Intervention de Gilles Lecuelle

Commission des affaires sociales — Réunion du 13 décembre 2017 à 9h20
Projet de loi ratifiant diverses ordonnances sur la loi d'habilitation à prendre les mesures pour le renforcement du dialogue social — Table ronde des organisations syndicales

Gilles Lecuelle, secrétaire national de la CGC :

Serais-je devant vous aujourd'hui si ces ordonnances avaient été adoptées il y a vingt ans ? Certainement pas. Je n'ai jamais cumulé des mandats, ni été attaché à un seul poste, mais j'ai eu la chance d'avoir une formation sur le terrain exceptionnelle, et découvert tous les postes : délégué du personnel, membre du CHSCT, du comité d'entreprise, représentant syndical à différents niveaux, délégué syndical national, avec des responsabilités au sein de la branche puis de la confédération. C'est grâce à cette montée en compétences que je suis au poste que j'occupe actuellement. Si on limite la durée du mandat syndical à 12 ans, un jeune qui s'engage devra acquérir toutes les compétences en une seule fois, et donc consacrer beaucoup plus de temps aux missions syndicales. Notre réservoir va se tarir et nous perdrons en qualité de représentants, car nous devrons boucher les trous des listes syndicales par des personnes pas forcément compétentes. Dans un premier temps, c'est moins dramatique car nous avons des personnes déjà formées. Mais un jeune devra suivre de nombreuses formations et ne sera pas spécialiste dans tous les domaines, d'autant que le suppléant ne peut être présent aux réunions. Quelle valeur ajoutée aura-t-il ? Au bout de trois mandats comme suppléant, sans avoir participé à la moindre réunion, il devra quitter son mandat... Demain nous ne pourrons plus faire de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) syndicale. Cela aura des conséquences importantes à moyen terme sur la qualité du dialogue social en entreprise.

Nous sommes farouchement opposés à la négociation au sein du conseil d'entreprise : faire mener les négociations par un délégué syndical désigné par l'organisation syndicale permet de couper le lien de subordination qui peut exister entre lui et l'employeur. Si les élus salariés de l'entreprise ont seuls le pouvoir de signer, ils ne pourront plus se réfugier auprès de leur organisation syndicale. Actuellement, le mandat du délégué syndical peut être scindé en deux parties : l'une pour négocier, l'autre pour signer. Cela permet notamment de résister au sein de l'entreprise en attendant que l'organisation syndicale donne le feu vert à la signature. Nous y avons eu recours lors de la négociation sur les 35 heures. Demain, tout rapport de force sera ramené dans l'entreprise.

Durant 14 ans, j'ai été responsable de branche. Je partage en partie votre inquiétude. Les ordonnances enlèvent des responsabilités aux branches au lieu de leur en donner. L'ordre public conventionnel prévu dans la loi « El Khomri » était plus important que ce qu'on leur confie actuellement : les branches avaient la capacité de discuter, selon les spécificités de la branche, de ce qui était négocié impérativement au niveau de la branche et ce qui était confié au niveau de l'entreprise. Demain, ce ne sera plus possible. Les 13 thèmes des ordonnances sont renvoyés à la branche, mais un accord d'entreprise pourra les aborder s'ils offrent des garanties au moins équivalentes. La branche a perdu du pouvoir. La restructuration des branches doit être prioritaire. On ne construit pas de maison sans fondations robustes. La CFE-CGC est favorable à la restructuration des branches, lieu de définition d'une vision politique sur les enjeux économiques et sociaux d'un secteur. C'est une priorité. Nous défendons des branches qui ont tout le poids nécessaire : ce n'est pas une question de nombre de salariés mais de moyens humains, financiers et techniques au niveau de la branche, afin de réaliser des études ou d'anticiper l'arrivée du numérique... Je vous ferai parvenir notre ouvrage Quelle société pour demain ? qui aborde notamment cette question.

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