Intervention de Gilles Lecuelle

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 décembre 2017 à 9h20
Projet de loi ratifiant diverses ordonnances sur la loi d'habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social — Table ronde des organisations syndicales

Gilles Lecuelle, secrétaire national de la CGC :

Nous débattons dans un temps contraint et chacun court après un calendrier démentiel. Nous l'avions signalé dès le début de la concertation.

Après six mois de discussion, nous avons largement eu le loisir de nous exprimer au sujet de ces ordonnances. Les organisations syndicales partagent le même constat négatif. Ces textes risquent de renforcer le contentieux et de créer des emplois dans les cabinets d'avocats et de conseil.

Le projet de loi adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, a supprimé l'obligation faite à l'employeur de prévoir un cadre collectif pour le télétravail. Après concertation, les partenaires sociaux ont décidé d'avertir le législateur en lui indiquant que le télétravail ne pouvait être sécurisé que s'il était inscrit dans un cadre collectif. L'inverse susciterait un lourd contentieux et de graves problèmes sociaux. Il serait dommage que l'instauration du télétravail, qui est un point positif de ces ordonnances, se heurte finalement à des conséquences négatives.

Pour ce qui est de l'organisation des différents niveaux de négociation (branche, entreprise, loi), force est de constater que les expertises juridiques que nous avons commandées concluent à un flou artistique du texte en particulier sur les notions d'ordre public absolu, social et dérogatoire : certains articles sont très précis, d'autres non. La sixième ordonnance amplifie le risque de contentieux lié à de telles imprécisions.

Avec la notion de « garanties équivalentes » qui permet à un accord d'entreprise de primer sur un accord de branche, les négociateurs en viennent à se demander s'il ne faut pas considérer que même les accords interprofessionnels seront dérogeables au niveau de l'entreprise. Pour éviter tout contentieux, il faudrait supprimer cette notion au niveau des négociations d'entreprise.

La différence entre salaire et rémunération est un autre sujet qui risque de donner lieu à des difficultés d'interprétation. Dans la branche, seule la notion de salaire minimum existe. Dans l'histoire de l'entreprise, les définitions du salaire et de la rémunération ont toujours différé, ce qui laisse place à une grande marge d'interprétation. Les transporteurs et les dockers ont contourné le problème en introduisant le thème du niveau des primes dans celui des salaires minima au niveau de la branche. Certaines branches discutent actuellement de la définition des primes. On limiterait le contentieux et le risque de dumping social en traitant au niveau de la branche tout ce qui concerne la rémunération.

On ne gagnera rien à modifier le code du travail en profondeur si on multiplie les contentieux. Au printemps dernier, dans une enquête de l'Insee les entreprises ont classé les règles du droit du travail au quatrième rang des freins à l'embauche.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion