Lorsque les femmes sont arrivées en nombre dans le secteur médical, certains craignaient une dévaluation de l'exercice de la médecine. Certes, les femmes avec de jeunes enfants ont fait en sorte de ne pas avoir à se réveiller trois fois par nuit pour des urgences, et ont préféré se regrouper dans un cabinet où une personne par nuit gérait les urgences. Et d'ailleurs, avoir trois regards sur un même patient plutôt qu'un n'est pas forcément plus mal. Ce sont les conditions de l'exercice de la médecine qui changent, pas forcément sa qualité qui se déprécie...
À chaque fois qu'on met de l'égalité, on transforme les processus d'organisation et les modèles culturels. C'est valable dans tous les domaines. Cette problématique est insuffisamment traitée. On considère l'égalité comme un business case : mettez de l'égalité, votre chiffre d'affaires va augmenter. Et, en conséquence, les femmes sont recrutées pour leur valeur ajoutée. Elles ont été exclues du contrat social (cf. Rousseau) sous prétexte qu'elles étaient différentes et incapables de faire. Voilà qu'elles sont incluses précisément au motif qu'elles devraient être différentes, et donc complémentaires des hommes. Le talent des femmes est tellement repéré que des analystes mettent en évidence l'augmentation du PIB qui résulterait d'un taux d'activité des femmes équivalent à celui des hommes et de l'égalité de rémunération. Les inégalités de rémunération sont donc responsables d'un manque à gagner en cotisations sociales et en fiscalité, en talents, en absence d'équilibrage des compétences et en gâchis des capacités extrêmement pénalisant. Mais ne les traitons pas seulement par le prisme de la performance. Il s'agit aussi d'un modèle social à transformer. On ne peut faire la révolution numérique et la transition énergétique si l'on ne pose pas la question du salarié au travail. L'arrivée des femmes aux postes de gouvernance est un fait et les hommes auront moins accès à des postes de gouvernance. Mais est-ce une catastrophe ? Qu'est-ce qu'une belle carrière ? Là aussi, il y a une réflexion à mener. On pourrait avoir des postes de management, puis d'audit, avant de manager de nouveau, et différemment... Une carrière ne serait pas linéaire mais irait dans plusieurs directions. Il faut imaginer des conditions de travail et des carrières différentes.
Vous évoquiez le manque de moyens, sachez que je suis bénévole depuis cinq ans à mon poste...
Quant au cumul des discriminations, à la question de l'intersectionnalité, ils ne sont pas suffisamment étudiés - on parle de discrimination systémique, avec par exemple le cumul sexe, origine et âge. On a progressé sur la discrimination directe, mais la discrimination à raison du sexe est une discrimination indirecte. La discrimination systémique a un effet multiplicateur. Mais notez que le fait d'être une femme d'origine indienne travaillant dans l'informatique par exemple peut être un avantage, voyez à Bangalore...
Une table ronde, multilatérale, sur les violences sexistes et sexuelles se tiendra en janvier, et le CSEP est mobilisé. Tous les partenaires sociaux doivent envoyer leurs remarques à Muriel Pénicaud avant le 15 décembre. Je n'en sais pas plus.
La féminisation des titres de fonction est le B-A BA. Au Moyen-Âge, on féminisait de manière assez systématique. Vaugelas et Malherbe sont responsables de l'idéologie ayant imposé le masculin, le mâle étant considéré comme plus noble que la femelle. Au XIXe siècle, on disait encore la médecine et la médicineuse. L'introduction de l'école publique obligatoire à la fin XIXe siècle a abouti à simplifier les règles - et à les appauvrir. Contrairement à ce que prétendent les tenants du masculin, il n'y a pas de neutre dans la langue française.