Intervention de Marylise Léon

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 décembre 2017 à 9h20
Projet de loi ratifiant diverses ordonnances sur la loi d'habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social — Table ronde des organisations syndicales

Marylise Léon, secrétaire nationale de la CFDT :

Les réformes se succèdent à un rythme effréné depuis plusieurs années. Le temps politique ne correspond pas au temps du social. Au regard de l'attitude attentiste du patronat sur beaucoup de sujets, la CFDT a considéré que le statu quo n'était pas souhaitable en matière de dialogue social. Deux objectifs centraux ont éclairé notre lecture des ordonnances : d'une part, le rôle de la branche professionnelle comme régulateur de la concurrence économique et sociale ; d'autre part, les modalités de la décentralisation de la négociation vers l'entreprise qui nous semble souhaitable quand l'efficacité économique se combine avec les droits des salariés et à la seule condition que le fait syndical soit majoritaire et garant de cet équilibre.

La CFDT est satisfaite des rapports que la première ordonnance établit entre la loi, la branche et l'entreprise. Nous apprécions que le thème de la qualité de l'emploi qui comprend la régulation des emplois atypiques, revienne à la branche.

Le pari que prend la troisième ordonnance qu'une flexibilisation à outrance créera des emplois est dangereux. S'il est vrai que l'augmentation des indemnités légales de licenciement n'est pas négligeable, les dispositions relatives aux prud'hommes et les ruptures conventionnelles collectives suscitent quelques inquiétudes.

Plutôt que de faire confiance aux acteurs pour trouver un compromis satisfaisant, les ordonnances privilégient une vision passéiste et comptable d'un dialogue social qu'il convient de circonscrire le plus possible pour gagner en efficacité économique. Un exemple criant concerne les entreprises de moins de 50 salariés où l'intermédiation des syndicats est rendue plus que facultative. Les relations directes entre employeur et salariés ne sont pas du dialogue social, car pour être de qualité, ce dialogue doit reposer sur des acteurs compétents, déliés de tout lien de subordination avec l'employeur.

La situation est pire encore dans les entreprises de moins de 20 salariés où les ordonnances rendent possible le contournement total des règles du dialogue social. La latitude quasi-absolue laissée à l'employeur pour adapter la loi de manière unilatérale dans les entreprises de petite taille sur l'ensemble des sujets ouverts à la négociation collective est une ineptie. Sur ce point, l'ordonnance ne respecte ni le cadre de la loi d'habilitation, ni les textes constitutionnels et conventionnels qui s'imposent à elle. Il est par conséquent urgent de faire annuler les articles du code du travail concernés. D'où le recours en Conseil d'État que nous avons déposé.

La fusion autoritaire et standardisée des instances représentatives du personnel est une autre marque de défiance vis-à-vis du dialogue social. Alors qu'il était possible de considérer que l'employeur et les salariés pouvaient en négocier la forme, ils ne peuvent en réalité que décider du calendrier, de l'organisation des informations de consultation et de la base de données économiques et sociales. Le nombre de salariés titulaires d'un mandat diminuera dans des proportions considérables. En prévoyant davantage d'heures ainsi que la possibilité de mutualisation et d'annualisation à l'intérieur d'une même organisation syndicale, le décret contribue cependant à rétablir l'équilibre. Il n'en reste pas moins que chaque mandaté aura plus de travail.

La CFDT souhaite revenir sur la possibilité laissée à l'employeur dans les petites entreprises de décider seul de déroger au code du travail, après un pseudo-référendum. Le mandatement syndical doit être considéré comme une priorité dans les entreprises de moins de 50 salariés, car dans le cas contraire, les répercussions sur les salariés risquent d'être importantes. La rupture conventionnelle collective est une des dispositions les plus dangereuses de ces ordonnances. Si les Direccte seront là pour veiller au grain, avec quels moyens le feront-elles ? Les seniors risquent de perdre massivement leur emploi. La Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle reçoit déjà beaucoup d'appels à ce sujet. Enfin, il faut prendre en compte la situation particulière des institutions représentatives du personnel des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) visés par les ordonnances.

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