Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe UMP du Sénat, je me félicite de l'organisation de ce débat sur la création d'un véritable statut de l'élu local. Je me félicite surtout de la manière dont cette question a été abordée par notre collègue Jean Puech, dans le rapport qu'il a présenté le 7 novembre dernier, au nom de l'Observatoire de la décentralisation, qu'il préside avec beaucoup de compétence.
Ce rapport ne se limite pas aux questions statutaires. Il souligne aussi et surtout la montée en puissance des responsabilités des exécutifs locaux et pose la question en termes de gouvernance et d'autonomie locales, sans oublier la réforme de l'État qui en constitue l'indispensable corollaire.
Les exemples étrangers cités dans le rapport montrent que cette problématique est non seulement française, mais aussi européenne. Chaque pays a cherché à la résoudre à sa façon. En France, cette question nous apparaît indissociable de celles de la décentralisation et de la réforme de l'État.
Les deux vagues de décentralisation ont en effet modifié en profondeur l'organisation politique et administrative de notre pays. Les collectivités territoriales disposent aujourd'hui de compétences importantes dans des domaines essentiels de l'action publique tels que la formation professionnelle, les transports, le logement, la culture, l'éducation, l'aide sociale et la politique de solidarité.
Cette décentralisation des compétences et cette plus grande proximité répondent aux attentes des élus locaux. Nombre d'entre eux se montrent néanmoins inquiets, voire découragés, par l'ampleur et la complexité des missions qui leur ont été confiées. S'ils approuvent la décentralisation dans son principe et sa finalité, ils se montrent souvent préoccupés par ses modalités de mise en oeuvre, notamment financières.
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et la loi organique du 29 juillet 2004 ont mis fin aux dérives constatées en matière de compensation des transferts de compétences. Elles garantissent l'autonomie financière des collectivités territoriales, visent à éviter de nouvelles diminutions de la part de leurs ressources propres, notamment fiscales, et précisent en particulier que tout transfert de compétences de l'État doit s'accompagner de l'attribution de ressources équivalentes.
Nous avons ouvert ainsi une nouvelle ère dans les relations entre des collectivités locales aujourd'hui mieux respectées et un État plus attentif à leurs préoccupations et à leur situation globale.
Par ailleurs, les élus locaux ont aussi le sentiment que leur marge de manoeuvre se réduit de jour en jour, du fait de la multiplication de normes et de procédures juridiques de plus en plus contraignantes.
À cet égard, les membres du groupe UMP se félicitent de la création, le 4 octobre dernier, de la Conférence nationale des exécutifs, la CNE. Cette instance constitue un lieu de concertation privilégié avec l'État et les collectivités territoriales et permettra notamment à ces dernières d'être mieux associées à l'élaboration des normes qui les concernent.
Enfin, et surtout, les élus locaux doivent faire face à une charge de travail croissante, liée à l'inflation normative, mais aussi à l'enchevêtrement des compétences entre l'État et les différents échelons de collectivités locales et entre ces différents échelons eux-mêmes. Cette confusion et cette dilution des responsabilités sont source d'augmentation de la dépense publique et de perte de temps. J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer ce point dans le cadre des travaux de l'Observatoire de la décentralisation et je souhaite aujourd'hui m'y attarder quelque peu.
Je ne pense pas que nous ayons réellement à redouter l'absence de vocations pour l'exercice des mandats électifs. J'estime, en revanche, que nous devons nous attaquer sérieusement au problème de la charge de travail pesant sur les élus locaux. De moins en moins d'actifs ont la disponibilité nécessaire pour exercer leur mandat, ce qui risque de couper les conseils municipaux de la « vie active ».
Aujourd'hui, les élus sont surchargés par la multiplication des réunions en sous-préfecture, dans les DDE et dans maints autres services déconcentrés de l'État qui, pour de bonnes ou mauvaises raisons, ne cessent d'intervenir dans le processus de décision locale.
Ils doivent aussi participer à la foule de structures de concertation qui ont été mises en place. Certes, ces structures correspondent à la volonté d'être plus à l'écoute de nos concitoyens, mais elles sont à tel point chronophages qu'il n'y a plus guère que des retraités pour être suffisamment disponibles. La démocratie a un coût mais elle est aussi dévoreuse de temps.
Dans son rapport, notre collègue Jean Puech souligne qu'un véritable statut de l'élu local « devrait permettre de concilier l'exercice d'une activité professionnelle et un mandat local, en donnant à l'élu salarié le temps nécessaire à l'accomplissement des taches liées à son mandat, sans porter préjudice à sa vie professionnelle ». Il rappelle les aménagements apportés par le législateur en ce sens, comme les autorisations d'absence, les crédits d'heures ou le congé électif. Il reconnaît, néanmoins, que ces dispositions statutaires n'intéressent, en définitive, que les salariés ou les personnels de la fonction publique. Aucun mécanisme de compensation n'est prévu, par exemple, en faveur des membres des professions indépendantes.
Or, si l'on veut que tous les actifs - commerçants et chefs d'entreprise comme salariés et fonctionnaires - puissent s'impliquer dans la vie locale, il faut leur permettre de dégager du temps. Je souhaiterais que vous puissiez nous faire part, madame le ministre, de l'état de votre réflexion sur cette question essentielle, qui conditionne l'accès de tous les citoyens à la fonction d'élu ainsi qu'une représentation socioprofessionnelle équilibrée dans les assemblées délibérantes.
Cette question du temps est étroitement liée à celle des compétences. L'un des meilleurs moyens d'optimiser le temps de travail des élus est, en effet, de limiter les doublons institutionnels et de simplifier les processus de décision. Si chaque niveau institutionnel veut s'occuper de tout, y compris hors de ses compétences légales, les processus de décision s'empilent au lieu de se compléter.
La suppression d'un niveau institutionnel, en l'occurrence des départements, que propose le rapport de M. Jacques Attali, n'est pas la bonne méthode : elle ne correspond ni à la réalité sur le terrain ni aux attentes de nos concitoyens. Nous devons raisonner à partir non pas de chaque niveau d'administration locale, mais des politiques publiques, comme le suggère notre collègue Alain Lambert dans le rapport sur la clarification des compétences entre l'État et les collectivités locales qu'il a remis au Premier ministre le 7 décembre dernier.
Au niveau local, les collectivités territoriales doivent s'adapter à l'évolution de leurs nouvelles missions, prendre en compte le développement de l'intercommunalité et rechercher les moyens de rationaliser leurs interventions respectives, dans un souci d'efficacité et de lisibilité.
Au niveau national, l'État doit tirer pleinement les conséquences de la décentralisation et cesser d'intervenir dans des domaines ne relevant plus de sa compétence.
La création d'un régime statutaire spécifique adapté aux nouvelles responsabilités des exécutifs locaux, que propose notre collègue Jean Puech, nécessite une clarification préalable de ces responsabilités.
Avant de décider quoi faire, pour qui, nous devons préciser qui fait quoi, au plan local comme au plan national. La clarification des compétences, la simplification des procédures et le renforcement de l'autonomie financière sont les clés d'une plus grande efficacité des politiques publiques et d'une plus grande responsabilisation des acteurs concernés.
C'est dans cet esprit que les membres du groupe UMP soutiendront les réformes structurelles engagées par le Gouvernement, en particulier la réforme de l'État, afin, notamment, que les élus locaux puissent exercer leurs compétences de manière plus libre, plus efficace et plus simple, au plus près des attentes et des besoins de nos compatriotes.