Intervention de Jean-François Longeot

Réunion du 13 décembre 2017 à 14h30
Développement du fret ferroviaire — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Jean-François LongeotJean-François Longeot :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au nom d’Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je remercie le groupe communiste républicain citoyen et écologiste d’avoir déposé cette proposition de résolution sur le développement du fret ferroviaire.

Il s’agit en effet d’un enjeu important, en particulier en matière de développement durable. Dans ce contexte, le développement du fret ferroviaire est évidemment primordial. Nous le savons tous depuis des années, mais les résultats ne sont pourtant pas au rendez-vous.

Entre 2011 et 2016, le volume transporté par voie ferroviaire a diminué de 1 % par an en moyenne. Sa part modale est restée proche de 10 %. Certes, les difficultés et les évolutions de notre économie expliquent en partie ce recul. Mais l’État n’a pas eu d’approche globale du secteur du transport de marchandises, et n’a donc pas été en mesure de défendre effectivement le fret ferroviaire face à la concurrence de la route.

Les gouvernements successifs ont toujours affiché un engagement fort en faveur du fret ferroviaire. Mais, comme l’a montré la Cour des comptes dans son référé du 3 juillet 2017 envoyé aux ministres Nicolas Hulot et Élisabeth Borne, ils ont pris, dans le même temps, plusieurs décisions qui lui ont ôté toute chance de survie.

Je parle bien entendu de l’abandon de l’écotaxe et de l’instauration d’un cadre social très favorable aux salariés de la branche ferroviaire à la suite de la loi portant réforme ferroviaire de 2014, qui m’avait fait vivement réagir. Ces deux mesures ont accentué l’écart entre les coûts des transports ferroviaire et routier. Je ne m’attarderai pas sur ce point.

Je regrette néanmoins que le fret ferroviaire ait été peu abordé dans le cadre des Assises de la mobilité. Je comprends qu’il ait été jugé nécessaire de concentrer les débats sur certains sujets, mais on ne peut dissocier l’avenir du fret ferroviaire des choix qui seront faits dans le domaine du transport routier, tant la concurrence est forte entre ces deux modes.

Les entreprises de fret sont aujourd’hui confrontées à plusieurs difficultés. Tout d’abord, elles doivent disposer de sillons de qualité qui ne soient pas remis en cause au dernier moment.

Ensuite, un enjeu important réside dans l’augmentation des péages ferroviaires, telle qu’elle figure dans le contrat de performance signé entre l’État et SNCF Réseau.

Enfin, le maintien des lignes capillaires est indispensable, dans certains territoires, pour faire vivre concrètement le fret ferroviaire.

Nous faisons tous, me semble-t-il, le même constat. Je ne peux que partager certaines dispositions de la proposition de résolution présentée par nos collègues du groupe communiste.

Par exemple, il me paraît effectivement urgent de fixer comme objectif le rééquilibrage entre les modes de transport, et de faire en sorte que le transport routier de marchandises assume ses externalités négatives en matière de pollution ou d’utilisation des infrastructures. Telle était, je le rappelle, la logique de l’écotaxe.

Une telle démarche d’internalisation des coûts externes est par ailleurs vivement encouragée par la Commission européenne, qui cherche même à l’accentuer dans le cadre du paquet routier qu’elle a présenté le 31 mai 2017. Nous avons pu le constater en nous rendant voilà quelques jours à Bruxelles avec une délégation de la commission.

De la même façon, il ne me semble pas raisonnable de supprimer les aides financières apportées au mode ferroviaire sans analyse approfondie de la viabilité du secteur sans ces aides.

Enfin, il me semble pertinent de préserver ou de prévoir l’installation des infrastructures permettant de faciliter le fret ferroviaire ou le transport combiné, ou encore de développer le trafic à partir des ports maritimes en massifiant les flux de marchandises vers les hinterlands. Lors de la table ronde que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a organisée au sujet du canal Seine-Nord Europe, des propositions concrètes ont d’ailleurs été faites à ce sujet. Il faut effectivement revoir notre approche dans ces domaines.

Mais, si nous sommes d’accord sur le constat et les objectifs, il me semble difficile de gommer nos divergences d’appréciation sur les solutions à proposer.

Mes chers collègues du groupe CRCE, vous souhaitez déclarer que le fret ferroviaire est une activité d’intérêt général, et revenir sur le principe de l’ouverture à la concurrence.

Or la libéralisation a permis de faire baisser les coûts du fret ferroviaire et de le rendre plus compétitif face à la route. On le voit très bien lorsqu’on compare, comme l’a fait la Cour des comptes, Fret SNCF, qui appartient à SNCF Mobilités, et VFLI, Voies ferrées locales et industrielles, qui est une filiale de droit privé de SNCF Mobilités. Les écarts de compétitivité sont sidérants !

Je me limiterai à un seul chiffre donné par la Cour des comptes : le surcoût lié à l’organisation du temps de travail pour Fret SNCF par rapport à un opérateur privé est de 20 %, voire de 30 % si l’on tient compte du niveau plus élevé de l’absentéisme dans l’entreprise publique ! Face à ces chiffres, je ne vois pas comment on peut souhaiter revenir sur l’ouverture à la concurrence. Je rappelle que le premier concurrent des entreprises de fret ferroviaire, c’est la route !

Vous souhaitez aussi un moratoire sur l’abandon de l’activité de wagon isolé. Or la Cour des comptes indique, dans son référé, que cette activité subit des pertes importantes, en raison de ses coûts et d’une qualité de service très insuffisante.

C’est pour ces raisons qu’elle a été réorganisée en une offre « multi-lots multi-clients ». Pourquoi s’opposer à cette évolution, si elle satisfait davantage les chargeurs et permet bel et bien de préserver une part du trafic de fret ferroviaire ?

J’évoque enfin la question de la dette de SNCF Réseau. Je suis l’un des premiers à avoir vivement réagi au rapport prévu par la loi de 2014 et remis par le gouvernement en septembre 2016, qui ne proposait en fait qu’une seule solution concrète, et renvoyait ce sujet au quinquennat suivant, alors même que le gouvernement s’était engagé à rechercher des solutions, après avoir imposé au groupe public ferroviaire un accord social très défavorable aux intérêts de l’entreprise.

Pour autant, il ne me semble pas du tout raisonnable de demander, comme le font les auteurs de cette proposition de résolution, la reprise pure et simple de la dette de SNCF Réseau par l’État. Si l’on procédait ainsi, sans s’assurer d’une évolution de la productivité du gestionnaire du réseau, on s’exposerait au risque d’être confronté de nouveau à la même situation, dans quelques années.

L’ensemble de ces remarques me conduira, ainsi que mon groupe, à voter contre cette proposition de résolution, même si nous partageons totalement l’objectif poursuivi de développement du fret ferroviaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion