Intervention de André Laignel

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 7 décembre 2017 : 1ère réunion
Audition de M. André Laignel premier vice-président de l'association des maires de france sur les attentes des collectivités territoriales à l'issue du congrès des maires 2017

André Laignel, premier vice-président de l'AMF :

Votre ouverture est très vaste. L'actualité du moment tient à la CNT, qui aura théoriquement lieu dans quelques jours. Cette conférence a très mal démarré. Lors d'une réunion récente, à laquelle je siégeais au titre du Comité des finances locales (CFL) et non au titre de l'AMF, nous avons eu la surprise d'apprendre que l'effort qui nous était demandé était passé en un week-end de 10 à 13 milliards d'euros. J'ai demandé des explications au Premier ministre. Je n'ai pas été honoré d'une réponse. À ce jour, personne ne nous a officiellement expliqué les raisons de cette progression, alors que l'AMF contestait déjà les 10 milliards d'euros. Ce n'était donc pas un bon début pour la CNT.

Trois jours plus tard, un décret d'avance nous a supprimé 305 millions d'euros. Quinze jours plus tard, ce sont plusieurs dizaines de milliers d'emplois aidés qui nous étaient supprimés. Le Président de la République nous avait pourtant expliqué que la CNT était faite pour la transparence, le dialogue et la négociation. Nous avons eu le sentiment qu'aucun de ces termes n'était honoré dans la réalité. Le Président de la République a lui-même reconnu, dans son discours devant le congrès des maires de France, que les choses n'avaient pas forcément bien commencé. Une CNT s'annonce en fin de semaine prochaine. Il y a quelques jours, un nouveau décret d'avance nous a encore supprimé 48 millions d'euros. Comment, dans ces conditions, parler de dialogue, de concertation et de négociation ? Aujourd'hui, la confiance n'existe pas. Nous n'avons même pas pu présenter nos observations. La négociation et la clarté et nécessitent un minimum de précautions.

Les souhaits de l'AMF sont clairement connus. Le Président de la République nous a longuement reçus, François Baroin et moi-même, à deux reprises dans les 15 jours qui ont précédé le congrès des maires de France. Il nous a écoutés, ce qui ne signifie pas qu'il nous a entendus. En effet, nous n'avons obtenu que deux petites avancées. La première tient à la compétence eau-assainissement, qui serait une compétence dévolue aux intercommunalités, sauf majorité qualifiée dont nous ne connaissons pas la teneur. Il s'agit d'une demi-avancée qui ne nous satisfait pas : nous demandions que cette compétence soit purement optionnelle. La seconde avancée, tout aussi alambiquée, concerne le renforcement de la règle d'or, qui imposerait des limites aux capacités d'endettement des collectivités territoriales, alors que collectivement et globalement, ces dernières sont très faiblement endettées. La modeste avancée que nous avons obtenue tient au fait que ce point ne figurera pas forcément dans un texte, mais dans le processus de contractualisation.

En dehors de ces deux points, nous avons eu le sentiment que la porte était fermée concernant les 13 milliards d'euros, la suppression de taxe d'habitation, les emplois aidés et le logement. Ces sujets sont pourtant au coeur des revendications et des souhaits de l'association des maires de France. Nous sommes partisans des contrats, mais nous sommes opposés aux contrats léonins (qui visent à faire porter la charge sur une seule des parties). En droit privé, le contrat léonin est réputé nul et non avenu. Il n'est pas certain qu'il en irait de même en droit public.

Dans ces conditions, l'AMF s'interroge légitimement sur l'utilité de la CNT. Ce sujet a été débattu hier matin dans le cadre du Bureau de notre association. Nous ferons connaître notre position quant à notre participation à cette conférence en début de semaine prochaine. Nous considérons comme scandaleuse la représentation de l'AMF, au sein de cette instance, par un seul membre sur plus de quarante. C'est inacceptable. Nous ne pouvons pas être la première association d'élus, et de très loin, et n'avoir qu'un représentant à la Conférence des territoires.

Nous continuons à réclamer une vraie instance de dialogue, dont nous ne souhaitons pas qu'elle soit seulement une grand-messe. Je me souviens avoir déjà participé, dans le passé, à une conférence des exécutifs et à une conférence des finances publiques. Ces instances se sont immanquablement arrêtées, après une ou deux séances, car elles étaient surtout des lieux de discours et de positionnement ; elles ne débouchaient jamais sur une véritable négociation. Or une instance de dialogue doit avoir la capacité de négocier. Ensuite, le Parlement reste souverain.

Nous souhaitons nous inscrire dans une capacité de propositions. L'AMF n'entend pas être le premier protestataire du pays. Elle souhaite être la première force de propositions pour ce qui concerne les collectivités territoriales. Sur tous les sujets que j'ai évoqués, nous avons des pages de propositions. Elles ont été transmises aux différents ministres, au Premier ministre et au Président de la République. Nous ne pouvons pas entendre que tout est intangible, les 13 milliards d'euros comme la suppression de la taxe d'habitation. Il existe une certaine procrastination dans le discours du Président de la République. Sur le logement, il renvoie à la conférence du consensus, qui est une très heureuse idée, mais dont nous ne savons pas à quelle échéance elle débouchera. Pendant ce temps, une bonne part des projets ANRU qui devaient être lancés est en panne. C'est le cas dans ma commune. Nous avons pourtant des difficultés à résoudre. Nous avons reçu de nombreux témoignages de maires, parfois de très grandes villes.

Concernant la suppression de la taxe d'habitation, l'on nous renvoie à une réforme fiscale. Nous approuvons cette idée d'une réforme fiscale. J'ai d'ores et déjà donné un calendrier au CFL, avec l'objectif qu'il rende sa copie au début du printemps. Pour cela, nous nous réunirons tous les 15 jours. Nous avons redéfini les grandes orientations dès notre première réunion, qui s'est tenue cette semaine. En 2014, il nous avait été demandé de définir, au sein du CFL, quelles pourraient être les grandes lignes de la réforme fiscale, ce que nous avions fait à l'unanimité. Nous avons repris et actualisé ce document. C'est sur cette base que nous reprendrons le travail dès le terme des vacances scolaires de Noël. Je rappelle que le CFL, qui est élu par plus de 20 000 maires et 1 000 présidents d'intercommunalités, est le seul endroit légitime pour élaborer la réforme de la fiscalité locale.

Voilà les éléments de pleine actualité que je souhaitais porter à votre connaissance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion