La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat que la commission des finances propose la candidature de M. Julien Bargeton pour siéger, en qualité de titulaire, au sein de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, en remplacement de M. Didier Rambaud, démissionnaire.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, de la proposition de loi visant à réhabiliter la police de proximité, présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues (proposition n° 715 [2016-2017], résultat des travaux de la commission n° 133, rapport n° 132).
Dans la discussion générale, la parole est à Éliane Assassi, auteur de la proposition de loi.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien trop peu nombreux dans cet hémicycle – je pensais pourtant que la police était un thème intéressant tous les groupes du Sénat –, en inscrivant cette proposition de loi au sein de l’ordre du jour réservé à notre groupe, nous nous doutions bien du sort qui lui serait fait.
Nous espérions au moins créer les conditions d’un vrai débat. Or nous constatons avec beaucoup de déception, quoi qu’en dise notre rapport, M. Grosdidier, que cet hémicycle et sa majorité n’ont pas souhaité débattre sereinement – la preuve ! - d’un sujet pourtant si important pour nos concitoyens et pour la politique publique de sécurité intérieure de notre pays.
Permettez-moi d’abord un éclairage sémantique. Qu’entendons-nous par « police de proximité » et, plus précisément, par « proximité » ? Les mots ont un sens : ne les bradons pas.
Au sens concret du mot, la « proximité », c’est la « situation d’une chose qui est à faible distance d’une autre chose ou de quelqu’un ; de deux ou plusieurs choses qui sont rapprochées ». Au sens figuré, c’est le « caractère de rapprochement, d’affinité entre deux choses abstraites, deux entités ».
Notre « police de proximité » comprend ces deux acceptions. Il s’agit de déployer des agents de la police nationale au plus près des habitants et, en parallèle, de travailler à une nouvelle doctrine d’emploi de ces agents de police nationale, pour laisser place à une proximité dans la relation entre eux et les usagers du service public qu’ils incarnent.
Il aurait été nécessaire d’examiner sérieusement notre proposition de loi en commission, et non de la rejeter sur des bases idéologiques.
En effet, la brève expérience de la police de proximité a brutalement pris fin en 2002, alors qu’elle commençait à être étendue au territoire national. Lors des auditions que notre groupe a menées, les forces de l’ordre nous ont présenté un avis bien plus positif et nuancé sur l’expérience de la « polprox » que le vôtre, monsieur le rapporteur, qui évoquez un échec unanimement reconnu. Certains syndicats nous ont apporté leur plus clair soutien et partagent nos objectifs.
Quant aux plus dubitatifs, leur critique principale porte sur le manque flagrant de moyens du dispositif. Et pour cause, les moyens supplémentaires indispensables à la réalisation effective d’une police de proximité n’ont jamais été disponibles.
Le rapport confidentiel que vous vous êtes procuré auprès du ministère de l’intérieur, et que vous vous êtes bien gardé de nous communiquer jusqu’à hier après-midi, monsieur le rapporteur, va également dans ce sens.
C’est pourquoi nous vous avons proposé, la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2018, un amendement visant à créer un nouveau programme dans la mission « Sécurités », un programme intitulé « Police de proximité », que nous proposions de créditer d’un milliard d’euros. Un budget sérieux, donc, qui aurait permis de mettre en place une direction générale de la police de proximité.
Cet amendement d’appel aurait dû trouver votre soutien, mes chers collègues, étant donné les difficultés d’ordre budgétaire que vous évoquez comme argument phare pour rejeter notre proposition.
Cela révèle une chose : le principal motif de votre rejet repose sur l’opposition idéologique répression-prévention, dont vous souhaitez le dépassement, mais que, paradoxalement, vous nourrissez abondamment avec vos arguments.
Nous sommes absolument d’accord : sortir de cette opposition est une nécessité impérieuse car, pour nous, la police de proximité est une police à la fois préventive, dissuasive et répressive. Il s’agit de renforcer ce triptyque en le rééquilibrant.
Abusivement présentée comme transformant les policiers en doublons des travailleurs sociaux, la police de proximité n’a jamais signifié une limitation des missions des policiers chargés de la mettre en œuvre.
D’ailleurs, dès 2006, la mission d’information créée par le Sénat à la suite des émeutes urbaines d’octobre et novembre 2005 concluait à la nécessité d’une police de proximité, « dont le rôle n’est pas de faire de la répression, mais de rappeler et d’expliquer la règle, […] et de réduire la fréquence du recours à l’intervention de la force publique ». Son auteur, Pierre André, un de vos collègues du groupe UMP d’alors, souhaitait à l’évidence, comme nous, dépasser le clivage répression-prévention.
Un dépassement indispensable car, loin de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens en matière de sécurité, les politiques gouvernementales menées depuis 2002, et fondées sur le tout-répressif, se sont toutes révélées contre-productives. Pire encore, elles ont contribué à distendre le lien de confiance entre la population et les forces de l’ordre.
En parallèle, les fonctionnaires de police et de gendarmerie souffrent directement de la dégradation de leur relation avec la population, alors que leurs conditions de travail se trouvent extrêmement détériorées, notamment en raison du renouvellement incessant de l’état d’urgence ces vingt derniers mois, et du stress permanent qu’engendrent des situations trop souvent conflictuelles.
Face à cela, une argumentation que je qualifierai de « fallacieuse » nous est opposée. Vous prétendez, monsieur le rapporteur, que « la volonté de lutter contre le sentiment d’insécurité, notamment dans les zones les plus sensibles, et de rapprocher la police de la population n’a cessé, au cours des quinze dernières années, d’animer les réformes d’organisation de la police nationale ». Vous ajoutez, à propos des brigades spécialisées de terrain, les BST, qu’elles « assurent des missions de sécurisation de proximité ».
Sincèrement, je ne peux pas croire en une telle méconnaissance de votre part !
Créées en 2010 par Brice Hortefeux, ces brigades spécialisées de terrain avaient pour simple objectif de réinvestir les quartiers grâce à la dissuasion et à la répression. Ce ne sont pas des « policiers d’ambiance ou des éducateurs sociaux », assurait alors le ministre de l’intérieur, ni des « grands frères inopérants en chemisette qui font partie du paysage ».
En effet, peu de chances d’être assimilés à des éducateurs ! En plus des matraques télescopiques, LBD 40 ou flash-ball, grenades lacrymogènes, armes de service, gilet par balle, jambières et manchettes complètent la panoplie de ces policiers. À l’hostilité de cet accoutrement et de l’attitude ultra-répressive qu’elle inspire, nous pensons – et nous l’assumons très clairement – qu’être en contact permanent avec la population implique une aptitude à l’écoute et au dialogue, un équipement léger et un mode de déplacement simple.
En outre, la restauration du lien de confiance entre police et population ne passera que par le développement de la polyvalence de l’activité policière, en intégrant la réalité du quartier aux missions de prévention, de dissuasion, de répression et de sanction propres au métier de policier, qui irait de la pratique de l’îlotage à l’organisation d’opérations culturelles et sportives.
Nous ne craignons pas les clichés et les caricatures que susciteront nos propos, car nous sommes convaincus de la nécessité de changer de paradigme.
François Grosdidier lui-même en fait d’ailleurs la démonstration dans son rapport : « La multiplication des dispositifs policiers n’a pas permis d’enrayer le cercle de la délinquance, qui continue de se maintenir à un niveau élevé. La persistance de poches d’insécurité sur notre territoire, d’où les forces de l’ordre se sont elles-mêmes désengagées, est une situation indigne de notre République ».
De quelles « poches d’insécurité » parlez-vous, monsieur le rapporteur ?
En matière d’amalgames, je constate d’ailleurs, monsieur le rapporteur, que, comme M. Jourdain, qui faisait de la prose sans le savoir, vous faites du contrôle au faciès sans le savoir.
J’en veux pour preuve les propos aberrants que vous avez tenus en commission, que je trouve à la page 34 de votre rapport. Je vous cite une nouvelle fois : « Il y a quinze jours encore, j’étais maire de Woippy, dont plus de la moitié de la population est de confession musulmane. Je connais ce sujet ».
Monsieur Grosdidier, comment savez-vous que plus de la moitié des habitants de cette commune sont musulmans ? Comprenez que ce genre d’amalgame est intolérable.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Comprenez que, si nos quartiers les plus populaires ne sont plus réceptifs aux messages de prévention et encore moins à la répression, c’est aussi et surtout à cause de ce genre de propos.
Notre police de proximité ne s’adresse pas à certaines zones prioritaires de sécurité, et encore moins à une certaine population que vous n’avez de cesse de stigmatiser. Il s’agit d’une police à l’écoute de nos concitoyens et de leurs attentes en matière de sécurité publique, sur tout le territoire.
Vous soutenez qu’elle n’aurait pas sa place dans certains départements, mais y a-t-il sur le territoire français une collectivité où personne n’a jamais affaire à la police, une collectivité vierge de tout contentieux de voisinage, de tout problème de discriminations, ou encore de violences conjugales ?
Un autre argument consiste à dire que notre initiative législative s’entrechoque avec la police de sécurité du quotidien, la PSQ, annoncée par le Gouvernement. Hélas, mes chers collègues, le mince espoir qu’a fait naître chez nous cette annonce est vite retombé. Tout cela a fini de nous convaincre d’inscrire notre proposition de loi à l’ordre du jour. Les auditions que nous avons menées nous ont d’ailleurs confortés dans ce choix.
Les maires volontaires pour l’expérimentation de cette PSQ ont été très clairs sur la vacuité du projet.
Des maires ayant candidaté à l’expérimentation proposée n’y ont pas eu droit. D’autres attendent toujours une réponse. Pourtant, leurs attentes sont très fortes. Beaucoup attendent avec impatience cette expérimentation.
Laurent Russier, maire de Saint-Denis, s’adressait à Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur, en ces termes : « La police de sécurité du quotidien serait de nature à lutter contre les rapports de défiance des uns à l’égard des autres, qui nuisent à notre objectif commun de sécurité ».
Mme Éliane Assassi. Finalement, admettons que nous défendons ici deux visions de la société, ce que nous n’avons jamais cessé de faire.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi n’a pas paru pertinente à la commission des lois du Sénat.
Le débat qu’elle suscite est certes particulièrement opportun, mais je regrette la tournure qu’il prend, avant même d’avoir réellement débuté, du fait de la présentation travestie de mes propos tenus lors de la réunion de notre commission. §J’y ai effectivement évoqué la population de la ville dont j’étais maire, une population que je connais bien, alors que nous traitions du problème spécifique de la radicalité, dans des termes qui ne sont pas du tout ceux que vous avez présentés.
Je regrette que vous ne soyez pas capable de dépasser cette opposition binaire, que vous avez d’ailleurs hautement revendiquée à la fin de votre intervention.
Pourtant, je l’ai dit, ce débat nous paraissait opportun, en cette période où les forces de l’ordre, comme les citoyens, ressentent un malaise en matière de sécurité, et au moment où le Gouvernement a lancé son projet de police de sécurité du quotidien, la PSQ, concept auquel il demande aux personnes qu’ils consultent de donner un contenu.
Oui, l’insécurité et la délinquance gangrènent certains territoires de la République. Cela n’a échappé à aucun de nos gouvernants.
La « polprox » de Jospin, les Unités territoriales de quartier, ou UTeQ, la BST, les zones de sécurité prioritaires, ou ZSP… toutes ces initiatives successives répondaient au même objectif : faire mieux coller la police au terrain. Elles n’ont pas enrayé la délinquance, qui continue de se maintenir à un niveau élevé, même s’il est parfois minimisé par certains.
La persistance de poches d’insécurité sur notre territoire – je le maintiens –, d’où les forces de l’ordre se sont elles-mêmes désengagées – elles nous l’ont dit ; mais nous n’avons vraisemblablement pas auditionné les mêmes personnes, madame Assassi –, est une situation indigne de notre République.
Les policiers sont les premiers à pâtir d’une telle situation. Souvent déconsidérés, ils sont l’objet, depuis plusieurs années, d’une recrudescence d’outrages et de violences, qui contribue à leur mal-être et nuit à l’efficacité de leur action. Nous regrettons que l’exposé des motifs de ce texte n’en fasse pas état.
Les auteurs de cette proposition de loi évoquent largement les bavures – ou présumées bavures – policières, inacceptables, oui, et hautement condamnables quand elles sont avérées, mais qui sont exceptionnelles, tandis que les outrages et violences contre agents sont quotidiens.
Les unes n’excusent pas les autres, et inversement. Mais il convient d’être juste et équilibré, ce que vous n’êtes pas, chère collègue, et de ne jamais tomber dans la caricature, ni d’un côté ni de l’autre.
La médiatisation récente de certains faits de violences policières alimente l’image d’une police qui ne serait plus au service des concitoyens. C’est un peu l’idée qui sous-tend cette proposition de loi, et qui est explicite dans son exposé des motifs.
Par ailleurs, vous assumez le retour à la doctrine de la polprox développée et mise en œuvre il y a vingt ans, sans toutefois tirer les conséquences ni des difficultés rencontrées lors de sa mise en œuvre ni de son bilan, très mitigé.
En revanche, au-delà de la sémantique et des positionnements idéologiques, nous pourrions nous retrouver, chers collègues, sur trois idées : d’abord, une police davantage enracinée dans la population et mieux ancrée sur le terrain ; ensuite, une police renforcée en effectifs, mais aussi en moyens juridiques et matériels ; enfin, une police orientée vers des objectifs qualitatifs et non seulement quantitatifs.
La commission des lois est défavorable à l’adoption de cette proposition de loi.
Pour des raisons d’ordre constitutionnel, d’abord.
En premier lieu, la plupart des dispositions du texte relèvent non pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire. C’est le cas de l’article 2, qui prévoit la création des agents de proximité. Or la définition des catégories d’agents publics relève du règlement.
De même, l’article portant création d’une direction générale de la police de proximité, une direction autonome par rapport à la Direction générale de la police nationale, est une mesure d’organisation interne au ministère de l’intérieur. Elle ne relève pas de la loi.
En second lieu, certaines dispositions sont susceptibles d’être jugées contraires à la Constitution parce qu’elles ne sont pas normatives. Le Conseil constitutionnel fait preuve, à cet égard, d’une rigueur nouvelle.
Depuis sa décision d’avril 2005, il censure les dispositions ne définissant que des orientations ou ne présentant aucun caractère impératif.
Surtout, au-delà des objections juridiques, cette proposition ne nous paraît pas tirer les leçons de l’expérience.
Son postulat est que la polprox n’a pas produit tous ses effets positifs uniquement par manque de moyens et de durée. Cette analyse est trop courte ; elle risque de conduire à la reproduction des erreurs du passé.
Notre commission a souhaité sortir de l’opposition idéologique entre police répressive et police préventive.
Or votre texte se fonde sur cette opposition, laissant penser que toutes les difficultés actuelles viennent de la faiblesse de la fonction préventive.
Ainsi, il assigne aux agents de police de proximité l’objectif principal d’anticiper et prévenir les troubles à l’ordre public, avec des missions allant jusqu’à l’organisation d’opérations culturelles et sportives. Je ne parle pas des modes de locomotion qu’ils doivent utiliser : la bicyclette et les rollers…
Il faut surtout, ce me semble, ne pas sortir les policiers, déjà trop peu nombreux, de leur cœur de métier.
Le retour d’expérience sur la polprox nous éclaire. La priorité affichée de la politique de proximité était de lutter contre le sentiment d’insécurité par une présence diurne plus voyante et moins répressive. Comme si ce sentiment était fantasmé par la population ; comme s’il ne s’appuyait pas sur une réalité de la délinquance !
Or cette expérience a souvent été contre-productive.
En effet, la priorité à la prévention a même conduit des policiers à limiter leurs interventions et leurs interpellations, de manière à apaiser les tensions dans les secteurs les plus difficiles. Résultat : une augmentation de la réalité de la délinquance et donc du sentiment d’insécurité !
Les statistiques de la délinquance le confirment. La délinquance générale pendant cette période a progressé de 5 % et les violences aux personnes, de 32 %. La délinquance juvénile n’a jamais autant progressé que lors de la généralisation de la police de proximité, pourtant entièrement disposée à ce dialogue que vous demandez, chère collègue.
Qui plus est, la mise en œuvre de la polprox a conduit à renforcer les effectifs de police au cours de la journée, au détriment de la présence nocturne. Or l’essentiel de la délinquance se produit le soir et la nuit.
D’ailleurs, madame la ministre, ce problème devra impérativement être traité dans le cadre de la future PSQ. La police est chroniquement en sous-effectif de nuit. Cela s’explique par une séparation rigide des équipes diurnes et nocturnes, ainsi que par un trop faible avantage financier consenti aux « nuitiers », avantage inférieur à un euro par heure…
La restauration d’un sentiment de sécurité requiert une politique ferme de lutte contre l’impunité. La réponse pénale est indispensable et elle manque souvent aujourd’hui.
La première des préventions doit être la présence sur le terrain de policiers potentiellement répressifs, et sûrement si nécessaire, puis d’une réponse pénale certaine en cas de violation de la loi.
L’Inspection générale de la police nationale, l’IGPN, et l’Institut des hautes études de la sécurité intérieure, l’IHESI, dans leur rapport de 2001, relevaient ainsi, s’agissant des quartiers les plus difficiles, où la police de proximité avait été implantée, que « faute de réponse judiciaire ferme, » – vous l’oubliez – « il est constaté que le redéploiement des policiers non accompagné de réponses durables aux problèmes de la délinquance accroît les risques d’affrontements, d’outrages et de rébellions ».
Les auteurs du rapport poursuivaient : « Le sentiment d’impunité fait ressortir et amplifie le sentiment d’insécurité et la confiance accrue que la population avait investie au démarrage du dispositif est déçue ».
Ils en concluaient que « l’option préventive, coûteuse en moyens humains par définition, ne produit pas de sécurité si elle n’est validée par une répression ultime ».
Aussi, une polprox ne peut pas être conçue sans une coordination avec l’ensemble des autres maillons de la chaîne pénale, des services d’investigation et de l’autorité judiciaire elle-même.
À cet égard, nous regrettons que le présent texte, en prévoyant la création d’un statut spécifique pour les agents de police de proximité et d’une direction générale indépendante, envisage et organise la polprox comme une fonction distincte des autres missions de la police nationale. C’est cloisonner quand il faut coopérer ; c’est renforcer la verticalité quand il faut de l’horizontalité.
Plutôt que de juxtaposer de nouvelles forces à celles existantes, il faut réorganiser l’ensemble des forces de manière intégrée et coordonnée.
Il est impossible pour la police nationale de porter, à elle seule, la responsabilité de la conduite de la politique de sécurité sur notre territoire, surtout pour le volet de la prévention.
La prévention part en amont de la protection maternelle et infantile ; elle se poursuit avec l’éducation nationale et l’action sociale, culturelle et sportive. En aval, avant la délinquance, existe l’éducation spécialisée.
Les policiers ne sauraient se substituer aux autres professionnels de la prévention, même si un travail concerté entre tous est souhaitable.
Enfin, il s’agit d’une politique difficile à mettre en place dans le contexte budgétaire actuel.
La polprox des années quatre-vingt-dix a pâti du manque de moyens ; nous serons au moins d’accord sur ce point. Certes, l’expérimentation, avec des moyens accrus, avait donné des résultats probants. Mais la généralisation à moyens constants avait été contre-productive.
Dans certains territoires, la polprox avait effectivement permis la collecte d’informations auprès des acteurs de terrain ou de la population. Or ces renseignements ont été d’autant moins traités que le déploiement de la polprox s’était fait au détriment des unités d’investigation et d’intervention. Il est d’ailleurs significatif de constater que l’amendement déposé par votre groupe, madame Assassi, lors de l’examen du projet de loi de finances, visait à donner des moyens à la polprox en les prenant sur le budget de la police nationale.
Selon le rapport d’évaluation, la politique de la police de proximité a aussi souffert du manque de qualification des personnels déployés sur le terrain. Elle s’appuyait en grande partie sur l’affectation d’adjoints de sécurité, ou ADS, qui ne disposaient ni de l’autonomie ni de l’expérience nécessaires pour assurer toutes les missions confiées à la polprox.
Quant aux policiers professionnels affectés comme « proximiers » dans les quartiers sensibles, il s’agissait généralement de nouvelles recrues, souvent en première affectation, sans expérience de terrain. Le rapport d’évaluation le constatait, d’ailleurs.
Le présent texte envisage une généralisation du modèle de la police de proximité à l’ensemble du territoire. C’est aujourd’hui impossible sans dégarnir les autres services, notamment ceux de police judiciaire, déjà totalement engorgés.
Les 10 000 emplois de policiers et gendarmes supplémentaires sont loin d’être à la hauteur de l’enjeu. Je crains d’ailleurs qu’ils ne suffisent pas à la mise en place de la PSQ annoncée. Nous aurons d’autres occasions d’en débattre.
Pour finir, une stratégie territoriale complète ne peut pas oublier la gendarmerie nationale et les polices municipales.
Les polices municipales, que vous omettez complètement dans la présente proposition de loi, madame Assassi, ont doublé d’effectifs ces vingt dernières années et représentent la troisième force de sécurité du pays.
Quant à la gendarmerie, au service d’environ 50 % de la population, elle intervient sur près de 95 % du territoire national.
Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à ne pas adopter ce texte, mais à en débattre avec l’idée de contribuer au projet qui se dessine.
Ces quelques idées pourraient faire consensus : des moyens rationalisés mais accrus - et non réduits ; une approche et une évaluation qualitatives - et pas seulement quantitatives ; une véritable territorialisation et une déconcentration des décisions –et non une politique uniforme, qui était celle de la police de proximité de 1997 ;…
… une information et un diagnostic partagés ; une action coordonnée de tous les coproducteurs de sécurité ; une continuité de la chaîne pénale et de la chaîne sociale.
Si au moins le Sénat pouvait dégager un consensus en son sein sur ces propositions concrètes, il aurait fait œuvre utile, avant la conception de la police de sécurité du quotidien !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je reconnais volontiers que cette proposition de loi qui, disons-le d’emblée, ne recueille pas le soutien du Gouvernement, a le mérite de faire débattre votre assemblée d’un sujet majeur. Elle me donne l’occasion aujourd’hui d’évoquer les travaux qui sont en cours pour bâtir la future police de sécurité du quotidien.
Avant toute chose, je tiens à dire que nous partageons, non pas tous, mais une large partie des éléments de constat dont font état les auteurs de cette proposition de loi. C’est d’ailleurs pourquoi le Gouvernement travaille à une réforme d’ampleur de la sécurité publique dans notre pays.
Ainsi, nous partageons l’ambition générale de renforcer l’efficacité de nos forces de sécurité, tout comme leurs liens avec la population, ce qui implique une plus grande autonomie accordée aux services et aux unités sur le terrain, mais aussi une meilleure prise en compte des spécificités de l’environnement local. J’y reviendrai.
Sur le constat, d’abord.
Il est évident que les forces de sécurité ne disposent pas, aujourd’hui, des outils leur permettant d’être pleinement efficaces face à l’insécurité à laquelle sont exposés nos concitoyens.
La complexité des procédures pèse sur leurs capacités d’action et nos policiers et gendarmes sont souvent dépourvus de réponse immédiate face à l’insécurité dite « de basse intensité », c’est-à-dire du quotidien.
Or ces infractions sont fortement ressenties par la population, qui s’inquiète autant de la menace terroriste que des infractions subies au quotidien. Toutes les études d’opinion le montrent. Tous les élus de terrain que nous sommes le savent parfaitement.
Les atteintes répétées à la tranquillité publique, les nuisances de tous ordres, dans les quartiers, sur la voie publique, dans les transports en commun, sont une préoccupation majeure pour les habitants.
À toutes les infractions relevées, il faut encore ajouter toutes ces incivilités qui nuisent au vivre-ensemble, mais que l’on ne mesure pas, souvent parce que les gens qui les subissent ne portent pas plainte.
La persistance de cette situation, malgré l’action déterminée et l’engagement de nos policiers et de nos gendarmes, réduit la confiance de la population en notre capacité à la protéger.
Cette réalité a pu être occultée ces dernières années par la priorité légitimement donnée à la lutte contre le terrorisme. Il faut dire également que, par le passé, elle n’a pas été traitée de manière efficace, du fait souvent d’orientations changeantes, mettant l’accent tantôt sur la prévention, tantôt sur la répression. Or l’expérience enseigne que l’un ne va pas sans l’autre.
De même, la lutte contre la petite et moyenne délinquances ne s’oppose pas à celle contre le terrorisme et la grande criminalité : elle en constitue le socle.
Je ne souhaite pas dresser ici l’inventaire des dispositifs déployés par le passé pour faire reculer l’insécurité dans notre pays.
Vous l’avez rappelé, ils ont été nombreux : îlotage, police de proximité, unités territoriales de quartier, ou UTEQ, brigades spécialisées de terrain, ou BST, zones de sécurité prioritaires, ou ZSP. Tout cela a existé et l’efficacité n’a pas toujours été au rendez-vous, alors même que les intentions de départ étaient parfaitement louables.
Il faut simplement souligner aujourd’hui que les réductions d’effectifs, la complexification des procédures, les impératifs de sécurisation conduisent nos policiers et nos gendarmes à être moins présents sur le terrain, moins souvent au contact des habitants, et à faire prévaloir une logique d’intervention, ce qui pèse à la fois sur leur efficacité au quotidien et sur la qualité de leurs relations avec la population.
Il faut rééquilibrer cette situation. Cela demande des moyens supplémentaires, mais, au-delà, il faut passer par un retour aux fondamentaux et par un changement de paradigme et d’organisation.
C’est ce à quoi entend s’employer le Gouvernement avec la police de sécurité du quotidien. Cela va au-delà de ce que préconise la proposition de loi et se décline en modalités différentes.
Sur le projet de police de sécurité du quotidien, le Président de la République a présenté les grandes orientations de ce projet lors de son discours devant les forces de sécurité du pays, le 18 octobre dernier.
Le ministre de l’intérieur a ensuite, sur cette base, ouvert une large séquence de consultations, qui se poursuit jusqu’à la fin de l’année et qui est d’une ampleur inédite.
Tous les acteurs concernés y sont associés : les policiers et les gendarmes ainsi que leurs représentants, les élus locaux, les représentants des policiers municipaux et des professionnels de la sécurité privée et des transports. Des chercheurs, spécialistes des sujets de sécurité, sont également consultés.
Les consultations conduites au niveau national ont été déclinées, en parallèle, dans chaque département, sous la responsabilité des préfets. Les premiers rapports de synthèse de cette consultation locale commencent à nous parvenir.
En complément, tous les policiers et tous les gendarmes ont été invités, pendant plus de trois semaines, à faire part directement de leurs propositions via une consultation en ligne. Les résultats de cette consultation sont désormais en cours de traitement.
Vous le voyez, s’agissant de cette réforme, les attentes sont fortes, ce qui est bien légitime, et la concertation a été très large.
Trois orientations principales sont poursuivies.
Le premier objectif est de donner aux forces de sécurité les moyens d’agir plus efficacement sur le terrain et, pour cela, de les recentrer sur leur cœur de métier.
Bien sûr, la question des moyens est essentielle. Ces moyens leur seront donnés sur la durée du quinquennat. En effet, pour retrouver des marges de manœuvre et mieux lutter contre les délits, les nuisances, les incivilités ressenties au quotidien, il faut des moyens humains, matériels et technologiques qui soient à la hauteur.
Le Gouvernement a annoncé le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires au cours des cinq prochaines années. Cet effort, dans un contexte budgétaire contraint, est majeur.
La modernisation des outils de travail sera, par ailleurs, amplifiée. En la matière, nous savons que les équipements les plus élémentaires ne sont pas toujours garantis. Les locaux et les véhicules feront l’objet d’une attention prioritaire. Le déploiement de nouveaux outils numériques sera également poursuivi.
Au-delà, d’autres leviers doivent permettre de renforcer le potentiel opérationnel et la présence sur la voie publique. Le cadre d’action des policiers et des gendarmes doit être renouvelé.
D’une part, nos forces de l’ordre doivent pouvoir disposer de moyens juridiques plus adaptés au traitement des infractions de la vie quotidienne. Il y va de la crédibilité de leur action, trop souvent entravée par la lourdeur et la complexité des procédures.
Sur ce point, la réflexion est conduite avec le ministère de la justice, dont les travaux en matière de simplification de la procédure pénale concernent directement la sécurité du quotidien.
D’autre part, il faudra rationaliser le périmètre des missions confiées à nos forces de sécurité – le transfert des tâches périphériques sera engagé et il faudra également faire jouer davantage la complémentarité avec l’ensemble des acteurs locaux de la sécurité.
L’ensemble de ces efforts doit permettre de renforcer le temps opérationnel des forces de sécurité sur le terrain.
Le deuxième objectif vise à une meilleure adaptation de l’action des forces aux difficultés propres à leur territoire.
Cela implique plusieurs évolutions fondamentales.
Il faudra, demain, être capable de mieux mesurer sur chaque territoire l’intensité de l’insécurité réelle et ressentie, pour en tirer ensuite des conséquences sur le plan opérationnel.
À cet égard, la mesure statistique de la délinquance, récemment refondue, est précieuse, mais elle s’avère insuffisante. D’ailleurs, les récentes études montrent que le sentiment d’insécurité n’est pas exclusivement lié à l’évolution de la délinquance enregistrée. Il touche également au ressenti, à l’expérience vécue, à la qualité de la relation entretenue avec les forces de sécurité, que nos concitoyens rencontrent, ou pas.
Il faut ensuite être en mesure de traduire sur le plan opérationnel ce qu’on a mieux mesuré. Cela implique de renforcer l’autonomie des services territoriaux et les partenariats avec les acteurs locaux. Les réponses opérationnelles doivent être conçues au plus près des réalités du terrain.
La méthode partenariale éprouvée ces dernières années, notamment au sein des zones de sécurité prioritaires, a montré sa pertinence. Son efficacité reste toutefois tributaire du niveau de mobilisation de l’ensemble des acteurs associés. Elle pâtit également de l’enchevêtrement de nombreux dispositifs. Nous ferons évoluer ce cadre.
Enfin, avec la police de sécurité du quotidien, la PSQ, nous cherchons à renforcer la confiance mutuelle entre les forces de sécurité et la population.
L’insécurité du quotidien ne sera pas efficacement combattue si la police et la gendarmerie ne sont pas parfaitement intégrées à leur territoire, accessibles aux habitants et au fait de leurs préoccupations.
Renforcer le lien avec la population n’est pas seulement souhaitable dans un souci d’apaisement ; c’est la condition de l’efficacité, pour prévenir et réprimer la délinquance du quotidien.
De nouveaux leviers seront actionnés pour faciliter l’accès de la population aux services de police et aux unités de gendarmerie, et pour que ceux-ci rendent davantage compte de leur action au quotidien.
La participation citoyenne devra également être davantage développée. La sécurité doit être l’affaire de tous.
Certains de ces chantiers sont d’ampleur et touchent aux fondamentaux de l’action, de la formation et de l’organisation de nos forces de sécurité. Ils demanderont une mise en œuvre progressive. Il convient donc de les engager sans attendre.
Une doctrine nouvelle, qui régira l’action de nos forces de sécurité pour les prochaines années, sera établie.
Par ailleurs, un plan d’action précis sera annoncé en début d’année prochaine pour engager ces évolutions. Sur ces trois grandes orientations, nous avons recueilli de très nombreuses propositions dans le cadre de la concertation, que les services sont en train d’expertiser.
Certaines mesures pourront être déployées rapidement ; d’autres nécessiteront probablement l’adoption de textes nouveaux ou, parce qu’elles sont d’ampleur, seront déployées progressivement sur la durée du quinquennat.
Par ailleurs, de nouveaux outils et méthodes de travail seront expérimentés, à partir de l’année prochaine, sur une sélection de territoires. Ceux-ci ne sont pas encore déterminés, madame la présidente Assassi ; ils le seront à l’issue de la phase actuelle de consultation. J’ajoute que la PSQ aura vocation, à terme, à être déclinée sur l’ensemble du territoire français.
J’en viens à la position défavorable du Gouvernement sur la proposition de loi.
Vous le voyez, notre projet est d’ampleur et c’est pourquoi le Gouvernement n’apporte pas son soutien à la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui.
Au-delà du fait que, sur la forme, nous partageons l’analyse selon laquelle les mesures proposées ne relèvent pas du domaine législatif, nous pensons, sur le fond, que la réponse proposée est à la fois incomplète et paradoxale.
Elle est incomplète, car une réforme efficace doit prendre en compte l’ensemble du territoire national, et non les seules zones de compétence de la police nationale ou ses seuls services. L’ensemble des forces et des métiers de la police et de la gendarmerie nationales sont concernés au premier chef, et plus largement tous les acteurs de la sécurité : les polices municipales, les sociétés privées de sécurité, les agents de sécurité des transports en commun, ainsi que leurs partenaires associatifs et sociaux qui œuvrent au quotidien à la sécurité de nos territoires.
Elle est paradoxale, car nous pensons que l’autonomie et le contact relèvent du cœur de métier des policiers et des gendarmes, et ne sauraient être l’apanage d’une direction générale ou de services coupés du reste de la police pour s’y consacrer.
La PSQ concernera la totalité des forces et du territoire. Ses orientations seront transversales, mais ses modalités seront diverses, adaptées aux problématiques spécifiques à chaque territoire. Il ne s’agit donc pas de généraliser un dispositif unique.
Le Gouvernement est donc défavorable à cette proposition de loi et donne rendez-vous au début de l’année prochaine pour présenter les principes et les mesures, issus de la large concertation conduite cet automne, qui donneront corps à la future police de sécurité du quotidien.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste, ainsi qu ’ au banc des commission s .
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nos collègues du groupe communiste ont inscrite à l’ordre du jour nous donne l’occasion d’avoir un débat sur l’organisation des forces de sécurités dans notre pays. Je profite de cette occasion pour exprimer nos remerciements et nos félicitations à l’ensemble des forces de sécurité pour leur engagement au quotidien.
Comme l’a fort bien expliqué notre rapporteur, notre haute assemblée ne peut pas avoir un débat sur le texte de cette proposition de loi, puisque celui-ci est presque exclusivement de nature réglementaire… Cela ne nous empêche pas de débattre aujourd’hui sur les évolutions des missions de la police.
Pour mettre fin d’emblée au suspense, je commencerai par dire que le groupe Union Centriste n’est pas favorable au retour à la police de proximité telle qu’elle a été créée à la fin des années quatre-vingt-dix.
Malheureusement, cette réforme n’avait démontré ni sa pertinence ni son efficacité. Certains vont me répondre qu’il fallait lui laisser plus de temps, d’autres qu’elle a manqué de moyens, voire des deux ! Soyons honnêtes, ce n’est pas totalement faux. Pour autant, dans le contexte actuel, nous ne pouvons pas nous permettre de revenir à cette vision de la police de proximité.
Ce contexte est marqué par deux éléments fondamentaux : le niveau d’insécurité, notamment dans sa dimension relative au terrorisme, et la situation budgétaire de l’État.
Certes, le budget du ministère de l’intérieur est relativement préservé. Il n’en demeure pas moins extrêmement serré et présente des lacunes qui, chaque jour, rendent la mission des policiers plus délicate. Nous venons d’achever la discussion du projet de loi de finances pour 2018, et j’ai encore à l’esprit les interventions des différents rapporteurs de notre Haute Assemblée, qui alertaient le Gouvernement sur l’état des commissariats, la vétusté des matériels, notamment des véhicules, etc.
Cela ne signifie évidemment pas que les sénateurs centristes ne sont pas en faveur d’une police de proximité. Comme l’a justement indiqué notre rapporteur en commission, quel Français ne serait pas favorable à une police qui soit plus proche des citoyens, plus accessible ? Évidemment, tout le monde le souhaite !
Nous sommes donc tout à fait ouverts à une réflexion sur une redéfinition de certaines missions de la police et de la gendarmerie. Nous attendons d’ailleurs d’en savoir un peu plus après les annonces du Président de la République, qui souhaite l’émergence d’une police de la sécurité du quotidien.
Il me semble que le ministère de l’intérieur a adressé aux gendarmes et aux policiers un questionnaire en vue de cerner leurs attentes à l’égard de cette future police de sécurité du quotidien. Des échos dans la presse faisaient état de 50 000 policiers et gendarmes qui auraient d’ores et déjà répondu. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur les premières orientations qui émergent de cette large consultation ?
Pour reprendre les mots du Président de la République, « lutter contre les délits, les nuisances, les incivilités ressenties au quotidien », voilà quelles sont les principales orientations fixées pour cette PSQ.
Nous devrions donc être assez loin de l’esprit de la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. Je rappelle qu’il est question, dans son exposé des motifs, de « l’organisation d’opérations culturelles et sportives » par les policiers.
Nous ne souhaitons pas aller dans cette direction. Nous partageons la vision exposée par notre rapporteur, que je remercie pour la qualité de son analyse.
Dans ces conditions, mes chers collègues, le groupe Union Centriste votera contre la proposition de loi qui nous est soumise.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe La République En Marche, ainsi qu ’ au banc des commission s .
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour commencer, un regard en arrière s’impose. Cela a été dit, la police de proximité n’est pas un objet désincarné, sans passé et, oserais-je dire, sans avenir.
Je veux aller dans le sens des auteurs de cette proposition de loi, qui soulignent que la police de proximité a été « abusivement présentée comme transformant les policiers en doublons des travailleurs sociaux » – les propos de Claude Kern indiquent que le mal continue à progresser – ; or ce n’était assurément pas le cas, tant la politique publique lancée par Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement, lors du colloque de Villepinte de 1997, …
… visait à mettre en place une police chargée de garantir « des villes sûres pour des citoyens libres ».
Malheureusement, le travail du gouvernement de l’époque a été balayé par la logique du tout-sécuritaire qui a prévalu lorsque Nicolas Sarkozy est devenu ministre de l’intérieur du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, puis, plus tard, Président de la République.
Pourtant, les premiers jalons de cette politique publique avaient été posés par un gouvernement de droite. C’est Charles Pasqua qui a conféré pour la première fois une valeur normative à la police de proximité, en précisant que « la police doit redevenir une police de proximité présente sur la voie publique, plus qu’une police d’ordre ». Or il n’est pas allé jusqu’au bout de cette logique. Aucune transformation d’ampleur de l’organisation de la police et des modes de travail n’était présente dans la loi du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité.
Il a donc fallu attendre le gouvernement Jospin pour que cette transformation entre pleinement dans les faits, avec une doctrine qui reposait sur les cinq principes suivants, dont j’espère qu’ils nous rassembleront : une action ordonnée autour de territoires bien identifiés ; un contact permanent avec la population ; une polyvalence accrue qui conduisait à demander au policier de proximité d’exercer, sur son territoire, la plénitude de ses missions, y compris en matière de police judiciaire ; une clarification des rôles qui reposait sur la désignation, pour chaque secteur ou quartier, d’un responsable identifié poursuivant des objectifs précis ; enfin, un service efficace et de qualité rendu à la population sur des plages horaires adaptées, avec un accueil et une aide aux victimes améliorés.
Cette démarche a constitué un modèle pour la réforme de l’État en général. Les conditions de sa mise en œuvre ont en effet révélé un souci d’expérimentation, d’évaluation et de généralisation progressive. Lancée au printemps 1999 dans cinq sites pilotes, la police de proximité a été étendue à partir du mois d’octobre de la même année à 62 circonscriptions sensibles. À la fin mars 2000, date des Assises de la police de proximité, la réforme était en phase de généralisation.
Pendant cette période, l’image de la police s’est améliorée. Hélas ! on n’a pas laissé le temps à cette politique de se développer correctement sur l’ensemble du territoire. La culture du résultat mise en place par la suite a balayé les effets bénéfiques que pouvait porter cette réforme.
Je le répète, la police de proximité a toujours veillé à maintenir un équilibre entre les fonctions préventives et répressives de la police. Elle n’a jamais entendu opposer prévention et répression.
En commission, M. le rapporteur a fait référence au quatrième rapport d’évaluation de la police de proximité, qui date du 20 avril 2001. Je profite de mon intervention pour le remercier de me l’avoir transmis. Sa consultation m’a permis de constater que, malheureusement, l’usage qui a été fait de ce document ne permet pas vraiment d’apporter des éléments objectifs au débat.
Je regrette, effectivement, que le rapporteur ait appuyé sa dénonciation d’une politique, pourtant analysée comme positive par de nombreux spécialistes, sur un rapport peu complet qui est intervenu seulement deux ans après la mise en place de la police de proximité et n’a pas permis d’évaluer celle-ci sur la durée. Permettez-moi de citer Sebastian Roché, sociologue et expert des questions de police, auditionné voilà quelques jours par le groupe socialiste et républicain : « S’appuyer sur un rapport qui n’a qu’un temps d’observation réduit relève plus de la poésie que de l’évaluation scientifique. »
En allant au-delà du rapport cité, lequel comporte par ailleurs des préconisations intéressantes qui ne vont pas toutes dans le sens souhaité par M. le rapporteur, les enquêtes montrent qu’une grande partie de l’accroissement de la délinquance à cette période est due à son augmentation importante dans les zones de gendarmerie, et non dans les zones de police.
Or les zones de gendarmerie ne sont pas concernées par la mise en place de la police de proximité. L’augmentation que vous avez évoquée, monsieur le rapporteur, ne peut donc être imputée de manière automatique à la mise en place de la police de proximité.
Certes, la police de proximité n’a pas permis de faire baisser significativement la délinquance, il faut le reconnaître. Néanmoins, son application durant un temps si court et son évaluation avec des outils parcellaires ne nous permettent pas de tirer des conclusions hâtives et, surtout, définitives.
Cela pose également la question de la faible qualité des outils permettant au ministère de l’intérieur d’évaluer ses politiques. Mais n’ouvrons pas ce débat, même s’il ne manque pas d’intérêt. Je le résumerai en citant le titre 2.4 de ce rapport : Des résultats statistiques encore peu significatifs.
Mais il y a d’autres chiffres qui, eux, sont incontestables. Il convient de rappeler que, par la suite, notre appareil sécuritaire a été considérablement affaibli, au nom d’une conception purement comptable de la protection des Français. Plus de 13 000 postes ont été supprimés dans les deux forces, entre 2007 et 2012.
Cette casse sécuritaire a été accolée à une ligne politique selon laquelle la meilleure prévention était la répression. L’effet global a été désastreux. Il a donc fallu reconstruire, même si vous le contestez.
Dans un premier temps, il était urgent de mettre un terme à l’hémorragie dans les effectifs de police et de gendarmerie, et de remédier à cette situation. Ainsi, au terme du quinquennat précédent, plus de 9 000 postes ont été créés, conformément aux engagements pris.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont acquiesce.
Par la suite, les zones de sécurité prioritaires, créées en juillet 2012, ont également été mises en place avec une contractualisation plus forte sur un espace donné entre tous les acteurs, notamment les élus locaux : 80 zones ont ainsi été créées, en particulier dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, là où les besoins dans ce domaine sont les plus importants.
Il a également fallu prendre en compte les menaces terroristes, qui ont tant mobilisé nos forces de l’ordre ces dernières années. Le gouvernement précédent a su s’adapter à ces circonstances qui, malheureusement, ne peuvent plus être qualifiées d’exceptionnelles.
Si l’urgence a suscité des réponses de nature plus quantitative que qualitative, des mesures ont néanmoins été prises pour améliorer le lien entre la police et la population. Je pense, notamment, à la mise en œuvre du dispositif caméras-piétons et à l’expérimentation de l’enregistrement systématique des contrôles d’identité dans certaines zones pour les policiers équipés de caméras – expérimentation qu’il faudra certainement élargir, madame la ministre.
Il faudra tirer les enseignements de ces expérimentations et aller plus loin. Je citerai également l’entrée en vigueur du nouveau code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie, l’obligation de porter de manière apparente un numéro d’identification sur les uniformes et les brassards, ou la création, dès 2013, de référents police-population au sein de chaque direction centrale de la sécurité publique.
En cela, je ne partage pas certains points de l’exposé des motifs de la présente proposition de loi. Le tout-sécuritaire n’a pas prévalu durant le précédent quinquennat et il convient de rendre hommage à nos forces de police, qui réalisent un travail remarquable malgré les difficultés inhérentes à cette fonction. Je ne souhaite pas minorer certains comportements condamnables, qui doivent être traités avec la plus grande sévérité, mais ceux-ci ne peuvent justifier que l’on jette l’opprobre sur toute une profession.
Je résumerai ainsi ma pensée. Maintenant que le socle est posé et assaini, il faut construire – certains diront même « reconstruire ».
Le groupe socialiste et républicain porte donc un regard bienveillant sur cette proposition de loi.
Les trois articles de ce texte permettent de restaurer dans la durée le lien de confiance entre la population et les forces de l’ordre, et font bien évidemment écho à la réflexion engagée par le Gouvernement pour la mise en place d’une police de sécurité du quotidien.
On peut s’interroger sur la rédaction de cette proposition de loi et sa portée peu normative, même si l’on peut relever qu’il est fréquent que le législateur définisse le champ et les objectifs des politiques publiques, comme c’est le cas ici. Elle a le mérite d’enclencher une réflexion de la chambre haute, parallèlement à celle du Gouvernement.
J’ai noté la volonté du Gouvernement de ne pas présenter la PSQ comme l’héritière de la police de proximité. Je m’en étonne, tant les buts poursuivis semblent être les mêmes et tant les philosophies qui la sous-tendent sont proches.
Il semble que l’approche qui prévaut pour la PSQ soit très décentralisatrice. C’est une bonne chose. Pour autant, il conviendra d’être particulièrement attentif.
Sur sa mise en place, d’abord, je tiens à me faire l’écho ici d’alertes qui ont été émises récemment. Il est indispensable que le plus grand soin soit apporté à la concertation avec les élus locaux, qui seront les fers de lance de cette réforme.
Les témoignages, notamment ceux relayés par l’association France Urbaine, issus des concertations en cours, soulèvent de grandes inquiétudes. Il semble que le Gouvernement prévoie pour ces concertations un format différent selon les territoires, ce qui laisse craindre une prise en compte inégale des préoccupations des élus locaux.
La PSQ doit être mise en œuvre de façon régalienne et harmonieuse dans tous les territoires.
Son lancement, prévu pour janvier 2018, semble être, de fait, compromis. Je souhaite que vous puissiez nous dire, madame la ministre, ce qu’il en est.
Sur le fond du dispositif, la question des moyens sera bien sûr l’un des enjeux majeurs. L’absence de mention dans le projet de loi de finances est donc un autre motif d’inquiétude.
Par ailleurs, quid de la relation avec les polices municipales et les sociétés de sécurité privées ? Cela sera également un des points saillants de la future réforme.
Parce que cette proposition de loi ouvre des perspectives que nous soutenons, le groupe socialiste et républicain votera ce texte en responsabilité, et examinera avec vigilance le projet que nous présentera le Gouvernement.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, depuis plusieurs décennies, la lutte contre l’insécurité et la délinquance de masse qui contaminent certains territoires est au cœur des politiques de sécurité intérieure.
La police de proximité, surnommée la « polprox », fut lancée en octobre 1997 lors du colloque de Villepinte. Cette mission confiée à la police nationale avait pour objectif principal un maintien de l’ordre basé sur la prévention, notamment dans les quartiers difficiles où elle était chargée d’apaiser les tensions avec la population.
Un an plus tard, elle fut enterrée par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur. Le même, devenu Président de la République, décida en 2008 de créer un nouveau dispositif qui ressemblait à la police de proximité : les unités territoriales de quartier, instaurées par Michèle Alliot-Marie, dont l’objectif premier était d’« entretenir le contact avec la population ».
Ces dernières furent remplacées en 2010 par les brigades spécialisées de terrain, sous l’impulsion de Brice Hortefeux, qui en a fait des unités d’intervention dans des zones sensibles, avec pour mot d’ordre la patrouille de terrain.
Enfin, à l’automne 2012, furent lancées les zones de sécurité prioritaires, qui sont aujourd’hui au nombre de 80 et dont l’objectif est d’assurer une sécurité de proximité dans les zones les plus sensibles.
Qu’il s’agisse de la mise en place d’une police de proximité, de la création des unités territoriales de quartier ou encore des brigades spécialisées de terrain, toutes répondaient en effet au même objectif : mieux répondre aux besoins du terrain.
Toutefois, force est de constater que la multiplication des dispositifs policiers n’a pas permis d’enrayer le cercle de la délinquance, qui se maintient à un niveau hélas ! élevé.
Ainsi, l’évaluation qui peut être faite de ces divers dispositifs mis en place à grand renfort de publicité, au gré des ministres de l’intérieur, devenus, pour certains, Premier ministre, voire Président de la République, nous laisse dubitatifs, perplexes, vu les résultats peu probants. Cela doit nous inviter à beaucoup d’humilité, mais aussi à une volonté farouche de juguler cette délinquance.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, qui a été déposée en septembre dernier, vise à réhabiliter la police de proximité. Elle entend étendre à l’ensemble du territoire une police de proximité formée spécifiquement, et engager une réflexion sur la réorganisation administrative de la police nationale, dans l’objectif de créer une direction générale de la police de proximité au sein du ministère de l’intérieur, un décret en Conseil d’État devant en préciser les missions et l’organisation.
Ce texte appelle un certain nombre de remarques, tout d’abord sur le calendrier dans lequel son examen s’inscrit, ensuite sur l’exposé des motifs, et, enfin, sur le dispositif lui-même.
En premier lieu, l’examen de ce texte intervient avant même l’achèvement du processus de consultation lancé par le Gouvernement sur le projet de la PSQ. En octobre dernier, Emmanuel Macron a confirmé la prochaine mise en place d’une « police de sécurité du quotidien », l’une de ses principales promesses de campagne dans le domaine de la sécurité. Il veut que la réforme de la PSQ soit « concomitante avec celle de la procédure pénale et de la justice », pour la doter d’« instruments adaptés à la réalité du terrain ».
Pour l’heure, si les contours de cette réforme restent très flous, Emmanuel Macron a indiqué qu’il s’agissait de « retisser avec les associations [et] les élus locaux […] des formes d’action rénovées », après une année marquée par des accusations de violences policières, notamment, en février dernier, l’affaire d’Aulnay-sous-Bois, et d’attaques de membres des forces de l’ordre.
La police de sécurité du quotidien vise, selon lui, à replacer « le service du citoyen au cœur du métier de gendarme et de policier », notamment pour « lutter contre les délits, les nuisances, les incivilités ressenties au quotidien ». L’objectif serait – j’emploie toujours le conditionnel, pour respecter l’obligation d’humilité que j’évoquais au début de mon propos – de « lutter contre tout ce qui fait naître […] les sentiments d’insécurité » et « qui [donne] l’image de l’impuissance publique ».
La PSQ doit être expérimentée dans une quinzaine de sites au début de 2018. En réponse à ce que disait Mme la ministre, j’ajoute que la police de proximité que représente la gendarmerie nationale est installée sur l’ensemble du territoire rural, même si, dans ces zones, on ne connaît pas la même délinquance. La gendarmerie est très proche des citoyens et, désormais, des élus, grâce aux dernières recommandations du directeur général de la gendarmerie nationale, même si, je le répète, j’ai conscience que la problématique de la délinquance n’est pas la même dans ces zones que celle qui prévaut dans les grands ensembles.
En second lieu, en ce qui concerne l’exposé des motifs, il paraît choquant que celui-ci insiste autant sur les bavures policières, qui demeurent très exceptionnelles – nous l’avions constaté, voilà quelques mois, lors de l’examen d’une proposition de loi –, alors que les forces de sécurité intérieure font l’objet, au quotidien et depuis plusieurs années, d’une recrudescence d’outrages et d’actes de violence, qui contribuent au mal-être de leurs agents et nuisent à l’efficacité de leur action. Je souhaitais le souligner.
En dernier lieu, le rapporteur l’a indiqué, cette proposition de loi soulève des difficultés juridiques certaines. D’une part, la majorité des dispositions du texte relèvent non pas du domaine de la loi, mais du domaine réglementaire ; d’autre part, certaines dispositions de la proposition de loi paraissent susceptibles, en raison de leur faible normativité, d’être jugées contraires à la Constitution.
Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants – République et Territoires ne votera pas en faveur de cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, de remercier nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et plus particulièrement Mme la sénatrice Éliane Assassi, de son initiative. Celle-ci permet d’ouvrir utilement le débat sur l’évolution de notre politique de sécurité.
Avant même de s’interroger sur l’opportunité de rétablir la police de proximité, car c’est ce que vous nous proposez, ma chère collègue, le rapporteur a indiqué qu’une grande partie des dispositions que vous cherchez à introduire relèvent du domaine réglementaire. On peut le regretter, mais l’organisation interne des ministères et, en particulier, la création de directions générales appartient encore au domaine réservé des ministres.
Sur la forme, également, il me semble que des propos quelque peu provocants de l’exposé des motifs auraient pu être évités. Sans nier l’existence d’un malaise, lié à la grande médiatisation de ce qui pourrait s’avérer être des manquements graves aux règles déontologiques, il me paraît nécessaire de ne pas surexploiter les ressorts de l’émotion.
Je crois au contraire que la réintroduction de proximité dans notre stratégie de sécurité, ce que certains appellent la « territorialisation » et d’autres la « coproduction de sécurité » – cette polylexicalité est d’ailleurs le nœud du problème – devrait être abordée de manière moins idéologique, à l’aune des retours d’expérience dont nous disposons.
On peut éventuellement être d’accord avec vous lorsque vous constatez que la répression a été privilégiée à la prévention depuis 2003, mais il est important d’affirmer concomitamment et avec force qu’il nous faut faire les deux. Il n’y a point d’État sans répression. Nous refusons d’entrer dans une logique de décrédibilisation de la police dans son ensemble. On ne peut pas, par exemple, vous laisser insinuer que l’élargissement du régime d’usage des armes à feu par les policiers ferait craindre une recrudescence des violences policières. La police est respectable, elle est et doit être respectée ! Elle a d’ailleurs l’appui des Français, qui ont spontanément exprimé leur soutien à l’ensemble des forces de l’ordre, à la suite des attentats.
Vous ne l’ignorez pas, la police a pour mission de garantir l’expression sereine de nos libertés publiques. J’ajouterai qu’elle est le visage même du modèle républicain. C’est d’ailleurs ce qui peut expliquer l’échec de la police de proximité telle qu’elle avait pu être mise en place, en son temps, par le gouvernement Jospin.
Il y a en effet un obstacle culturel à ne pas sous-estimer, ce qu’exprime très clairement le criminologue Alain Bauer
Murmures sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Les tâtonnements des gouvernements suivants ne sont pas plus satisfaisants : unités territoriales de quartier, les fameuses UTEQ, en 2008, puis les brigades spécialisées de terrain, les BST, en 2010, aujourd’hui décriées. Cette instabilité nuit au travail des forces de l’ordre sur le terrain : nous devons à présent chercher à nous accorder sur un format stable de brigades capables d’intervenir sur l’ensemble du territoire, sans craindre de déclencher des heurts disproportionnés. Leur maillage ne doit comporter aucune zone d’ombre.
À ces remarques s’ajoute l’ordre du jour des réformes annoncées par le Gouvernement. Alors que le Président de la République vient de proclamer la création d’une nouvelle police de sécurité du quotidien, dont les contours restent à définir, nous soutenons la volonté du chef de l’État de sortir de l’opposition stérile entre police de proximité et police d’intervention. Nous considérons que, pour réussir, cette réforme devra consacrer une part importante des crédits à la formation des agents affectés à cette mission, en complément de ceux qui sont déjà fléchés vers les écoles de police traditionnelles.
Dans ce dossier, je voudrais d’ailleurs accorder un satisfecit au ministre de l’intérieur pour l’approche coopérative qu’il adopte, et qui se manifeste par son souci d’associer les agents de la police nationale à la réforme, au travers de larges consultations. Cela devrait lui permettre de limiter les effets de résistance au changement, qui condamnent parfois définitivement la mise en œuvre de réformes.
Sa décision de transmettre au rapporteur et au président de la commission, M. Bas, l’étude conduite par l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale de la police nationale à la veille de la suppression de la police de proximité est également extrêmement prometteuse pour nos discussions futures. Il est souvent très difficile pour les parlementaires d’accéder à de tels travaux réalisés par l’administration, pourtant utiles pour nourrir notre réflexion. Cela nous permet d’aborder la question du rétablissement de cette police avec une vision exhaustive et moins caricaturale.
Vous comprendrez donc aisément les raisons qui poussent le groupe RDSE à rejeter votre proposition, ma chère collègue, dans l’attente de la discussion du projet du Gouvernement.
Applaudissements au banc de s commission s .
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je veux, à mon tour, remercier chaleureusement le groupe communiste républicain citoyen et écologiste de cette initiative. Celle-ci nous permet, au-delà des inventaires des dispositifs instaurés sous les précédents quinquennats, de dresser un certain nombre de constats et de converger vers une conclusion finalement toute simple : au-delà du premier enjeu, le terrorisme, les vingt années qui viennent de s’écouler, avec la succession des différents dispositifs, n’ont pas permis de faire face à la réalité de l’enjeu de la sécurité du quotidien.
Nous le savons tous ici, ce sujet de la sécurité du quotidien est à l’interface de plusieurs politiques publiques ; je pense à la justice, au domaine social, à la police, au système pénitentiaire et, bien évidemment aussi, à quelques soins médicaux.
Aussi, face à ce constat, une réorganisation est nécessaire ; c’est l’objectif de la proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise. Il s’agit de réorienter la police de sécurité intérieure vers une police de proximité. Au-delà de la question du domaine réglementaire et de l’inconstitutionnalité du texte, soulevée par notre rapporteur, et même si nous partageons les préoccupations qui ressortent de l’exposé des motifs de cette proposition de loi, nous sommes en désaccord sur le dispositif proposé.
Tout d’abord, nous regrettons ce que d’aucuns pourraient percevoir comme une forme de stigmatisation de ceux qui nous protègent au quotidien. Il s’agit bien évidemment d’un ensemble humain, nécessairement imparfait, mais on ne peut stigmatiser ceux qui nous protègent.
Nous regrettons également que ce texte envisage la police de proximité comme une fonction distincte des autres missions de la police nationale, alors que, au contraire, selon nous, elle doit s’intégrer dans le dispositif d’ensemble des missions assignées à la police nationale et non seulement à la police nationale.
En second lieu, nous partageons l’avis du rapporteur sur l’impossibilité de déployer une telle police sur l’ensemble du territoire ; ce point a été évoqué par quelques-uns des précédents orateurs.
Enfin, et surtout, la réorganisation de la police au bénéfice d’une plus grande proximité avec la population fait déjà l’objet de réflexions. Vous le savez, le ministre de l’intérieur a lancé, le 28 octobre dernier, une large concertation relative à la mise en place d’une police de proximité du quotidien. La concertation est aussi menée à l’échelon départemental par les préfets, avec une certaine liberté dans la forme. Pour ma part, loin de condamner cette multitude de formes, je ne peux que me réjouir de cette déconcentration et de cette liberté accordée.
Cette concertation réunit l’ensemble des partenaires – les élus, les organisations syndicales, les structures de concertation tant de la police nationale que de la gendarmerie, les représentants des policiers municipaux, les acteurs de la sécurité privée des transports, les experts, et tous ceux qui pourraient avoir une contribution positive. Ce projet de réforme prévoit d’ores et déjà l’augmentation des effectifs de police et de gendarmerie – 10 000 agents au cours du quinquennat –, avec une hausse prévue, dès 2018, dans le projet de loi de finances, à hauteur de 1 376 postes de policier et de presque 500 postes de gendarme.
Il intègre aussi, évidemment, le sujet essentiel de la simplification des procédures pénales dans le cadre des chantiers de la justice, des moyens de sanction immédiate, au travers d’amendes forfaitaires, une modernisation des moyens mis à la disposition des forces de l’ordre, et davantage de coopération, de coproduction ou de mutualisation de tous les acteurs de la sécurité – élus, autorités administrative et judiciaire, police nationale et gendarmerie, polices municipales, réseaux de transport, services et bailleurs sociaux, sécurités privées, associations et tant d’autres.
Nous pouvons considérer positivement les échanges qui ont eu lieu aujourd’hui grâce à l’initiative du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, et nous réjouir que les orientations fassent consensus ; cela est prometteur pour le bon aboutissement et même pour le caractère vraisemblablement unanime de l’adoption du projet que porte le Gouvernement, avec cette approche globale.
Je me permets de souligner, à titre personnel, qu’un certain nombre de doublons structurels posent la question de l’organisation de l’ensemble des équipes ; je pense notamment à des salles de commandement ou à des unités d’experts qui se trouvent à la fois à la DGPN, à la police judiciaire, à la Direction de la prévention et de la protection, chez les gendarmes, et à tant d’autres sujets, notamment de procédure.
Au-delà de la procédure se posera également la question des tâches indues ; tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet savent qu’il existe un enjeu de retour au cœur de métier pour 4 000 à 5 000 de nos agents chargés de la sécurité. Il y a, dans le fait de revenir sur les missions qui leur sont propres, un gisement d’efficience et de satisfaction pour le personnel.
Les orientations et les échanges d’aujourd’hui nous permettent d’envisager une démarche collective axée sur l’efficacité, et montrent la capacité de notre assemblée à relever, de manière unanime, le défi de l’élaboration d’une loi globale efficace au service de la sécurité du quotidien.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – M. Alain Marc applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « la police doit aujourd’hui s’ancrer dans la ville, faire de la sécurité quotidienne et des attentes de la population une préoccupation première. Une police préventive, dissuasive et répressive efficace ne peut se concevoir sans s’appuyer sur la population ». Ces mots, prononcés par Charles Pasqua en 1993, illustrent deux réalités.
D’abord, la question des relations entre la police et la population doit être envisagée de manière transpartisane et ouverte. Nous devons sortir des postures et d’un affrontement créé de toutes pièces, à la fois factice et politicien, qui opposerait les « laxistes anti-flics » aux « réacs sécuritaires ».
Ensuite, ces propos de Charles Pasqua, qui datent de près de vingt-cinq ans, restent toujours d’une acuité désarmante. Il est indéniable qu’il existe, au sein de certaines catégories de la population, un niveau élevé de défiance vis-à-vis de la police. Un rapport publié en 2016 par le think tank Terra Nova le rappelle à juste titre : « Le jeune homme issu de l’immigration vivant dans une zone urbaine sensible et d’origine populaire est sans doute celui qui a le plus de chances d’avoir une position de défiance vis-à-vis de la police, la considérant au mieux comme violente et brutale, au pire comme raciste. Des enquêtes quantitatives appuient ce constat : 34 % des jeunes ne lui font pas confiance, 40 % jugent son attitude agressive et raciste. »
L’absence de lutte réelle contre les contrôles au faciès, le tabou mis sur les violences policières, l’attitude des policiers eux-mêmes, qui usent souvent de la démonstration de force pour mieux se protéger d’un environnement qu’ils perçoivent comme hostile, tous ces éléments aggravent la défiance et rendent trop souvent délétères les relations entre la police et la population.
Or, de ces relations tendues, la police fait également les frais ; course au chiffre et manque permanent de moyens matériels et humains, les politiques publiques ont été, ces dernières années, « maltraitantes » avec les forces de l’ordre. Depuis le début de l’année 2017, 62 policiers et gendarmes ont hélas ! mis fin à leurs jours, certains sur leur lieu de travail et avec leur arme de service.
Peu importe qu’on l’appelle « police de proximité » ou « police de sécurité du quotidien », il semble aujourd’hui indispensable de remettre la police au cœur de nos territoires.
C’est aussi le souhait des policiers eux-mêmes qui, au travers de deux de leurs syndicats – le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure et Alternative police –, nous rappellent, dans un courrier qu’ils nous ont adressé le 4 décembre dernier, « que remettre en place une police intégrée au quotidien dans la société, dans les quartiers, est un préalable absolu ».
Le directeur général de la police nationale, Éric Morvan, ne dit pas autre chose dans le Journal du Dimanche : « Nous voulons revenir à une police qui fait naturellement partie du paysage, dans une logique de prévention et de règlement des conflits. Une police qui accepte que la satisfaction des attentes de la population constitue un critère d’évaluation de son action. »
L’exécutif souhaite mettre en place une police de sécurité du quotidien, dont les contours sont encore assez flous. Ce qui est certain, en revanche, c’est que pas un centime n’a été prévu pour sa mise en place dans le projet de loi de finances, dont nous venons de terminer l’examen.
Aussi, je vous demande, mes chers collègues, de considérer la proposition de loi qui vous a été présentée par Éliane Assassi au nom du groupe communiste républicain citoyen et écologiste pour ce qu’elle est : un texte ambitieux et perfectible qui, grâce à un débat transpartisan, permettrait de mettre en place une véritable police de proximité dotée des moyens d’exercer ses missions.
Il y a urgence, en ces temps où l’on parle tant de radicalisation. Les associations d’encadrement des jeunes dans les quartiers ayant disparu par manque de subventions, rétablissons au moins une police de proximité qui pourrait jouer un rôle important dans la lutte contre l’embrigadement. C’est d’ailleurs l’une des recommandations que Catherine Troendlé et moi formulions dans le rapport sur la déradicalisation, publié en juillet dernier.
Nous avons aujourd’hui l’occasion de faire avancer les choses, tant pour les forces de l’ordre éreintées de notre pays que pour nos concitoyens. N’attendons pas une autre réforme, un autre budget, un autre gouvernement et agissons maintenant !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à seulement une semaine du rejet, par le Sénat, des crédits de la mission budgétaire dédiée aux sécurités, …
… et alors que la délinquance en France confirme sa mutation – phénomènes émergents, en lien notamment avec l’importance croissante des moyens numériques, et menace terroriste restant vraiment élevée sur notre territoire –, vous nous présentez, madame la présidente Assassi, une proposition de loi territorialisant l’action policière, pour permettre à celle-ci d’établir une relation privilégiée avec la population, ainsi qu’un contact régulier avec les acteurs locaux.
Oui, madame Assassi, la sécurité est l’affaire de tous, mais elle est avant tout l’affaire de l’État, et d’autant plus quand l’insécurité devient une menace contre l’État de droit.
En 1997, la gauche tentait déjà sa grande révolution, en théorisant le passage d’une police d’ordre au service de l’État à une police de sécurité au service du citoyen, en proposant « la constitution d’une police plus proche du terrain et surtout davantage ouverte au dialogue avec les citoyens » – comme si elle ne l’était pas déjà…
Cette toquade récurrente, sur la gauche de l’hémicycle, réveille les divergences profondes de vision, la nôtre, celle d’une police pour la sécurité des Français, ancrée sur deux piliers indissociables, la prévention et la répression, et votre proposition, qui ne repose que sur la territorialisation de l’action policière.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne pouvons adhérer à une doctrine qui confond moyens et finalités ! La notion de proximité est un moyen au service de l’action ; elle ne peut s’entendre comme une idéologie qui dicte l’organisation et la façon d’agir de la police, au détriment des missions fondamentales de celle-ci. Les Français attendent que la sécurité soit partout et pour tous ; ils attendent que tout acte de délinquance soit sanctionné et que la justice ne devienne pas virtuelle, au point que les décisions rendues ne soient pas exécutées, faute de moyens.
Il n’est pas possible qu’une partie de la police soit vouée à la répression et l’autre au simple contact, comme vous le proposez ; ce serait le meilleur moyen d’entériner et d’entretenir la délinquance là où elle est enracinée. Séparer les hommes et les femmes qui s’occuperaient de répression de ceux qui s’occuperaient de prévention vouerait à l’échec les missions de la police, en permettant aux délinquants de jouer sur cette dualité. Ces deux composantes, prévention et répression, indissociables dans toutes les écoles de formation des policiers et des gendarmes, sont au cœur de l’application opérationnelle territoriale. Les dissocier reviendrait à dénaturer le concept même d’une sécurité accomplie.
Le bilan de la police de proximité des années Jospin est très nuancé, pour ne pas dire déplorable. Il a souligné l’impuissance du dispositif face à la délinquance, qui a augmenté durant ces années-là. La police de proximité a également pâti de plusieurs difficultés internes : le manque d’encadrement, le roulement des effectifs et l’absence de clarté des missions.
Remettre le couvert sur cet échec ne me paraît pas opportun, tant pour les hommes qui mènent les missions que pour le pays, confronté à des défis de nouvelle nature. La proximité est assurée, au quotidien, dans nos communes, par nos policiers municipaux
Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Vous l’aurez donc compris, pour moi, ces débats sémantiques n’ont plus leur place. Si vous, madame Assassi, nous brossez les contours d’une police de proximité pour rétablir la confiance entre policiers et population, vous, madame la ministre, avec M. le ministre d’État, nous parlez d’une police de sécurité du quotidien dont nous ignorons encore la doctrine et les moyens… La police, mes chers collègues, n’est pas un chiffon rouge que l’on agite périodiquement, qui ferait peur aux uns et rassurerait les autres ! Cela serait oublier les principes fondamentaux de notre État de droit, selon lesquels la police assume un rôle essentiel, celui de l’ordre public, corollaire indissociable de notre liberté.
Ces débats sont bien éloignés de la préoccupation des Français et de celles des policiers et des gendarmes. Ne nous trompons pas de débat, mes chers collègues, la délinquance résulte d’un mépris pour les valeurs fondamentales de notre société. La confiance entre policiers et population ne pourra donc être totale que lorsque l’État assumera une politique ferme de lutte contre l’impunité, restaurant ainsi sa pleine autorité. Peut-être – je dis bien « peut-être » – vaudrait-il mieux créer une formation civile et civique de proximité citoyenne avec des travailleurs et des éducateurs sociaux.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la sécurité est l’une des prérogatives les plus indispensables et les plus éminentes qu’il revient à l’État d’exercer, et c’est par l’accomplissement de cette noble mission que devrait s’exprimer pleinement l’autorité de l’État.
Or la proposition de loi qui nous occupe aujourd’hui serait, si j’en juge par son titre, une loi de « réhabilitation » de la police de proximité ; rien que cela…
Un tel objectif appelle naturellement l’attention.
Malheureusement, au-delà des propos généraux, et parfois emphatiques, selon lesquels il faut plus de policiers sur le terrain, cette proposition souffre d’une infirmité originelle : elle ne contient aucune portée normative et elle relève exclusivement du domaine réglementaire.
Dès lors, tout cela relève d’une position de principe, d’une posture, et en reste malheureusement là. Finalement, on n’en retient que l’exposé des motifs, qui nous renseigne, lui, sur les intentions et les présupposés idéologiques qui sous-tendent cette proposition de loi. En effet, sous prétexte de police de proximité, il s’agit en réalité d’une dénonciation insidieuse des missions de répression de la police.
Cette proposition de loi nous fait un portrait-robot du policier, avec sa « panoplie » – je cite l’exposé des motifs –, ou son « accoutrement » – pour reprendre les propos de Mme Assassi –, équipé, naturellement, de gaz lacrymogène, d’armes de service et d’un gilet pare-balles. On appréciera, au passage, derrière cette description « complaisante » et la charge contre le « tout-sécuritaire » de l’exposé des motifs, l’attente, en creux, d’une police sympa, d’une police de proximité, à l’« équipement léger », alors que, chacun le sait, les délinquants sont bien souvent mieux équipés que nos propres policiers. Quelle ingénuité !
Et encore, s’il ne s’agissait que d’ingénuité et de candeur…
C’est à croire que nos forces de l’ordre ne seraient pas devenues des cibles particulièrement exposées aux djihadistes et aux bandes organisées, comme nous l’ont malheureusement rappelé les meurtrières attaques de Magnanville ou des Champs-Élysées.
Comment voulez-vous que tout cela n’affaiblisse pas l’image de nos forces de l’ordre, qui doivent assurer leur mission dans des conditions aujourd’hui si difficiles ? Comment leur demander de lutter contre l’insécurité si elles-mêmes se sentent vulnérables ? Comment voulez-vous que les policiers luttent contre les dealers qui squattent les halls d’immeubles ou contre les rodéos en pleine rue en affectant de croire qu’ils pourraient se déplacer à pied ou à roller ?
L’impuissance n’est sûrement pas la solution.
D’ailleurs, l’expression même de « violences policières » laisse croire qu’il y aurait une complaisance de l’État à ne pas organiser et maîtriser sa propre police. Je rappelle que notre État de droit n’admet ni ne tolère aucune bavure ni aucune dérive, ni en acte ni en propos. Dans notre État de droit, il n’y a pas, il ne peut pas y avoir d’ambiguïté sur ce plan.
En revanche, quand je vois que l’exposé des motifs insiste ouvertement sur les bavures policières, sans même évoquer les violences que subissent quotidiennement les policiers, je veux rappeler que, chaque année, plus d’une dizaine d’entre eux, en mission ou en service, y perdent la vie.
Finalement, cette confusion, cette suspicion alimente complaisamment le trouble à l’égard de nos forces de police, trouble que, par ailleurs, vous dites vouloir réduire. Il y a là de l’hypocrisie et même de la complaisance. Il faut s’inquiéter de la dégradation d’un lien de confiance entre nos concitoyens et les forces de police et de l’idée entretenue que nous assisterions à la multiplication des violences policières restées impunies – vous laissez entendre la vieille rengaine de la « violence d’État ».
Il est d’ailleurs significatif que, en 2016, vous ayez eu tant de mal à vous démarquer des affiches de la CGT Police…
… où l’on voyait un sol souillé de sang, sur lequel traînait une matraque, avec le mot d’ordre suivant : « La police doit protéger les citoyens et non les frapper ».
Quelle caricature !
Je n’oublie pas que, le 11 janvier 2015, les Français se sont rassemblés, en réponse aux attentats, précisément pour exprimer leur gratitude aux forces de l’ordre.
Nous aussi ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Pour autant, nous savons que nos gendarmes et policiers regrettent une trop grande verticalité de leur organisation. Or, en ordonnant la création d’une direction générale de la police de proximité, sur le modèle de la direction générale de la sécurité intérieure, vous renforcez cette organisation verticale, qui va à l’encontre du besoin exprimé.
Nos forces de l’ordre ont besoin d’être réorganisées afin de permettre de réduire les tâches indues et de se concentrer sur leur cœur de métier.
Elles ont également besoin d’une simplification de la procédure pénale.
Enfin, elles réclament davantage de coopération entre elles, notamment avec les polices municipales, qui sont au plus près des populations.
Le sujet de l’action policière territorialisée est important, mais ce n’est pas le seul, contrairement à ce que ce texte laisse croire.
Au bout de compte, il ne faudra pas s’étonner que cette proposition de loi aille rejoindre le magasin des accessoires idéologiques §et, plus largement, mes chers collègues, la catégorie des propositions de loi placebo, ne contenant aucun principe actif.
M. François Bonhomme. Pour paraphraser Montesquieu, les propositions inutiles et incantatoires « affaiblissent les lois nécessaires. »
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en préambule, je souhaite rendre hommage au travail exceptionnel que réalisent nos policiers et nos agents au service de nos concitoyens dans la lutte contre l’insécurité. La police nationale est une police de proximité, puisqu’elle traite 70 % de la délinquance quotidienne et 10 millions d’appels passés au 17, avec une mobilisation importante, dans le contexte que l’on connaît.
Forte d’un maillage territorial complet, la police nationale accomplit les missions de police du quotidien au plus près de nos concitoyens. Qu’elle en soit remerciée. Je salue également les autres forces de sécurité, gendarmerie et polices municipales, impliquées au quotidien pour assurer notre protection, garantir la paix civile et protéger la République.
On peut regretter que l’exposé des motifs de la proposition de loi reprenne de vieux arguments clivants et idéologiques, aujourd’hui dépassés, à l’heure où nous sonnons la mobilisation générale pour assurer notre défense et notre sécurité dans un contexte très difficile.
Chers collègues, vous évoquez le « pré carré » de certains partis au sujet de la sécurité, le « tout-sécuritaire » ou encore « la priorité donnée à la répression plutôt qu’à la prévention », les « dérives et violences policières ». J’ai l’impression de relire un tract électoral d’il y a trente-cinq ans, voire davantage ! Remarquez, ce n’est pas désagréable : cela nous rajeunit…
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
L’année prochaine, nous fêterons le cinquantième anniversaire de mai 68 et du slogan Il est interdit d ’ interdire.
Mme Esther Benbassa s ’ exclame.
Si l’on revient même aux fondamentaux rousseauistes, « l’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt. » Au reste, je sais que le parti communiste a joué un rôle important, en mai 68, dans le retour à l’ordre…
Au milieu de cet argumentaire, vous reconnaissez brièvement des conditions de travail difficiles, sans jamais évoquer les besoins et les moyens des fonctionnaires de police.
Depuis la loi du 21 janvier 1995, comme vous le signalez fort justement, « la mission de la police se définit désormais en termes de sécurisation du territoire et non plus seulement en termes de maintien de l’ordre ». Pour autant, quelle a été l’efficacité réelle de cette police de proximité mise en place à la fin des années quatre-vingt-dix pour muter en zones de sécurité prioritaires, ou ZSP, en 2012 ?
Je souscris néanmoins à un constat : les nombreuses mutations et réorientations du travail de proximité de la police ont pu manquer de cohérence et, finalement, nuire à ce précieux travail de terrain, au plus près des besoins préventifs et répressifs. Je sais que ce mot vous fait peur, …
… mais la répression des actes délictueux est une nécessité absolue dans toute société organisée.
Votre texte n’est pas à la hauteur des enjeux. La territorialisation de l’action policière et le contact régulier avec les acteurs locaux existent déjà.
Chaque circonscription de sécurité publique, calée sur les ressorts territoriaux des agglomérations, effectue des interventions, de l’aide et de l’assistance de proximité par le biais des unités territoriales dédiées, notamment le groupe de sécurité de proximité, le GSP, et la brigade spécialisée de terrain, la BST, sans ignorer, dans le domaine de l’investigation, l’unité de protection sociale et des familles.
La situation d’urgence dans laquelle se trouve le pays mérite mieux que les déclarations de principes énumérées dans votre proposition de loi.
Vous évoquez les moyens humains, mais aucunement les moyens matériels, sinon l’utilisation du vélo et des rollers…
Votre article 2, par exemple, est déjà caduc. Le recueil des demandes de sécurité auprès de partenaires locaux existe déjà. Multiplier les recensements, indicateurs et autres réunions n’apportera rien de plus sur le terrain.
Le contact permanent avec la population est une réalité quotidienne pour les policiers. Ceux-ci ne sont pas inaptes au dialogue ni à l’écoute ! Et que signifient « un déplacement simple », « un équipement léger » ? C’est à l’organisation interne dans chaque commissariat de déterminer les besoins matériels adaptés à chaque mission. La loi détermine un cadre légal ; elle n’a pas vocation à empiéter indéfiniment sur les aspects réglementaires de premier échelon.
Prendre « en compte les attentes de la population » est plutôt du ressort des élus que de la police. Il s’agit plutôt de prendre en compte la situation de vie des populations pour adapter la réponse policière à une réalité de terrain.
La « polyvalence de l’activité policière », c’est tous les jours, en tous lieux et à toute heure !
La sensibilisation aux questions de sécurité existe déjà, dans les réunions de proximité avec les élus et les policiers, dans les établissements scolaires sur des activités de prévention, notamment par le biais des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance ou la cellule partenariale dans les ZSP, sans oublier différentes conventions de coordination avec les communes ou encore la participation aux comités de quartier.
L’article 3 souligne qu’il faut « déployer de véritables moyens » sans jamais dire lesquels, au-delà d’une énumération laconique de l’administratif pur – cabinets, état-major, ressources humaines, etc.
La police proche des gens est déjà une réalité, même si cette réalité est inégalement vécue sur le territoire de la République. Il faudra peut-être chercher des réponses ailleurs que dans les intentions, fussent-elles écrites avec conviction dans votre proposition de loi. La police se trouve souvent entre le marteau et l’enclume et ne peut pas combler les carences de la société dans les domaines qui sont du ressort de la justice pour la réponse pénale et du politique pour ce qui est du vivre ensemble.
Ce texte est peut-être rempli de bonnes intentions, mais aucune réponse concrète ni stratégique ne l’alimente. Nous voterons donc contre.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos interventions. Je remercie tous ceux qui ont salué la police et la gendarmerie.
J’ai été interrogée sur le renforcement des équipements. Comme je l’ai dit, la modernisation des outils sera poursuivie. Les locaux et les véhicules sont une priorité, de même que les moyens numériques. Il y a d’ores et déjà aujourd’hui 80 000 tablettes en service dans la police et la gendarmerie. Les caméras-piétons, déjà déployées pour les forces dans les quartiers sensibles – on en compte déjà 2 000 –, seront, demain, déployées plus largement.
Pour ce qui concerne l’héritage de la police de proximité, je répète que les intentions qui ont présidé à sa création étaient tout à fait louables, mais que les modalités de sa mise en œuvre ont desservi ses objectifs. La police de sécurité du quotidien en reprend bien évidemment certaines orientations, notamment le rapprochement avec la population, pour un meilleur ancrage local. En revanche, les modalités seront différentes. Nous ne généraliserons pas un modèle unique : des dispositifs différents seront déployés en fonction des besoins de chaque territoire. De fait, il faut aussi tenir compte, dans le domaine de la sécurité, des différences réelles et parfois importantes existant entre les territoires.
La réforme concerne, au-delà de la police, l’ensemble des forces de sécurité, c’est-à-dire la gendarmerie et les polices municipales.
Par ailleurs, nous consacrerons, lors des recrutements supplémentaires, les moyens nécessaires à une formation adaptée et à un renforcement du management local.
Comme je l’ai indiqué, la consultation menée auprès des élus est très large. Dans tous les départements, instruction a été donnée aux préfets d’associer étroitement les élus locaux. Selon les informations qui nous sont remontées, les choses se passent bien ainsi sur le terrain. En outre, les associations d’élus ont été saisies sur le plan national. Certaines ont déjà remis une contribution et toutes celles qui le souhaitent seront bien évidemment entendues et reçues au ministère au cours des prochaines semaines, si elles ne l’ont déjà été.
Madame Benbassa, j’insiste, les partenaires sociaux et associatifs sont étroitement consultés, localement comme sur le plan national. Je pense en particulier aux structures chargées de la médiation, qui, on le sait, font un travail remarquable dans certains départements. Les bailleurs sociaux seront eux aussi largement associés à la réflexion.
De manière générale, nous considérons que la coproduction est essentielle sur ce projet de la police du quotidien.
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
L’article L. 111-2 du code de la sécurité intérieure est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Pour la mise en œuvre du 1°, une stratégie est élaborée, sur la base d’un diagnostic partagé, au sein des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance prévus à la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du présent code.
« La police de proximité tend à assurer des relations de confiance entre la police et les habitants, dont les attentes guident le travail policier. Elle repose sur la territorialisation de l’action et sur l’autonomie des agents, qui reçoivent à cet effet une formation spécifique. La gestion des effectifs garantit la valorisation de la fonction de policier de proximité ainsi que l’adaptation de la composition des équipes à la situation du territoire. »
Au début de la discussion générale, un certain nombre d’interventions intéressantes ont permis de pousser le débat sur un sujet que nous savons sensible, non seulement dans cet hémicycle, mais aussi pour les populations et pour nos forces de police.
Je regrette toutefois que certains intervenants aient ensuite franchi le Rubicon de la caricature, voire, malheureusement, de la mauvaise foi.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Sourires sur les mêmes travées.
À plusieurs reprises, on nous a opposé que des mesures de notre proposition de loi, qui est effectivement très ambitieuse, relevaient du domaine réglementaire.
Chacun devrait pourtant savoir ici que, en matière de sécurité intérieure de notre pays, toutes les mesures sont essentiellement d’ordre réglementaire. Dès lors, que l’on nous dise simplement que, sur ce sujet, aucune initiative parlementaire n’est possible ! Mais le pluralisme et la démocratie seraient alors bafoués.
Quant à l’argumentation sur la faible normativité de notre proposition de loi, qui la rendrait inconstitutionnelle, le Conseil constitutionnel censurant les dispositions ne définissant que des orientations ou ne présentant aucun caractère impératif, je voudrais tout de même vous renvoyer, mes chers collègues, à la dernière proposition de loi du groupe Les Républicains pour le redressement de la justice, dont les premiers articles listaient plusieurs orientations budgétaires : lorsque nous avons soulevé l’inconstitutionnalité flagrante liée à l’article 40, on nous a précisément opposé que ces mesures n’avaient aucun caractère impératif !
Je vous appelle donc à un peu de cohérence. La norme suprême ne saurait être interprétée différemment selon que la proposition de loi que nous examinons émane de sénateurs siégeant sur vos travées ou sur les nôtres.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Selon le rapport de M. Grosdidier, notre proposition de loi ne tient pas compte de la police municipale.
Il semble aujourd’hui nécessaire de rappeler que la police municipale et la police nationale ne sont pas perméables et que leurs missions, au-delà du maintien de l’ordre public, sont singulièrement différentes. Rappelons que le policier national agit, par exemple, en matière judiciaire, ce qui l’habilite notamment à mener des enquêtes lors de la commission d’infractions, alors que son collègue municipal n’a qu’une compétence très limitée dans ce domaine. Au reste, chacun a passé un concours distinct et suivi une formation propre.
Si les effectifs de police municipale ont doublé en vingt ans et quadruplé en trente ans, comme le relève le rapport, il n’y a pas de quoi se réjouir, compte tenu de la pénurie d’effectifs dans la police nationale.
Partout, sur notre territoire, l’État se défausse sur les collectivités territoriales, sans compensation budgétaire, pour pallier les difficultés rencontrées par la police nationale.
À Onnaing, ville dont j’étais encore maire voilà deux mois, j’ai dû me battre avec acharnement pour conserver l’agence de police nationale. Après une baisse de loyer de 50 %, elle a échappé à la fermeture.
Je ne suis pas la seule dans cette situation. Jean-Pierre Bosino, ancien sénateur du groupe CRC et maire de Montataire, nous a rappelé la fermeture de son agence de police nationale, malgré la gratuité du loyer qu’il avait mise en place. De nombreuses agences ont fermé. Les chiffres, les statistiques, les coupes budgétaires sont impitoyables.
À la suite de sa protestation, le préfet a fermement suggéré à M. Bosino d’accompagner l’État dans ses efforts, en déployant, sur son territoire, une police municipale et des caméras de vidéosurveillance qui ne sont pas forcément subventionnées.
Ajoutez à cela l’armement des policiers municipaux, qui n’ont pas la formation requise ou d’entraînement au tir, et vous comprendrez que, peu à peu, face à l’indigence de la police nationale, les communes n’ont pas d’autre choix que de répondre à la demande de sécurité de leurs citoyens en se tournant vers des sociétés d’agents de sécurité privée, avec lesquelles les forces de l’ordre ont reçu du ministre de l’intérieur la consigne de travailler. Oui, l’avenir peu reluisant de la sécurité publique de notre pays tend vers la privatisation, laquelle grève le budget des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, résistons à cette vision de la société, porteuse d’inégalité des territoires, d’insécurité et de déperdition de l’État dans cette fonction régalienne.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d ’ administration générale. Madame la ministre, je vous salue respectueusement. Nous sommes toujours très heureux de vous retrouver sur ce banc, d’autant que vous êtes accompagné aujourd’hui par M. le secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, dont j’apprécie tout particulièrement la sagacité, la compétence et le sens politique.
Mouvements divers.
Mes chers collègues, je veux répondre à Mme la présidente Assassi avec les égards qu’elle mérite. En effet, lorsqu’elle était commissaire aux lois, notre collègue a toujours fait preuve d’une grande compétence en matière juridique, compétence que je veux saluer.
Sourires.
Cela ne m’empêche pas de relever tout de même que le Conseil constitutionnel considère, et cette jurisprudence ne date pas d’hier, qu’un texte qui ne comporte pas de dispositions normatives n’est pas conforme à l’article 34 de la Constitution, la loi devant poser des règles qui relèvent du domaine législatif, et non du domaine réglementaire. Pardonnez-moi de rappeler une exigence aussi simple !
Or cette proposition de loi ne comporte que des orientations générales…
… et, quand elle pose des règles, celles-ci relèvent, au mieux, du décret.
Par conséquent, si la commission des lois n’avait pas tant d’indulgence pour les textes déposés par votre groupe, elle aurait normalement dû opposer l’irrecevabilité, mais elle a souhaité, en raison d’un accord qui continue à s’appliquer justement pour l’organisation des travaux du Sénat, que votre proposition de loi ait le privilège de pouvoir accéder à la séance et de donner lieu à une discussion générale, …
… ce qui ne préjuge évidemment pas de son adoption.
Je ne voudrais pas que, après avoir manifesté une telle bienveillance, la commission soit mise en accusation pour sa sévérité exagérée. Ce serait véritablement le monde à l’envers, madame la présidente !
Je tiens à souligner par ailleurs, mais sans doute le savez-vous, madame Assassi, qui avez mis quelque malice à évoquer la proposition de loi de programmation des moyens de la justice que j’ai rédigée, que les lois de programme ne sont pas de même nature que les autres lois.
Si votre proposition de loi avait été une proposition de loi de programme organisant la mobilisation des moyens nécessaires à la mise en œuvre de la police de proximité, j’aurais été obligé de vous dire qu’elle était recevable.
Cependant, qu’on le regrette ou non, elle ne planifie pas les moyens de la police de proximité. Elle est donc bien irrecevable.
Le régime de faveur…
… méritait à mon sens d’être relevé, alors même que vous avez suggéré que vous aviez subi un traitement déloyal montrant quelque intolérance de la part de la commission des lois, laquelle fait preuve, au contraire, d’une grande ouverture d’esprit.
M. Philippe Bas, président de la commission. Vous le savez, parce que vous y avez longtemps contribué.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Je veux simplement compléter ce que vient de dire M. le président de la commission des lois.
Madame Gréaume, aujourd’hui, les polices municipales sont devenues de vrais acteurs de la sécurité publique dans de très nombreuses villes.
Dans la ville de 15 000 habitants dont j’étais le maire voilà encore trois semaines, deux équipages de police municipale tournent chaque nuit. Dans la circonscription de police, qui regroupe une population de 230 000 habitants, ce sont trois équipages qui tournent.
Chacun peut faire part de son expérience en la matière. Toujours est-il que l’on ne peut pas envisager aujourd’hui une police territorialisée sans appréhender la montée en puissance des polices municipales, qu’on le regrette ou qu’on s’en félicite. Le Gouvernement, d’ailleurs, en convient.
Le fait qu’il puisse ne pas avoir de portée législative ne serait qu’une raison supplémentaire de ne pas adopter l’article 1er. En effet, aux termes de son alinéa 2, la stratégie de mise en œuvre de la police affectée à la proximité est élaborée sur la base d’un diagnostic partagé au sein des conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.
Je participe à l’action et à la réflexion de ces conseils. J’estime que ce n’est pas à eux de définir la doctrine d’emploi des policiers de proximité ! Si la loi le prévoyait, ce serait très dangereux.
Par ailleurs, l’alinéa 3 pose le principe de l’autonomie des agents. Je dis oui à la polyvalence des agents et éventuellement, à l’autonomie du responsable du secteur ou de la circonscription de police, mais non à l’autonomie de chaque agent. Il ne faudrait pas que chacun puisse décider, le matin, de ce qu’il fera dans la journée. Les services doivent tout de même être hiérarchisés.
Pour ces deux raisons, il convient de s’opposer à l’article 1er, si tant est qu’il puisse avoir une valeur normative.
L ’ article 1 er n ’ est pas adopté.
Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV du code de la sécurité intérieure est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Agents de police de proximité
« Art. L. 411 -22. – Pour anticiper et prévenir les troubles à l’ordre public, tout en prenant en compte les attentes de la population, dans le cadre de l’article L. 111-2 du code de la sécurité intérieure, la police nationale forme et encadre des agents de police de proximité.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il définit notamment les missions des agents de police de proximité ainsi que les conditions d’évaluation des activités concernées.
« Art. L. 411 -23. – Chaque agent de police de proximité est responsabilisé à son secteur, dans le cadre d’un maillage territorial bien identifié et cohérent avec le découpage administratif par quartier ou “secteur ”. »
Je ne sais pas s’il s’agit d’une action de grâce, mais je trouve que ce débat est plus qu’utile.
En complément de ce qu’ont dit mes collègues, je veux ajouter deux éléments.
Premièrement, depuis quelques semaines, on assiste, dans notre pays, à une libération de la parole des femmes sur les violences sexuelles et sexistes qu’elles subissent.
Cette parole s’est exprimée essentiellement au travers des réseaux sociaux. Si ce vecteur est le symbole des nouveaux modes de communication, le phénomène est également révélateur du fait que cette parole n’a pas trouvé d’écho ailleurs.
D’après les chiffres du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, seules 11 % des victimes de viols ou tentatives de viols, qui, rappelons-le, sont très majoritairement des femmes, portent plainte. Seules 13 % déposent une main courante.
Les raisons en sont multiples, mais l’une d’entre elles est qu’il y a dans la police un manque de moyens, un manque de reconnaissance et un déficit de formation pour recueillir la parole des femmes.
Il est temps d’en finir avec les discours qui minimisent la gravité de ces actes, qui culpabilisent et infantilisent.
Oser parler nécessite du courage. Il sera d’autant plus facile de le faire que l’on peut trouver une oreille attentive, compréhensive de la part de policiers avec qui la relation n’est pas marquée par la défiance réciproque, d’une police bien ancrée territorialement, qui connaît les associations relais pouvant accompagner les victimes.
Il n’est plus acceptable d’entendre des femmes ou des jeunes filles dire que cela ne sert à rien de porter plainte. La police de proximité pourrait ainsi être l’interlocutrice privilégiée dans des démarches qui, chacun et chacune en conviendra, ne sont pas faciles à faire.
Au demeurant, le dispositif annoncé par le Président de la République, le 25 novembre dernier, à savoir la possibilité de procéder à des signalements en ligne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ne peut être efficace que si ces signalements sont traités immédiatement par des personnes physiques formées et compétentes en nombre suffisant.
Deuxièmement, il faut prendre en compte avec détermination le problème des discriminations que subissent certains jeunes dans certains quartiers dans le cadre de contrôles d’identité abusifs, dits « contrôles au faciès ».
Il faut entendre ce problème et y répondre. Notre proposition de loi ouvre justement des perspectives en ce sens.
Je suis assez étonnée, pour ne pas dire plus, d’entendre certains de nos collègues banaliser les problèmes et caricaturer nos propos… Ce n’est pas ainsi que le débat législatif peut être constructif !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L ’ article 2 n ’ est pas adopté.
Une réflexion sur la réorganisation administrative de la police nationale est engagée, dans l’objectif de créer une direction générale de la police de proximité au ministère de l’intérieur. Un décret en Conseil d’État précise les missions et l’organisation de la direction générale de la police de proximité.
Considérant le sort qui va manifestement être réservé à l’article 3, sauf alignement exceptionnel des planètes, je veux dire que le débat qui a eu lieu sur l’initiative de Mme Assassi aura eu l’immense mérite de rappeler qu’il existe un véritable clivage entre la droite et la gauche sur les sujets de société tels que ceux que nous avons évoqués – et heureusement !
La caricature a parfois été au rendez-vous ; la provocation aussi, même à fleurets mouchetés.
Le groupe socialiste et républicain s’apprête, si jamais nous en avions l’occasion – notez, mes chers collègues, que je suis prudent –, à voter l’ensemble de ce texte, qui nous permet d’évoquer dans de bonnes conditions de débat parlementaire ce que nous voulons pour les populations, en termes de sûreté générale et de sécurité en particulier, grâce à la police de proximité, qui deviendra peut-être la police de sécurité du quotidien.
En tout état de cause, je suis fier d’avoir, avec d’autres parlementaires, notamment de mon groupe, défendu cette idée de police de proximité, notamment pendant le « quinquennat » de Lionel Jospin, cette période de cohabitation pendant laquelle il était Premier ministre.
J’espère que nous allons recréer les conditions de mise en œuvre de cette police de proximité.
Je dirai simplement aux membres du Gouvernement que nous avions, en 1997 et en 1999, un monde d’avance par rapport aux théories de l’ancien ou du nouveau monde.
Madame la ministre, si tout est dans tout, et réciproquement, et en même temps, il vous faudra bien préciser quels moyens vous comptez mettre en œuvre pour que ce beau projet de police de sécurité du quotidien devienne réalité, notamment pour les populations les plus fragiles de notre pays.
Ce débat aura eu le mérite de nous faire avancer. Le groupe socialiste et républicain voterait ce texte s’il était soumis au vote de la Haute Assemblée.
Madame Assassi, je ne peux vous suivre et voter cette proposition de loi. Ce texte a l’avantage d’ouvrir le débat, mais je ne veux pas que l’on cède à la caricature en opposant un camp à l’autre, en adoptant une approche systématique et idéologique.
J’ai été maire de banlieue et c’est à ce titre que j’interviens. Je voudrais rapporter les propos de quelqu’un qui n’est pas réputé être de mon camp, mais qui est mon ami : l’ancien maire de Vénissieux, André Gérin. S’il était parmi nous, il ne voterait pas ce texte, car il refuse toute confusion entre forces de police, chargées de faire régner l’ordre républicain, et travailleurs sociaux. C’est la réalité du terrain.
Aujourd’hui, les policiers municipaux sont même davantage formés au maniement des armes – quand ils sont armés – que les policiers nationaux, trop occupés par toutes les missions qui leur incombent. Et vous voulez encore alourdir leur tâche, en leur confiant des missions qui n’entrent pas dans le cadre régalien ? Ce n’est pas raisonnable.
Je ne voterai pas cette proposition de loi. Des policiers nationaux s’investissent dans le tissu associatif de nos banlieues et c’est dans ce cadre qu’ils sont à même de créer du lien social. Ils ne terrorisent pas les petits loubards de banlieue, c’est plutôt l’inverse. S’ils les terrorisaient, ils seraient moins performants.
Dans ma ville, les policiers municipaux n’ont fait usage de leur arme qu’une seule fois, contre une voiture qui fonçait sur un groupe d’enfants. Il n’y a jamais eu le moindre incident.
Il ne faut pas caricaturer le débat : il existe aujourd’hui une vraie complémentarité entre la police nationale et les polices municipales. Le travail des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance, les CLSPD, permet de bien identifier qui doit faire de la prévention et qui est en charge de la répression et du respect de l’ordre, et il ne s’agit pas des mêmes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je voudrais apporter une note positive et souligner que, même si ce texte n’est pas voté, il était important d’avoir ce débat pour aller de l’avant.
Je crois ce débat effectivement très utile.
Je ne suis pas sûr que le texte soit mis aux voix, raison pour laquelle je prends la parole maintenant.
Un orateur du groupe Les Républicains a résumé le débat de fond qui nous oppose en disant que nous voulions réactiver le débat entre une police d’ordre au service de l’État et une police de proximité au service des citoyens.
Or c’est précisément cette différence que nous ne voulons pas. Pour nous, la police d’État doit être une police de proximité, au service des citoyens. Nous voulons de nouveau placer cette mission, qui fait profondément défaut aujourd’hui, au cœur du dispositif national de la police.
Personne n’a relevé les propos de Laurence Cohen sur le très grand nombre de femmes victimes de violences qui n’osent pas porter plainte, pour de multiples raisons. Il s’agit d’un exemple parmi beaucoup d’autres. Ces femmes ne se rendent pas dans les commissariats de proximité, car elles n’y trouvent pas toujours les moyens de porter plainte dans de bonnes conditions ?
Qui peut prétendre ici que l’on répondra sérieusement à cette exigence, dont le Président de la République vient de faire une grande cause nationale de son quinquennat, sans moyens supplémentaires pour les services de police de proximité ?
Il s’agit d’un problème sérieux qui ne sera jamais résolu par l’idéologie qui est la vôtre, par la conception de la police que vous défendez et qui me semble profondément contradictoire : d’un côté, vous refusez de créer une direction nationale de la police de proximité pour ne pas séparer les missions de prévention et de répression, mais, de l’autre, vous nous expliquez qu’il faut bien distinguer les missions de la police municipale et de la police nationale pour ne pas confondre prévention et répression. Il faut choisir !
Nous avons choisi la non-séparation en remettant la proximité avec les citoyens au cœur des missions de la police nationale. C’est tout le sens de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Il est assez logique que la Haute Assemblée s’empare du sujet ô combien régalien du rôle de la police, de son fonctionnement et de ses missions.
Toutefois, j’ai parfois l’impression d’un débat hors sol : on peut parler de police de proximité, mais quand on connaît les « trous à l’effectif » – à savoir la différence entre les effectifs théoriques dont nos territoires devraient disposer et ceux dont ils disposent réellement –, on a l’impression que vous inventez de nouvelles missions alors qu’il n’y a personne pour les assumer.
C’est peut-être là qu’est le fond du sujet et c’est peut-être aussi pour cela que la Haute Assemblée, dans sa sagesse, a refusé d’adopter les crédits insuffisants du ministère de l’intérieur qui nous étaient proposés dans le projet de loi de finances pour 2018. Il est donc logique, eu égard à ce manque de moyens, que nous votions contre un texte sans fondement réel.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire cela.
Les crédits de ce budget prévoyaient la création de nombreux postes dans la police et dans la gendarmerie, la réfection de commissariats, l’achat de voitures neuves, etc. Mais pour faire tout cela, il faut justement un budget.
M. Alain Richard applaudit.
Avant de mettre aux voix l’article 3, je vous rappelle, mes chers collègues, que si celui-ci n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les trois articles qui la composent auraient été supprimés. Il n’y aurait donc pas d’explications de vote sur l’ensemble.
Je mets aux voix l’article 3.
L ’ article 3 n ’ est pas adopté.
Les trois articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, la proposition de loi visant à réhabiliter la police de proximité n’est pas adoptée.
L’ordre du jour appelle l’examen de la proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par Mmes Éliane Assassi, Évelyne Didier et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste (proposition n° 600 [2016-2017]).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la proposition de résolution.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’urgence climatique nous impose de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, faute de quoi les dérèglements climatiques seront à niveau tel qu’ils seront irréversibles.
Mes chers collègues, le temps nous est compté. L’accord de Paris doit se traduire politiquement par des évolutions rapides de notre législation traduisant une volonté politique à la hauteur des enjeux reconnus par tous : contenir la hausse des températures dans les 2 degrés définis par l’accord de Paris.
Le secteur des transports est un secteur particulièrement émissif. Selon l’Agence européenne de l’environnement, le rapport d’émission de dioxyde de carbone entre la route et le rail serait de 1 à 3, 7 au détriment de la route.
Agir pour le report modal, de la route vers le rail, apparaît donc comme un levier important au service de la transition écologique.
Dès 2009, l’article 10 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement donnait pour objectif de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici à 2020.
Cette loi prévoyait également de porter la part des transports alternatifs à la route de 14 % à 25 % à l’horizon 2022.
Presque dix ans après la définition de ce double objectif, les politiques publiques tournent le dos à cet impératif. Si, en 1985, la part du ferroviaire était de 29, 2 % dans le transport de marchandises, il représentait seulement 9, 3 % en 2014.
Sur la période 2008-2014, le rapport tonnes-kilomètres transportées par le rail a baissé de 21 %. Ce recul du trafic s’est accompagné d’une casse de l’outil industriel et des infrastructures. Ainsi, 300 gares de fret et sept grands sites de triage gravité ont été fermés.
La situation est aujourd’hui très difficile pour les sites de Miramas, de Sotteville et de Hourcade, menacés de fermeture ou de baisse d’activité. Nous y reviendrons ultérieurement.
Un double discours domine également au niveau européen. D’un côté, la Commission a affiché, dès 2011, l’objectif de reporter 30 % du fret routier longue distance – c’est-à-dire de plus de 300 kilomètres – vers d’autres modes de transport, notamment ferrés ; de l’autre, les politiques de libéralisation des transports ont permis de casser toute idée d’un service public ferroviaire et ont ouvert la voie à la privatisation rampante des opérateurs nationaux, livrant ce secteur aux appétits du privé.
En France, les politiques menées par les gouvernements successifs, malgré les déclarations d’intention, n’ont fait qu’accentuer les déséquilibres menant à une concurrence déloyale fondée sur le dumping social, économique et environnemental, ce qui a entraîné une rétraction de l’offre de transport ferroviaire de marchandises et une dégradation de notre environnement.
Cela a d’ailleurs conduit la Cour des comptes, dans son référé du 3 juillet dernier, à s’interroger sur la cohérence et l’efficacité de la politique nationale des transports, particulièrement contradictoire entre les ambitions affichées et la réalité.
Le secteur routier continue ainsi de bénéficier d’une politique favorable, comme le rappelle la Cour. Cette politique se traduit, par exemple, par l’autorisation faite à la circulation de camions de 44 tonnes et par l’abandon contestable de l’écotaxe.
Cet abandon fait qu’aujourd’hui les coûts externes du transport routier sont supportés, pour l’essentiel, par la collectivité. Il est donc évident que la route continue de rester plus compétitive que le rail d’un strict point de vue financier.
Nous espérons donc que les conclusions des assises de la mobilité permettront de remettre en selle cette idée.
Autre exemple de ce paradoxe, il est intéressant de noter que si le réseau autoroutier a plus que doublé depuis 1980, passant de 4 900 à 11 000 kilomètres, dans le même temps, le réseau ferré a régressé, passant de 34 000 à 29 000 kilomètres.
Au-delà du nombre de kilomètres, le mauvais état des infrastructures conduit à rendre ce mode de transport moins performant et moins fiable pour les entreprises qui voudraient faire confiance au rail. Le réseau ferré souffre ainsi d’une dégradation évidente de ses infrastructures, liée au manque de financement et à l’importance de la dette de la SNCF qui obère toute marge de manœuvre.
La perte de compétitivité du rail est donc directement liée à la décision politique de sous-investissement et au désengagement public. Le mode ferroviaire est ainsi quasiment sommé de s’autofinancer, ce qui est structurellement impossible. Cette injonction a été renforcée par la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.
Le Gouvernement souhaite marquer une pause dans les projets, alors qu’il est au contraire urgent de trouver des financements nouveaux pour répondre aux besoins en matière d’infrastructures de transport.
Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas de revenir au tout TGV, mais bien de financer des projets d’infrastructures utiles pour les territoires et acceptés par les habitants.
La traduction budgétaire de ce désinvestissement est sans ambiguïté, puisque les crédits affectés au programme « Infrastructures et services de transports » sont en nette régression, loi de finances après loi de finances. L’aide au transport combiné, qui dépassait 90 millions d’euros en 2002, a presque été divisée par trois, une large partie étant captée par les autoroutes ferroviaires.
Ainsi, dans le projet de loi de finances pour 2018, 10 millions d’euros seulement sont engagés pour l’aide à la pince. À cet égard, le rapport de la Cour des comptes appelle à un engagement financier plus important de l’État.
Nous pensons également que l’aide financière apportée au mode ferroviaire pour l’accès au réseau, ainsi que la subvention au transport combiné dite « coup de pince » doivent être réévaluées.
Au final, les politiques d’ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire, annoncées comme facteur de renforcement du fret, se sont avérées inopérantes, la part de marché ayant été réduite de moitié.
Cette ouverture à la concurrence, opérée dès 2003 pour l’international et dès 2006 pour le fret national, a eu pour seul effet de tirer les conditions sociales des travailleurs vers le bas et de faire de la place aux nouveaux entrants, pour un service moins efficace et moins performant, ce qui a donné des arguments à la direction de la SNCF pour abandonner les trafics réputés non rentables et rester compétitive et pour supprimer du personnel.
L’opérateur national a ainsi mené une politique de rétraction de son activité, passant de 500 000 wagons chargés en 2005 à 150 000 wagons chargés en 2014, divisant les effectifs de Fret SNCF par deux.
Au final, l’ouverture à la concurrence se solde aussi par un échec pour la quasi-totalité des opérateurs, comme en témoignent le retrait de Veolia-Cargo dès 2009 ou le plan social en cours chez ECR, filiale de la Deutsche Bahn, visant à la suppression de 300 emplois en France.
Devant ce désengagement de la puissance publique, et pour faire face à la concurrence, la direction de l’entreprise publique mène, depuis 2003, une politique destructrice en termes sociaux, économiques et environnementaux.
Dans la continuité du plan Véron de 2006, la SNCF a présenté, en septembre 2009, un schéma directeur permettant l’abandon d’environ 60 % de l’activité wagon isolé. À l’époque, cette activité représentait pourtant 42 % du volume du fret ferroviaire. Elle recèle encore un important potentiel de développement.
Concrètement, cette décision a induit le report sur la route de 255 000 wagons de marchandises et, à brève échéance, un recul d’un tiers des volumes transportés par rapport à 2008. Au total, cela équivaut à augmenter le trafic routier de 1, 2 million de camions soit, selon une étude menée par la SNCF, 300 000 tonnes équivalent CO2 par an.
Une telle décision remet donc clairement en cause les objectifs du Grenelle de l’environnement, comme ceux de l’accord de Paris. Pour cette raison, nous proposons un moratoire sur l’abandon partiel de l’activité wagon isolé.
Le fret ferroviaire, souffrant de sa faible rentabilité économique, n’a connu que peu d’innovations technologiques, structurelles, commerciales portées par des politiques publiques qui auraient pu lui permettre de se mobiliser, de se moderniser, autour de perspectives de développement.
Il répond pourtant aux besoins du tissu économique. Les lignes capillaires sont essentielles pour l’irrigation du territoire.
Nous pensons donc qu’il convient de préserver non seulement ces lignes, mais également les installations ferroviaires, notamment les triages, les gares de fret et les installations terminales embranchées, ou ITE.
Par ailleurs, la création d’ITE doit être imposée dans toutes les nouvelles zones d’activité économique, dès lors que leur relation au réseau ferré national est possible.
Nous proposons également, par cette résolution, de préserver du foncier pour les installations logistiques en zones denses et urbaines et de favoriser le développement du fret dans les ports.
Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités et organiser le rééquilibrage modal pour favoriser les transports les moins polluants et les moins émissifs de gaz à effet de serre. C’est une question de santé publique et de préservation de notre environnement, une question fondamentale pour l’aménagement équilibré des territoires et pour l’emploi non délocalisable.
Cette proposition de résolution préconise, pour toutes ces raisons, de déclarer le fret ferroviaire d’intérêt général. Dans ce cadre, Fret SNCF doit redevenir un véritable organisateur logistique au service de l’intérêt général. Il doit bénéficier des moyens financiers, matériels et humains nécessaires à l’accomplissement de son rôle de service public au service de la Nation.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste – M. Raymond Vall et Mme Josiane Costes applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui, avec bienveillance, une proposition de résolution déposée par nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces derniers font le constat, largement partagé, de la nécessité d’un développement du fret ferroviaire.
Cette proposition, dont nous partageons en grande partie les ambitions, pointe l’enjeu du rééquilibrage de la politique des transports au profit du ferroviaire. Elle pose le débat de la nouvelle et nécessaire impulsion à donner au transport de marchandises par rail.
Elle s’inscrit également dans la suite de l’alerte donnée par la Cour des comptes sur la cohérence et l’efficacité de la politique menée par l’État en matière de transports. Nous parlons bien ici d’une politique d’État contradictoire, tiraillée entre le soutien au fret ferroviaire et des mesures favorisant le transport routier. Nous ne pouvons rester dans cet entre-deux mortifère pour le fret ferroviaire français. Des choix clairs sont nécessaires.
Ce débat de sortie de crise est ancien. Il porte sur le déclin continu du fret ferroviaire en France depuis trente ans. En 2015, Fret SNCF enregistrait une perte nette de 253 millions d’euros. Ce secteur connaît un déficit récurrent et résiste moins bien que chez nos voisins européens.
Je pense essentiellement ici à l’affaiblissement du transport ferroviaire et à la baisse des volumes de marchandises transportées ces dernières décennies. Pendant de cette situation, l’envergure plus que modeste du réseau est elle aussi criante. La question de la viabilité économique dans son ensemble est posée.
Le décret du 30 mars 2017 relatif la sécurité des circulations ferroviaires sur certaines voies ferrées locales supportant du transport de marchandises a fait suite aux préconisations de la conférence ministérielle pour le renouveau du fret ferroviaire.
Cette nouvelle réglementation est l’exemple de mesures concrètes pour lever certains freins au développement de ce mode de transport durable, moteur de compétitivité, en permettant aux entités locales ou régionales de faire acte de candidature pour reprendre l’exploitation de lignes menacées de fermeture.
Le fret ferroviaire ne représente aujourd’hui que 10, 5 % du transport de marchandises, contre 29, 2 % en 1985. Sur la période 2008-2014, le total des marchandises transportées par voie ferrée a connu une baisse de 8, 2 milliards de tonnes-kilomètres, soit une baisse de 21 %.
La dégradation des infrastructures s’accompagne d’un déficit d’investissement de l’État, lui-même lié au poids excessif de la dette qui ne cesse d’augmenter depuis la création de Réseau ferré de France en 1997.
Pourtant, le gouvernement précédent n’est pas resté inactif. La maîtrise de la dette était l’un des objectifs de la loi d’août 2014 portant réforme ferroviaire.
Le rapport du gouvernement relatif à la trajectoire de la dette de SNCF Réseau s’intéressait, à la demande du groupe socialiste, à l’opportunité de créer une caisse d’amortissement de la dette ferroviaire. Il s’agissait bien de ne plus augmenter le déficit tant il entravait l’évolution du système ferroviaire.
Ce rapport a considéré que la loi de 2014 avait créé « les conditions d’un redressement durable du système ferroviaire » qui devait permettre un désendettement de SNCF Réseau. Les conclusions ont donc rejeté toute idée de reprise de la dette.
Pourtant, la trajectoire est pourtant à la hausse : 40, 8 milliards d’euros à ce jour, pour atteindre 63 milliards en 2026, selon le contrat de performance pluriannuel signé en avril dernier entre l’État et SNCF Réseau – soit une augmentation de 40 % par rapport à 2016.
L’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, dresse les mêmes constats et va même plus loin dans son avis du 29 mars 2017 en parlant d’une dette sous-estimée.
L’Autorité de régulation estime ainsi que « si l’effort d’investissement de SNCF Réseau porte en priorité sur la remise à niveau et la modernisation du réseau, le financement des projets de développement déjà initiés mobiliserait cependant une participation de SNCF Réseau à hauteur de 1, 8 milliard d’euros sur la période ». L’ARAFER n’exclut donc pas que SNCF Réseau soit confronté à des difficultés de financement de ses cofinanceurs.
Elle pointe ici l’État à travers l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Une telle situation impliquerait alors une avance de trésorerie.
Pourtant, l’État a affiché, à plusieurs reprises, sa volonté de mener une politique globale de soutien au fret, notamment par une recapitalisation. Mais cette volonté a été trop souvent accompagnée de mesures contradictoires, comme en témoigne l’abandon de l’écotaxe.
Face à ce constat, nous ne pouvons qu’être favorables à cette proposition de résolution et inviter le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires. Le secteur du fret ne peut plus être le parent pauvre des politiques publiques de transport.
Par ailleurs, cette urgence économique répond à une urgence écologique pour une sortie pérenne de l’impasse dans laquelle nous sommes.
Le soutien au transport de fret par voie ferroviaire répond à des nécessités environnementales. Il faut aujourd’hui, à l’heure des engagements internationaux, en tirer les conséquences. Si l’on s’attache à la pollution générée -– je parle de l’émission de dioxyde de carbone – par tonne de marchandises transportée sur un kilomètre, le constat est indéniable : 2 grammes pour un train entier à traction électrique, 50 grammes pour un train à traction diesel et 196 grammes par semi-remorque de 32 tonnes.
L’accord de Paris, entré en vigueur voilà déjà un an, permettra – je l’espère – de concrétiser la prise de conscience environnementale.
Le Président de la République organisait hier un One planet summit, un sommet sur le climat. Il a mis au centre des discussions la nécessité d’un nouveau mode de développement et la réorientation de la finance publique et privée vers la transition énergétique.
À l’heure où les acteurs publics parlent de « décarbonation », il est grand temps de se mettre à l’œuvre.et d’être concret.
Pour que le développement de notre service public ferroviaire soit ambitieux et s’inscrive dans une logique écologique responsable, le groupe socialiste et républicain soutiendra cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain – Mme Laurence Cohen applaudit également
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire, présentée par nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ils ont raison : il y a urgence à mettre sur la table ce sujet brûlant et à débattre de solutions durables pour préserver les opérateurs français de ce secteur.
Le Gouvernement avait d’ailleurs annoncé, dans le courant de l’automne, le lancement d’une réflexion globale sur l’avenir du fret ferroviaire en France.
Vous le savez, l’ouverture progressive du fret ferroviaire français à la concurrence, en 2003 puis en 2006, a fragilisé le secteur. Tant et si bien que la situation de Fret SNCF n’est plus viable économiquement, selon les propres termes de la Cour des comptes.
En dix ans, le nombre de wagons chargés par cet opérateur tricolore a été divisé par six, comme l’a souligné Mme Assassi : de 700 000 en 2005, à 150 000 en 2014.
Le marché est aujourd’hui éclaté entre dix-huit entreprises ferroviaires de marchandises, dont trois filiales de l’opérateur historique. Ses concurrents, en tête desquels Euro Cargo Rail, ou ECR, filiale française du groupe allemand Deutsche Bahn et principal challenger de Fret SNCF, souffrent du même défaut de rentabilité.
En 2016, ECR a engagé un plan de suppression de 300 emplois, soit le quart de ses postes en France, pour optimiser son activité de transport. La faute, selon les dirigeants du groupe, aux incertitudes rédhibitoires sur les créneaux horaires de circulation sur les voies que le groupe doit commander un an à l’avance à SNCF Réseau, sans pouvoir anticiper des aléas de dernière minute.
Une restructuration est également attendue chez Fret SNCF. La situation financière du groupe est telle que la dette s’emballe : elle est passée de 1, 8 milliard d’euros en 2008 à 4 milliards d’euros en 2014. Elle devrait même atteindre 5, 1 milliards en 2020.
Des efforts ont pourtant été entrepris depuis plusieurs années. Ils méritent d’être salués : rationalisation du matériel, réduction du nombre d’agents de moitié, etc.
La situation du groupe n’est donc pas totalement imputable à Fret SNCF. C’est l’État qui doit être pointé du doigt, et particulièrement – je regrette de devoir le dire – les gouvernements du précédent quinquennat, qui n’ont pas pris les mesures adéquates.
Avec 32, 2 milliards de tonnes-kilomètres, le fret ferroviaire ne représente que 9, 3 % du trafic de marchandises en France. Mi-novembre 2017, l’ARAFER, publié un bilan du transport ferroviaire en France plutôt sévère.
Permettez-moi de vous dire que les chiffres présentés sont effarants. Ils nourrissent les inquiétudes de nombreux experts. Sur les 29 000 kilomètres de lignes exploitées, 80 % des circulations se sont concentrées sur 8 000 kilomètres de ligne, et 31 % du réseau ferré ne verrait passer que 1 % de la circulation des trains.
Il y a donc un double problème : une mauvaise sollicitation du fret ferroviaire et une trop faible utilisation des lignes à disposition.
Le groupe Les Indépendants-République et Territoires s’inquiète assurément de l’état du fret ferroviaire en France. Il ne partage pas pour autant les solutions avancées par les auteurs de cette proposition de résolution, même si certaines d’entre elles sont pertinentes, concernant notamment la relation avec l’hinterland et nos grands ports littoraux. Si la reprise de la dette de Fret SNCF est une option à mettre sur la table, il faut que cette solution fasse partie d’une reprise plus large de l’ensemble de la dette de la SNCF. Le groupe ferroviaire devra en conséquence accepter une restructuration en profondeur, avec une réforme de ses statuts et du régime de ses agents. Je crois que c’est l’esprit des propos que le Président de la République avait tenus en septembre dernier.
Quant au développement des interconnexions entre ports et réseaux ferrés et de l’intermodalité, il nous paraît une priorité. Mais il faut que cette révolution des transports passe par un transfert des aides fiscales et des crédits du transport routier vers les transports massifiés. L’État ne peut s’endetter davantage, nous l’avons vu au cours de la discussion budgétaire qui s’achèvera bientôt ; il faut donc déplacer les engagements financiers vers les secteurs d’avenir, en faisant le geste courageux de soutenir les transports du futur.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe ne peut malheureusement que voter contre cette proposition de résolution. Si nous partageons l’inquiétude de nos collègues, nous pensons que les mesures à prendre sont tout autres et appellent d’abord une refonte totale de l’organisation des acteurs du secteur.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier nos collègues du groupe CRCE d’avoir déposé cette proposition de résolution, dans laquelle ils préconisent de déclarer le fret ferroviaire d’intérêt général. Cela nous donne l’occasion de débattre sur cette question, essentielle pour le pays.
La situation du fret ferroviaire en France et en Europe est alarmante. Mme la ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, lors de son audition par la commission du développement durable du Sénat en juillet dernier, en a également fait le constat. Les trafics, qui ont chuté d’un tiers depuis quinze ans, ne repartent pas à la hausse en 2017. Ainsi, la part du ferroviaire est passée de 29, 2 % en 1985 à 10, 6 % en 2015.
De son côté, l’Europe se mobilise aussi en fixant des objectifs ambitieux qu’elle aura du mal à respecter. En effet, le transfert de 30 % du fret routier sur des distances supérieures à 300 kilomètres vers les modes alternatifs d’ici à 2030, et de plus de 50 % en 2050, sera difficilement réalisable.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de la dernière voie ferrée du Gers.
Cela fait dix ans que je me bats pour sauver 50 kilomètres de voies ferrées sur un territoire rural ! Dix ans pour trouver 7 millions d’euros ! Je me suis amusé à demander ce que coûterait aujourd’hui la construction complète de cette voie ferrée de 50 kilomètres. La réponse est : 80 millions d’euros !
Je veux m’appuyer sur cet exemple pour vous montrer qu’on ne peut plus compter sur les collectivités territoriales pour sauver des voies ferrées. Le meilleur montage que nous ayons trouvé est le suivant : 30 % pour l’État, 30 % pour l’Europe, et nous nous interrogeons toujours pour les 40 % restants, les communautés de communes et les départements n’ayant plus le droit d’investir dans de tels travaux. Il suffit d’additionner tout ce que nous demandons à ces collectivités : contributions pour le TGV, les routes nationales, le désenclavement numérique, les maisons de santé, les maisons médicales, etc. Par conséquent, toutes les voies ferrées capillaires en milieu rural, pourtant indispensables pour transporter les productions locales agricoles vers les ports, vont disparaître ! Ainsi, sur 220 kilomètres de voies ferrées dans l’ancienne région Midi-Pyrénées, seuls 30 kilomètres sont aujourd’hui en fonctionnement.
La situation est donc vraiment catastrophique, le constat est bien connu de tous. Un schéma national d’infrastructures de transport avait été débattu en 2009, dans la précipitation, par le Sénat. Notre assemblée avait été la seule à l’examiner, avant qu’il ne soit mis dans un tiroir. En 2017, presque vingt ans plus tard, il ne se passe toujours rien !
Si j’interviens dans le cadre de ce débat, c’est que je suis convaincu de la nécessité de trouver des solutions. Comme le groupe CRCE, nous pensons qu’il est nécessaire de débattre sur ce sujet. En revanche, nous ne partageons pas sa volonté de réintégrer dans le budget les 45 milliards de dettes de Réseau ferré de France, une telle proposition ne nous paraissant pas raisonnable.
Monsieur le secrétaire d’État, que pensez-vous de l’écotaxe ? Vous le savez, son abandon a privé l’AFITF de 700 à 800 millions d’euros par an, et donc de sa capacité à contribuer à la sauvegarde des voies ferrées.
Peut-être faut-il renforcer le poids des recettes de la fiscalité énergétique au sein du budget de l’agence ? Faut-il affecter une partie de l’augmentation de cette fiscalité aux régions, qui ont la compétence du développement économique et ne peuvent pas se désintéresser de ces infrastructures, en particulier lorsqu’elles disposent de productions agricoles ou de ports maritimes ? Les régions sont les collectivités qui doivent aujourd’hui faire face à ce problème, en s’appuyant sur des fonds supplémentaires qui leur permettront d’intervenir.
Que peut-on vous proposer, monsieur le secrétaire d’État, sinon de trouver de nouvelles ressources, repenser une écotaxe ou demander à l’État de prendre en charge, comme cela avait été évoqué, les voies ferrées de fret constituant la seule infrastructure de désenclavement économique dans les territoires ruraux ou périurbains ? Ces derniers sont en effet confrontés, de par leurs activités agricoles, à des espaces de stockage qui ne sont pas délocalisables. Ils doivent être à tout prix connectés aux ports, qui sont indispensables à l’exportation de leurs produits.
Si le groupe du RDSE s’associe à la question posée, il ne pourra pas voter cette proposition de résolution. Il paraît en effet peu réalisable d’intégrer les 45 milliards de dettes de Réseau ferré de France dans le budget de l’État.
Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, face aux trois solutions que je vous ai proposées, quelle est votre position ? Deux de nos collègues, MM. Joël Labbé et Ronan Dantec, voteront cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire est pour nous l’occasion de rappeler notre attachement au système ferroviaire dans notre pays.
Aujourd’hui, le transport ferroviaire, qui engendre peu de nuisances environnementales et consomme peu d’énergie, est incontestablement pénalisé face au transport aérien et au transport routier. Il en va logiquement de même pour le fret ferroviaire par rapport au transport routier de marchandises, qui échappe souvent à la fiscalité française, notamment sur les carburants.
Notre groupe a toujours défendu l’activité du fret ferroviaire. C’est une activité pertinente sur la longue distance pour des produits dangereux, massifiés ou lourds à transporter de manière régulière. Sa capacité d’emport reste un atout majeur.
Lors de l’examen en juin 2009 du projet de loi dit Grenelle 2, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat avait décidé la création d’un groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire, compte tenu de nos interrogations et du vif intérêt que nous portions aux problématiques relatives à ce mode de transport.
Le sénateur Francis Grignon, président de ce groupe de travail, avait présenté ses conclusions en octobre 2010, dans un rapport d’information intitulé Avenir du fret ferroviaire : comment sortir de l ’ impasse ? Il observait déjà que cette activité connaissait une crise récurrente en France. Finalement, madame Assassi, si nous partageons le même constat, nous n’aboutissons pas aux mêmes conclusions.
Votre proposition de résolution occulte le fait que le déclin du fret ferroviaire préexistait à l’ouverture à la concurrence en 2006. Il est donc réducteur de lier la baisse du fret uniquement à l’ouverture à la concurrence. En fait, nous le savons tous, mes chers collègues, le fret va mal depuis longtemps en France.
Le rapport de Francis Grignon rappelait que, en 1950, les deux tiers des marchandises transportées en France passaient par le rail. Entre 2008 et 2014, la part du transport ferroviaire dans le transport terrestre de marchandises a reculé, de 10, 2 % à 9, 5 %. Le total des marchandises transportées est passé de 40, 4 milliards de tonnes-kilomètres en 2008 à 32, 2 milliards de tonnes-kilomètres en 2014, soit une baisse de 21 %. Plus de 87 % des marchandises sont transportées actuellement en France par les camions. Le transport routier a donc fait un bond énorme depuis l’an 2000.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Elle est due tout d’abord à la désindustrialisation de la France : moins de produits fabriqués sur le territoire, c’est moins de produits transportés.
Ensuite, on observe une moindre attractivité des ports français par rapport à leurs voisins européens : moins de marchandises arrivant par la mer, c’est moins de marchandises transférées sur les trains à partir des ports. À cet égard, on peut d’ailleurs souligner l’importance de l’intermodalité ferroviaire/fluviale. Mais c’est le chien qui se mord la queue : les marchandises n’arrivent-elles plus dans nos ports parce qu’il n’y a pas d’intermodalité, ou bien l’inverse ?
En outre, le réseau ferroviaire est mal entretenu et insuffisamment équipé.
Par ailleurs, la concurrence de la route est indéniable. Les entreprises jugent les camions plus fiables, moins coûteux et plus souples sur les distances courtes et moyennes. De plus, les délais sont en général respectés par les poids lourds, malgré les aléas de la route.
Enfin, nous ne pouvons ignorer les incohérences de la politique de l’État au cours de ces dernières années. S’il affirme d’un côté son soutien au fret ferroviaire, il a dans le même temps pris plusieurs décisions qui le pénalisent fortement, comme l’abandon de l’écotaxe. De plus, les négociations sur le cadre social commun prévues par la loi de réforme ferroviaire d’août 2014 ont alourdi les contraintes des opérateurs privés, ce qui a encore augmenté leurs coûts. La situation est encore pire pour Fret SNCF, dont le régime de travail a été rigidifié.
La proposition de résolution fait totalement abstraction de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de marchandises depuis mars 2006. Ce n’est plus un service public ! Vous proposez une vision étatisée et archaïque du fret ferroviaire, alors qu’il convient au contraire de définir une stratégie tournée vers les entreprises.
Nous devons impérativement passer d’une logique de l’offre à une logique de la demande en matière de fret ferroviaire. Le développement d’infrastructures ferroviaires et de services doit répondre aux besoins des chargeurs et des clients.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre cette proposition de résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-François Longeot applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a déposé une proposition de résolution visant à déclarer le fret ferroviaire d’intérêt général. Je suis heureux de m’exprimer au nom du groupe La République En Marche en ce dernier jour des Assises de la mobilité, grand moment de concertation lancé en septembre dernier sur les mobilités futures et les besoins des Français en la matière.
Nous sommes tous originaires de territoires variés, mais nous connaissons tous la réalité des transports de poids lourds en France, les nuisances occasionnées au regard de la santé comme de l’économie – le bruit, la pollution, la congestion, la dégradation des chaussées –, qui ne cessent d’augmenter.
Parallèlement, le secteur du fret a perdu un tiers de son trafic en quinze ans et la dette de SNCF Réseau, qui atteint 45 milliards d’euros, continue à augmenter de trois milliards d’euros par an.
Telle est la réalité, que nous ne pouvons pas nier. Toutefois, si je partage aisément le diagnostic et l’idée qui sous-tend cette proposition de résolution, je n’en partage ni la philosophie ni le remède, face à la réalité économique, légale et sociétale.
Tout d’abord, ce texte du groupe CRCE est en contradiction avec le mouvement d’ouverture à la concurrence de nombreux secteurs d’activité. Je pense notamment à la téléphonie, à l’énergie et aux transports.
Je prendrai l’exemple du domaine de l’énergie, avec la création de RTE et la séparation d’EDF et d’ERDF : la production, le transport et la distribution doivent être séparés parce que le monopole n’est pas la solution la plus efficace pour le consommateur citoyen.
Le monopole est une rente : les services proposés étant plus chers et moins performants, il bloque l’innovation et crée de fait des barrières de marché. En s’appuyant sur le droit de la concurrence, le groupe la République En Marche est favorable à des services moins chers et plus efficaces.
