Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la situation du fret ferroviaire illustre parfaitement les contradictions qui affectent parfois les politiques publiques.
L’objectif fixé lors du Grenelle de l’environnement, en 2009, était de porter, d’ici à 2022, la part du transport alternatif à la route de 14 à 25 % ; en 2015, on était descendu à 10 % !
Plusieurs exemples, tels que ceux de la Suisse et de l’Autriche, démontrent à eux seuls que le déclin du fret ferroviaire n’est pas une fatalité, mais qu’au contraire, une politique publique volontariste permet d’obtenir des résultats satisfaisants.
Si la Suisse, pays montagneux et sans industrie lourde, maintient, depuis 2000, la part modale du fret ferroviaire à un niveau supérieur à 40 %, c’est parce qu’elle a su prendre les mesures réglementaires qui s’imposaient : mise en place d’une redevance poids lourds, subventions au transport combiné, restrictions à la circulation des poids lourds, avec interdiction de circuler la nuit et le week-end, restrictions relatives à la dimension et au poids maximaux autorisés des camions, tout ceci s’ajoutant à des investissements dans le réseau ferroviaire.
Une dynamique comparable a été constatée en Autriche, où ont été prises des mesures similaires.
Quid de la France ?
Si l’État affiche depuis des années sa volonté de développer le fret ferroviaire, il multiplie cependant les mesures qui pénalisent le secteur.
À de multiples reprises, notre ancienne collègue Marie-France Beaufils, maire de Saint-Pierre-des-Corps, l’un des tout premiers centres de triage français, a tenté d’alerter les gouvernements successifs sur l’incompréhensible déclin du fret ferroviaire.
À chaque fois, il lui a été répondu que le développement ferroviaire était une priorité gouvernementale !
Quelles ont été les mesures prises pour redynamiser le secteur ?
L’abandon de l’écotaxe ! L’absence d’indicateur de productivité imposé à Fret SNCF ! L’augmentation de 40 à 44 tonnes du tonnage autorisé des camions de plus de quatre essieux, via le décret du 4 décembre 2012 !
Cette augmentation du tonnage autorisé a-t-elle apporté de l’emploi en France ? A-t-elle amélioré les conditions de circulation ou de travail des routiers ? A-t-elle permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre ?
Évidemment non !
Elle a surtout justifié un surcoût d’entretien de la voirie d’environ 500 millions d’euros, comme nous l’apprend le Conseil général de l’environnement et du développement durable !
Le 30 août dernier, le ministre Nicolas Hulot a affirmé : « Si l’on veut tenir nos engagements climatiques, il faudra s’attaquer au transfert du transport routier au ferroviaire. »
Or, si le budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France augmente de près de 10 % pour 2018, la part de ce budget dédiée au fret accuse une baisse de 5 millions d’euros par rapport à 2017.
Où est la cohérence ?
Il devient indispensable et urgent d’améliorer le cadre stratégique et réglementaire du transport ferroviaire de marchandises.
Il faut donner les moyens au transport ferroviaire de concurrencer le transport routier. C’était d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, la conclusion du référé remis par la Cour des comptes en juillet dernier.
Les effets externes différenciés produits par ces modes de transport en termes d’incidence sur l’environnement, de congestion de la circulation ou d’accidents, doivent être pris en compte de manière globale dans la détermination du prix à payer par les utilisateurs pour accéder à l’infrastructure.
L’État doit adopter une vision plus stratégique pour que le fret devienne un levier de développement économique et de création d’emplois, s’inscrivant en outre parfaitement dans la transition énergétique.
Il faut retrouver une vraie offre commerciale de fret ferroviaire actant le retour du wagon isolé, mais aussi entretenir et moderniser le réseau.
Le développement des LGV, les lignes à grande vitesse, devait permettre au fret d’investir les anciennes lignes ; pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ?
Il est également important de réfléchir à un maillage territorial cohérent : désengorger l’Île-de-France et le site de triage du Bourget, mais aussi donner des débouchés ferroviaires aux ports de l’Atlantique, en particulier Nantes – ses responsables le demandent instamment.