Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire est pour nous l’occasion de rappeler notre attachement au système ferroviaire dans notre pays.
Aujourd’hui, le transport ferroviaire, qui engendre peu de nuisances environnementales et consomme peu d’énergie, est incontestablement pénalisé face au transport aérien et au transport routier. Il en va logiquement de même pour le fret ferroviaire par rapport au transport routier de marchandises, qui échappe souvent à la fiscalité française, notamment sur les carburants.
Notre groupe a toujours défendu l’activité du fret ferroviaire. C’est une activité pertinente sur la longue distance pour des produits dangereux, massifiés ou lourds à transporter de manière régulière. Sa capacité d’emport reste un atout majeur.
Lors de l’examen en juin 2009 du projet de loi dit Grenelle 2, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire du Sénat avait décidé la création d’un groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire, compte tenu de nos interrogations et du vif intérêt que nous portions aux problématiques relatives à ce mode de transport.
Le sénateur Francis Grignon, président de ce groupe de travail, avait présenté ses conclusions en octobre 2010, dans un rapport d’information intitulé Avenir du fret ferroviaire : comment sortir de l ’ impasse ? Il observait déjà que cette activité connaissait une crise récurrente en France. Finalement, madame Assassi, si nous partageons le même constat, nous n’aboutissons pas aux mêmes conclusions.
Votre proposition de résolution occulte le fait que le déclin du fret ferroviaire préexistait à l’ouverture à la concurrence en 2006. Il est donc réducteur de lier la baisse du fret uniquement à l’ouverture à la concurrence. En fait, nous le savons tous, mes chers collègues, le fret va mal depuis longtemps en France.
Le rapport de Francis Grignon rappelait que, en 1950, les deux tiers des marchandises transportées en France passaient par le rail. Entre 2008 et 2014, la part du transport ferroviaire dans le transport terrestre de marchandises a reculé, de 10, 2 % à 9, 5 %. Le total des marchandises transportées est passé de 40, 4 milliards de tonnes-kilomètres en 2008 à 32, 2 milliards de tonnes-kilomètres en 2014, soit une baisse de 21 %. Plus de 87 % des marchandises sont transportées actuellement en France par les camions. Le transport routier a donc fait un bond énorme depuis l’an 2000.
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. Elle est due tout d’abord à la désindustrialisation de la France : moins de produits fabriqués sur le territoire, c’est moins de produits transportés.
Ensuite, on observe une moindre attractivité des ports français par rapport à leurs voisins européens : moins de marchandises arrivant par la mer, c’est moins de marchandises transférées sur les trains à partir des ports. À cet égard, on peut d’ailleurs souligner l’importance de l’intermodalité ferroviaire/fluviale. Mais c’est le chien qui se mord la queue : les marchandises n’arrivent-elles plus dans nos ports parce qu’il n’y a pas d’intermodalité, ou bien l’inverse ?
En outre, le réseau ferroviaire est mal entretenu et insuffisamment équipé.
Par ailleurs, la concurrence de la route est indéniable. Les entreprises jugent les camions plus fiables, moins coûteux et plus souples sur les distances courtes et moyennes. De plus, les délais sont en général respectés par les poids lourds, malgré les aléas de la route.
Enfin, nous ne pouvons ignorer les incohérences de la politique de l’État au cours de ces dernières années. S’il affirme d’un côté son soutien au fret ferroviaire, il a dans le même temps pris plusieurs décisions qui le pénalisent fortement, comme l’abandon de l’écotaxe. De plus, les négociations sur le cadre social commun prévues par la loi de réforme ferroviaire d’août 2014 ont alourdi les contraintes des opérateurs privés, ce qui a encore augmenté leurs coûts. La situation est encore pire pour Fret SNCF, dont le régime de travail a été rigidifié.
La proposition de résolution fait totalement abstraction de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de marchandises depuis mars 2006. Ce n’est plus un service public ! Vous proposez une vision étatisée et archaïque du fret ferroviaire, alors qu’il convient au contraire de définir une stratégie tournée vers les entreprises.
Nous devons impérativement passer d’une logique de l’offre à une logique de la demande en matière de fret ferroviaire. Le développement d’infrastructures ferroviaires et de services doit répondre aux besoins des chargeurs et des clients.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre cette proposition de résolution.