Le modèle français est donc en train d’évoluer au contact du droit européen. En ce qui concerne le ferroviaire, l’ouverture des réseaux ferroviaires nationaux à la concurrence a débuté en 1999, touchant le réseau international de fret en 2006, puis le transport interne de marchandises en 2007 et, enfin, le transport international de passagers en 2010.
Je tiens ici à préciser que l’ouverture à la concurrence ne signifie pas la loi de la jungle. C’est tout le contraire, puisque les grands services publics n’auront jamais été autant contrôlés pour éviter les abus. Tel est le rôle de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières.
Cela ne signifie pas non plus l’abandon de l’État. Depuis 1993, la question est définitivement réglée. Je vous invite, mes chers collègues, à relire la décision de la Cour de justice des communautés européennes de 1993, l’arrêt Corbeau, qui concerne la poste belge et autorise les compensations entre activités rentables et non rentables pour assurer la couverture de l’ensemble du territoire. Vous pouvez également vous plonger dans la décision de 1997, qui concerne la France, et qui précise bien qu’un État peut restreindre la concurrence, notamment pour des motifs d’aménagement du territoire.
Je crois que nous partageons ces objectifs. Je crois que le modèle français doit évoluer. Je vous invite, mes chers collègues, à le comparer au modèle allemand : son activité est identique à celle de la SNCF, avec moitié moins de personnels. Le train est-il en crise en Allemagne ? Les passagers bloqués en gare Montparnasse le 3 décembre dernier auraient-ils aimé avoir davantage de possibilités de transport à un moindre coût ? Sans doute !
Mes chers collègues, nous voilà face à une différence profonde entre nos deux groupes. Relisons l’histoire. Les premières lois antitrusts, qui remontent au XIXe siècle, nous viennent des États-Unis. Le droit de la concurrence a aussi donné naissance à l’école de Fribourg, qui est bien loin de l’image diabolique qu’on a voulu lui donner : pas d’interventionnisme économique, mais un État de droit économique, un libre accès au marché selon les mérites. Égalités, mérites : des valeurs très républicaines qu’il s’agit de faire vivre et non pas d’invoquer sans cesse sans substance.
Si nous contestons la philosophie du texte et les moyens préconisés, nous vous rejoignons sur un objectif : celui de favoriser le report modal de la route vers le rail, pour désengorger nos routes, diminuer les émissions des gaz à effet de serre, conformément à nos engagements internationaux, et contribuer à une mobilité durable.
Écouter le terrain, diagnostiquer, évaluer et proposer : tel est l’objectif des Assises de la mobilité qui se sont déroulées pendant plusieurs mois sur l’ensemble du territoire.
Parallèlement aux ateliers qui se sont tenus, la ministre chargée des transports a missionné Jean-Cyril Spinetta pour proposer une refondation de notre modèle ferroviaire. Il s’agit également de définir des actions à mettre en œuvre pour assurer une remise à plat coordonnée du modèle économique de la gestion du réseau, aujourd’hui structurellement déficitaire, qu’il s’agisse d’ailleurs du transport de voyageurs ou du fret.
En janvier prochain, nous connaîtrons les conclusions de ce rapport, qui enrichiront la prochaine loi d’orientation en proposant une stratégie et un calendrier soutenables des actions à mener dans les prochaines décennies. Ce sera alors l’occasion d’inscrire, au sein de notre hémicycle, le sujet du fret ferroviaire dans un débat plus large relatif à la mobilité.
Parce que cette proposition de résolution est loin de notre philosophie et de la feuille de route du Gouvernement, le groupe la République En Marche votera contre.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le constat alarmant dressé à l’instant par ma collègue Éliane Assassi.
La diminution drastique du fret ferroviaire dans notre pays est en contradiction totale avec les objectifs fixés par la loi Grenelle 1, la Commission européenne et l’accord de Paris. Ainsi, alors que la loi Grenelle 1 prévoyait que 25 % du fret se ferait par des modes de transport alternatifs à la route, on observe une baisse de 21 % du total de marchandises transportées par le fret ferroviaire entre 2008 et 2014.
Comme beaucoup d’entre vous, je m’interroge sur l’écart entre un discours volontariste repris par tous les gouvernements successifs et sa traduction effective. À ce titre, le rapport de la Cour des comptes du 3 juillet dernier est éclairant. La Cour, avec le sens de la litote qu’exige sa neutralité, évoque « une politique de l’État en faveur du fret ferroviaire [qui] comporte des contradictions ». C’est le moins que l’on puisse dire !
Dans le budget pour 2018, le financement du fret routier, de 80 millions d’euros, est huit fois supérieur à celui du fret ferroviaire, qui ne représente que 10 millions d’euros.
La suppression de l’écotaxe précédemment évoquée maintient le déséquilibre économique entre la route et le rail en externalisant tous les coûts négatifs du transport routier sur la collectivité.
L’autorisation par décret des camions pesant 44 tonnes est un très mauvais signal lorsque l’on ambitionne de reporter le transport routier sur le rail.
Pis encore, la France est l’un des rares pays en Europe à autoriser une hauteur de 4, 5 mètres pour les camions, ce qui pénalise lourdement l’intermodalité, les infrastructures du fret ferroviaire étant majoritairement calibrées pour des camions de 4 mètres.
Ainsi, la part modale du fret ferroviaire, de 15, 6 % en France, est inférieure à la moyenne européenne, qui atteint 18, 3 %, alors même que nous disposons de l’un des meilleurs réseaux ferroviaires du continent. Si la désindustrialisation de notre pays explique en partie la baisse structurelle de la part modale du fret ferroviaire, il ne faudrait surtout pas oublier de pointer du doigt la vétusté du réseau, qui décourage les transporteurs.
Autre facteur, la France n’a pas su s’adapter à l’explosion du commerce en ligne, qui entraîne une multiplication des livraisons de commandes individuelles dans des délais très courts. Ce type d’activité est peu compatible avec la logistique lourde du fret ferroviaire, majoritairement calibré, jusqu’alors, pour le commerce industriel.
Enfin, au-delà des infrastructures laissées à l’abandon, notre pays n’a pas été capable de penser efficacement l’intermodalité. J’en veux pour preuve la situation dramatique de la gare de triage de Miramas dans les Bouches-du-Rhône. On parle là de l’interface stratégique entre le port de Marseille Fos et la vallée du Rhône, l’un des axes les plus essentiels du commerce européen. Faute de pouvoir trouver 17 millions d’euros pour rénover le site, la SNCF envisage de le fermer. Cette décision est un non-sens économique, social et écologique. Elle aurait pour effet de lancer 300 000 camions de plus sur les routes, ce qui viendrait aggraver un peu plus la pollution chronique de la vallée du Rhône et de son embouchure.
Puisque j’évoque ma région, je m’attarderai sur quelques éléments qui me permettront d’illustrer la suite de mon propos.
Dans les Alpes, la part du fret ferroviaire est tombée à 3, 5 millions de tonnes de marchandises par an. Pourtant, moyennant un petit milliard d’investissements pour rénover les lignes, le réseau ferroviaire existant est capable d’absorber 5 fois plus, jusqu’à 17, 5 millions de tonnes, soit les trois quarts du commerce entre la France et l’Italie. Je le précise au passage, parmi les arguments ayant permis de justifier les 25 milliards d’investissements pour la LGV Lyon-Turin figurait le développement du fret ferroviaire, et ce jusqu’à 60 millions de tonnes de marchandises par an. Nous en sommes bien loin !
Je salue à ce sujet le pragmatisme de Mme la ministre chargée des transports. Il est temps de changer de méthode et d’orienter les fonds publics vers des solutions efficaces, adaptées aux territoires, en s’appuyant sur l’existant.
Tel est le sens de la résolution que nous vous proposons et qui s’accorde parfaitement avec les objectifs affichés par le Gouvernement.
Tant pour le développement du fret que pour celui du réseau ferroviaire régional, l’État doit éponger la dette de SNCF Réseau. La décision récente de la Commission européenne sur le cas italien crée un précédent bienvenu pour investir dans le rail sans risquer de distordre la concurrence.
Il faut ensuite créer une nouvelle taxe sur les poids lourds, tant pour inciter les transporteurs au report modal que pour flécher des financements propres au développement du fret ferroviaire.
N’oublions pas également l’enjeu social que constitue la relocalisation d’emplois sur le territoire. En lien avec l’État, il faut que la SCNF redevienne un véritable organisateur stratégique et logistique du développement du ferroviaire. Il s’agit de rénover ses infrastructures, d’en développer de nouvelles dans les zones économiques en construction, de réserver du foncier dans les zones urbaines pour y développer le fret, de préserver et développer l’activité « wagon isolé », la seule à même de faire face aux besoins de livraison du commerce en ligne.
Le défi est immense, mais la volonté est partagée. L’État doit devenir un acteur central du développement du fret. Certes, la libéralisation du rail qui nous sera imposée en 2019 ne facilitera certainement pas les choses. Pourtant, d’autres pays ont su faire les bons choix. Je pense à la Suède ou à la Suisse, plus proche de nous, qui ont investi durablement dans leur réseau et sont intervenues dans le domaine législatif, en adoptant des lois qui donnent la priorité au fret ferroviaire.
Hier, le Président de la République réunissait un sommet pour la planète, pour répondre à l’urgence écologique et climatique. Il a annoncé avec raison que l’heure était aux actions concrètes. C’est exactement ce que nous vous proposons avec ce texte !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Nadia Sollogoub applaudit.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom d’Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je remercie le groupe communiste républicain citoyen et écologiste d’avoir déposé cette proposition de résolution sur le développement du fret ferroviaire.
Il s’agit en effet d’un enjeu important, en particulier en matière de développement durable. Dans ce contexte, le développement du fret ferroviaire est évidemment primordial. Nous le savons tous depuis des années, mais les résultats ne sont pourtant pas au rendez-vous.
Entre 2011 et 2016, le volume transporté par voie ferroviaire a diminué de 1 % par an en moyenne. Sa part modale est restée proche de 10 %. Certes, les difficultés et les évolutions de notre économie expliquent en partie ce recul. Mais l’État n’a pas eu d’approche globale du secteur du transport de marchandises, et n’a donc pas été en mesure de défendre effectivement le fret ferroviaire face à la concurrence de la route.
Les gouvernements successifs ont toujours affiché un engagement fort en faveur du fret ferroviaire. Mais, comme l’a montré la Cour des comptes dans son référé du 3 juillet 2017 envoyé aux ministres Nicolas Hulot et Élisabeth Borne, ils ont pris, dans le même temps, plusieurs décisions qui lui ont ôté toute chance de survie.
Je parle bien entendu de l’abandon de l’écotaxe et de l’instauration d’un cadre social très favorable aux salariés de la branche ferroviaire à la suite de la loi portant réforme ferroviaire de 2014, qui m’avait fait vivement réagir. Ces deux mesures ont accentué l’écart entre les coûts des transports ferroviaire et routier. Je ne m’attarderai pas sur ce point.
Je regrette néanmoins que le fret ferroviaire ait été peu abordé dans le cadre des Assises de la mobilité. Je comprends qu’il ait été jugé nécessaire de concentrer les débats sur certains sujets, mais on ne peut dissocier l’avenir du fret ferroviaire des choix qui seront faits dans le domaine du transport routier, tant la concurrence est forte entre ces deux modes.
Les entreprises de fret sont aujourd’hui confrontées à plusieurs difficultés. Tout d’abord, elles doivent disposer de sillons de qualité qui ne soient pas remis en cause au dernier moment.
Ensuite, un enjeu important réside dans l’augmentation des péages ferroviaires, telle qu’elle figure dans le contrat de performance signé entre l’État et SNCF Réseau.
Enfin, le maintien des lignes capillaires est indispensable, dans certains territoires, pour faire vivre concrètement le fret ferroviaire.
Nous faisons tous, me semble-t-il, le même constat. Je ne peux que partager certaines dispositions de la proposition de résolution présentée par nos collègues du groupe communiste.
Par exemple, il me paraît effectivement urgent de fixer comme objectif le rééquilibrage entre les modes de transport, et de faire en sorte que le transport routier de marchandises assume ses externalités négatives en matière de pollution ou d’utilisation des infrastructures. Telle était, je le rappelle, la logique de l’écotaxe.
Une telle démarche d’internalisation des coûts externes est par ailleurs vivement encouragée par la Commission européenne, qui cherche même à l’accentuer dans le cadre du paquet routier qu’elle a présenté le 31 mai 2017. Nous avons pu le constater en nous rendant voilà quelques jours à Bruxelles avec une délégation de la commission.
De la même façon, il ne me semble pas raisonnable de supprimer les aides financières apportées au mode ferroviaire sans analyse approfondie de la viabilité du secteur sans ces aides.
Enfin, il me semble pertinent de préserver ou de prévoir l’installation des infrastructures permettant de faciliter le fret ferroviaire ou le transport combiné, ou encore de développer le trafic à partir des ports maritimes en massifiant les flux de marchandises vers les hinterlands. Lors de la table ronde que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a organisée au sujet du canal Seine-Nord Europe, des propositions concrètes ont d’ailleurs été faites à ce sujet. Il faut effectivement revoir notre approche dans ces domaines.
Mais, si nous sommes d’accord sur le constat et les objectifs, il me semble difficile de gommer nos divergences d’appréciation sur les solutions à proposer.
Mes chers collègues du groupe CRCE, vous souhaitez déclarer que le fret ferroviaire est une activité d’intérêt général, et revenir sur le principe de l’ouverture à la concurrence.
Or la libéralisation a permis de faire baisser les coûts du fret ferroviaire et de le rendre plus compétitif face à la route. On le voit très bien lorsqu’on compare, comme l’a fait la Cour des comptes, Fret SNCF, qui appartient à SNCF Mobilités, et VFLI, Voies ferrées locales et industrielles, qui est une filiale de droit privé de SNCF Mobilités. Les écarts de compétitivité sont sidérants !
Je me limiterai à un seul chiffre donné par la Cour des comptes : le surcoût lié à l’organisation du temps de travail pour Fret SNCF par rapport à un opérateur privé est de 20 %, voire de 30 % si l’on tient compte du niveau plus élevé de l’absentéisme dans l’entreprise publique ! Face à ces chiffres, je ne vois pas comment on peut souhaiter revenir sur l’ouverture à la concurrence. Je rappelle que le premier concurrent des entreprises de fret ferroviaire, c’est la route !
Vous souhaitez aussi un moratoire sur l’abandon de l’activité de wagon isolé. Or la Cour des comptes indique, dans son référé, que cette activité subit des pertes importantes, en raison de ses coûts et d’une qualité de service très insuffisante.
C’est pour ces raisons qu’elle a été réorganisée en une offre « multi-lots multi-clients ». Pourquoi s’opposer à cette évolution, si elle satisfait davantage les chargeurs et permet bel et bien de préserver une part du trafic de fret ferroviaire ?
J’évoque enfin la question de la dette de SNCF Réseau. Je suis l’un des premiers à avoir vivement réagi au rapport prévu par la loi de 2014 et remis par le gouvernement en septembre 2016, qui ne proposait en fait qu’une seule solution concrète, et renvoyait ce sujet au quinquennat suivant, alors même que le gouvernement s’était engagé à rechercher des solutions, après avoir imposé au groupe public ferroviaire un accord social très défavorable aux intérêts de l’entreprise.
Pour autant, il ne me semble pas du tout raisonnable de demander, comme le font les auteurs de cette proposition de résolution, la reprise pure et simple de la dette de SNCF Réseau par l’État. Si l’on procédait ainsi, sans s’assurer d’une évolution de la productivité du gestionnaire du réseau, on s’exposerait au risque d’être confronté de nouveau à la même situation, dans quelques années.
L’ensemble de ces remarques me conduira, ainsi que mon groupe, à voter contre cette proposition de résolution, même si nous partageons totalement l’objectif poursuivi de développement du fret ferroviaire.
Mme Victoire Jasmin applaudit.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a exposé ma collègue Angèle Préville, le fret ferroviaire traverse une passe difficile. Le référé de la Cour des comptes en date du 14 septembre dernier est acerbe et criant de vérité sur la responsabilité de l’État dans le déclin du fret ferroviaire.
Ledit État étant capable de relever de 38 à 44 tonnes le poids total autorisé des camions en France, puis de financer des plans de relance autoroutiers très favorables aux concessionnaires, certains commentateurs n’ont pas hésité à puiser dans L ’ étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde pour qualifier son attitude ambiguë, voire schizophrénique.
Au début des années 2000, la part modale du ferroviaire, en France, se situait encore au-dessus de la moyenne européenne. Mais, en quinze ans, nous avons perdu un tiers du trafic, et nous faisons désormais figure de mauvais élève dans le domaine du fret ferroviaire.
Les derniers chiffres du service de la donnée et des études statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire montrent que la part du fret ferroviaire dans le transport terrestre de marchandises a encore reculé en 2016. Aujourd’hui, le trafic routier représente 88 % du fret.
La concurrence accrue du mode routier, avantagé par les infrastructures de réseau, explique en grande partie cette évolution. Elle est aggravée par l’afflux de poids lourds étrangers, encouragé par le cabotage mis en place par le « paquet routier » à partir de 2009.
En outre, un rapport de la Cour des comptes européenne portant sur le transport ferroviaire de marchandises dans l’Union européenne pointe les deux écueils majeurs auxquels la France est confrontée : « La performance [y] a été affectée par l’absence de redevance poids lourds ainsi que par la mauvaise qualité des sillons disponibles pour le transport ferroviaire de marchandises. »
Comment ne pas mettre ces défaillances en miroir des engagements environnementaux que nous avons pris en signant les accords décisifs de la COP21, et réaffirmés hier à l’occasion du sommet de Paris pour le climat ?
Nous le savons, le transport, et au premier chef le transport routier, est le plus grand contributeur aux émissions de gaz à effet de serre. Selon les derniers chiffres fournis par le Commissariat général au développement durable, il est responsable de 29, 6 %, soit un tiers, de nos émissions de gaz à effet de serre !
Le fret ferroviaire représente donc une solution à portée de main pour contrer la pollution atmosphérique provoquée par le trafic routier.
À titre d’exemple, un train de fret de 850 mètres représente l’équivalent de 48 camions et émet près de quatre fois moins de dioxyde de carbone. Cette simple démonstration suffit à plaider fermement pour une internalisation des externalités négatives de la route, que l’on connaît trop bien : dumping social et économique, embouteillages, incidences sur la santé publique, nuisances sonores, dégradation des chaussées, routes à fort trafic.
Quel chemin avons-nous parcouru depuis la discussion au Sénat d’une proposition de résolution quasi identique, débattue, sur ces mêmes travées, en octobre 2010 ? Nous en sommes toujours à nous demander s’il ne faudrait pas ressusciter la taxe sur les poids lourds.
Mais, cette fois, la Commission européenne apportera peut-être la solution, grâce à la révision de la directive « Eurovignette ». Elle prévoit en effet de réviser le système de taxation des poids lourds au profit d’un dispositif prenant pleinement en considération le défi climatique, pour un développement durable de la mobilité et des transports européens. Il s’agit de mettre en place de nouveaux outils conformes au principe « pollueur-payeur », auquel la France est attachée et qui permettra, à terme, de favoriser le rééquilibrage modal.
La mission menée, à la hâte, par Jean-Cyril Spinetta devra également apporter des perspectives d’avenir pour redynamiser le transport ferroviaire de marchandises.
Nos anciens collègues députés Gilles Savary et Bertrand Pancher avaient, dès octobre 2016, dans un rapport d’information, tracé les pistes d’améliorations susceptibles de faciliter le transfert modal de la route vers le rail. Les auteurs de ce rapport invitaient l’exécutif « à ne pas baisser les bras, et à cibler une politique publique de relance du fret ferroviaire sur les points où elle est défaillante ».
La présente proposition de résolution s’inscrit dans la continuité de ce rapport. C’est pourquoi, dans le contexte écologique que nous connaissons, le groupe socialiste votera pour cette résolution.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Guillaume Gontard applaudit également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons unanimement saluer la louable intention de développer le fret ferroviaire. Une intention peut inspirer une résolution. Mais une résolution n’a pas forcément valeur d’amorce.
Le constat, nous l’avons fait ; très récemment encore, notre collègue Éric Bocquet soulignait à juste titre, dans le cadre d’une question écrite au Gouvernement, que la part du ferroviaire s’élevait à près de 30 % dans le transport de marchandises en 1985, pour à peine plus de 10 % aujourd’hui. Madame Assassi, vous relevez fort justement la régression du réseau ferré national, qui est passé de 34 000 à 29 000 kilomètres.
Il suffit de sillonner la France par le train, lorsque celui-ci est à l’heure ou fonctionne, pour contempler le triste spectacle des embranchements particuliers, les EP, laissés à l’abandon : de désolantes friches ferroviaires sur toutes les lignes, notamment sur les grandes artères qui firent les belles heures de l’Étoile du Nord, du Mistral ou de l’Oiseau Bleu.
Mais on ne peut pas vivre de nostalgie, fût-elle ferroviaire, et le rail constitue plus que jamais une alternative intéressante au « tout-routier ».
Oui, mon cher collègue Éric Bocquet, le fret ferroviaire est un enjeu d’avenir, et pas seulement pour des raisons environnementales. C’est aussi une question de bon sens, de compétitivité, de multimodalité, donc d’aménagement du territoire. Si l’on met des conteneurs sur les rails, ce n’est pas seulement pour rentrer dans les clous de la COP21, mais aussi pour proposer des solutions innovantes, utiles, rapides et performantes aux acteurs économiques. Comme vous, je regrette le manque de moyens dédiés à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Le fret est d’ailleurs un enjeu d’aménagement notamment pour ma région, les Pays de la Loire, région maritime, ouverte sur l’Atlantique, dont l’économie portuaire aurait tout à gagner d’une excellente distribution ferroviaire vers l’hinterland. La région vient d’engager une nouvelle démarche pour demander à l’État français le raccordement de Nantes-Tours au corridor Atlantique, parce que le projet de voie ferrée Centre Europe Atlantique est stratégique.
Nous aurions pu nous inspirer de la route ferroviaire aménagée aux Pays-Bas en 2007 : la ligne de la Betuwe, longue de 160 kilomètres, dédiée au transport de marchandises, relie le port de Rotterdam à son hinterland allemand, pour un coût de 5 milliards d’euros. Ce sillon néerlandais ouvert à plusieurs opérateurs est particulièrement actif.
On peut signaler aussi l’ouverture aux marchandises d’un axe Chine-France, nouvelle route de la soie, récemment testée au profit d’une enseigne connue d’articles de sport. Il s’agit d’une alternative au bateau, deux fois plus rapide. Nous verrons ce qu’il en adviendra dans les prochains mois.
Notre territoire maritime, le deuxième au monde, offre des perspectives immenses pour connecter nos ports, qui perdent pourtant régulièrement des parts de marché.
Lors des assises de l’économie de la mer, le Premier ministre a affirmé : « Je ne choquerai personne si je dis que la France n’a pas un trafic portuaire à la hauteur de sa façade maritime, de son marché intérieur et de sa place en Europe. Et je n’étonnerai personne si je dis que si l’on ne fait rien, cela ne va pas s’arranger. » Il ajoutait : « Je l’ai dit, les ports ont besoin de la mer. Ils ont aussi besoin de la terre, plus précisément du rail et des fleuves. »
Connecter ambitieusement les grands ports maritimes au centre de gravité européen aurait pu relancer le fret ferroviaire en même temps que l’activité des principaux ports français. Mais, pour cela, il eût fallu une vision à long terme, et un coup d’avance dans l’aménagement du territoire. Les majorités se succèdent et détricotent les politiques antérieures ou les laissent mourir dans l’oubli.
Pour autant, je ne pense pas utile ni constructif d’opposer les enjeux de rentabilité aux aspects sociaux ou environnementaux. Il s’agit de trouver des solutions pérennes qui profiteront à l’emploi, à l’économie, et donc à tous les bassins de vie concernés.
La loi portant réforme ferroviaire adoptée en 2014 n’a pas permis, hélas, d’atteindre les objectifs assignés et de clarifier les projets de développement pourtant nécessaires à la relance de l’activité de fret. Elle a même alourdi les contraintes des opérateurs privés.
L’examen du projet de loi de finances pour 2018 n’a pu, semble-t-il, à ce stade, éclaircir la situation : on constate le report dans le futur des difficultés budgétaires de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. On parle d’échelonner certains paiements ou de retarder la mise en œuvre de projets.
Comme l’a dit notre excellent collègue Gérard Cornu dans le cadre de l’examen du rapport pour avis sur les crédits consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux, il faut redéfinir les priorités avec le Parlement et les inscrire dans une loi de programmation, avec une garantie de financement.
Ce ne sont pas les crédits consacrés aux transports combinés qui vont amorcer une vraie relance du fret ferroviaire.
Il faut prendre en compte des paramètres précis, exposés en commission, sur la réalité des pertes de marchés de Fret SNCF, malgré une recapitalisation de 1, 4 milliard d’euros en 2005. Des gains de productivité sont à rechercher.
Mes chers collègues du groupe CRCE, votre proposition de résolution occulte le fait que le déclin du fret ferroviaire était amorcé avant l’ouverture à la concurrence de 2006. Ce déclin est aussi la conséquence du déclin industriel de la France.
Je souhaite que la loi sur les mobilités annoncée par le Gouvernement permette d’engager une relance de l’infrastructure au bénéfice du fret ferroviaire, par l’adoption d’une stratégie tournée vers les entreprises.
Nous voterons contre cette proposition de résolution aux contours trop flous.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les mêmes travées.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la situation du fret ferroviaire illustre parfaitement les contradictions qui affectent parfois les politiques publiques.
L’objectif fixé lors du Grenelle de l’environnement, en 2009, était de porter, d’ici à 2022, la part du transport alternatif à la route de 14 à 25 % ; en 2015, on était descendu à 10 % !
Plusieurs exemples, tels que ceux de la Suisse et de l’Autriche, démontrent à eux seuls que le déclin du fret ferroviaire n’est pas une fatalité, mais qu’au contraire, une politique publique volontariste permet d’obtenir des résultats satisfaisants.
Si la Suisse, pays montagneux et sans industrie lourde, maintient, depuis 2000, la part modale du fret ferroviaire à un niveau supérieur à 40 %, c’est parce qu’elle a su prendre les mesures réglementaires qui s’imposaient : mise en place d’une redevance poids lourds, subventions au transport combiné, restrictions à la circulation des poids lourds, avec interdiction de circuler la nuit et le week-end, restrictions relatives à la dimension et au poids maximaux autorisés des camions, tout ceci s’ajoutant à des investissements dans le réseau ferroviaire.
Une dynamique comparable a été constatée en Autriche, où ont été prises des mesures similaires.
Quid de la France ?
Si l’État affiche depuis des années sa volonté de développer le fret ferroviaire, il multiplie cependant les mesures qui pénalisent le secteur.
À de multiples reprises, notre ancienne collègue Marie-France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps, l’un des tout premiers centres de triage français, a tenté d’alerter les gouvernements successifs sur l’incompréhensible déclin du fret ferroviaire.
À chaque fois, il lui a été répondu que le développement ferroviaire était une priorité gouvernementale !
Quelles ont été les mesures prises pour redynamiser le secteur ?
L’abandon de l’écotaxe ! L’absence d’indicateur de productivité imposé à Fret SNCF ! L’augmentation de 40 à 44 tonnes du tonnage autorisé des camions de plus de quatre essieux, via le décret du 4 décembre 2012 !
Cette augmentation du tonnage autorisé a-t-elle apporté de l’emploi en France ? A-t-elle amélioré les conditions de circulation ou de travail des routiers ? A-t-elle permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre ?
Évidemment non !
Elle a surtout justifié un surcoût d’entretien de la voirie d’environ 500 millions d’euros, comme nous l’apprend le Conseil général de l’environnement et du développement durable !
Le 30 août dernier, le ministre Nicolas Hulot a affirmé : « Si l’on veut tenir nos engagements climatiques, il faudra s’attaquer au transfert du transport routier au ferroviaire. »
Or, si le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France augmente de près de 10 % pour 2018, la part de ce budget dédiée au fret accuse une baisse de 5 millions d’euros par rapport à 2017.
Où est la cohérence ?
Il devient indispensable et urgent d’améliorer le cadre stratégique et réglementaire du transport ferroviaire de marchandises.
Il faut donner les moyens au transport ferroviaire de concurrencer le transport routier. C’était d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, la conclusion du référé remis par la Cour des comptes en juillet dernier.
Les effets externes différenciés produits par ces modes de transport en termes d’incidence sur l’environnement, de congestion de la circulation ou d’accidents, doivent être pris en compte de manière globale dans la détermination du prix à payer par les utilisateurs pour accéder à l’infrastructure.
L’État doit adopter une vision plus stratégique pour que le fret devienne un levier de développement économique et de création d’emplois, s’inscrivant en outre parfaitement dans la transition énergétique.
Il faut retrouver une vraie offre commerciale de fret ferroviaire actant le retour du wagon isolé, mais aussi entretenir et moderniser le réseau.
Le développement des LGV, les lignes à grande vitesse, devait permettre au fret d’investir les anciennes lignes ; pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ?
Il est également important de réfléchir à un maillage territorial cohérent : désengorger l’Île-de-France et le site de triage du Bourget, mais aussi donner des débouchés ferroviaires aux ports de l’Atlantique, en particulier Nantes – ses responsables le demandent instamment.
Des études réalisées par l’association Rhône-Alpes Centre Océan démontrent qu’il est possible de revitaliser la desserte nationale par la transversale Nantes-Lyon, via le centre de triage de Tours-Saint-Pierre-des-Corps et le port sec de Vierzon.
Par ailleurs, on ne peut pas accepter que le savoir-faire des cheminots français soit abandonné et que des kilomètres de lignes et des sites ferroviaires de qualité soient laissés à l’abandon.
Pendant ce temps, des « trains de camions » accidentogènes traversent notre pays, sans impact positif sur l’économie française.
Pour illustrer mon propos, je note que depuis le début de mon intervention, trente poids lourds sont passés sur l’autoroute A10 à proximité du centre de tri ferroviaire en déshérence de Saint-Pierre-des-Corps : un camion toutes les dix secondes, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, soit 8 500 camions par jour, des trains incessants de camions ! Ce trafic, je l’ai d’ailleurs moi-même subi en tant que maire de Tours.
Monsieur le secrétaire d’État, il devient donc urgent que le Gouvernement prenne des mesures concrètes pour développer le fret ferroviaire.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la présidente Éliane Assassi, permettez-moi tout d’abord d’excuser Élisabeth Borne, ministre chargée des transports, qui préside en ce moment même la clôture des Assises nationales de la mobilité.
Permettez-moi également, madame la présidente, de remercier le groupe CRCE de cette proposition de résolution qui me donne l’occasion d’exposer, devant vous, les actions du Gouvernement en faveur du fret ferroviaire.
En effet, le fret ferroviaire est indéniablement un secteur important de notre politique de transports, mais il connaît aussi – vous le mentionnez dans votre texte, madame la sénatrice, et cela a été rappelé dans chaque intervention – de réelles difficultés.
Le ministre d’État Nicolas Hulot l’a dit : le transfert du transport routier vers le ferroviaire est une condition nécessaire à la tenue de nos engagements climatiques, lesquels sont rappelés dans le plan Climat de juillet dernier, et l’ont été hier encore lors du sommet pour la planète présidé par le chef de l’État, Emmanuel Macron.
Accroître la part du ferroviaire dans les transports de marchandises a en effet un double impact positif : d’une part – ceci a été souligné, mais je le redis, c’est mon rôle – sur l’environnement, grâce à une réduction des émissions de polluants, et, d’autre part, sur la sécurité et la congestion routières, par la diminution induite du trafic de poids lourds sur les routes.
Pour autant, le poids du ferroviaire dans l’ensemble des transports de marchandises n’a cessé de décliner. J’ai noté des chiffres très différents d’une intervention à l’autre, mais le mouvement est là. Je vous donne les chiffres du Gouvernement : la part du ferroviaire est passée de plus de 16 % en 2000 à 10 % en 2016, soit une chute de six points.
Sachez néanmoins, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette part modale s’est stabilisée autour de 10 % depuis 2011, grâce notamment aux efforts de l’État pour soutenir ce mode de transport.
Comment a-t-on procédé ? En fléchant notamment des projets d’investissement dans les budgets de l’AFITF, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France – ainsi d’un projet régional normand, la désormais célèbre ligne Serqueux-Gisors.
Pour autant, la situation n’est pas satisfaisante, et les difficultés du fret sont encore trop nombreuses.
Trois facteurs externes doivent être pris en compte pour expliquer ces difficultés : premièrement, la faible densité industrielle – elle est en France trois fois moindre qu’en Allemagne – et la répartition inégale des sites industriels sur notre territoire ; deuxièmement, la moindre compétitivité des ports français par rapport à leurs concurrents européens et l’insuffisance de la desserte ferroviaire de leur hinterland ; troisièmement, la crise économique de 2008, qui a malheureusement entraîné une contraction de la demande de transport de fret et accéléré la désindustrialisation dans de nombreux secteurs industriels particulièrement utilisateurs du mode ferroviaire.
Parallèlement, l’activité de fret ferroviaire connaît, depuis une dizaine d’années, des difficultés d’adaptation face à la très forte concurrence du mode routier.
Force est de constater que c’est bien le transport routier, largement dominant – vous l’avez rappelé, madame Assassi –, qui fixe les standards en termes de prix et de qualité de service, et notamment pour les dessertes fines des territoires.
Le transport routier a en effet su s’adapter à une économie de flux tendus et a su, par là même, prendre une place essentielle dans le transport de marchandises.
J’aimerais revenir, à ce stade de mon propos, sur deux points importants que vous soulevez dans votre proposition de résolution concernant le transport routier.
Premier point : nous vous rejoignons sur le déficit de compétitivité dont souffre le pavillon français dans un cadre européen de concurrence exacerbée. En effet, sur les longues distances, la part du pavillon étranger n’a cessé de croître depuis le début des années 2000.
C’est pourquoi, dans le cadre des négociations sur le paquet routier, le Gouvernement s’attache à promouvoir les conditions d’une concurrence saine et équilibrée intégrant les impératifs sociaux, environnementaux et, naturellement, de sécurité routière.
Je rappelle que la lutte contre le dumping social participe d’une plus grande reconnaissance du juste prix du transport et permet de favoriser le report modal vers le ferroviaire.
Second point : madame Assassi, vous évoquez la circulation des poids lourds de 44 tonnes sur le territoire national. Sachez que cette circulation a été assortie de nombreuses conditions techniques supplémentaires s’appliquant aux véhicules, telles que l’abaissement des charges à l’essieu, l’obligation des suspensions pneumatiques ou encore le respect de la norme Euro.
Ces actions du Gouvernement, visant à promouvoir les conditions d’une concurrence plus équilibrée, sont évidemment nécessaires. Mais elles doivent être couplées à un véritable plan d’action pour permettre au fret ferroviaire de regagner des parts de marché.
C’est pourquoi le Gouvernement œuvre actuellement pour améliorer l’attractivité du fret ferroviaire en France.
Plusieurs actions ont déjà été menées. Je souhaite mentionner deux d’entre elles.
Premièrement, les entreprises ferroviaires ont mis en œuvre des politiques commerciales et de propositions d’offres correspondant enfin aux attentes des chargeurs.
Ainsi, en plus des offres « train massif » ou « train entier », qui sont naturellement les plus demandées, je tiens à souligner – un certain nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, y ont fait allusion – que l’offre « wagon isolé » est bien maintenue en France, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays européens.
Ce maintien répond à un besoin avéré des chargeurs. En effet, des secteurs d’activité structurants de l’économie française, utilisant fréquemment le mode ferroviaire, comme la sidérurgie, ont fait part de leur souhait de disposer, en France et en Europe, d’un service d’acheminement de wagons isolés performant et compétitif.
C’est pourquoi Fret SNCF n’a pas abandonné ce segment de marché et a procédé, à partir de 2010, vous le savez, à la mise en œuvre d’une offre appelée « multi-lots multi-clients », s’appuyant sur une nouvelle organisation des acheminements de wagons isolés.
Deuxièmement, une rénovation de haut niveau du cadre social a été engagée.
C’est tout le sens des négociations sociales qui se sont tenues au premier semestre de l’année 2016. Elles ont permis de poser un nouveau cadre social commun à l’ensemble du secteur ferroviaire, propice à créer les conditions d’une concurrence loyale entre les différents opérateurs.
Que faisons-nous, aujourd’hui, concrètement, pour le fret ferroviaire ?
Conscient de ses difficultés, mais aussi de ses atouts – ils ont été largement rappelés –, le Gouvernement mène actuellement, et parallèlement aux assises de la mobilité, une réflexion globale sur le fret ferroviaire, afin de le rendre plus compétitif et plus performant.
Cette réflexion s’appuiera notamment sur les conclusions de la mission confiée à Jean-Cyril Spinetta par Édouard Philippe, Premier ministre, sur le modèle économique du transport ferroviaire.
Pour relancer le fret ferroviaire, nous allons devoir relever plusieurs défis, dont, en premier lieu, celui de la disponibilité et de la qualité des sillons, qui restent deux conditions préalables à l’amélioration de sa fiabilité.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens aux objectifs que le Gouvernement s’est fixés.
Premier objectif : garantir une bonne irrigation des territoires, problème soulevé par un certain nombre d’entre vous, notamment par les membres du groupe dont émane cette proposition de résolution.
L’irrigation ferroviaire de tous les territoires, qui reste un facteur essentiel pour leur économie, s’appuie sur une démarche de pérennisation des lignes capillaires de fret.
Une approche locale, impliquant l’ensemble des contributeurs potentiels, régions, autres collectivités locales, chargeurs, État, a été privilégiée.
Sur la période 2015-2017, l’État s’est ainsi engagé, via une dotation de l’AFITF, sur un montant de 30 millions d’euros, soit 10 millions d’euros par an, ce qui a permis de traiter près de 800 kilomètres de lignes sur cette période.
Afin de poursuivre cette dynamique positive, l’État maintiendra, sur la période 2018-2020, le principe de sa contribution annuelle à hauteur de 10 millions d’euros par an, pour accompagner les collectivités locales et les acteurs économiques.
Parallèlement, et afin de favoriser un recours plus important au mode ferroviaire, l’État a engagé des démarches auprès de la Commission européenne afin notamment d’obtenir la possibilité de mettre en place des dispositifs d’aides publiques à la création, ou encore la remise en état et la modernisation des secondes parties d’installations terminales embranchées, connues sous le nom d’ITE.
Deuxième objectif du Gouvernement : améliorer la performance dans l’intermodalité.
Dans le cadre de la politique de report modal, le développement du transport combiné demeure une priorité absolue. Celui-ci constitue, dans la chaîne logistique globale, un segment important, en matière notamment d’attractivité des ports et des nœuds logistiques.
Une mission confiée au CGEDD, le Conseil général de l’environnement et du développement durable, a confirmé la nécessité de poursuivre le soutien au transport combiné au-delà de 2018. Un nouveau dispositif, plus performant, est en cours d’élaboration et sera bientôt notifié à la Commission européenne.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que le Gouvernement est également mobilisé en faveur du développement du ferroutage sur les grands axes de trafic, afin de diversifier les solutions de transports massifiés et les autoroutes ferroviaires.
Troisième objectif : développer la compétitivité de nos ports maritimes – un certain nombre d’entre vous y avez fait référence.
Cet objectif est bien entendu lié à celui d’une amélioration de l’intermodalité.
En ce qui concerne les grands ports maritimes, un des objectifs de la stratégie nationale portuaire est de renforcer la compétitivité et la durabilité des modes massifiés, en développant le report modal, notamment à partir des points d’entrée maritimes. Le Gouvernement promeut donc un certain nombre de mesures en faveur du développement du fret ferroviaire en vue de desservir les grands ports maritimes français.
Quatrième objectif : accompagner les innovations technologiques adaptées au transport de marchandises.
Parmi les principales mesures, l’État accompagne les acteurs du secteur du fret ferroviaire dans des actions de réduction des nuisances sonores liées au fret ferroviaire, s’inscrivant ainsi dans une politique européenne volontariste en la matière.
Par ailleurs, la mise en circulation de convois ferroviaires de fret plus longs et plus lourds a été identifiée depuis longtemps comme un facteur de progrès pour le fret ferroviaire. Cela permet en effet d’optimiser l’usage du réseau et des sillons disponibles et d’améliorer les recettes des opérateurs pour chaque train.
La France peut être considérée comme à l’avant-garde à l’échelon européen sur ce sujet. En effet, une partie des axes majeurs de fret sont d’ores et déjà adaptés à la circulation de trains de 850 mètres – je pense aux axes Paris-Marseille-Perpignan, Paris-Le Havre, Dourges-Paris ou encore frontière luxembourgeoise-Perpignan –, alors que le standard des 750 mètres constitue encore une cible au niveau européen.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous aurez pu le comprendre, améliorer la performance du fret ferroviaire est le défi que nous devons relever pour assurer son développement. Les entreprises ferroviaires et le gestionnaire d’infrastructures se mobilisent afin de permettre aux chargeurs d’orienter leurs choix vers ce mode de transport plus vertueux en matière environnementale. Le Gouvernement prend également toute sa part à cet effort en confirmant son soutien au fret ferroviaire et en agissant pour lui redonner toute sa place dans l’ensemble du transport de marchandises, qui est, je le rappelle, un maillon essentiel de l’attractivité de notre économie.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur la présente proposition de résolution, tout en remerciant ses auteurs de l’avoir déposée, ce qui lui a permis d’exposer devant vous les grands axes de sa stratégie en la matière pour les mois et les années à venir.
La discussion générale est close.
Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.
Le Sénat,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu les articles 1er à 6 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution,
Vu le chapitre VIII bis du règlement du Sénat,
Considérant que l’article 10 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement donne pour objectif au niveau national de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre dues aux transports d’ici à 2020 ;
Estime que le transport ferroviaire de marchandises correspond à une activité d’intérêt général ;
Considère urgent la définition d’un objectif le rééquilibrage modal, fondé sur une législation spécifique au secteur routier permettant d’internaliser les coûts externes notamment environnementaux. Il est souhaitable que la reconnaissance du juste prix du transport à l’échelle nationale et internationale soit également encouragée ;
Appelle par conséquent de ses vœux : la reprise de la dette de SNCF Réseau par l’État, l’instauration rapide d’une nouvelle taxe poids lourds dont les ressources doivent être fléchées pour les investissements sur le réseau ferré et fluvial ; la reprise d’une politique ferroviaire de marchandise ambitieuse ;
Fret SNCF doit redevenir un véritable organisateur logistique au service de l’intérêt général et non un simple opérateur ferroviaire enfermé dans une logique comptable. Elle doit bénéficier des moyens financiers, matériels et humains nécessaires à l’accomplissement de son rôle de service public au service de la Nation ;
Pour l’heure, l’aide financière apportée au mode ferroviaire pour l’accès au réseau doit être maintenue. La subvention au transport combiné dite « coup de pince » doit être réévaluée ;
Propose également un moratoire sur l’abandon partiel de l’activité wagon isolé qui doit être déclaré d’intérêt général ;
Propose la préservation des installations ferroviaires, notamment des triages, des gares Fret et des installations terminales embranchées (ITE). La création d’ITE doit par ailleurs être imposée dans toutes les nouvelles zones d’activités économiques qui se créent, dès lors que leur relation au réseau ferré national est possible ;
Propose de préserver du foncier pour les installations logistiques en zones denses et urbaines, organiser la desserte de proximité à partir d’acheminement amont par le mode ferroviaire ;
Développer le trafic ferroviaire à partir des ports maritimes en analysant et massifiant les flux de marchandises vers les hinterlands.
Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explication de vote.
Je mets aux voix la proposition de résolution.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 44 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures, sous la présidence de M. Philippe Dallier.