Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 13 décembre 2017 à 14h30
Développement du fret ferroviaire — Rejet d'une proposition de résolution

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’a exposé ma collègue Angèle Préville, le fret ferroviaire traverse une passe difficile. Le référé de la Cour des comptes en date du 14 septembre dernier est acerbe et criant de vérité sur la responsabilité de l’État dans le déclin du fret ferroviaire.

Ledit État étant capable de relever de 38 à 44 tonnes le poids total autorisé des camions en France, puis de financer des plans de relance autoroutiers très favorables aux concessionnaires, certains commentateurs n’ont pas hésité à puiser dans L ’ étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde pour qualifier son attitude ambiguë, voire schizophrénique.

Au début des années 2000, la part modale du ferroviaire, en France, se situait encore au-dessus de la moyenne européenne. Mais, en quinze ans, nous avons perdu un tiers du trafic, et nous faisons désormais figure de mauvais élève dans le domaine du fret ferroviaire.

Les derniers chiffres du service de la donnée et des études statistiques du ministère de la transition écologique et solidaire montrent que la part du fret ferroviaire dans le transport terrestre de marchandises a encore reculé en 2016. Aujourd’hui, le trafic routier représente 88 % du fret.

La concurrence accrue du mode routier, avantagé par les infrastructures de réseau, explique en grande partie cette évolution. Elle est aggravée par l’afflux de poids lourds étrangers, encouragé par le cabotage mis en place par le « paquet routier » à partir de 2009.

En outre, un rapport de la Cour des comptes européenne portant sur le transport ferroviaire de marchandises dans l’Union européenne pointe les deux écueils majeurs auxquels la France est confrontée : « La performance [y] a été affectée par l’absence de redevance poids lourds ainsi que par la mauvaise qualité des sillons disponibles pour le transport ferroviaire de marchandises. »

Comment ne pas mettre ces défaillances en miroir des engagements environnementaux que nous avons pris en signant les accords décisifs de la COP21, et réaffirmés hier à l’occasion du sommet de Paris pour le climat ?

Nous le savons, le transport, et au premier chef le transport routier, est le plus grand contributeur aux émissions de gaz à effet de serre. Selon les derniers chiffres fournis par le Commissariat général au développement durable, il est responsable de 29, 6 %, soit un tiers, de nos émissions de gaz à effet de serre !

Le fret ferroviaire représente donc une solution à portée de main pour contrer la pollution atmosphérique provoquée par le trafic routier.

À titre d’exemple, un train de fret de 850 mètres représente l’équivalent de 48 camions et émet près de quatre fois moins de dioxyde de carbone. Cette simple démonstration suffit à plaider fermement pour une internalisation des externalités négatives de la route, que l’on connaît trop bien : dumping social et économique, embouteillages, incidences sur la santé publique, nuisances sonores, dégradation des chaussées, routes à fort trafic.

Quel chemin avons-nous parcouru depuis la discussion au Sénat d’une proposition de résolution quasi identique, débattue, sur ces mêmes travées, en octobre 2010 ? Nous en sommes toujours à nous demander s’il ne faudrait pas ressusciter la taxe sur les poids lourds.

Mais, cette fois, la Commission européenne apportera peut-être la solution, grâce à la révision de la directive « Eurovignette ». Elle prévoit en effet de réviser le système de taxation des poids lourds au profit d’un dispositif prenant pleinement en considération le défi climatique, pour un développement durable de la mobilité et des transports européens. Il s’agit de mettre en place de nouveaux outils conformes au principe « pollueur-payeur », auquel la France est attachée et qui permettra, à terme, de favoriser le rééquilibrage modal.

La mission menée, à la hâte, par Jean-Cyril Spinetta devra également apporter des perspectives d’avenir pour redynamiser le transport ferroviaire de marchandises.

Nos anciens collègues députés Gilles Savary et Bertrand Pancher avaient, dès octobre 2016, dans un rapport d’information, tracé les pistes d’améliorations susceptibles de faciliter le transfert modal de la route vers le rail. Les auteurs de ce rapport invitaient l’exécutif « à ne pas baisser les bras, et à cibler une politique publique de relance du fret ferroviaire sur les points où elle est défaillante ».

La présente proposition de résolution s’inscrit dans la continuité de ce rapport. C’est pourquoi, dans le contexte écologique que nous connaissons, le groupe socialiste votera pour cette résolution.

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