Intervention de Jérôme Bignon

Réunion du 13 décembre 2017 à 14h30
Développement du fret ferroviaire — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Jérôme BignonJérôme Bignon :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire, présentée par nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ils ont raison : il y a urgence à mettre sur la table ce sujet brûlant et à débattre de solutions durables pour préserver les opérateurs français de ce secteur.

Le Gouvernement avait d’ailleurs annoncé, dans le courant de l’automne, le lancement d’une réflexion globale sur l’avenir du fret ferroviaire en France.

Vous le savez, l’ouverture progressive du fret ferroviaire français à la concurrence, en 2003 puis en 2006, a fragilisé le secteur. Tant et si bien que la situation de Fret SNCF n’est plus viable économiquement, selon les propres termes de la Cour des comptes.

En dix ans, le nombre de wagons chargés par cet opérateur tricolore a été divisé par six, comme l’a souligné Mme Assassi : de 700 000 en 2005, à 150 000 en 2014.

Le marché est aujourd’hui éclaté entre dix-huit entreprises ferroviaires de marchandises, dont trois filiales de l’opérateur historique. Ses concurrents, en tête desquels Euro Cargo Rail, ou ECR, filiale française du groupe allemand Deutsche Bahn et principal challenger de Fret SNCF, souffrent du même défaut de rentabilité.

En 2016, ECR a engagé un plan de suppression de 300 emplois, soit le quart de ses postes en France, pour optimiser son activité de transport. La faute, selon les dirigeants du groupe, aux incertitudes rédhibitoires sur les créneaux horaires de circulation sur les voies que le groupe doit commander un an à l’avance à SNCF Réseau, sans pouvoir anticiper des aléas de dernière minute.

Une restructuration est également attendue chez Fret SNCF. La situation financière du groupe est telle que la dette s’emballe : elle est passée de 1, 8 milliard d’euros en 2008 à 4 milliards d’euros en 2014. Elle devrait même atteindre 5, 1 milliards en 2020.

Des efforts ont pourtant été entrepris depuis plusieurs années. Ils méritent d’être salués : rationalisation du matériel, réduction du nombre d’agents de moitié, etc.

La situation du groupe n’est donc pas totalement imputable à Fret SNCF. C’est l’État qui doit être pointé du doigt, et particulièrement – je regrette de devoir le dire – les gouvernements du précédent quinquennat, qui n’ont pas pris les mesures adéquates.

Avec 32, 2 milliards de tonnes-kilomètres, le fret ferroviaire ne représente que 9, 3 % du trafic de marchandises en France. Mi-novembre 2017, l’ARAFER, publié un bilan du transport ferroviaire en France plutôt sévère.

Permettez-moi de vous dire que les chiffres présentés sont effarants. Ils nourrissent les inquiétudes de nombreux experts. Sur les 29 000 kilomètres de lignes exploitées, 80 % des circulations se sont concentrées sur 8 000 kilomètres de ligne, et 31 % du réseau ferré ne verrait passer que 1 % de la circulation des trains.

Il y a donc un double problème : une mauvaise sollicitation du fret ferroviaire et une trop faible utilisation des lignes à disposition.

Le groupe Les Indépendants-République et Territoires s’inquiète assurément de l’état du fret ferroviaire en France. Il ne partage pas pour autant les solutions avancées par les auteurs de cette proposition de résolution, même si certaines d’entre elles sont pertinentes, concernant notamment la relation avec l’hinterland et nos grands ports littoraux. Si la reprise de la dette de Fret SNCF est une option à mettre sur la table, il faut que cette solution fasse partie d’une reprise plus large de l’ensemble de la dette de la SNCF. Le groupe ferroviaire devra en conséquence accepter une restructuration en profondeur, avec une réforme de ses statuts et du régime de ses agents. Je crois que c’est l’esprit des propos que le Président de la République avait tenus en septembre dernier.

Quant au développement des interconnexions entre ports et réseaux ferrés et de l’intermodalité, il nous paraît une priorité. Mais il faut que cette révolution des transports passe par un transfert des aides fiscales et des crédits du transport routier vers les transports massifiés. L’État ne peut s’endetter davantage, nous l’avons vu au cours de la discussion budgétaire qui s’achèvera bientôt ; il faut donc déplacer les engagements financiers vers les secteurs d’avenir, en faisant le geste courageux de soutenir les transports du futur.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe ne peut malheureusement que voter contre cette proposition de résolution. Si nous partageons l’inquiétude de nos collègues, nous pensons que les mesures à prendre sont tout autres et appellent d’abord une refonte totale de l’organisation des acteurs du secteur.

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