on analyse par groupes homogènes d'agences, afin de les comparer en fonction de leur contexte socio-économique et non pas uniquement selon un critère géographique.
Au total, cette transformation est en rupture avec beaucoup des choix qui avaient été faits à la création de Pôle emploi. Nous avons essayé de la conduire en mobilisant tous les leviers, tout en maîtrisant nos coûts. C'est d'abord la formation interne : nous faisons en moyenne sept jours de formation par agent, ce qui est important. Nous sommes convaincus qu'il faut augmenter le socle de compétences de nos agents. Nous avons mis en place des dispositifs d'accompagnement par agence, et la labellisation de nos engagements de services, qui est faite par l'Afnor, contribue à atteindre cet objectif.
Nous essayons de confronter en permanence nos collaborateurs et nos prestataires aux résultats, avec la mesure des taux de satisfaction. D'ailleurs, nous rappelons systématiquement les demandeurs d'emploi qui se sont déclarés insatisfaits lors des enquêtes de satisfaction. Nous essayons enfin d'associer au maximum les collaborateurs et les usagers à la conception des nouveaux services.
Nous avons une politique ambitieuse en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSO) et nous essayons d'engendrer une boucle vertueuse entre expérimentation évaluation-mise en oeuvre, notamment pour les sujets les plus les plus sensibles, comme le contrôle de la recherche d'emploi. Enfin, nous concluons des accords sociaux ambitieux avec les représentants de nos agents.
Pour conclure, je dirai que je suis le premier conscient de tous les progrès que nous avons encore à accomplir. J'ai le sentiment que nous sommes dans une bonne trajectoire, mais que nous ne sommes pas capables de le faire assez savoir. Je suis toujours un peu malheureux de l'image négative de Pôle emploi, même si nous en sommes sans doute les premiers responsables. Je tiens à rendre hommage au travail difficile que font les collaborateurs. Nous devons mieux expliquer ce que nous faisons et je souhaite que vous, élus du peuple, puissiez venir le plus souvent possible en agence pour vous rendre compte de visu de ce que je vous ai décrit. Si les demandeurs d'emploi qui entrent pour la première fois à Pôle emploi en ont une image négative, nous aurons à terme un problème d'efficacité.