Intervention de Angèle Préville

Réunion du 13 décembre 2017 à 14h30
Développement du fret ferroviaire — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Angèle PrévilleAngèle Préville :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, avec bienveillance, une proposition de résolution déposée par nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces derniers font le constat, largement partagé, de la nécessité d’un développement du fret ferroviaire.

Cette proposition, dont nous partageons en grande partie les ambitions, pointe l’enjeu du rééquilibrage de la politique des transports au profit du ferroviaire. Elle pose le débat de la nouvelle et nécessaire impulsion à donner au transport de marchandises par rail.

Elle s’inscrit également dans la suite de l’alerte donnée par la Cour des comptes sur la cohérence et l’efficacité de la politique menée par l’État en matière de transports. Nous parlons bien ici d’une politique d’État contradictoire, tiraillée entre le soutien au fret ferroviaire et des mesures favorisant le transport routier. Nous ne pouvons rester dans cet entre-deux mortifère pour le fret ferroviaire français. Des choix clairs sont nécessaires.

Ce débat de sortie de crise est ancien. Il porte sur le déclin continu du fret ferroviaire en France depuis trente ans. En 2015, Fret SNCF enregistrait une perte nette de 253 millions d’euros. Ce secteur connaît un déficit récurrent et résiste moins bien que chez nos voisins européens.

Je pense essentiellement ici à l’affaiblissement du transport ferroviaire et à la baisse des volumes de marchandises transportées ces dernières décennies. Pendant de cette situation, l’envergure plus que modeste du réseau est elle aussi criante. La question de la viabilité économique dans son ensemble est posée.

Le décret du 30 mars 2017 relatif la sécurité des circulations ferroviaires sur certaines voies ferrées locales supportant du transport de marchandises a fait suite aux préconisations de la conférence ministérielle pour le renouveau du fret ferroviaire.

Cette nouvelle réglementation est l’exemple de mesures concrètes pour lever certains freins au développement de ce mode de transport durable, moteur de compétitivité, en permettant aux entités locales ou régionales de faire acte de candidature pour reprendre l’exploitation de lignes menacées de fermeture.

Le fret ferroviaire ne représente aujourd’hui que 10, 5 % du transport de marchandises, contre 29, 2 % en 1985. Sur la période 2008-2014, le total des marchandises transportées par voie ferrée a connu une baisse de 8, 2 milliards de tonnes-kilomètres, soit une baisse de 21 %.

La dégradation des infrastructures s’accompagne d’un déficit d’investissement de l’État, lui-même lié au poids excessif de la dette qui ne cesse d’augmenter depuis la création de Réseau ferré de France en 1997.

Pourtant, le gouvernement précédent n’est pas resté inactif. La maîtrise de la dette était l’un des objectifs de la loi d’août 2014 portant réforme ferroviaire.

Le rapport du gouvernement relatif à la trajectoire de la dette de SNCF Réseau s’intéressait, à la demande du groupe socialiste, à l’opportunité de créer une caisse d’amortissement de la dette ferroviaire. Il s’agissait bien de ne plus augmenter le déficit tant il entravait l’évolution du système ferroviaire.

Ce rapport a considéré que la loi de 2014 avait créé « les conditions d’un redressement durable du système ferroviaire » qui devait permettre un désendettement de SNCF Réseau. Les conclusions ont donc rejeté toute idée de reprise de la dette.

Pourtant, la trajectoire est pourtant à la hausse : 40, 8 milliards d’euros à ce jour, pour atteindre 63 milliards en 2026, selon le contrat de performance pluriannuel signé en avril dernier entre l’État et SNCF Réseau – soit une augmentation de 40 % par rapport à 2016.

L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, dresse les mêmes constats et va même plus loin dans son avis du 29 mars 2017 en parlant d’une dette sous-estimée.

L’Autorité de régulation estime ainsi que « si l’effort d’investissement de SNCF Réseau porte en priorité sur la remise à niveau et la modernisation du réseau, le financement des projets de développement déjà initiés mobiliserait cependant une participation de SNCF Réseau à hauteur de 1, 8 milliard d’euros sur la période ». L’ARAFER n’exclut donc pas que SNCF Réseau soit confronté à des difficultés de financement de ses cofinanceurs.

Elle pointe ici l’État à travers l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Une telle situation impliquerait alors une avance de trésorerie.

Pourtant, l’État a affiché, à plusieurs reprises, sa volonté de mener une politique globale de soutien au fret, notamment par une recapitalisation. Mais cette volonté a été trop souvent accompagnée de mesures contradictoires, comme en témoigne l’abandon de l’écotaxe.

Face à ce constat, nous ne pouvons qu’être favorables à cette proposition de résolution et inviter le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires. Le secteur du fret ne peut plus être le parent pauvre des politiques publiques de transport.

Par ailleurs, cette urgence économique répond à une urgence écologique pour une sortie pérenne de l’impasse dans laquelle nous sommes.

Le soutien au transport de fret par voie ferroviaire répond à des nécessités environnementales. Il faut aujourd’hui, à l’heure des engagements internationaux, en tirer les conséquences. Si l’on s’attache à la pollution générée -– je parle de l’émission de dioxyde de carbone – par tonne de marchandises transportée sur un kilomètre, le constat est indéniable : 2 grammes pour un train entier à traction électrique, 50 grammes pour un train à traction diesel et 196 grammes par semi-remorque de 32 tonnes.

L’accord de Paris, entré en vigueur voilà déjà un an, permettra – je l’espère – de concrétiser la prise de conscience environnementale.

Le Président de la République organisait hier un One planet summit, un sommet sur le climat. Il a mis au centre des discussions la nécessité d’un nouveau mode de développement et la réorientation de la finance publique et privée vers la transition énergétique.

À l’heure où les acteurs publics parlent de « décarbonation », il est grand temps de se mettre à l’œuvre.et d’être concret.

Pour que le développement de notre service public ferroviaire soit ambitieux et s’inscrive dans une logique écologique responsable, le groupe socialiste et républicain soutiendra cette proposition de résolution.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion