Notre commission des lois s'est saisie pour avis des crédits affectés au programme « Développement des entreprises et régulations », au sein de la mission « Économie », au titre de ses compétences en matière de droit des entreprises, de simplification de leur environnement juridique, de protection économique et de sécurité des consommateurs, de régulation des marchés et de mise en oeuvre du droit de la concurrence.
Ce programme regroupe l'ensemble des crédits et des dépenses fiscales consacrés au soutien aux entreprises, ainsi que les crédits destinés aux missions de protection des consommateurs et de régulation concurrentielle des marchés. Il relève du ministre de l'économie et des finances. Sa mise en oeuvre incombe, pour une large part, à la direction générale des entreprises (DGE) et à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en administration centrale comme dans les services déconcentrés, ainsi qu'à l'Autorité de la concurrence.
En dépit d'une hausse optique des autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances pour 2018, résultant de deux facteurs très ponctuels, le programme « Développement des entreprises et régulations » va connaître une nouvelle diminution de ses crédits de paiement de 1,44 %, dans un périmètre relativement inchangé. Une fois de plus, j'observe que ce programme reste toujours, année après année, fortement mis à contribution par l'effort budgétaire.
Cette diminution affecte plus lourdement certaines administrations, en particulier la DGCCRF, épargnée ces dernières années après avoir déjà été durement mise à contribution, mais aussi la DGE et, curieusement, l'Autorité de la concurrence, alors même que ses missions augmentent vis-à-vis des professions réglementées. Elle affecte également les crédits destinés à soutenir les entreprises françaises à l'export.
J'ai poursuivi cette année mon étude sur le thème des politiques d'accompagnement des entreprises dans les territoires, confirmant les réserves exprimées l'année dernière sur l'évolution dans ce domaine du rôle des services déconcentrés de l'État, compte tenu de leur manque de moyens.
En dépit d'une baisse plus marquée en 2018 qu'en 2017 des moyens des administrations, autorités et organismes en charge de la mise en oeuvre des principales actions du programme, dont celles concourant à l'accompagnement des entreprises, j'observe des perspectives d'évolution positive dans certains domaines, qui n'étaient pas perceptibles jusque-là, raison pour laquelle la commission des lois, sur ma proposition, avait émis l'année dernière un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme. Ces perspectives concernent tant les initiatives des acteurs de l'accompagnement des entreprises que leur meilleure coordination, à la faveur de la montée en puissance des régions dans le domaine du développement économique, conformément à la loi « NOTRe ». Elles concernent aussi la prise de conscience, par les administrations de l'État, de la nécessité de revoir leur organisation territoriale.
Dès lors, au vu de ces perspectives et dans l'attente de leur concrétisation - et je fais là un acte de foi - je vous proposerai un avis favorable à l'adoption des crédits de ce programme. La commission des affaires économiques a émis le même avis ainsi que la commission des finances.
Je me suis plus particulièrement intéressé à la situation de l'Autorité de la concurrence, de la DGCCRF et de la DGE.
Le montant des autorisations d'engagement allouées à l'Autorité de la concurrence devrait augmenter de 0,71 %, mais celui de ses crédits de paiement devrait fortement diminuer de 4,19 %, soit près d'un million d'euros en moins, alors que 75 % de ces crédits sont des dépenses de personnel.
Certes, le plafond d'emplois prévu est en progression pour 2018, à hauteur de 202 postes, mais les crédits alloués ne permettront pas de l'utiliser, compte tenu de leur diminution. Une telle situation est contradictoire avec les nouvelles missions de l'Autorité de la concurrence, notamment en ce qui concerne l'installation des notaires. En septembre 2016, le Gouvernement avait décidé de créer 1 650 nouveaux offices en deux ans, dont 1 002 dans les douze premiers mois ; force est de constater que ce nombre est loin d'être atteint. Ce retard résulte notamment du contentieux sur les modalités du tirage au sort des candidatures aux nouveaux offices, qui a conduit à l'annulation d'un premier arrêté par le Conseil d'État et à la prise d'un second arrêté, lequel a mis en place un lourd dispositif de contrôle des opérations de tirage au sort.
À la date du 17 novembre 2017, seuls 693 offices ont été créés, permettant la nomination de 720 notaires, dont 62 étaient déjà en exercice, tandis que 25 ont été supprimés, soit un solde net de 668 nouveaux offices. Nous sommes loin du compte.
Cette opération reste fortement contestée au sein de la profession, tant en raison de l'opposition au principe même du tirage au sort que de la faculté pour les sociétés déjà titulaires d'un office notarial, donc des notaires déjà en exercice, de présenter des candidatures pour de nouveaux offices, alors que leur création devait permettre de renouveler la profession.
Une révision de la carte d'installation des notaires est prévue en 2018. L'Autorité a prévu à cette occasion d'évaluer la méthode appliquée pour la première carte et de proposer une amélioration des modalités de désignation des nouveaux notaires.
Par ailleurs, l'activité de l'année 2016 a été particulièrement soutenue pour l'Autorité, tant en matière de décisions de concentration, avec un record de 230 décisions, que de pratiques anticoncurrentielles. Vu le volume des recettes obtenues grâce à l'Autorité, je comprends d'autant moins la réduction des moyens présentée dans ce projet de loi de finances. Je ne sais comment elle fera pour exercer efficacement toutes ses missions.
J'en viens à la DGCCRF : ses crédits devraient subir une forte baisse de 4,33 %, se traduisant notamment par 45 emplois en moins. Cette rupture intervient après quatre années de stabilisation bienvenue, pour une administration de contrôle qui avait été très fortement mise à contribution dans la période antérieure par la réduction des effectifs de fonctionnaires. Je suis préoccupé car je ne sais si la DGCCRF pourra continuer à exercer ses missions de contrôle. Toutefois, dans la perspective de la démarche « Action publique 2022 » de réforme de l'État lancée cette année par le Gouvernement, dont la réforme de l'organisation des services déconcentrés de l'État constitue l'un des chantiers transversaux, le ministre de l'économie et des finances s'est engagé à rétablir de véritables services déconcentrés de la DGCCRF, dans le cadre d'une chaîne hiérarchique incluant, à l'échelon régional, le pôle C des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), lequel pourrait alors devenir la structure de pilotage de l'ensemble des équipes constituées au niveau infrarégional. L'organisation la plus optimale de ces équipes, qui ne serait plus nécessairement départementale, resterait ensuite à définir, le cas échéant de façon différenciée selon les régions et les compétences.
Comme je l'avais dit l'année dernière, compte tenu du niveau atteint par les effectifs déconcentrés de la DGCCRF, une organisation à l'échelon départemental n'est aujourd'hui plus adaptée, de sorte qu'une régionalisation de l'organisation des missions apparaît comme l'évolution la plus opérationnelle. Je salue ces nouvelles perspectives annoncées par le ministre, qui permettraient d'améliorer les modalités d'exercice des missions.
La DGE, dont la mission première est l'amélioration de la compétitivité des entreprises, devrait connaître en 2018 une nouvelle baisse de son plafond d'emplois, à hauteur de 23 emplois, dans la continuité des années précédentes, sur un effectif global de 1 514 emplois en administration centrale et dans les services déconcentrés. Les crédits de paiement alloués aux actions n° 2 et 3 du programme, regroupant notamment les moyens d'action de la DGE, devraient diminuer respectivement de 1,70 % et de 7,56 %.
En 2017, la Cour des comptes a publié un référé dressant le bilan de la réorganisation administrative ayant conduit à la création de la DGE. Selon les magistrats de la Cour, cette réforme a largement permis de faire de la DGE une direction stratège, qui suit de façon transversale tous les types d'entreprises et tous les facteurs de compétitivité et veille à l'amélioration de l'environnement des entreprises dans la plupart des secteurs d'activité.
La réforme est encore inachevée selon la Cour des comptes, en raison d'une expertise sectorielle jugée inégale et du fait aussi que d'autres ministères sont en charge de certains secteurs industriels, notamment le ministère de la transition écologique et solidaire pour le secteur de l'énergie, autrefois rattaché au ministère de l'économie.
La Cour considère que la DGE est « insuffisamment ancrée dans les territoires », ce qui confirme mon analyse,
Aussi, j'estime que la contrainte de la baisse des effectifs déconcentrés de la DGE, dans un contexte de montée en puissance des régions sur le champ économique, conduira inéluctablement la DGE à une profonde réorganisation de ses services en région, et je m'interroge même sur leur maintien. Prolongeant la réflexion de la Cour, j'estime nécessaire de renoncer aux missions décentralisées, plutôt que d'entretenir des doublons entre les DIRECCTE, en repli, et les autres acteurs, plus dynamiques et disposant de crédits, en particulier les régions.
De nouvelles initiatives et de nouvelles formes de coopérations semblent se mettre en place, impliquant les régions, les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métiers et de l'artisanat et Business France, sans que la situation des services territoriaux de l'État paraisse pour autant s'améliorer. La poursuite de la diminution des effectifs déconcentrés de la DGE, année après année, ne peut que confirmer notre interrogation sur le rôle à terme des services de l'État en matière de développement économique, à côté de partenaires qui apparaissent à présent plus dynamiques et dotés de moyens plus importants. La clarification des responsabilités respectives de l'État et des régions reste à faire en matière d'accompagnement des entreprises dans les territoires.
Les régions mettent en oeuvre aujourd'hui leurs schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII). Fortes de ces nouvelles compétences, les régions ont vocation à assurer la coordination de tous les acteurs locaux intervenant en matière de développement économique et d'accompagnement des entreprises dans les territoires. Les régions ont élaboré ces schémas avec leurs différents partenaires, notamment avec les réseaux consulaires. Le législateur a prévu l'obligation de compatibilité des stratégies des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat avec ces schémas. Cette obligation n'a pas soulevé de difficulté pratique, mais a renforcé la coordination entre les régions et les chambres consulaires. Selon les partenaires que j'ai entendus, le dialogue devrait être approfondi et durable entre les régions et les différents acteurs.
Dans le cadre du SRDEII, la région « définit les orientations en matière (...) de soutien à l'internationalisation ». Cette compétence conduit logiquement à un partenariat entre les régions et Business France, établissement public chargé de favoriser et d'accompagner le développement international et l'exportation par les entreprises. Dans le projet de loi de finances, Business France devrait voir une érosion de l'ordre de 2,7 millions d'euros de la subvention versée par l'État. Dans un contexte de baisse des dotations, il convient de mettre l'accent sur les enjeux de coordination entre tous les acteurs de l'internationalisation.
Dès lors, en dépit de la baisse des crédits, j'approuve les perspectives de coordination et de mutualisation entre les acteurs de l'internationalisation des entreprises, qui peuvent constituer, si elles se concrétisent efficacement, un modèle à suivre et qui éviterait les doublons.
Avec les réserves d'usage, je vous propose un acte de foi en faisant confiance à ces perspectives d'évolution : mon avis est donc favorable.
La foi est toujours un mystère...
Il est curieux de constater que, moins il y a de fonctionnaires dans les services déconcentrés de l'État, plus les entreprises se plaignent de la bureaucratie : leur petit nombre les amène sans doute à plus de rigidité, car ils n'ont pas le temps d'apprécier toutes les subtilités des dossiers qui leur sont soumis.
Je suggère que nous lancions une mission de contrôle en 2019 sur les effets de la loi « Macron » sur la réforme de l'installation des notaires, mais aussi sur toutes les professions règlementées comme les huissiers, les administrateurs et mandataires judiciaires, les greffiers de commerce. Pour les notaires, il faudra s'assurer que les objectifs visés aient bien été atteints, mais je crains que nous en soyons fort éloignés, dans la mesure où ce curieux tirage au sort a permis aux sociétés existantes de participer. En outre, les nouveaux titulaires risquent de se rendre compte rapidement que ces offices ne sont pas rentables. Les modalités du tirage au sort ont abouti à des effets contraires aux buts recherchés, avec une sorte de capitalisation regrettable de la profession. À terme, nous allons assister à des regroupements d'offices, avec des créations d'importantes sociétés civiles professionnelles de notaires dans les grandes villes et à leur disparition dans les cantons, comme c'était le cas il y a encore peu, ce que décrit si bien Balzac. Bref, la situation des nouveaux notaires ne sera en rien améliorée.
Autre point : le réseau de la Banque de France est nécessaire aux entreprises, car il assure leur cotation, ce qui leur permet d'obtenir des prêts. La réforme en cours, peu médiatisée, risque de réduire les services apportés aux entreprises lors de leur cotation. Jusqu'à présent, lorsque les entreprises n'étaient pas d'accord avec la cotation proposée, elles pouvaient demander aux agents de la Banque de France, qui connaissaient le terrain, de la modifier. Ce ne sera plus possible avec le regroupement des services au niveau régional.
Pour le reste, je suivrai les conclusions de notre rapporteur.
Je partage les remarques de notre rapporteur sur Business France et le besoin de coordination avec les autres acteurs.
Depuis la loi sur la République numérique, qui a mis les normes en open data, le modèle économique de l'Association française de normalisation (Afnor) est fragilisé et nous devrons être attentifs à son évolution. Pour que les normes françaises soient crédibles et reconnues à l'étranger, l'Afnor doit demeurer présente au sein des organisations internationales de normalisation.
L'Institut national de la propriété industrielle (INPI) représente la France au niveau international, mais cet établissement public ne joue pas son rôle et ses agents disent ouvertement qu'ils souhaiteraient poursuivre leur carrière à l'Office européen des brevets. Or, cet Office privilégie les innovations qui viennent de pays hors de l'Union européenne pour des raisons purement financières et refuse de donner la priorité aux demandes françaises.
Je m'étonne que Business France ne relève pas du budget de l'action extérieure de l'État. Je salue l'évolution des chambres de commerce et d'industrie, qui accompagnent les entreprises en France et à l'étranger. Business France doit se consacrer aux actions qui ne relèvent pas du domaine privé ; il n'est pas logique qu'il y ait une concurrence entre cet organisme et les chambres consulaires, que Business France fasse du consulting privé et qu'il préfère faire du chiffre d'affaires et facturer ses prestations alors qu'il concurrence des structures privées. Business France doit avant tout accompagner les entreprises qui ont besoin de l'État. Il y a une vraie réflexion à faire sur l'avenir de Business France.
Si j'ai bien compris, les moyens des organismes d'État qui contrôlent la concurrence diminuent, et donc on est d'accord vous donnez un avis favorable !
Nous sommes un pays ouvert à la concurrence, mais il y a de moins en moins de concurrents, du fait de la constitution de positions dominantes et de monopoles de fait. Je ne suis pas un fanatique de l'Autorité de la concurrence, mais tout de même. Bref, je suis un peu étonné de votre avis car on ne peut tirer du manque de moyens la conclusion qu'il faut concentrer et éloigner les structures du terrain, on ne peut pas améliorer le service en diminuant la proximité et en régionalisant. Nous devons envoyer un signal, on ne peut pas supprimer des moyens !
Combien y a-t-il eu de postulants lorsque les nouvelles études de notaires ont été tirées au sort ? Curieusement, une de mes anciennes étudiantes a été tirée au sort trois fois. Soit elle a beaucoup de chance, soit il n'y avait pas beaucoup de candidats.
Malheureusement, je n'ai pas travaillé cette année sur l'Afnor ni sur l'INPI : je m'y emploierai l'année prochaine...
Je souhaite que les missions de Business France fassent l'objet d'une véritable réflexion. Son nouveau directeur général a rendu un rapport sur cet établissement public : j'ai le sentiment qu'il a compris les enjeux et qu'il entend les mettre en oeuvre avec un souci de complémentarité et de recentrage sur les compétences régaliennes. Il a ainsi proposé que certains de ses agents travaillent dans les chambres de commerce et d'industrie afin d'assurer un guichet unique à l'international pour les entreprises.
Laissons-lui le temps de mettre en oeuvre son programme de réformes.
Certes, monsieur Collombat, les budgets diminuent depuis quelques années et les services déconcentrés souffrent : comment peut-on travailler avec quatre personnes de la DGCCRF dans la Creuse ? Pourtant, cette année, je note des inflexions avec le nouveau Gouvernement.
Il faut sans doute réduire les services centraux pour étoffer les services déconcentrés, comme l'a d'ailleurs dit la Cour des comptes.
Donc, réorganisation territoriale et volonté de travailler en commun avec les partenaires, notamment avec les régions. Nous avons besoin d'une réponse structurante. L'État doit tenir compte de ce que font les régions avec les autres acteurs, dans le contexte de la loi « NOTRe ». Pour la première fois, on voit des engagements, les ministres souhaitent aller de l'avant, d'où mon avis favorable.
Madame Lherbier, il y a eu 29 000 candidats pour 1 002 nouveaux offices. Des sociétés notariales ont postulé plusieurs fois ; le fait qu'une personne ait été retenue trois fois n'a donc rien d'étonnant, car elle a pu postuler des dizaines de fois. Mais nous sommes loin du but : à peine plus de 650 offices créés sur 1 002 prévus, et dont la viabilité économique reste à démontrer. Comme l'a dit M. Pillet, je ne peux qu'encourager la commission à lancer une mission d'évaluation de la loi « Macron » sur ce volet des professions réglementées en 2019, mais je pense que les objectifs fixés ne seront pas atteints.
Cette évaluation trouvera toute sa place en 2019. Je remercie notre rapporteur pour son effort de synthèse dans la présentation de ce programme qui regroupe des administrations très différentes, ce qui rend l'exercice difficile.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ».
Nous sommes saisis d'une proposition de loi tendant à réhabiliter la police de proximité, présenté par Mme Éliane Assassi et plusieurs de nos collègues.
Curieux titre que celui de cette proposition de loi : une réhabilitation fait en général suite à une condamnation injustifiée.
L'insécurité et la délinquance de masse gangrènent certains territoires de notre République : cela n'a échappé à aucun de nos gouvernants depuis des décennies : police de proximité, unités territoriales de quartier ou encore brigades spécialisées de terrain, aucune de ces initiatives n'a permis de réduire la délinquance, loin s'en faut. La persistance de poches d'insécurité, d'où les forces de l'ordre se sont elles-mêmes désengagées, est indigne de notre République
Les forces de sécurité intérieure sont d'ailleurs les premières à pâtir d'une telle situation. Souvent déconsidérées, elles sont l'objet, depuis plusieurs années, d'une recrudescence d'outrages et de violences, qui contribue au mal-être de leurs agents et nuit à l'efficacité de leur action. Je regrette que l'exposé des motifs de cette proposition de loi n'en fasse pas état, insistant bien davantage sur les bavures policières, inacceptables quand elles sont avérées, mais qui sont exceptionnelles, tandis que les outrages et violences contre agents sont quotidiens. La médiatisation récente de certains faits de violence policière alimente l'image d'une police qui ne serait plus au service des citoyens.
Les auteurs de cette proposition de loi assument le retour à la doctrine de la « pol prox » des années 1990, sans toutefois tirer les conséquences ni des difficultés rencontrées lors de sa mise en oeuvre, ni de son bilan très mitigé.
Revenons sur cette brève expérience. Mise en oeuvre à compter de 1998 par le gouvernement de Lionel Jospin, la politique de police de proximité se présentait comme une réforme d'ampleur des modes d'organisation et d'intervention de la police, qui visait à substituer à une police chargée principalement du maintien de l'ordre, une police ayant pour objectif d'assurer la sécurité quotidienne de la population.
Selon le ministre de l'intérieur de l'époque, Jean-Pierre Chevènement, lors du colloque de Villepinte en octobre 1997, l'objectif affiché de la police de proximité était triple. Il s'agissait tout d'abord de développer au sein de la police une culture de l'anticipation et de la prévention plutôt que de réaction aux évènements. La réforme entendait, par ailleurs, favoriser l'ancrage de la police et une meilleure visibilité au sein des territoires et des quartiers, en augmentant la présence des forces de sécurité sur le terrain, afin de renforcer le sentiment de sécurité au sein de la population. Enfin, elle visait à mieux répondre aux attentes de la population par un dialogue constant et la mise en place d'un accueil personnalisé du public.
La mise en oeuvre de la réforme de la police de proximité s'est faite en deux temps. Une phase d'expérimentation, lancée au printemps 1999, a été conduite au sein de cinq circonscriptions de sécurité publique, et étendue à compter d'octobre 1999 à 62 sites, au sein de 37 départements parmi les plus sensibles. La généralisation de la police de proximité s'est déroulée d'avril 2000 à juin 2002, de manière à couvrir l'ensemble du territoire.
Dans la pratique, cette politique s'est traduite par l'ouverture de bureaux locaux de police, ainsi que par le redéploiement d'environ 3 000 gardiens de la paix. Afin de renforcer les effectifs de terrain, la réforme s'est par ailleurs très fortement appuyée sur le recrutement d'adjoints de sécurité.
La police de proximité a été supprimée en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, dans le cadre du retour à une police d'intervention plutôt que de prévention.
Pour autant, et bien que la notion de police de proximité soit jusqu'à ce jour tombée en désuétude, la volonté de territorialiser l'action des forces de sécurité intérieure s'est poursuivie ces quinze dernières années et n'a cessé d'animer les réformes d'organisation de la police. Ces politiques se sont toutefois concentrées, pour l'essentiel, sur les territoires les plus difficiles au niveau élevé de délinquance. Elles ont contribué, aidées en cela par la réduction significative, à compter de 2006, des effectifs des forces de sécurité intérieure, à privilégier une police d'intervention et à raréfier la présence policière sur l'ensemble du territoire national.
Nous avons connu les unités territoriales de quartier en 2008, en réponse au développement des violences urbaines : il s'agissait d'un plan d'action orienté en direction des quartiers sensibles. Composées d'une vingtaine de policiers spécialement formés et placés dans les quartiers les plus difficiles, ces unités avaient pour missions de lutter contre la délinquance, de collecter du renseignement opérationnel et de développer un lien de confiance entre la police et la population. Elles marquaient ainsi un retour partiel à l'esprit de proximité.
À la suite des conclusions d'un rapport d'inspection, ces unités ont été transformées, en septembre 2010, en brigades spécialisées de terrain (BST). Cette évolution s'est principalement traduite par un changement de stratégie territoriale : contrairement aux unités territoriales de quartier, ancrées dans des circonscriptions définies, les BST ont été déployées dans des zones sensibles, au périmètre circonscrit mais susceptible d'évoluer en fonction de la délinquance.
Cette réforme visait à adapter de façon permanente les dispositifs policiers sur la voie publique à l'évolution de la délinquance et aux attentes de la population.
En juillet 2012, nous avons eu les zones de sécurité prioritaire (ZSP), qui venaient en complément des structures existantes. Il s'agissait de concentrer les efforts et les moyens sur un nombre restreint de territoires, définis sur la base d'une série de critères, liés notamment au niveau d'insécurité mais également aux déséquilibres socio-économiques. Initialement limitées à 15, les ZSP sont aujourd'hui au nombre de 81. Les BST font partie intégrante du dispositif : actuellement déployées dans 26 ZSP, elles y assurent des missions de sécurisation de proximité.
La proposition de loi présentée par Mme Assassi et plusieurs de nos collègues suggère d'en revenir au modèle déjà expérimenté de la police de proximité. Elle vise à restaurer cette police et s'attache à préciser ses orientations ainsi que ses missions, en leur donnant une portée législative.
L'article 1er précise les axes et principes de la police de proximité. Il complète à cet effet l'article L. 111-2 du code de la sécurité intérieure, qui fixe les orientations permanentes de la politique de sécurité publique, parmi lesquels est déjà mentionnée « l'extension à l'ensemble du territoire d'une police de proximité répondant aux attentes et aux besoins des personnes en matière de sécurité ». Elle inscrit aussi la territorialisation de l'action policière qui s'appuierait sur une stratégie territoriale pour chaque circonscription définie, au sein des conseils locaux intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance en partenariat avec les acteurs locaux. Cet article prévoit aussi l'autonomisation et la polyvalence des agents de police ainsi qu'une gestion adaptée des effectifs en fonction des caractéristiques de chaque territoire.
L'article 2 prévoit la création d'une nouvelle catégorie de personnels de la police nationale, les agents de police de proximité. Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, les missions des agents de police de proximité s'articuleraient autour de trois axes, qui reprennent, pour l'essentiel, les modalités d'action de la police de proximité mise en oeuvre dans les années 1990.
Enfin, l'article 3 prévoit la création d'une direction générale de la police de proximité, distincte et autonome de la direction générale de la police nationale.
Disons-le d'emblée : je suis défavorable à l'adoption de cette proposition de loi, pour plusieurs raisons.
Avant même de s'interroger sur l'opportunité des dispositifs proposés, cette proposition de loi soulève plusieurs difficultés d'ordre constitutionnel. La plupart des dispositions du texte ne relève pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire. Ainsi en est-il de son article 2, qui prévoit la création des agents de proximité. Si la définition des garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État relève, en vertu de l'article 34 de la Constitution, de la loi, la définition des catégories d'agents publics est de nature réglementaire.
De même, l'article 3, qui prévoit la création d'une direction générale de la police de proximité, est une mesure d'organisation interne au ministère de l'intérieur qui ne nécessite pas de fondement législatif.
En second lieu, certaines dispositions de la proposition de loi paraissent susceptibles, en raison de leur faible normativité, d'être jugées contraires à la Constitution. Le Conseil constitutionnel fait preuve, à cet égard, d'une rigueur nouvelle, depuis sa décision du 21 avril 2005 qui censurait des dispositions ne définissant que des orientations ou ne présentant aucun caractère impératif.
Le postulat de cette proposition de loi est que la police de proximité n'a pas produit tous ses effets positifs uniquement par manque de moyens et de durée. En se fondant sur cette seule analyse, nous risquerions de reproduire les erreurs du passé.
Il est souhaitable de sortir de l'opposition idéologique entre police répressive et police préventive. Or cette proposition de loi se fonde sur cette opposition, laissant penser que toutes les difficultés actuelles viendraient de la faiblesse de la fonction préventive de la police. Ainsi, les agents de police de proximité auraient pour objectif principal « d'anticiper et prévenir les troubles à l'ordre public ». Le panel des missions confiées à ces agents irait jusqu'à la sensibilisation des citoyens aux questions de sécurité et à l'organisation d'opérations culturelles et sportives.
Or, comme l'ont relevé à juste titre la plupart des personnes que j'ai entendues en audition, l'efficacité et l'efficience de la politique de sécurité nécessitent de dépasser cette opposition, la prévention et la répression constituant les deux piliers essentiels et indissociables des missions de la police nationale. Il ne faut surtout pas sortir des policiers trop peu nombreux de leur coeur de métier. Le retour d'expérience sur la politique de police de proximité conduite au cours de la législature 1997-2002 est, à cet égard, édifiant. La priorité affichée de la politique de proximité était de lutter contre le « sentiment » d'insécurité, par une présence diurne plus voyante mais moins répressive, comme si ce sentiment était fantasmé par la population et ne s'appuyait pas sur une réalité de la délinquance.
Or, l'expérience de la police de proximité aurait eu, dans un grand nombre de cas, un effet contre-productif. En effet, l'accent mis sur la mission préventive aurait conduit les agents placés en proximité à limiter leurs interventions et leurs interpellations de manière à apaiser les tensions dans les secteurs les plus difficiles, avec pour conséquence une augmentation de la réalité et donc du sentiment d'insécurité.
Les statistiques de la délinquance paraissent d'ailleurs le confirmer. J'ai pu obtenir le quatrième et dernier rapport d'évaluation de la police de proximité, réalisé en 2001 et non en 2002 et par conséquent commandé par le Gouvernement qui avait lui-même mis en oeuvre cette politique. Ce rapport constate que le niveau général de délinquance a augmenté de 5,2 % durant la période 1998-2001 et les violences aux personnes de 32 %. La délinquance juvénile a elle-même fortement progressé alors que la police n'avait jamais été aussi disposée au dialogue.
Qui plus est, la mise en oeuvre de la police de proximité a renforcé les effectifs de police dans la journée, au détriment de la présence nocturne. Or, l'essentiel de la délinquance se produit le soir et la nuit. Ce problème devra impérativement être traité dans le cadre de la future police de sécurité du quotidien (PSQ) annoncée par le Président de la République. La police est chroniquement en sous-effectif de nuit, notamment en raison d'une séparation rigide des équipes diurnes et nocturnes et du trop faible avantage financier consenti aux « nuitiers », avantage inférieur à un euro par heure.
La restauration d'un sentiment de sécurité au sein de la population requiert une politique ferme de lutte contre l'impunité. Une politique préventive ne doit pas se faire au détriment d'une politique répressive et d'une réponse judiciaire ferme. La première mesure de prévention doit en effet être la présence sur le terrain de policiers potentiellement répressifs.
Le rapport d'évaluation de 2001 relevait ainsi, s'agissant des quartiers les plus difficiles où la police de proximité avait été implantée, que « faute de réponse judiciaire ferme, il est constaté que le redéploiement des policiers non accompagné de réponses durables aux problèmes de la délinquance accroît les risques d'affrontements, d'outrages et de rebellions. Le sentiment d'impunité fait ressortir et amplifie le sentiment d'insécurité et la confiance accrue que la population avait investie au démarrage du dispositif est déçue ». Il en concluait que « l'option préventive, coûteuse en moyens humains par définition, ne produit pas de sécurité si elle n'est validée par une répression ultime ». Aussi la mise en place d'une police de proximité ne peut-elle être conçue sans une coordination avec l'ensemble des autres maillons de la chaîne pénale, qu'il s'agisse des services de police judiciaire, des services d'investigation ou encore de l'autorité judiciaire elle-même.
À cet égard, je regrette que la proposition de loi, en prévoyant la création d'un statut spécifique pour les agents de police de proximité et d'une direction générale indépendante de la direction générale de la police nationale, envisage cette police comme une fonction distincte des autres missions de la police nationale.
Plutôt que de juxtaposer de nouvelles forces à celles existantes, il apparaitrait préférable de réorganiser l'ensemble des forces de police de manière intégrée et coordonnée.
Enfin, il faut souligner l'impossibilité pour la police nationale de porter, à elle seule, la responsabilité de la conduite de la politique de sécurité sur notre territoire. La prévention au sens large commence avec la protection maternelle et infantile et se poursuit avec l'éducation nationale et l'animation sociale, culturelle et sportive. Entre ces deux cercles existe celui de la prévention spécialisée. Ces champs ne sont pas ceux des forces de l'ordre qui ne sauraient se substituer aux autres professionnels, même si un travail concerté entre tous est souhaitable.
En outre, certaines missions mentionnées par les auteurs de la proposition de loi, en particulier l'organisation d'activités culturelles et sportives, dépassent très largement le champ d'action de la police nationale.
Deuxième difficulté posée par la proposition de loi : la politique proposée serait difficile à implémenter dans le contexte budgétaire actuel. La politique de police de proximité mise en oeuvre à la fin des années 1990 a pâti du manque de moyens. Certes, l'expérimentation initialement conduite sur un nombre restreint de circonscriptions de sécurité avec des moyens accrus, avait donné des résultats probants. Mais sa généralisation, à moyens constants, a été contreproductive.
Ainsi, dans les territoires où la police de proximité avait effectivement permis la collecte d'informations sur la délinquance auprès des acteurs de terrain ou de la population, ces renseignements ont été d'autant moins traités que le déploiement de la police de proximité s'était fait au détriment des unités d'investigation et d'intervention.
Selon le rapport d'évaluation de 2001, la politique de la police de proximité a souffert du manque de qualification des personnels déployés sur le terrain. Sa mise en oeuvre s'est en effet en grande partie appuyée sur les adjoints de sécurité qui n'avaient pas le niveau de compétences requis. De plus, les « proximiers » affectés dans ces quartiers étaient généralement des personnels nouvellement recrutés, parfois positionnés en première affectation, disposant d'une expérience de terrain très limitée, voire inexistante. Le rapport d'évaluation est très clair à cet égard.
La proposition de loi envisage une généralisation du modèle de la police de proximité à l'ensemble du territoire, comme cela a été fait précédemment. Aucun des responsables auditionné n'a su évaluer avec précision le nombre d'effectifs supplémentaires nécessaires au déploiement d'une telle police. Les annonces de créations de 10 000 postes de policiers et de gendarmes supplémentaires sont loin d'être à la hauteur des enjeux et risquent de s'avérer insuffisantes pour la réforme de la police de sécurité du quotidien annoncée.
Dans l'immédiat, nous estimons qu'il serait illusoire, dans le cadre budgétaire actuel, d'assurer la mise en oeuvre de la police de sécurité sans cibler des zones et des circonscriptions prioritaires. Sans possibilité de renforcer massivement les effectifs de la police nationale, elle risquerait de se faire au détriment d'autres services de la police nationale, en particulier des services de police judiciaire, déjà fortement engorgés.
Aucune réorganisation de la police au bénéfice d'une plus grande proximité avec la population ne pourra être engagée sans une réflexion préalable et d'ampleur sur la rationalisation des moyens de la police ainsi que sur la simplification de la procédure pénale, toutes deux nécessaires pour libérer de plus amples capacités opérationnelles au sein de la police nationale. Les policiers consacrent les deux tiers de leur temps à la procédure et le reste au terrain.
Le rapport d'évaluation de 2001 soulevait déjà cette difficulté : « l'effet induit du formalisme est redoutable en termes d'occupation du terrain pour les policiers qui doivent satisfaire aux exigences de la loi et consacrer davantage de temps aux formalités internes des procédures, de plus en plus au détriment du fond ».
À cet égard, les annonces du Président de la République sur le projet de mise en oeuvre d'une police de sécurité du quotidien, aux contours certes encore flous, ainsi que sur une future réforme de la procédure pénale, paraissent aller dans le bon sens.
À la lumière des témoignages entendus au cours des auditions, les difficultés rencontrées il y a vingt ans à l'occasion de la première expérience de police de proximité, notamment s'agissant de la difficulté d'affectation d'agents expérimentés dans les quartiers les plus sensibles, demeurent, et il n'existe pas aujourd'hui de début de solution. Cela nous invite à conduire une réflexion sur la réforme des modalités d'affectation et de répartition des forces de l'ordre sur notre territoire qui ne semble pas à l'ordre du jour du Gouvernement.
Enfin, une stratégie territoriale complète ne peut faire fi de la gendarmerie nationale et des polices municipales. Je partage l'idée d'une nécessaire territorialisation de l'action policière accompagnée d'une décentralisation ou d'une déconcentration de la prise de décision mais je regrette que la stratégie territoriale envisagée par cette proposition de loi passe sous silence l'ensemble des dispositifs policiers existants. De même, elle ne tient pas compte du développement, au cours des deux dernières décennies, des polices municipales, qui jouent désormais un rôle central dans l'action de sécurité de proximité.
Si ses auteurs regrettent la disparition des anciennes brigades territoriales de la gendarmerie nationale, la proposition de loi n'aborde pas le retour à une politique de sécurité de proximité concernant la gendarmerie nationale alors qu'elle intervient sur près de 95 % du territoire national, au bénéfice de 50 % de la population française.
De telles omissions sont regrettables, car l'on ne saurait repenser l'action policière de proximité sans réfléchir à l'articulation de l'ensemble des acteurs engagés sur le terrain.
Le lancement du projet de police de sécurité du quotidien, récemment annoncé par le Président de la République, constitue, en ce sens, une occasion de réfléchir à la territorialisation des forces de sécurité intérieure. Dans ce contexte, et au-delà des difficultés soulevées, l'adoption de cette proposition de loi, avant même l'achèvement du processus de consultation lancé par le Gouvernement, m'apparait prématurée. Je vous invite donc à ne pas adopter ce texte, mais son examen en séance permettra un débat intéressant avant la mise en place de la PSQ.
Merci pour ce travail, monsieur le rapporteur. Le rapport que notre collègue a obtenu du ministère de l'intérieur n'avait jamais été publié. Il a d'ailleurs fallu qu'il s'y reprenne à plusieurs fois pour l'obtenir. La notion de PSQ reste un peu floue et on a pu, un moment, croire qu'il s'agissait d'un retour à la police de proximité, ce qui n'est pas le cas.
Merci pour ce rapport, même si je ne suis pas d'accord avec ses conclusions parfois caricaturales. La police de proximité est indispensable au moment où la radicalisation s'étend dans certains quartiers. Elle permet aussi de renforcer les liens de confiance entre la police et la population, lien qui s'est distendu dans certaines zones. C'est ce que disait Patrice Bergougnoux, ancien directeur général de la police nationale, lors de l'annonce, cet été, par Gérard Collomb de la mise en place d'une nouvelle police de proximité. Selon un sondage, 84 % des Français sont favorables à cette police pour renforcer la sécurité dans les quartiers. Le rapport que j'ai rédigé avec Mme Troendlé sur les politiques de déradicalisation mentionnait la mise en place d'une telle police. Peu importe qu'on l'appelle police de proximité ou police de sécurité du quotidien ; ce qui compte, ce sont les missions et les moyens. Dans le projet de loi de finances, il n'y est pas fait référence : derrière les effets d'annonce, pas de moyens financiers. Poudre de perlimpinpin ?
Cette proposition de loi pose le principe d'une véritable police de proximité qui devra être budgétisée. Nous demandons la création d'un nouveau programme pour pouvoir créer une direction générale de la police de proximité, qui disposerait de services administratifs et du soutien nécessaire à son fonctionnement et à sa gestion. Il est vrai, monsieur le rapporteur, que l'on pourrait viser dans cette proposition de loi la gendarmerie : des amendements sont toujours possibles.
Pourquoi rejeter ce texte ? Nous pourrions parvenir à un accord, puisque nous sommes tous d'accord pour estimer cette police nécessaire, notamment pour éviter la radicalisation et la multiplication des contrôles au faciès, que dénonce la Cour de cassation. Comme les associations ont disparu des quartiers difficiles, pourquoi ne pas rétablir une police de proximité ? Arrêtons avec les caricatures de policiers passant leur temps à jouer au foot avec les jeunes délinquants. Soyons plus positifs.
