Je suis très heureuse de revenir devant vous, alors que la situation au regard du harcèlement a profondément changé. Je suis les questions d'égalité depuis 1999, à des postes différents - cheffe de service des Droits des femmes, directrice de cabinet de la ministre chargée des Droits des femmes, Inspectrice générale des affaires sociales - mais toujours sous l'angle des politiques publiques. Aujourd'hui, je constate un changement de posture. Un quart des agressions sexuelles se fait au travail et une salariée sur cinq est victime de harcèlement sexuel. Il existe un décalage entre la réalité du phénomène et sa prise en compte dans les structures collectives. Je précise que je n'évoque que la situation sur le marché du travail, qui est le champ d'action du CSEP, et non dans la fonction publique, qui relève du Conseil commun de la fonction publique. J'ajoute aussi que j'interviens aujourd'hui à titre personnel, et que les opinions que je vais exprimer devant vous ne reflètent pas la position officielle du CSEP.
On peut distinguer trois étapes.
Jusqu'en 2010 environ, l'égalité professionnelle était traitée comme un bloc : la situation respective des hommes et des femmes était évaluée à l'aune de différents critères - embauche, formation, qualifications... les violences et le harcèlement sexuel étaient traités à part. Ainsi, généralement, le 8 mars on parle de l'égalité professionnelle, et le 25 novembre - Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes - on évoque le harcèlement sexuel et les autres violences sexuelles au travail.
Grâce à différents mouvements, français et anglo-saxons, on a assisté à un changement à partir des années 2010, et surtout à partir de 2013. On a pris conscience de la « tragédie des 20 % ». Alors que les femmes représentent plus de la moitié de l'humanité, il y a toujours un « gap » entre elles et les hommes. Les chiffres sont parlants : alors que 83 % des femmes âgées de 25 à 49 ans travaillent, l'écart de rémunération avec les hommes en moyenne brute annuelle s'élève à 27 % ; 25 % des experts des médias sont des femmes ; 20 % des salariés à temps partiel sont des hommes ; les hommes ne prennent en charge que 20 % du temps domestique. S'agissant de la mise en oeuvre de la loi Copé-Zimmermann3(*), si l'on prend en compte l'entièreté de son champ d'application, on a seulement 30 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises visées par la loi de 2011, alors que l'objectif était d'atteindre 40 %.
L'arsenal juridique de l'égalité est très complet, même si on peut toujours l'améliorer. Le discours politique sur l'égalité est tout à fait à la hauteur. Pourtant, tout se passe comme si les politiques publiques en faveur de l'égalité réelle, pourtant menées avec conviction, ne produisaient pas tous leurs effets. Cela s'explique par les résistances archaïques fondées sur la persistance des stéréotypes de sexe entre les femmes et les hommes, si bien mis en valeur par Françoise Héritier. Ces stéréotypes sont fondés sur la binarité des compétences et des aptitudes - masculin contre féminin, dur contre mou, rigueur contre intuition, actif contre passif -, et sur la stigmatisation et l'infériorisation de tout ce qui relève du féminin. Dans la vie comme dans la grammaire, le masculin l'emporte sur le féminin !
Les stéréotypes de sexe ne créent pas en eux-mêmes les inégalités, mais ils les légitiment en les rendant invisibles et naturelles. Ils peuvent aboutir à un traitement différencié des hommes et des femmes, c'est-à-dire à un système discriminatoire appelé le sexisme. Le sexisme au travail, c'est à la fois une idéologie qui érige la supériorité d'un sexe sur l'autre, et des actes, comportements, propos et attitudes qui infériorisent les femmes dans le monde du travail, ce qu'on peut appeler le sexisme ordinaire, et peuvent aussi porter atteinte à leur intégrité physique (harcèlement sexuel, agressions sexuelles, viol) et, in fine, créent une souffrance telle qu'elle produit des impacts forts, y compris sur la performance au travail.
Le CSEP a fait une enquête en 2013 auprès de 20 000 cadres, hommes et femmes, et en 2015 auprès de 16 000 non-cadres sur la question du sexisme ordinaire : 80 % des personnes interrogées ont déclaré avoir été victimes de sexisme au travail. Pour 90 % de ces personnes, le sexisme avait eu des conséquences négatives sur leur sentiment d'efficacité au travail et sur leur confiance en elles.
Il s'agit donc d'un phénomène massif et insuffisamment appréhendé. Le sexisme au travail couvre un champ qui va du sexisme ordinaire jusqu'au harcèlement sexuel, à l'agression sexuelle, au viol, en passant par la discrimination. Selon moi, il ne faut pas dire qu'il y a un continuum strict des violences : celui qui fait une blague sexiste à la machine à café n'est pas forcément celui qui va agresser sexuellement. Du moins, ce sujet n'est pas documenté. Simplement, le sexisme ordinaire crée un terreau favorable aux dérives en tous genres.
En 2015, nous avons abouti, grâce à votre délégation, à l'introduction de l'agissement sexiste dans le code du travail, grâce à la loi Rebsamen : « Nul ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » Sont visés tous les petits mots ou comportements qui, l'air de rien, de façon sournoise, délégitiment, infantilisent, décrédibilisent les femmes dans le monde du travail.
Aux côtés de l'agissement sexiste, on trouve le harcèlement sexuel et l'agression sexuelle.
Il faut se demander si la discrimination à raison du sexe est une discrimination comme les autres. Doit-on s'en tenir à un principe d'équivalence des discriminations ? Les femmes ne sont non pas une minorité visible, mais une majorité invisible. Majoritairement, les femmes et les hommes travaillent et vivent ensemble tout au long du jour et de la nuit : il existe une interdépendance entre eux pour les besoins de la reproduction et du désir, ce qui crée une porosité entre la sphère du travail et la sphère privée. Sont ainsi importées dans la sphère du travail des représentations de la femme imprégnées de l'image privée. La femme a une double image, positive et négative : elle est celle qui protège, la mère, et celle qui pervertit, la putain. Et cette irruption de l'intime dans le monde du travail brouille les relations interpersonnelles et participe de l'invisibilité du phénomène.
À cela s'ajoute l'utilisation du temps, c'est-à-dire la charge, notamment mentale : les femmes assurent encore 80 % du travail domestique et les deux tiers du temps parental.
De ce fait, on ne peut pas utiliser pour les femmes les mêmes leviers d'action que ceux applicables aux autres groupes discriminés. Si les lois ne fonctionnent pas à l'égard des discriminations à l'encontre des femmes, c'est parce que le sexisme au travail repose sur des systèmes de pensée archaïques très ancrés. Il faut donc prendre en charge ce problème culturellement. Quelques illustrations de cet ancrage profond des inégalités : les métiers majoritairement féminins sont sous-valorisés par rapport à ceux qui sont majoritairement masculins. Je le dis souvent, il est aussi difficile de porter une personne âgée dépendante - le quotidien de celles qui travaillent dans les métiers du Care - que de porter un sac de ciment, ce que l'on retrouve dans les métiers industriels, mais ce n'est pas valorisé comme tel dans la classification des métiers. Toutes les compétences discrètes des femmes - gestion des conflits, anticipation... - sont moins valorisées que les compétences requises dans les secteurs comme la chimie ou la sidérurgie, qui se réfèrent à une conception classique de la pénibilité. On nous dit que les big datas, fondés sur les algorithmes savants, vont faire disparaître les discriminations entre les sexes, alors que les données fournies pour construire les algorithmes intègrent les stéréotypes sexistes.
Entre 2013 et 2015, donc, a émergé l'idée que le sexisme faisait déraper les choses. C'était une première évolution.
Puis est arrivée l'affaire Weinstein, et l'explosion de la parole et de l'écoute. Dès lors, les questions de politique d'égalité professionnelle ne peuvent qu'intégrer les atteintes à l'intégrité du corps des femmes, ce qui n'était pas le cas auparavant. Tout à coup, le 8 mars s'invite le 25 novembre, et les questions relatives aux violences s'inscrivent dans la réflexion sur l'égalité professionnelle ! L'égalité professionnelle doit aujourd'hui être traitée par des politiques structurelles sur l'embauche et la formation, mais aussi en agissant sur la culture symbolique du sexisme.
Pour répondre à votre question, Madame la présidente, il n'y a eu jusqu'à présent aucun contentieux sur le fondement de l'agissement sexiste, car on ne se l'est pas encore approprié. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de mettre sur la table la question des violences sexistes et sexuelles. Auparavant, je considérais le sexisme non pas comme de la violence, mais comme des actes qui infériorisaient les femmes. Certains partenaires sociaux travaillent depuis longtemps sur cette question, comme la CGT ou la CFDT, FO également. Aujourd'hui, il me semble qu'il est plus facile de traiter tout en bloc : le sexisme ordinaire, l'agression sexuelle, le harcèlement sexuel, le viol.
Alors que peut-on faire ? Je vais vous exposer ma position personnelle sur la question et non la position officielle du CSEP, comme je le disais tout à l'heure.
On peut agir sur un certain nombre de leviers. Le premier est celui de la négociation. L'obligation de négocier un accord sur l'égalité professionnelle et la qualité de vie au travail est une disposition d'ordre public. Cette obligation de conclure un accord ? à défaut, l'entreprise doit produire un plan unilatéral - doit être respectée par toutes les entreprises de plus de 50 salariés, sous peine d'une sanction qui peut aller jusqu'à 1 % de la masse salariale. Cette sanction porte sur neuf domaines d'action - le neuvième a été ajouté en 2014 et concerne « la santé et la sécurité au travail ». Les entreprises de plus de 300 salariés doivent décliner au moins quatre domaines sur neuf ; celles de moins de 300 salariés, trois domaines sur neuf. Un domaine est obligatoire : l'égalité des rémunérations.
Il est temps d'ajouter à la formule « santé et sécurité au travail » les mots « dont les violences sexistes et sexuelles ». Dans la partie réglementaire du code du travail, il faudrait prévoir un indicateur sur les violences sexistes et sexuelles.
Le deuxième levier est celui de la prévention. On prend désormais en considération les risques psychosociaux. Dans l'Accord national interprofessionnel de 2010 sur le harcèlement et la violence au travail et dans celui du 19 juin 2013, il était indiqué que la question de la violence et des stéréotypes devait être prise en compte.
Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail, les employeurs doivent mettre en oeuvre des actions de prévention fondées sur neuf principes généraux. Parmi ceux-ci figuraient déjà les risques liés au harcèlement moral et sexuel. Ont été intégrés en 2016 ceux liés aux agissements sexistes.
Nous avons donc les moyens législatifs pour agir. Mais 80 % des entreprises (source CGT) ne prévoient pas de plan de prévention. La CGT a proposé une disposition nouvelle prévoyant une sanction.
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4121-3 du code du travail, l'évaluation des risques doit tenir compte de l'impact différencié de l'exposition aux risques en fonction du sexe. Cela traduit l'idée que les risques n'atteignent pas de la même façon les hommes et les femmes. Peu de choses sont faites dans ce domaine. Il faudrait mettre en place un groupe de travail pour élaborer un outil prévoyant une méthode d'évaluation des risques pour la santé liés aux violences sexistes et sexuelles, et des mesures de prévention à intégrer dans le document unique d'évaluation des risques et le plan de prévention. Nous avons là dans la loi une pépite que l'on n'exploite pas !
Avec l'intégration du CHSCT dans le Comité social et économique (CSE) a émergé la crainte d'une dilution des sujets. Aujourd'hui, un seul délégué peut saisir le CSE sur un sujet donné ; mais il faudra être vigilant. Cette peur a été exprimée lors de la dernière réunion plénière du CSEP, qui portait sur la prise en compte des violences sexistes et sexuelles au travail.
Une déléguée syndicale nous a indiqué avoir participé à une réunion où le nombre de présents et de sujets évoqués était tel que des cas de harcèlement n'avaient pu être évoquées. Quelle portée donnons-nous à la parole et à ces sujets sensibles ?
Au-delà de la prévention, il faut recourir davantage à des instruments de régulation dans l'entreprise, et notamment le règlement intérieur, qui est sous-utilisé. C'est un acte réglementaire de droit privé, obligatoire dans les entreprises et les établissements de plus de 20 salariés, et établi de manière unilatérale par l'employeur. Il a des clauses obligatoires en matière d'hygiène, de sécurité et de règles générales de discipline. La loi du 8 août 20164(*) a obligé, via l'article L. 1321-2 du code du travail, à citer dans le règlement intérieur les agissements sexistes à côté des harcèlements moral et sexuel. Le CSEP a analysé plusieurs règlements intérieurs ; la plupart du temps, la formulation des dispositions est insensible au genre ; le contenu de la loi de 20125(*) - le harcèlement est caractérisé par la répétition ou une pression grave - n'est pas inscrit dans les règlements intérieurs, et la technicité et la généralité de ses dispositions sont telles qu'elles sont incompréhensibles si elles ne sont pas expliquées et commentées.
