Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons unanimement saluer la louable intention de développer le fret ferroviaire. Une intention peut inspirer une résolution. Mais une résolution n’a pas forcément valeur d’amorce.
Le constat, nous l’avons fait ; très récemment encore, notre collègue Éric Bocquet soulignait à juste titre, dans le cadre d’une question écrite au Gouvernement, que la part du ferroviaire s’élevait à près de 30 % dans le transport de marchandises en 1985, pour à peine plus de 10 % aujourd’hui. Madame Assassi, vous relevez fort justement la régression du réseau ferré national, qui est passé de 34 000 à 29 000 kilomètres.
Il suffit de sillonner la France par le train, lorsque celui-ci est à l’heure ou fonctionne, pour contempler le triste spectacle des embranchements particuliers, les EP, laissés à l’abandon : de désolantes friches ferroviaires sur toutes les lignes, notamment sur les grandes artères qui firent les belles heures de l’Étoile du Nord, du Mistral ou de l’Oiseau Bleu.
Mais on ne peut pas vivre de nostalgie, fût-elle ferroviaire, et le rail constitue plus que jamais une alternative intéressante au « tout-routier ».
Oui, mon cher collègue Éric Bocquet, le fret ferroviaire est un enjeu d’avenir, et pas seulement pour des raisons environnementales. C’est aussi une question de bon sens, de compétitivité, de multimodalité, donc d’aménagement du territoire. Si l’on met des conteneurs sur les rails, ce n’est pas seulement pour rentrer dans les clous de la COP21, mais aussi pour proposer des solutions innovantes, utiles, rapides et performantes aux acteurs économiques. Comme vous, je regrette le manque de moyens dédiés à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.
Le fret est d’ailleurs un enjeu d’aménagement notamment pour ma région, les Pays de la Loire, région maritime, ouverte sur l’Atlantique, dont l’économie portuaire aurait tout à gagner d’une excellente distribution ferroviaire vers l’hinterland. La région vient d’engager une nouvelle démarche pour demander à l’État français le raccordement de Nantes-Tours au corridor Atlantique, parce que le projet de voie ferrée Centre Europe Atlantique est stratégique.
Nous aurions pu nous inspirer de la route ferroviaire aménagée aux Pays-Bas en 2007 : la ligne de la Betuwe, longue de 160 kilomètres, dédiée au transport de marchandises, relie le port de Rotterdam à son hinterland allemand, pour un coût de 5 milliards d’euros. Ce sillon néerlandais ouvert à plusieurs opérateurs est particulièrement actif.
On peut signaler aussi l’ouverture aux marchandises d’un axe Chine-France, nouvelle route de la soie, récemment testée au profit d’une enseigne connue d’articles de sport. Il s’agit d’une alternative au bateau, deux fois plus rapide. Nous verrons ce qu’il en adviendra dans les prochains mois.
Notre territoire maritime, le deuxième au monde, offre des perspectives immenses pour connecter nos ports, qui perdent pourtant régulièrement des parts de marché.
Lors des assises de l’économie de la mer, le Premier ministre a affirmé : « Je ne choquerai personne si je dis que la France n’a pas un trafic portuaire à la hauteur de sa façade maritime, de son marché intérieur et de sa place en Europe. Et je n’étonnerai personne si je dis que si l’on ne fait rien, cela ne va pas s’arranger. » Il ajoutait : « Je l’ai dit, les ports ont besoin de la mer. Ils ont aussi besoin de la terre, plus précisément du rail et des fleuves. »
Connecter ambitieusement les grands ports maritimes au centre de gravité européen aurait pu relancer le fret ferroviaire en même temps que l’activité des principaux ports français. Mais, pour cela, il eût fallu une vision à long terme, et un coup d’avance dans l’aménagement du territoire. Les majorités se succèdent et détricotent les politiques antérieures ou les laissent mourir dans l’oubli.
Pour autant, je ne pense pas utile ni constructif d’opposer les enjeux de rentabilité aux aspects sociaux ou environnementaux. Il s’agit de trouver des solutions pérennes qui profiteront à l’emploi, à l’économie, et donc à tous les bassins de vie concernés.
La loi portant réforme ferroviaire adoptée en 2014 n’a pas permis, hélas, d’atteindre les objectifs assignés et de clarifier les projets de développement pourtant nécessaires à la relance de l’activité de fret. Elle a même alourdi les contraintes des opérateurs privés.
L’examen du projet de loi de finances pour 2018 n’a pu, semble-t-il, à ce stade, éclaircir la situation : on constate le report dans le futur des difficultés budgétaires de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. On parle d’échelonner certains paiements ou de retarder la mise en œuvre de projets.
Comme l’a dit notre excellent collègue Gérard Cornu dans le cadre de l’examen du rapport pour avis sur les crédits consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux, il faut redéfinir les priorités avec le Parlement et les inscrire dans une loi de programmation, avec une garantie de financement.
Ce ne sont pas les crédits consacrés aux transports combinés qui vont amorcer une vraie relance du fret ferroviaire.
Il faut prendre en compte des paramètres précis, exposés en commission, sur la réalité des pertes de marchés de Fret SNCF, malgré une recapitalisation de 1, 4 milliard d’euros en 2005. Des gains de productivité sont à rechercher.
Mes chers collègues du groupe CRCE, votre proposition de résolution occulte le fait que le déclin du fret ferroviaire était amorcé avant l’ouverture à la concurrence de 2006. Ce déclin est aussi la conséquence du déclin industriel de la France.
Je souhaite que la loi sur les mobilités annoncée par le Gouvernement permette d’engager une relance de l’infrastructure au bénéfice du fret ferroviaire, par l’adoption d’une stratégie tournée vers les entreprises.
Nous voterons contre cette proposition de résolution aux contours trop flous.