Première remarque, de forme : serait-il possible d'avoir accès au rapport du ministère de l'intérieur auquel le rapporteur a fait référence ?
Le droit à la sûreté est consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. La question est : comment le mettons-nous en oeuvre pour les populations les plus fragiles ? La police « doit redevenir une police de proximité présente sur la voie publique, plus qu'une police d'ordre », déclarait Charles Pasqua, ministre de l'intérieur, en annexe de sa loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Ce n'est donc pas une question de droite ou de gauche. Cette loi n'a pas pu aller loin, en raison du changement de majorité gouvernementale. Ensuite, Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement se sont attelés à la tâche suivant cinq principes : une action ordonnée autour de territoires ; un contact permanent avec la population ; une polyvalence accrue ; une clarification des rôles des différents acteurs, y compris sociaux ; l'amélioration de l'accueil et de l'aide aux victimes. Il est vrai que l'expérience n'a pas pu aller au bout de la logique de territorialisation ; la réforme a été brutalement arrêtée en 2002 par Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, balayant ses effets malgré tout bénéfiques.
M. Grosdidier a oublié de mentionner la suppression de 13 000 postes dans la police et la gendarmerie entre 2007 et 2012, qui a affaibli la mission de sécurité de l'État. Les différents gouvernements de la présidence Hollande ont rétabli 9 000 postes - c'est insuffisant - et créé plus de 80 zones de sécurité prioritaires, en particulier dans les quartiers concernés par la politique de la ville. Ensuite, il a fallu affronter la menace terroriste. Les mesures du précédent quinquennat ont été plus quantitatives que qualitatives. Des expérimentations ont été menées, telles que la caméra piéton.
Il est temps de reconstruire. J'attends avec impatience de découvrir la police de sécurité du quotidien. Le Gouvernement dit ne pas s'inscrire dans la continuité de la police de proximité. Toutefois, je ne vois pas comment il pourrait éviter de tenir compte de l'expérience passée. Cette proposition de loi invite à réfléchir à nouveau, profitons-en. Le groupe socialiste et républicain la soutiendra.
Sans cuistrerie, monsieur Kanner, la sûreté mentionnée dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est pas la sécurité, mais la certitude de ne pas être privé de liberté sur lettre de cachet.
Merci au rapporteur. La proposition de loi affiche des propos généraux de redéfinition des missions et de réorganisation administrative. L'exposé des motifs est bien plus intéressant, en ce qu'il dévoile un arrière-fond idéologique avec lequel je suis en total désaccord. On a l'impression que la police ne devrait plus principalement lutter contre la délinquance. L'exposé dérive sur l'armement des policiers, leur tenue légère, leur déplacement à pied ou en rollers. Comment les policiers pourraient-ils ainsi mener leur coeur de mission ?
L'exposé dénonce le lien de confiance détendu entre la population et la police avec une référence très étonnante, la loi du 23 avril 1941, c'est-à-dire celle qui a nommé René Bousquet chef de la police de Vichy ? Quel serait le continuum avec notre époque actuelle ?
Il y a un an et demi, nous examinions la proposition de loi du groupe communiste, républicain et citoyen relative au contrôle au faciès. On retrouve ici la même analyse faussée et idéologique. Les policiers seraient à l'origine des « violences policières » - avec les guillemets - contre les jeunes de banlieue, comme si, d'ailleurs, les vieux n'existaient pas en banlieue, alors qu'ils ont des difficultés.
Je partage l'analyse du rapporteur sur la proposition de loi. Nous faisons face à une crise d'autorité dans notre pays. Tant que nous n'aurons pas accepté l'idée que l'autorité doit être réinstallée partout, nous pourrons réfléchir autant que nous voulons sur la police de proximité, nous ne parviendrons à rien d'efficace. Dans les quartiers les plus en difficulté, les habitants veulent la tranquillité, l'autorité et la lutte contre la délinquance quotidienne. Je préside depuis vingt ans un club de prévention : les éducateurs spécialisés demandent un retour à l'autorité qui n'existe plus dans les quartiers. Si nous, élus, n'en avons pas conscience, nous continuerons à déposer des propositions de loi qui ne changent rien. Les policiers ne sont pas des copains de football tout comme les enseignants ne sont pas des assistants sociaux. Chacun son rôle.
Ce débat est intéressant, au-delà des propos enflammés voire caricaturaux du rapporteur. On prête à cette proposition de loi un objectif qu'elle n'a pas. Elle n'est qu'une doctrine d'emploi.
En tant que nouvelle sénatrice, je me suis replongée dans les travaux du Sénat pour lire le rapport d'information du 30 octobre 2006, « Un nouveau pacte de solidarité pour les quartiers », signé par des sénateurs de toutes les formations, au premier rang desquels un sénateur UMP. La préconisation n° 34 - sur 70 - est « réactiver une véritable police de proximité ». Monsieur le rapporteur, pourquoi cette différence d'approche aujourd'hui ?
Le président Bas a qualifié avec euphémisme le projet de police de sécurité du quotidien de flou. J'ai compris qu'il reposait sur deux éléments : des tablettes numériques et une simplification du code de procédure pénale.
J'ai présenté hier en séance un amendement sur les contrôles d'identité. Un jeune est sept fois plus contrôlé qu'une autre personne ; s'il est perçu comme noir ou maghrébin, il est huit fois plus contrôlé. Prétendre que tout est fantasme ne nous mène pas vers notre but commun.
Je veux souligner la qualité du travail du rapporteur, qui se positionne contre la proposition de loi. Le groupe La République En Marche va dans le même sens.
Le Président de la République a annoncé la création de la police de sécurité du quotidien le 18 octobre 2017 lors de son discours sur la sécurité intérieure. Le ministre de l'intérieur a apporté des précisions. La grande consultation déployée mi-octobre s'achèvera fin décembre. Il est prématuré de s'engager dans ce chantier avant d'avoir recueilli ses premières conclusions. L'expérimentation suivra, dès le mois de janvier 2018.
À idéologie, idéologie et demie. Régler le délitement de la société uniquement par la répression est un peu court et n'aboutira à rien. Que s'est-il passé depuis une trentaine d'années dans notre société ? Nous n'allons pas voter une loi pour la restaurer. Ce sont des façons de vivre qui ont été détruites.
J'attends avec gourmandise le rapport de M. Grosdidier sur la police de sécurité du quotidien - j'espère qu'il le lui sera confié. Que dira-t-il de son aspect réglementaire, budgétaire, de l'efficacité à en attendre ? Je sais bien qu'il s'agit d'un dépassement du concept - encore un des chapitres de la pensée complexe du Président de la République, sans doute.
J'évoquerai mon action d'adjointe au maire de Tourcoing chargée de la prévention et de la sécurité. J'ai demandé au maire Gérald Darmanin que ces deux missions soient dissociées. Nombre d'actions peuvent être menées en matière de prévention, mais il ne faut pas la mélanger avec la sécurité. Lorsqu'un enfant a dix ans, on peut encore faire de la prévention auprès de lui. Mais à Tourcoing, en ZSP Plus, il y a des dealers, des difficultés très graves. Copiner, c'est bien pour créer une ambiance sympathique, mais ce n'est pas suffisant contre les délinquants très puissants.
Le rapporteur a évoqué le problème de la nuit. La police municipale est contrainte de combler les manques de la police nationale. À Tourcoing, nous avons décidé d'investir jusqu'à une heure du matin. Est-ce normal que ce soient les collectivités territoriales qui paient pour la compétence régalienne qu'est la sécurité ?
J'ai fait venir le procureur de la République au commissariat de proximité de la ZSP. Nous avons dû téléphoner en avance pour entrer car tout était barricadé. Imaginez la situation de la victime lambda qui souhaite s'y rendre.
Je suis d'accord avec certains propos du rapporteur. Effectivement, il faut cibler les zones prioritaires. La présence de la police n'est parfois pas nécessaire ; elle peut même créer un sentiment d'insécurité.
Je pense aussi qu'il faut réorganiser l'ensemble de la police.
Enfin, je suis favorable à la territorialisation de l'action policière, sans compartiments car on déplore parfois des antagonismes entre corps.
Madame Benbassa, je regrette que vous ayez perçu de la caricature dans mes propos car je me suis gardé de la tentation naturelle de répondre symétriquement à l'exposé des motifs, ressenti comme caricatural par tous les représentants des syndicats de police que j'ai auditionnés. Les bavures peuvent exister. Si elles sont avérées, elles méritent d'être sanctionnées lourdement. En revanche, la mention du harcèlement quotidien dont font l'objet les forces de l'ordre fait défaut dans l'exposé des motifs. M. Bonhomme a bien fait de le rappeler.
Monsieur Kanner, madame de la Gontrie, je ne conteste pas la notion de proximité. Nous y sommes favorables. Si un sondage était mené, les Français répondraient à 99 % qu'ils préfèrent une police proche à une police éloignée. Mais la police de sécurité du quotidien se heurtera aux mêmes griefs que la police de proximité si des moyens sont retirés à la protection et au renseignement. Donner la priorité à la proximité sans les moyens de traiter les renseignements récoltés est contre-productif. En outre, madame Benbassa, ce n'est pas seulement l'îlotier du matin qui pourra collecter des éléments attestant d'une radicalisation. C'est d'abord le renseignement territorial, les acteurs de l'animation et de l'éducation. Il y a quinze jours encore, j'étais maire de Woippy dont plus de la moitié de la population est de confession musulmane. Je connais ce sujet.
Le Gouvernement devrait s'inspirer davantage du rapport du Sénat sur l'organisation et le financement de l'islam en France, qui propose un grand nombre de pistes.
Monsieur Kanner, le précédent gouvernement a eu cinq ans pour remettre en place la police de proximité. Pourquoi ne l'a-t-il pas fait si c'était si idéal ?
Je suis d'accord pour dépasser l'opposition systématique droite-gauche. La proximité est un objectif partagé par tous.
Madame de la Gontrie, la proposition de loi ne propose pas qu'une doctrine d'emploi. Elle s'ingère dans le domaine réglementaire et ordonne la création d'une direction générale de la police de proximité sur le modèle de la direction générale de la sécurité intérieure. En conséquence, l'organisation serait beaucoup plus verticale alors que nous appelons tous à une organisation plus horizontale.
Mme Costes a rappelé le besoin de territorialisation. La présence accrue de la police est incongrue dans certains endroits et bienvenue dans d'autres.
Décloisonnement, horizontalité, territorialisation : voilà les maîtres-mots. J'espère que nous les retrouverons dans la police de sécurité du quotidien, avec des moyens supplémentaires. Si ses contours sont flous, je reconnais qu'outre les tablettes numériques et la simplification du code de procédure pénale, la volonté de décentraliser semble présente, ce qui est positif, à condition qu'elle soit accompagnée d'effectifs, d'équipements et d'un allègement des procédures pour redonner du temps opérationnel aux policiers.
Comme M. Mohamed Soilihi, je pense que la proposition de loi s'entrechoque avec l'initiative du Gouvernement. Au moins permet-elle à notre assemblée un débat très pertinent sur le sujet.
L'organisation d'un débat sur la police de proximité est le seul objet de cette proposition de loi qui soit relève du domaine réglementaire soit est dépourvue de portée normative.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera sur le texte de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
Présidence de M. François Pillet, vice-président -
Le Président de la République a souhaité que la loi soit davantage adoptée en commission. Il devait savoir que le Sénat avait pris les devants puisqu'après son élection à la présidence du Sénat en 2014, M. Gérard Larcher avait mis en place un groupe de réflexion, dont les rapporteurs étaient MM. Alain Richard et Roger Karoutchi, à l'issue duquel la procédure d'examen en commission a été expérimentée à partir de 2015, avant de devenir caduque au dernier renouvellement du Sénat. C'est pour conforter l'avance du Sénat dans la modernisation du travail législatif que le président Larcher propose cette résolution, nécessaire pour pérenniser la procédure d'examen en commission, renommée procédure de législation en commission.
La procédure de législation en commission permet à la conférence des présidents de décider que le droit d'amendement sur un projet de loi ou une proposition de loi ou de résolution s'exercera uniquement au sein de la commission saisie au fond, celle-ci pouvant accueillir les sénateurs qui n'en sont pas membres, ses travaux étant rendus publics comme en séance publique. Les amendements adoptés par la commission saisie au fond permettront l'établissement d'un texte qui ne sera pas examiné article par article en séance, mais fera l'objet d'une présentation courte et d'explications de vote des groupes, le vote portant sur l'ensemble du texte uniquement, sans droit d'amender. Pour que cette procédure reste l'exception et non la règle, des garde-fous ont été établis. Ainsi, chaque président de groupe disposera d'un droit de veto, qui pourra être opposé initialement lors de la réunion de la conférence des présidents, mais également après l'adoption du texte de la commission selon la nouvelle procédure, si l'un des présidents de groupe souhaite le retour à la procédure normale pour la suite des travaux.
Si les travaux de la commission sont ouverts aux sénateurs qui n'en sont pas membres, je précise que ceux-ci ne votent pas. La décision reste à la commission. Ils peuvent néanmoins défendre leurs amendements et participer aux débats.
Si la proposition de résolution est adoptée, cette procédure deviendra permanente.
Je précise qu'une innovation est introduite, qui permet de n'appliquer la nouvelle procédure qu'à une partie seulement d'un texte, sur décision de la conférence des présidents. Quant à la séance, seuls des amendements de coordination ou tendant à assurer le respect de la Constitution ou la correction d'une erreur matérielle pourraient être présentés, si nécessaire.
Cette proposition de résolution a fait l'objet d'une concertation très approfondie par le Président du Sénat, mais aussi par moi-même, puisque j'ai entendu tous les présidents de groupe et tous les présidents de commission. C'est pourquoi je suis convaincu que nous pouvons l'adopter sans changement substantiel, sous réserve de quelques aménagements.
Merci de ce propos introductif qui rafraîchit la mémoire des sénateurs présents depuis au moins trois ans et qui présente cette procédure particulière aux nouveaux sénateurs. Le double veto est de nature à rassurer tout le monde, car il sera toujours possible de revenir à la procédure normale.
J'ai noté les premiers mots du rapporteur : « Le Président de la République a souhaité ». Quel curieux régime démocratique, dans lequel le Président de la République peut souhaiter influencer le fonctionnement du Parlement. Aux États-Unis, il aurait été renvoyé dans ses buts !
Les problèmes de fonctionnement de notre système sont-ils le fait du caractère bavard de nos interventions ou de l'encombrement de l'ordre du jour par des propositions de loi ? Il me semble que les projets de loi représentent pourtant 95 % de nos travaux. C'est par ce flux intarissable qu'il faudrait commencer. Un vice-président du Conseil d'État disait, il est vrai, que la loi était le moyen le moins onéreux de répondre à un problème...
La distinction entre textes techniques et textes politiques me paraît douteuse. Derrière des formulations techniques se cachent parfois des choix fondamentaux. Il ne faudrait pas que l'on aille vers une adoption d'amendements en catimini.
Notre expérimentation est réduite. Celle que j'ai vécue m'a parue satisfaisante, mais parce qu'un consensus s'était dégagé.