Il faudrait recommander aux entreprises de libeller une clause générale, afin que l'ensemble du personnel ait des comportements respectueux envers les hommes et les femmes. Une circulaire de la Direction générale du travail pourrait ainsi obliger les règlements intérieurs à comporter l'intégralité des dispositions de la loi de 2012 sur les harcèlements moral et sexuel, ainsi que sur les agissements sexistes, exemples à l'appui.
En Belgique, toute nouvelle personne recrutée doit signer le règlement intérieur. On pourrait ainsi compléter l'article R. 1331-1 du code du travail par un deuxième alinéa prévoyant que le règlement intérieur est remis en mains propres à tout nouvel employé et signé à nouveau en cas d'avenant au Règlement intérieur contre une décharge affirmant sur l'honneur qu'il a pris connaissance du règlement intérieur.
Autre instrument, les codes d'éthique, qui nous viennent des États-Unis, et qui sont une base d'autorégulation. Nous en avons examiné plusieurs, américains ou français. Généralement, ils sont insensibles au genre - sauf un code d'éthique français. Il faudrait obliger l'employeur à intégrer dans ce document le sexisme au sens large, et à définir ses différentes manifestations, en rappelant l'interdiction des agissements liés au sexe. Il en est de même dans le label Égalité, qui prévoit des dispositions très complètes dans son cahier des charges, mais mentionne le sexisme sans autre précision. Le sexisme ordinaire, l'humour sexiste devant la machine à café doivent être prohibés, mais pas l'humour...
Troisième pilier, la formation doit être renforcée. Je vous ai apporté des guides qui fleurissent dans des organisations comme FO, la CFDT ou certaines entreprises. Ces outils de sensibilisation sont essentiels. J'ai moi-même fait du sexisme sans le savoir. Ce sexisme exclut les femmes et les auto-exclut. Nous sommes tous tombés dans la marmite des stéréotypes depuis que nous sommes petits, et avons intégré leurs prédictions autoréalisatrices.
La formation et la sensibilisation sont essentielles. Il faut rendre obligatoire, par la loi, une formation aux violences sexistes et sexuelles. Le CSEP a réalisé un guide et interrogé les entreprises. Les formations à la négociation collective étaient nombreuses, surtout depuis la loi Génisson (encore une sénatrice !) de 20016(*) qui rendait obligatoire la négociation sur l'égalité professionnelle. Et ces formations se sont renforcées lors de la loi de 2010 qui prévoit des sanctions. Mais il existe aussi le mythe de « l'égalité déjà là » et les entreprises se sont tournées depuis quelques années davantage vers les formations sur les stéréotypes de sexe mais sans en tirer toutes les conséquences sur les effets du sexisme. Dès lors, il faudrait rendre obligatoire une formation aux violences sexistes et sexuelles, pour tous les salariés, et en particulier pour les membres des Comités sociaux et économiques (CSE, futures instances représentatives du personnel), les partenaires sociaux, les managers et les responsables des ressources humaines. Ces formations doivent permettre de réfléchir, de montrer comment certains comportements peuvent déboucher sur du sexisme, et lutter contre certains travers : la femme qui se sent coupable, dont on booste la confiance, ou bien l'absence d'interrogation sur la responsabilité collective du sexisme... Aujourd'hui, il faut des formations liant les violences sexistes et sexuelles à l'égalité professionnelle, et intégrer une obligation de former. La loi du 27 janvier 20177(*) a modifié l'article L. 1131-2 du code du travail pour faire en sorte que dans « toute entreprise employant au moins trois cents salariés et toute entreprise spécialisée dans le recrutement, les employés chargés des missions de recrutement reçoivent une formation à la non-discrimination à l'embauche au moins une fois tous les cinq ans. » Prévue à l'article L. 4141-2 du code du travail, la formation à la sécurité est également obligatoire. Rajoutons donc dans les formations obligatoires une formation sur les violences sexuelles et sexistes à destination de tous les salariés, sinon au moins aux managers, partenaires sociaux, responsables des ressources humaines et responsables de la santé et de la sécurité au travail.
