Madame Benbassa, je regrette que vous ayez perçu de la caricature dans mes propos car je me suis gardé de la tentation naturelle de répondre symétriquement à l'exposé des motifs, ressenti comme caricatural par tous les représentants des syndicats de police que j'ai auditionnés. Les bavures peuvent exister. Si elles sont avérées, elles méritent d'être sanctionnées lourdement. En revanche, la mention du harcèlement quotidien dont font l'objet les forces de l'ordre fait défaut dans l'exposé des motifs. M. Bonhomme a bien fait de le rappeler.
Monsieur Kanner, madame de la Gontrie, je ne conteste pas la notion de proximité. Nous y sommes favorables. Si un sondage était mené, les Français répondraient à 99 % qu'ils préfèrent une police proche à une police éloignée. Mais la police de sécurité du quotidien se heurtera aux mêmes griefs que la police de proximité si des moyens sont retirés à la protection et au renseignement. Donner la priorité à la proximité sans les moyens de traiter les renseignements récoltés est contre-productif. En outre, madame Benbassa, ce n'est pas seulement l'îlotier du matin qui pourra collecter des éléments attestant d'une radicalisation. C'est d'abord le renseignement territorial, les acteurs de l'animation et de l'éducation. Il y a quinze jours encore, j'étais maire de Woippy dont plus de la moitié de la population est de confession musulmane. Je connais ce sujet.
Le Gouvernement devrait s'inspirer davantage du rapport du Sénat sur l'organisation et le financement de l'islam en France, qui propose un grand nombre de pistes.
Monsieur Kanner, le précédent gouvernement a eu cinq ans pour remettre en place la police de proximité. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait si c'était si idéal ?
Je suis d'accord pour dépasser l'opposition systématique droite-gauche. La proximité est un objectif partagé par tous.
Madame de la Gontrie, la proposition de loi ne propose pas qu'une doctrine d'emploi. Elle s'ingère dans le domaine réglementaire et ordonne la création d'une direction générale de la police de proximité sur le modèle de la direction générale de la sécurité intérieure. En conséquence, l'organisation serait beaucoup plus verticale alors que nous appelons tous à une organisation plus horizontale.
Mme Costes a rappelé le besoin de territorialisation. La présence accrue de la police est incongrue dans certains endroits et bienvenue dans d'autres.
Décloisonnement, horizontalité, territorialisation : voilà les maîtres-mots. J'espère que nous les retrouverons dans la police de sécurité du quotidien, avec des moyens supplémentaires. Si ses contours sont flous, je reconnais qu'outre les tablettes numériques et la simplification du code de procédure pénale, la volonté de décentraliser semble présente, ce qui est positif, à condition qu'elle soit accompagnée d'effectifs, d'équipements et d'un allègement des procédures pour redonner du temps opérationnel aux policiers.
Comme M. Mohamed Soilihi, je pense que la proposition de loi s'entrechoque avec l'initiative du Gouvernement. Au moins permet-elle à notre assemblée un débat très pertinent sur le sujet.