S'agissant de la proposition de résolution, je note les évolutions positives de sa rédaction, qui apportent des garanties de nature à calmer les débats. En revanche, il est malvenu de réduire le temps de parole des explications de vote en séance de sept à cinq minutes. Il faut qu'il y ait au moins un endroit où l'on puisse expliquer la position de chaque groupe. Si celle-ci est technique, elle ne peut pas être bien expliquée en cinq minutes.
Notre groupe avait voté en faveur de l'expérimentation. De manière générale, il est bon de donner plus de pouvoir aux commissions, comme c'est le cas dans nombre de parlements étrangers. Cela n'enlève rien à nos futurs débats constitutionnels.
Faisons attention à ce que le coeur du travail parlementaire soit préservé, avec la navette, ce qui n'est pas antinomique d'une place accrue du travail en commission. Le dispositif présente toutes garanties, avec le droit d'opposition des groupes, et nous avons aujourd'hui sept groupes. La liberté des groupes est intégralement préservée. D'ailleurs, l'ensemble des groupes ont plusieurs fois été favorables à la procédure de législation en commission.
Il est également important que la séance d'examen en commission soit publique, comme la séance publique.
Nous avons déposé trois amendements d'ordre technique.
Il est positif d'expérimenter et de s'interroger sur la procédure législative, qui nécessite de temps en temps une révision. L'expérimentation favorise un avis motivé sur la proposition de résolution. D'aucuns critiqueront une législation en catimini, mais parfois, à une heure du matin, bien que nous soyons dans l'hémicycle, nos échanges, si intéressants soient-ils, se font devant un auditoire confidentiel...
L'ouverture de la réunion à tous les sénateurs et la publicité des débats sont des éléments de sécurité primordiaux, de même que l'exclusion de certains textes de la possibilité de faire l'objet de cette procédure.
Nous pouvons nous engager dans une modernisation de la procédure législative et une revalorisation des commissions sereinement, puisque la liberté des groupes est tout à fait garantie. La grande sagesse du Sénat me pousse à être favorable à cette procédure, qui sera mise en oeuvre avec discernement. Cela n'aurait pas été le cas dans d'autres instances...
Le constat de la nécessité d'améliorer le travail parlementaire est partagé. La procédure de législation en commission a été testée. Au sein du Bureau du Sénat, sous la houlette de Mme Valérie Létard, un groupe réfléchit à ces questions et notamment à cette proposition de résolution. Des garde-fous garantissent les droits de l'opposition et de l'ensemble des groupes, dans une vision équilibrée.
Plus prosaïquement, il faut aussi dédier à cette procédure un lieu plus solennel que nos salles de commissions exiguës.
Le groupe RDSE est tout à fait d'accord avec cette proposition de résolution, compte tenu de ces garde-fous, qui nous conviennent.
EXAMEN DES ARTICLES
Article unique
Mon amendement COM-8 est de clarification rédactionnelle.
L'amendement rédactionnel COM-8 est adopté.
Avis défavorable à l'amendement COM-4, qui prévoit que l'auteur de la proposition de loi puisse demander lui-même son examen selon la procédure de législation en commission. Cette décision est prise en conférence des présidents. Il appartiendra à l'auteur de la proposition de loi de convaincre son président de groupe ou de commission que celle-ci mérite l'examen selon cette procédure.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
Je suis réservé à l'égard de l'amendement COM-1. Si nous faisons l'inventaire des catégories de textes qui ne feront pas l'objet de cette procédure d'examen, nous devrons longuement réfléchir à une énumération limitative. Je suis d'accord que jamais une révision constitutionnelle ne doive faire l'objet de cette procédure, mais j'ai suffisamment confiance en la conférence des présidents pour ne pas appliquer la procédure de législation en commission à une proposition de révision constitutionnelle.
Le texte en vigueur prévoit cette limitation pour les projets de loi constitutionnelle. Si l'on a cru devoir l'écrire, il est logique d'adopter la même attitude pour les propositions de loi.
Monsieur Sueur, je reconnais que votre position n'est pas inacceptable. J'en ai pris une autre. La procédure garantit qu'il n'y aura pas de révision constitutionnelle ainsi.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Avis défavorable à l'amendement COM-5, qui accorde le droit de veto à soixante sénateurs. Le droit de veto, notamment, de chaque président de groupe est suffisant, d'autant qu'il suffit d'être dix pour constituer un groupe.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
Il n'y a pas de raison de distinguer les textes déposés d'abord au Sénat ou d'abord à l'Assemblée nationale pour appliquer cette procédure. Avis défavorable à l'amendement COM-6.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
Je souhaite interroger le rapporteur sur l'alinéa 9 de la proposition de résolution. Que comprenez-vous de la non-obligation de présence du Gouvernement ?
Nous avons seulement repris la règle appliquée pendant l'expérimentation. Lors des débats qui ont eu lieu selon cette procédure, la faculté de présence du Gouvernement s'est transformée en présence automatique d'un ministre.
Je me réjouis de l'attitude constante de la commission des lois sur ce sujet. Dans la procédure normale, aucun ministre n'est venu en commission pour l'établissement du texte, sauf à deux ou trois reprises. Nous avons montré que nous n'avions pas apprécié cette venue. Cela permet un travail plus serein en commission. Le pouvoir exécutif est déjà omniprésent en séance publique, c'est suffisant.
Mon amendement COM-9 précise que seules les motions tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité et la question préalable peuvent être présentées en commission, à l'exception de la motion tendant au renvoi en commission et des motions préjudicielles et incidentes. Il s'agit également de préciser la suite de la procédure, dès lors que la commission rejette un texte : elle aura bien statué sur le texte, conformément à l'article 42 de la Constitution et ce sera un retour à la procédure normale.
L'amendement COM-9 est adopté.
Mon amendement COM-10 est de simplification.
L'amendement COM-10 est adopté.
L'amendement COM-2 ajoute l'obligation de réunir la conférence des présidents en cas de retour à la procédure normale après l'examen en commission. Ce n'est pas nécessaire.
C'était un scrupule. Je souhaitais que le passage de la procédure en commission à la procédure normale ne se traduise pas par une restriction du délai de dépôt des amendements en séance publique. La sagesse y pourvoira.
Je le pense aussi.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Les amendements rédactionnels COM-11 et COM-12 sont adoptés.
Article additionnel après l'article unique
L'amendement COM-3 limite le nombre de textes susceptibles d'être inscrits par un groupe dans son espace réservé. Nous sortons de notre sujet. Demande de retrait.
Nous nous sommes mis d'accord pour que deux projets ou propositions de loi au maximum soient inscrits, dans la mesure où un seul texte a déjà du mal à être voté, surtout si un groupe qui s'y oppose dépose de nombreux amendements, ce qui est son droit. Nous avions envisagé cette question à la lumière nouvelle de la procédure de législation en commission, qui permettrait d'examiner plus de textes. Néanmoins j'accepte de le retirer.
L'amendement COM-3 est retiré.
L'amendement COM-7 est satisfait par les dispositions actuelles de notre règlement sur le mécanisme de retenue financière et l'interprétation qui en a été faite dès ses débuts en cas d'absences en commission. Cet amendement veut prendre en compte la procédure de législation en commission dans ce mécanisme. Il n'y a pas de retenue si l'absence est provoquée par la participation à une autre commission, en l'espèce en cas d'examen d'un texte selon la procédure de législation en commission. J'espère apaiser nos collègues sur ce point.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté.
Le groupe CRCE votera contre cette proposition de résolution dans la mesure où nous ne pouvons pas laisser croire que le dysfonctionnement de la procédure législative est imputable au Parlement. Nous ne pouvons pas accepter d'intérioriser ces accusations.
La proposition de résolution est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 12 h 20.