Quatrième point, au-delà de la prévention et de la sensibilisation, il faut s'attaquer au traitement des victimes du sexisme. Les délégués du personnel ont un droit d'alerte, prévu à l'article L. 2313-2 du code du travail. L'employeur peut alors diligenter une enquête avec le délégué. C'est une organisation juridique intéressante. Parallèlement, certaines entreprises ont mis en place un dispositif d'alerte professionnelle comme des cellules d'écoute ou le traitement des plaintes et réclamations. Ainsi, chez Areva, « tout salarié doit pouvoir faire état et porter à la connaissance de l'entreprise des événements discriminatoires - discriminations, agissements ou harcèlements discriminatoires. » Les parties rappellent que de telles situations peuvent remonter par les voies normales et habituelles que sont les lignes hiérarchique, fonctionnelle, les ressources humaines, les représentants du personnel, les déontologues, voire les voies judiciaires. Ces réclamations peuvent également être portées à la connaissance du responsable en charge de la lutte contre les discriminations au sein de la Direction de la diversité et de l'égalité des chances. Cette possibilité est aussi ouverte à des tiers témoins. Le traitement des réclamations et alertes est interne au groupe, centralisé et complémentaire aux voies de recours précitées, soumises à autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Ces cellules d'alerte existent seulement dans certaines entreprises. Il faut aussi faire attention à certains points : le choix ou non du principe d'anonymat ou de la confidentialité, pour éviter les dénonciations calomnieuses ; la légitimité des instances ou des personnes saisies de l'alerte ; le périmètre de l'alerte ; la traçabilité des données recueillies. On pourrait imaginer un lieu d'écoute et de libération de la parole, soit interne, soit externe à l'entreprise, comme évoqué dans l'accord national interprofessionnel de 2002.
L'article 6 de la loi du 9 décembre 20168(*) relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique crée le dispositif du lanceur d'alerte, d'abord pour la lutte contre la corruption économique. Mais le lanceur d'alerte y est défini comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit ». Un décret précise qu'il faut un référent légitime, stable, une pratique de signalement, et prévoit comment pratiquer les signalements.
Un travail reste à mener sur le lanceur d'alerte et le droit d'alerte pour savoir s'il faut construire quelque chose, éventuellement obligatoire - mais en mutualisant pour les petites entreprises - afin de permettre le recueil de la parole, qui doit être bienveillant sans être complaisant. Le conflit est consubstantiel à toute vie collective, et donc à la vie dans l'entreprise, il peut être riche sauf s'il est lié à un motif de discrimination et notamment en raison du sexe : dans ce cas, il détruit la personne. Le sexisme est différent de la compétition entre les individus. On vit huit à douze heures ensemble chaque jour en entreprise... Il faut faire la part des choses : sensibiliser, prévenir et traiter.
Les effectifs de l'Inspection du travail ont diminué de 20 % depuis 2010. D'après la circulaire de novembre 2012 du directeur général du travail, consécutive à la loi sur le harcèlement, elle a comme mission d'informer sur les nouvelles dispositions, donc sur celles concernant les agissements sexistes. Mais la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles ne fait pas l'objet d'une évaluation par l'Inspection du travail. Autre mission, elle contrôle et peut réaliser des enquêtes. Mais le traitement des violences sexistes et sexuelles n'est pas identique dans toutes les régions ; il faudrait se pencher sur ce sujet.
Cinquième pilier, les sanctions et les réparations doivent être renforcées. L'entrepreneur se doit d'être réactif. Il a différents moyens, comme son pouvoir disciplinaire, insuffisamment utilisé. Il doit insister sur le caractère inacceptable de ces violences. Il faut aussi permettre la réparation, soit en nature sur le contrat de travail ou la rémunération, soit en dommages et intérêts ou indemnités.
Le CSEP a rédigé un Kit pour agir contre le sexisme ; trois outils pour le monde du travail, sous le logo « Sexisme, pas notre genre ! » dont Mme Rossignol est responsable...