Intervention de Didier Porte

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 décembre 2017 à 9h20
Projet de loi ratifiant diverses ordonnances sur la loi d'habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social — Table ronde des organisations syndicales

Didier Porte, secrétaire confédéral de Force ouvrière :

Depuis juillet, de nombreuses modifications ont été apportées aux projets d'ordonnances, et il faut le saluer même si elles ne vont pas aussi loin que nous l'espérions. En substituant le CSE aux instances séparées, on fait disparaître le CHSCT, ce qui aura des conséquences graves en matière de santé. Nous déposerons un recours à ce sujet.

L'institution du CSE remet en cause la particularité propre à chacune des instances séparées. Dans certaines entreprises, les élus exercent depuis vingt ans leurs compétences en matière de prévention et de sécurité. Il leur reviendra désormais de déchiffrer des documents économiques sans avoir reçu de formation spécifique.

Nous condamnons le référendum à la main de l'employeur dans les entreprises de moins de vingt salariés, tout comme le plafonnement des indemnités pour les licenciements sans cause réelle et sérieuse.

En ce qui concerne l'articulation du niveau de la négociation collective, nous nous félicitons de la place conservée par la branche car en limitant la décentralisation de la négociation dans l'entreprise, on limite également le risque de dumping social. Un bémol demeure : la formulation qui consacre la primauté de la branche est moins impérative que celle retenue jusqu'alors. La sixième ordonnance précise que les accords d'entreprise primeront également sur les accords interprofessionnels, avec pour conséquence que sur certains sujets, un accord d'entreprise pourra être moins favorable qu'un accord professionnel.

En ce qui concerne la primauté de l'accord collectif sur le contrat de travail, le Gouvernement s'est montré moins ambitieux que prévu. Il s'agissait d'harmoniser les conditions de licenciement dans le cas où un salarié refuserait l'application d'un accord collectif sur son contrat de travail. On constate que la primauté de l'accord collectif vaut surtout en ce qui concerne le temps de travail et la rémunération. Alors qu'on nous avait promis de limiter la primauté des accords collectifs, on la généralise.

Quant aux règles de désignation du délégué syndical, la rédaction du texte ne permet pas d'atteindre l'objectif recherché. La limitation des mandats successifs provoquera dans une douzaine d'années un turn over important et réduira le nombre d'adhérents, potentiellement candidats aux futures instances représentatives du personnel.

La sixième ordonnance donne les pleins pouvoirs de négociation au conseil d'entreprise. Quid de l'avenir du délégué syndical ? Quid du monopole des organisations syndicales ? La mise en place d'une cogestion institutionnalisée remet en cause la représentation syndicale dans l'entreprise.

En ce qui concerne le budget du CSE, nous dénonçons la fongibilité entre le budget de fonctionnement et celui des activités sociales et culturelles. Malgré les précautions introduites à l'Assemblée nationale, les transferts risquent de se faire vers les activités sociales et culturelles aux dépens de l'exercice par les comités d'entreprise (CE) de leurs missions d'expertise. On constate déjà que la généralisation du cofinancement des expertises entraîne une chute des demandes d'expertise. Le manque de moyens des CSE les empêchera de demander des expertises. Nous condamnons le cofinancement car la polyvalence qu'il induit obligera les élus à se faire davantage accompagner sur les sujets touchant à l'économie et à la santé.

D'autant que les moyens seront réduits en matière de formation avec une seule possibilité offerte en douze ans contre quatre actuellement. Dans ces conditions, la commission de la santé et de la sécurité ne sera qu'un ersatz du CHSCT car ses membres manqueront d'expertise même si le CSE conservera certaines de ses attributions.

Nous n'étions pas opposés à l'élaboration de modèles Cerfa pour la lettre de licenciement. De là à établir un formulaire de licenciement - pour les nuls, mais je n'ose pas le dire - c'est aller trop loin.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion